Communisation, troisième courant, octobre 2006
12 THÈSES POUR DÉPASSER LES SAINTHÈSES, PROTHÈSES ET FOUTHÈSES ... À COMMENCER PAR LES MIENNES


 





 

(Version 5 octobre 2006)

Dans ce qu'il nomme « théorie post-prolétarienne », Christian Charrier distingue un « courant universaliste » et un « courant actualiste » (La Matérielle vol I). A partir des thèses de Théorie communiste, la revue Meeting se fonde en 2003 sur l'existence d'un « courant communisateur ». Renvoyant dos à dos la « révolution à titre strictement prolétarien » de ce groupe, et « la révolution à titre humain » de Temps critiques, le texte ci-dessous ébauche les éléments d'une approche théorique différente. Par sa conception dialectique, il n'entre pas dans les classifications précédentes et s'il s'appuie sur leurs travaux, il n'en est pas un syncrétisme. Il définit, pour théoriser la communisation, un troisième courant...
« La révolution communiste est une révolution totale. Révolution biologique, sexuelle, sociale, économique ne sont que des déterminations particulières ; en privilégier une c'est mutiler la révolution, qui ne peut être qu'en étant tout. » Jacque CAMATTE, mai 1973
« Il ne suffit pas d'avoir raison pour avoir raison », ARAGON, La mise à mort, 1965
1. Le capitalisme a produit depuis trente ans sa restructuration. Elle touche tous les rapports sociaux et démultiplie les contradictions constituant, dans leur articulation et leur unité, l'implication réciproque réelle *. Cette implication réciproque se laissait définir, dans la période antérieure, au sein du rapport antagoniste de classes, dont les luttes correspondent alors au programmatisme du mouvement ouvrier.
* en référence à subordination réelle, le label d'implication réciproque réelle contient sa problématique et son ambiguité, sa provocation à la penser, puisque la réciprocité ne s'y pose pas terme à terme de façon binaire comme dans une contradiction dialectique classique. En quoi se maintient une implication réciproque, et comment ? C'est la question du capital contemporain, à laquelle le schéma théorique que je propose tente d'esquisser une réponse.
Dans la présente phase, un paradoxe de la subordination réelle est qu'elle absorbe toutes ces contradictions au sein du capitalisme comme société, mais fait exploser l'autonomie relative de chacune en la posant comme spécificité dans et face au capital : rapports de classes, rapports au travail, rapports à la nature, rapports à l'Etat (la politique), rapports entre individus (à l'autre identité, autre sexe, autre origine, etc.), rapport à soi (je est un autre).
Si cette restructuration peut être considérée comme achevée (thèse de Théorie communiste), c'est en tant qu'elle est la nouvelle dynamique qu'impose la contrainte à la reproduction du capital et du prolétariat (productif), à la valorisation de la valeur, c'est-à-dire la continuité du capitalisme comme mode de production fondé sur l'exploitation de la force de travail.
2. La critique marxienne du capitalisme se présente essentiellement, avec Le Capital , comme une critique de l'économie politique . Cette critique apparaît aujourd'hui, dans cette phase de la subordination réelle de la société au capital, comme toujours essentielle mais aussi trop partielle pour rendre compte de l'implication réciproque réelle dans toutes ses dimensions, notamment dans le rapport à la nature, question qui fait de la sortie du capitalisme une urgence vitale pour l'humanité et son milieu naturel, et conditionne la possibilité même du communisme. La théorie de la communisation doit intégrer cette problématique de façon conséquente et audacieuse.
Les éléments avancés par
Bruno ASTARIAN (représentant du « courant universaliste » selon Charrier) sont incontournables pour une théorisation conséquente de la négation du capital à la positivité du communisme (voir Le communisme, tentative de définition, 1996). Toutefois, pris dans une systématisation dialectique binaire, ils ne parviennent pas à s'élaborer de façon convaincante comme dépassement produit de contradictions à l'oeuvre dans le capitalisme contemporain, justifiant certaines remarques de Théorie communiste (TC13, 1994). Un seul texte de Meeting aborde cette question, mais sans la théoriser, Prolétaires, encore un effort pour être communisateurs...
3. L'implication réciproque (simple ou directe) entre classes demeure essentielle, mais toutes les contradictions en cours dans le capitalisme contemporain ne se laissent pas rapporter de façon directe ou dialectiquement simple à la reproduction du capital dans les moments du cycle de valorisation de la valeur. Réciproquement, la contradiction entre classes ne se construit pas uniquement dans l'exploitation du travail et dans le cycle de la valorisation, mais aussi à travers un ensemble de médiations sociales. La construction théorique abstraite de ces liens, en totalité systémique, est aléatoire, risquée, et surtout vaine, car elle est irréalisable hors des praxis propres à chacune de ces contradictions, et de la praxis globale du système capitaliste qui les enserre et les subordonne à l'unité de l'implication réciproque réelle (Marx, 11ème Thèse sur feuerbach : on ne peut interpréter que ce qu'on transforme).
Corollaire : l'affirmation de l'Invite de Meeting « la certitude que la lutte de classes entre le prolétariat et la classe capitaliste est partout dans le monde l'unique dynamique de cette destruction [du capitalisme et indissociablement de toutes les classes] » est - juste mais comme tautologie, car si l'histoire du capital est celle de la lutte de classes, il est équivalent d'affirmer que celle-ci est seule à même de le détruire, - juste comme condition nécessaire de la destruction du capital et des classes, - fausse comme condition suffisante de la production du communisme, qui ne se contentera pas du dépassement de cette contradiction, ou plutôt dont le seul dépassement ne suffira pas à produire les autres, du fait de liens non immédiats au sein de l'implication réciproque réelle. Cela peut paraître une pirouette rhétorique, ce sera incontournable en pratique.
4. La subordination réelle détermine tous les rapports sociaux mais pas de façon absolue, sans quoi le capitalisme ne produirait aucune contradiction, et la lutte révolutionnaire serait impossible (c'est Camatte et Invariance à partir de 1975), que ce soit à titre strictement prolétarien (Théorie communiste) ou à titre humain (Temps critiques).
L'articulation des luttes qui produisent ces contradictions multiples, pour être réellement anti-capitaliste, ne peut se définir comme somme ou convergence d'intérêts en tant qu'exploités, dominés, aliénés, opprimés, supprimés... Si elle est conditionnée par la contradiction essentielle au coeur du mode de production, l'exploitation du travail vivant, il faut néanmoins considérer qu'il existe une possibilité d'attaquer la subordination réelle en plusieurs points, sur plusieurs lignes (Deleuze), là où elle s'exerce. Ces attaques, il est utile de pouvoir les théoriser autrement qu'en tant que réformistes ou démocratiques, mais comme ouvrant des contradictions antagoniques susceptibles de produire leur dépassement anticapitaliste.
Remarque adjacente : le « démocratisme radical » est une des formes d'activités sociales-politiques et idéologiques qui se ramène à une utopie du capital, un réformisme impossible. Il est toutefois difficile de considérer qu'il peut caractériser la période actuelle dans la durée au point de pouvoir désigner un « cycle de luttes ». Si ce n'est les formes politiques, les "fausses solutions" de l'alternative radicale, qui se construisent en idéologie réformiste (ou faussement rupturiste), par leur prise en charge organisée (le faisceau des syndicats, partis, associations animant le "démocratisme radical") ou par leur auto-organisation, il importe de prendre en compte, avant leur représentation politique, les aspirations à détruire des formes capitalistes ou à concevoir leur dépassement, même si elles ne peuvent que se heurter à des limites spécifiques ou globales. Certes, elles ne peuvent déboucher aujourd'hui que sur un activisme immédiatiste et partiel, dans la séparation des conditions de la production d'un dépassement global. En résumé, il faut pouvoir discerner en quoi elles sont ou non, en elle-mêmes, réformistes, ou porteuses d'une dynamique de dépassement. Si on les isole théoriquement, on ne peut que les saisir comme ne remettant pas en cause "le système". Un exemple : la destruction de l'Etat, et plus généralement de l'administration et de la gestion, ne peut se théoriser directement en relation avec leurs fonctions capitalistes, mais dans la perspective de leur destruction en tant que tels et pour la création de rapports nouveaux d'organisation collective, qui autorisent un fonctionnement suffisamment efficient (satisfaisant pour ses acteurs) pour aller plus loin, condition d'un non-retour à ces formes mêmes (l'Etat, l'administration, la gestion...).
5. Dans le capitalisme contemporain, l'Etat et le capital sont en adéquation dans la dimension de l'économie politique et de l'idéologie. Leurs activités sont peu discernables car non séparées, constituant une unité, un fonctionnement globalisé. L'Etat assure une fonction régulatrice, administratrice et gestionnaire de la société du capital, en étant plus ou moins capital lui-même selon les pays (répartition variable public/privé). Cette fonction est diffuse dans les rapports sociaux aux niveaux économiques, politiques, socio-psychologiques, et idéologiques. Les fonctions étatiques et économiques se recoupent et s'interpénètrent plus qu'elles ne se partagent de façon séparées (on le voit particulièrement bien dans la gestion publique et la structuration étatiste du capitalisme chinois >
La condition chinoise, La mise au travail capitaliste à l'âge des réformes (1978-2004), Jean-Louis ROCCA). Il faut considérer la fonction étatique non dans sa stricte définition institutionnelle ou administrative, mais la diffusion de ses fonctions dans la société civile, intégrant toutes les institutions, y compris les syndicats, les partis politiques et les associations socio-politiques (extrême diversité des formes selon les pays, y compris fonction étatique des mafias). On peut y ajouter les fonctions médiatiques et culturelles, et plus généralement ce que Foucault appelait le bio-politique.
6. La communisation est la seule perspective communiste, mais pas la seule hypothèse historique. D'autres sont à envisager : post-capitalisme et nouvelle société de classes, chaos barbare, destruction de l'écho-système... La communisation demeure donc le choix d'une hypothèse, et vue la teneur actuelle des luttes sociales, il relève aujourd'hui du pari et de l'engagement d'une éthique communiste davantage que de certitudes scientifiques. Le communisme sera bien produit lui-même par des rapports de forces matériels et sous diverses contraintes (l'obligation de changer les fondements de la société), mais tant que la quantité ne porte pas cette qualité, il n'est que projection d'une éthique, justement parce qu'il n'est pas inéluctable. Cela ne signifie pas de la part de ceux qui s'y engagent qu'ils le font par humanisme, mais qu'ils font un choix sans que les garanties de réalisation ne soient jamais acquises.
7. La révolution communiste sera produite comme dépassement. De quoi ? Des contradictions nouées dans l'implication réciproque réelle. C'est pourquoi ce dépassement ne sera produit ni strictement par des prolétaires en tant que tels (Théorie communiste), ni à titre humain en excluant cette qualité (Temps critiques). Le prolétariat ne peut que strictement abolir ce qu'il est et le capital, mais ne peut pas en tant que tel produire le communisme. Sans la dimension prolétarienne, essentielle, l'abolition du capital est un non-sens. Le dépassement produit selon Théorie communiste n'est strictement qu'un anticapitalisme conséquent mais il débouche (théoriquement) sur le vide, car le communisme n'est pas l'envers, l'autre du capitalisme. Théorie communiste, sur le plan théorique, ne produit pas le communisme, mais une révolution anticapitaliste. Les individus de Temps critiques, dans leur tension à la communauté humaine déjà présente n'auront pas à abolir le capitalisme, puisqu'ils ne sont déjà plus considérés comme exploités par le travail, ou trop peu, ou trop peu nombreux...
Bruno Astarian va plus loin que Théorie communiste mais justifie en partie ses critiques (texte cité, TC13, 1994). C'est faute à mon avis de construire les contradictions comme déjà présentes, par une dialectisation en niveaux de généralités et points de vues dont la clé est chez Marx (dans la lecture de
Bertell OLLMAN), et parce qu'il veut passer d'un emboîtement historique de contradictions (du travail au travail dans le capital) à leur dépassement sur un axe temporel linéaire sans lui donner sa dimension spatiale, en demeurant fondamentalement dans une dialectique binaire (le caractère prolétarien de son système). D'où la nécessité de faire surgir d'une théorisation de l'activité de crise le saut dans la liberté... A mon sens il était pourtant très proche d'une élaboration du type que je propose schématiquement, dont il produit les ingrédients essentiels (relativement au travail, il construit mieux que l'abolition du travail salarié, et il dépasse toutes considérations écologiques même les plus rouges dans la question du rapport homme-nature, qui lui permet d'aborder une élaboration positive du communisme plus convaincante que les difficultés mises en avant par TC pour le faire > Problèmes de la description positive du communisme).
Ces deux visions diamétralement opposées sont figées dans leur bras de fer depuis trente ans, depuis la rupture dans la théorie de la révolution des années 70, et leur confrontation représente l'inertie de la théorie au regard du réel que nous avons sous les yeux, comme dit Marx dans Le Manifeste. La construction conceptuelle systémique en feuilletés de Théorie communiste lui interdit de remettre en cause des concepts élaborés il y a 20 ans. C'est donc contre toute évidence, sauf très relative qu'elle peut avancer ce vertueux idéal : « L'analyse à posteriori d'une lutte ou la présence active ne sont pas l'application d'une théorie préexistante. Dans tous les cas concrets, on est là et on fait une analyse théorique neuve, simple, en prise directe dans la lutte en cours, parce que l'on peut critiquer cette lutte en cours sur la base même de ce qu'elle est  » (
TC 17)
Toute théorisation voulant tenir en système la totalité, fondée sur une dialectique binaire, est confrontée quand elle s'embarque dans les luttes à sa fermeture. A croire que du Parti communiste à Théorie communiste, la foi des dogmatiques les autorise à offrir leur fermeture comme gage d'ouverture, puis à s'étonner que ça ne marche pas, quand ce n'est pas à se considérer comme incompris.
8. Dans l'activité de crise du prolétariat, les individus qui portent plus spécifiquement telle ou telle de ces contradictions produisent leur dépassement en libérant des énergies jusque-là bridées, qu'ils réinvestissent dans la production positive du communisme. Celle-ci n'est pas la face cachée de la destruction du capital (Théorie communiste), ni un saut de la liberté humaine dans l'inconnu produit par l'activité de crise du prolétariat (Astarian selon Tcom, cf
A propos de « Le travail, sa fin et son dépassement »). C'est cette activité qui libère des qualités individuelles sociales et psychologiques déjà présentes dans les relations inter-individuelles bridées au sein du capital ou dans les différents niveaux de rapports évoqués aux points précédents : il y a en plusieurs points une dynamique d'affrontements et des limites indépassables dans le capital (dire tensions, pourquoi pas ?). Il s'agit d'une multiplicité de dépassements à produire dans leurs spécificités, comme dans leur unité au sein de l'implication réciproque réelle comme tout, et dans l'essentialité de sa dimension de classe. Bien sûr, cela ne doit pas être entendu comme "les femmes liquident le patriarcat", "les hommes « de couleur » le racisme" etc. Rapporté à l'individu singulier, c'est sa propre multiplicité d'appartenances aliénées car identitaires qui doivent être dépassées, y compris subjectivement sa qualité de prolétaire. Pour le communisme, l'homme est sans qualité.
9. «  une association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous  » (Manifeste du Parti communiste, 1848).
Si le communisme se construit comme immédiateté sociale entre individus, c'est qu'à un moment donné de sa production ceux-ci doivent agir en tant qu'individus (même associés car associés en tant que tel pour telle activité, sans qu'elle débouche sur la constitution d'un groupe identitaire), et non en tant que classe, ou en tout que groupe identifié selon telle particularité (d'être communiste ne serait-elle pas la pire ?). Ce n'est pas un basculement d'un rien de l'individu social déterminé en tout par son appartenance de classe, à un tout de l'individu y échappant, c'est aussi sur la base de ce qu'il est comme individu singulier appartenant à une classe qu'il produit son émancipation, sa désaliénation sa désubjectivation/désobjectivation d'individu de classe. Il ne la produit pas individuellement, mais parce que participant en tant qu'individu aux activités qui la produisent pour tous (à recouper avec Astarian,
Le communisme... point II)
Meeting / Théorie communiste : C'est une question qui laissera peut-être de marbre ceux qui se sentent obligés d'écrire « nous » et de trouver « plus de poids à un texte non signé », comme ceux qui considèrent que toute prise en charge assumée de rapports sociaux interindividuels relèverait de « l'intimisme » ou de l'égotisme narcissique : sauf au sein du collectif Meeting comme modèle pré-communisateur de rapports immédiatement sociaux ? Ceux qui sont incapables de voir des individus sociaux concrets derrière des militants qu'ils critiquent sous leur étiquette de la CNT-AIT refusent de fait d'assumer individuellement ce qui leur apparaît nécessairement de nature collective, donc identitaire. Pourtant, l'identité collective de Meeting n'annonce pas davantage son dépassement dans l'immédiateté sociale que l'adhésion à n'importe quel parti. Admettons que cette revue n'aie pas de penchant bordiguiste à l'homme nouveau du parti au sens historique, il n'empêche... ça s'annonce plutôt mal !
Temps critiques : A la limite on pourra parler de tension entre l'individu et ses figures d'identité créées par ses déterminations particulières, mais je ne crois pas que cela présente un intérêt de les globaliser comme tension individu/communauté humaine. Au contraire cela peut nuire à la compréhension du processus de dépassement produit de la subjectivation individuelle dans le capital à l'immédiateté interindividuelle dans le communisme. Les figures théoriques de la totalité, serait-elle la communauté humaine, sont décidément de sacrées résistances à l'immédiateté sociale inter-individuelle. La révolution à titre humain s'annonce difficile !
10. Dans la communisation, l'organisation sera indispensable, au sens de coordination des activités et des mesures communisatrices, en réseaux concentriques, en faisceaux d'ondes. Elle sera largement auto-construite, mais devra naturellement être préparée, et les voies de cette préparation doivent être explorées dès maintenant. Une question importante est non l'auto-organisation, mais cette auto-construction de pratiques théorisées, c'est-à-dire la maîtrise du dépassement à produire pour abolir le capital. C'est en ce sens que les luttes peuvent être théoriciennes, ou auto-apprenantes, mais une telle auto-construction ne saurait être apportée de l'extérieur.
Vouloir anticiper et produire ce rapport aujourd'hui, c'est associer l'activisme et la théorie séparée, même quand des acteurs portent les deux : on ne peut à la fois combattre « l'immédiatisme révolutionnaire » et considérer qu'il porterait des pratiques plus à même de traduire simultanément des limites, une dynamique, et son échec : difficile dans ce cas de s'y embarquer sans déchirure schizophrène. Cela n'aboutit qu'à une tautologie supplémentaire et à une crise de la critique du militant par le théoricien. L'activisme actuel n'est ni plus ni moins en avance que l'ensemble de la classe, il n'a pas de vertu révolutionnaire, et en tant que tel, il n'annonce rien.
11. Un baptême communisateur ? Un courant communisateur n'existe que dans le sens où il représenterait et formaliserait l'existence de la perspective de la révolution communiste comme communisation. C'est un énoncé performatif, un baptême : tel que je te nomme, tu es. Mais il ne saurait être le lieu privilégié des activités de lutte de classes « annonçant » l'avènement de la communisation. La nécrologie du capital n'est pas localisable géographiquement ni en germe à développer pour accélérer l'histoire. Ce courant de courant communisateur qui s'exprime dans Meeting, bien qu'il se défende d'être en avance, se comporte comme une expression théorique avant-gardiste, en fondant, sur une rencontre de théoriciens et d'activistes, le passage de la théorie abstraite au concret auto-pensé dans les luttes : l'expérimentation est maigre, mais c'est un ogre... et Meeting ne présente pas la théorie adéquate à l'époque, mais la théorie adéquate à l'activisme et à la controverse avec lui : c'est la pratique théorisée dans l'écart réduite à sa dérive constituant un groupe communisateur. Ce n'est sans doute pas ce que tous voulaient faire de Meeting, mais ce qu'ils ont fait de Meeting, et ce que fait Meeting.
12. Profitons de produire encore dans le capitalisme. La valeur d'usage de ce texte est d'abord personnelle, mais rien ne lui interdit ne porter une valeur d'échange. Qui s'en emparera le fera gratuitement. Songer ici à un potlatch relèverait de la provocation.
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Vue rétrospective depuis 2004 : Carrefour des émancipations peut se relire comme thèse (« élargir la critique du capital et de l'Etat »), mon compagnonnage avec Meeting et Théorie communiste, entre entre janvier 2005 et septembre 2006, comme antithèse autocritiquant cette « tentation alternative », et ce texte comme l'ébauche d'un synthèse , reprenant mon fil rouge d'une nécessité de construction dialectique non binaire des contradictions qui font le cours du capitalisme contemporain, tout en considérant comme essentielle la contradiction de classe, sur des bases rangeant cette approche dans la perspective de la communisation. Cf 2004 2.4. dialectique, articulations, processus... autopraxis
Du point de vue de la méthodologie dialectique, qui me semble non seulement féconde mais indispensable*, je rends grâce à Roland SIMON pour son élaboration du concept de "dépassement produit" (cf Logique hégélienne et contradiction) et les articulations entre "limites", "dynamique" et "rapport de prémisses", gages d'une veille critique attentive aux surprises. Je me sépare de son approche dans les champs auxquels il applique cette "méthode" et la manière de le faire.
* Il me semble nécessaire d'avoir recours à la dialectique, dont la méthode n'est pas dépassée, mais à affiner. Cela dit, utilisée pour justifier un a priori théorico-politique, on peut la construire sur mesure, comme en témoigne l'évolution de Lucien Sève (voir ref Index) et la sophistication de Théorie communiste. Très significatif que le fantasme hégélien se réduise, quant aux "preuves", à la dialectique selon Schopenhauer (l'art d'avoir toujours raison).

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