Autres glanes, entre art et communisme... Ouvert le 7 décembre 2011
7 décembre 2011
LES CARACTÈRES RELIGIEUX DU COMMUNISME Léon Pierre-Quint, EUROPE, n°79 du 15 juillet 1929, p.473, LA CHRONIQUE DES IDÉES, cité par Henri Béhar, Le surréalisme dans la presse de gauche (1924-1939), p. 142-143
[Léon Pierre-Quint analyse les théories communistes, en prenant comme point de départ la lecture d'une brochure de François Arouet, derrière lequel il voit Politzer, La fin d'une parade philosophique : le Bergsonisme.]
« La majeure partie de la jeunesse d'aujourd'hui a le besoin ardent de croire à un absolu transcendental et merveilleux : les surréalistes croient à la seule réalité profonde du rêve et de la Poésie, les adeptes du Grand Jeu à une tradition ésotérique et panthéiste, d'autres, composant avec le dogme, s'enfoncent dans le mysticisme catholique. [...]
En fait, ce qu'il y a de caractéristique dans la jeunesse contemporaine, c'est, autant que la recherche d'une foi, la haine pour l'optimisme béat de certains penseurs du siècle dernier, la haine pour ceux qui sont satisfaits de l'état des choses présentes, la haine (chez d'autres le mépris) pour les formes de notre société et de sa civilisation. Justice, parodie de justice. Nations, guerres, sombres folies. Morale, hypocrisie. Or dans cette affreuse organisation, un certain nombre d'hommes, les plus haut placés, les plus respectables, prêchent : tout est pour le mieux. Le sentiment de révolte est tellement puissant chez beaucoup de jeunes gens que, plusieurs groupes, qui ont des aspirations positives très différentes, ont cherché à s'entendre sur un programme minimum révolutionnaire. Ils étaient prêts, au besoin, à sacrifier, provisoirement au moins, leurs croyances mystiques ou poétiques par amour désespéré de la lutte contre la société actuelle. C'est ainsi qu'il y a deux ans, on a vu des surréalistes entrer dans des cellules communistes. Ils se rattachaient jusqu'alors à l'idée d'une « révolution perpétuelle », idée anarchiste, attachement à une liberté de rêve dans une société où tout ordre serait supprimé, où l'individu pourrait exalter suprêmement ses forces. Mais bientôt ils ont voulu donner à cette idée un commencement de réalisation. Dès lors, le communisme leur est apparu comme le parti le plus proche d'une véritable révolution possible. Ils ont donc voulu le soutenir dans son action, quitte à l'abandonner après le « grand soir ». Double jeu héroïque. D'autre part, ceux qui ont voulu adhérer complètement au communisme se sont rendu compte combien leur individualisme, leur goût du merveilleux de la poésie considérée comme la seule réalité profonde, s'opposaient à l'attitude de ceux qui déniaient toute réalité, sauf au fait économique et à la discipline collective marxiste : impasse que crée un élan trop sincère... »