Partant de ces constats, je me suis proposé de reprendre le fil dont j’ai parlé, en retissant ensemble, par l’éthique - poétique et politique - les approches séparées par l’esthétisme, le sociologisme ou l’idéologie.
Combattre l’esthétisme (qui considére l’art en soi), comme l’idéologisme (qui tient sur l’art un discours impuissant à rendre compte des motivations, du processus et des effets de la création).
Condamner l’eurocentrisme culturel, sans tomber dans l’afrocentrisme (qui risque d’enfermer la culture du monde noir contemporain dans le prolongement de ses seules racines africaines).
Il ne s’agit pas seulement d’articuler des approches diverses : sociologie, musicologie... Il faut aider à penser l’oeuvre. L’oeuvre de jazz. L’art des « jazz ». Dans leurs temps.
Je m’inscris dans une perspective optimiste : la fécondité du jazz peut inséminer de son éthique les musiques localement universelles de la Multitude.
Versant politique : un mondialisme anti-libéral informé des attendus marxistes et de leur actualisation à la lumière situationniste, avec leur prolongement dans les réflexions, mouvements et luttes actuelles (c’est-à-dire s’opposant localement et globalement à la mondialisation libéralo-occidentale : contre l’Empire).
En matière d’éthique artistique : une poétique générale prolongeant les réflexions d’Henri Meschonnic, théoricien du langage et poète, notamment sa pensée de la modernité, pour une politique du rythme : tenir ensemble poétique, éthique et politique, par l’oeuvre-sujet, présente au présent.
Mon ambition est ici de dégager des jazz une éthique pour tous. Bien entendu, si le jazz a un avenir, sous son nom ou d’autres, cette éthique sera d’abord garante de fidélités à lui-même. Mais, au-delà, je crois à sa fécondité pour la vie en général et aux différents niveaux de rapports, à soi, aux proches, au local, au mondial.
Quand on me demande ce que j’ai appris du jazz, je réponds : l’essentiel, c’est-à-dire la responsabilité, la liberté, la solidarité, la fraternité, l’égalité, l’art de l’improvisation collective. Improviser, c’est peut-être se mettre en danger, mais si l’on veut et si l’on peut, car c’est dépasser les bornes, c’est critiquer les limites, c’est se convoquer à inventer de l’inconnu c’est-à-dire soi-même : je est un autre.
, batteur/ batteleur..., La musique n’est pas un marchandise, B2, p. 23Bernard LUBAT