Notes / poétique 2006 - 2007
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"... parce qu'il est incertain de la valeur de son oeuvre, [le poète] tend à la justifier d'autant plus ardemment par une conception ou une théorie de la poésie. Parfois agressivement. Même s'il s'est donné peu auparavant des affirmations qu'il reconnaît contraires à celles d'aujourd'hui. Enfiévré, tendu. Doutant de lui, en réalité, et ce n'est pas étonnant" André FRÉNAUD, Faut-il croire encore en la poésie, 1969, cité par H. Meschonnic, Célébration de la poésie, 2001

 

3 > 16 septembre 2007

Où en suis-je avec la poésie (l'art) ?

(16 septembre) Ça pourrait commencer par écrire encore de la poésie, mais en forme de « Manifeste » pour des PRINCIPES DE RÉALITÉ, septembre 2007...

(3 septembre ) Ça pourrait commencer comme ça : La poésie engage une sensation du monde. Une vision du monde appelle sa poétique. Écrire de la poésie et penser le monde exige leur mise en phase... (à suivre)

* 31 août 2007

Poésie et communisation, poétique et théorie de la révolution (premier jet)

« La concentration exclusive du talent artistique dans quelques individus, et son étouffement dans les grandes masses, qui en découle, est un effet de la division du travail. Si même, dans certaines conditions sociales, chacun pouvait devenir un peintre excellent, cela n’empêcherait pas chacun d’être un peintre original, de sorte qu’ici également la différence entre le travail « humain » et le travail « unique » se ramène à une absurdité. Avec une organisation communiste de la société prennent fin en tous les cas l’assujettissement de l’artiste à l’étroitesse locale et nationale, qui provient uniquement de la division du travail, et l’assujettissement de l’individu à tel art déterminé qui en fait exclusivement un peintre, un sculpteur, etc. ; ces noms seuls expriment déjà l’étroitesse de son développement professionnel et sa dépendance de la division du travail. Dans une société communiste, il n’y a pas des peintres, mais tout au plus des hommes qui, entre autres, font de la peinture. » (Marx/Engels in Eluard, "Anthologie des écrits sur l'art", p.57).

Il n'est pas plus question par la poétique de sauver l'art que par la théorie révolutionnaire de "résister" au capital. Ma poétique ne propose aucune réforme de l'art. Il s'agirait plutôt d'inventer une veille poétique comme il existe, avec le "courant communisateur", une veille théorique.

La poésie n'est pas un état qui s'installe, mais un coup de bélier subjectif contre les limites de la survie individuelle (de l'individu singulier). Elle ne serait vaine que si l'on se prenait à son jeu, en croyant avec elle déborder ses limites plus que virtuellement.

Le mot d'ordre surréaliste "l'art, l'amour, la révolution" n'est pas faux dans l'absolu, mais chargé historiquement, par sa génèse, de son rapport au programmatisme ouvrier, et de ce qu'on entendait alors par révolution communiste, sa progressivité par étapes. Autrement dit, il était pour la poésie une sorte de socialisme utopique, in fine un romantisme, in fine un humanisme. Sous quelques conditions, il peut demeurer juste.

Plus tard, quand cette conception de l'art est morte, on voit les situationnistes la sortir de la tombe pour la "renverser" dans la vie quotidienne. Elle accompagne alors, de façon presque aussi romantique et tout autant humaniste, la théorie révolutionnaire de Debord, en tant que dernier feu aux limites du programmatisme que produisent, dans la lutte de classe, la fin des années 60 et le début des 70. L'"art renversé dans la vie quotidienne", c'est le dernier feu d'un programmatisme poétique. Ce fut très beau, mais c'est fini.

Le concept d'art poursuit son existence comme histoire poétique embarquée avec le capital.

En écrivant aujourd'hui de la poésie, en faisant aujourd'hui de l'art, du moins tel que dans ma posture paradoxale, je n'anticipe pas sur ce qu'il serait, dans une société post-capitaliste. Je ne fais pas un art révolutionnaire. Je cherche une forme qui traduise mes limites singuilière face à ce monde et contre lui. Je n'en appartient pas moins à ce monde, et en poétique, n'en utilise pas moins ses formes (inutile de vouloir jouer au plus malin avec une esthétique du nouveau).

De cette totalité du capital devenu monde, on en sort pas davantage collectivement, comme individus de classe, par la politique ("anticapitaliste", etc) que singulièrement (comme individu unique), par la poétique. On ne fait que se cogner contre ses limites, en leur part, parfois, la plus intime.

On n'est alors "poète" (peintre, écrivain... artiste), cet être socialement différent des autres, qu'au même titre qu'on est prolétaire. Et j'inscris ma poétique dans la même quête que la théorie de la communisation : c'est, contre la figure particulière et située historiquement de l'artiste, pour ne plus avoir à être poète que je le suis encore (j'écris de la poésie), c'est pour ne plus être prolétaire (être du capital) qu'il est nécessaire de se reconnaître comme prolétaire (contre le capital).

En relation : LA RÉVOLUTION COMMUNISTE : OEUVRE-SUJET d'une MÉTAMORPHOSE 5. Sans poétique pas de révolution : situationniste sans le savoir ?

* 11 septembre 2006

Un courriel de Michel Bernardy « Je suis très touché que vous ayez fait mention de mon site dont je me permets de vous signaler l'adresse toute neuve : Autour du Jeu Verbal...  » Cette mention figurait plus bas sous le titre Comment lire ma poésie ? 26 mars 2005

* 9 juin 2006

Ecriture et réel, poétique et politique, et dérive érotique

Dans l'écriture poétique, le rôle du flou, de l'ambiguë, de l'«équivoque» (dixit Aragon) est nécessaire car consubstanciel au poétique. Il n'y a pas de poétique sans équivoque car il est le garant du rapport poétique 'juste' au réel : on ne peut, on ne doit transcrire que l'affect, qui n'a pas prétention à cerner le réel, mais en quoi et comment il nous touche. Dans la précision, dans l'ambition de la précision ou du message, le poétique disparaît, et, selon, bon nombre de mes poèmes ou de mes vers dans tel poème ne tiennent pas en celà du poétique, mais du seul plaisir de dire telle chose dans la forme imposée du 'poème'. Hugo, comme la plupart des poètes, a écrit des kilomètres de vers qui de ce point de vue n'ont pas plus de poids poétique que le journal officiel ou le bulletin météo (les Contemplations...). On y trouve épars des trésors absolus de poétique, ni plus ni moins que dans l'oeuvre de Marx. L'équivoque est un fonction de la poésie pour qu'elle rendre compte sans plus de ce qu'elle sent : le travail du poète est de mettre en forme ce qu'il sent du réel, ni plus, ni moins.

Toute autre est la posture de l'écriture scientifique, théorique, voire politique quand elle échappe à l'idéologie. La précision est ici nécessaire mais elle doit intégrer, par sa formulation, ce qu'elle sait et ce qu'elle ne sait pas, dire les deux, les conditions de son élaboration comme représentation. C'est ce que fait Marx quand il expose son plan du Capital dans l'Introduction du livre 1. Que la dialectique soit ou non dans les choses, elle ne peut qu'être dans les idées qui se les représentent. Bon nombre de mes textes 'politiques' tombent en plus ou moins grande proportion dans ce travers de vouloir faire littérature (bonne ou mauvaise, là n'est pas le problème) de la politique, voire de la théorie. Je ne suis pas au bout de m'en soigner.

Dans leurs rapports spécifiques au réel, le poétique a besoin de l'équivoque, la théorie politique de la dialectique. Les mélanges de l'un et de l'autre sont extrêmement hasardeux et risqués, comme on le voit dans les métaphores de Marx, comme on le voit chez l'Aragon du réalisme socialiste.

Le poétique ne peut avoir de qualité politique que s'il est équivoque : en quoi Aragon à partir du Roman inachevé reste un poète plus que politiquement lisible sous réserve de le lire comme poète et non comme exégète des conditions situées de cette production, en relation avec l'homme politique Aragon. Ceux qui le font ne savent pas lire la poésie, ya basta. Ce sont souvent les mêmes qui ne savent pas lire la théorie. Vous avez dit bizarre ?

Le politique ne peut atteindre au poétique que sous réserve de ne pas céder à l'esthétique, à la littératurisation, à la belle phrase qui dilue toute rigueur théoricienne. C'est à quoi atteint Marx avec des phrases d'une beauté poétique à couper le souffle qui n'en perdent pas pour autant leur 'justesse' critique. C'est à quoi atteint Debord dans les limites de sa théorisation. C'est à quoi pourrait atteindre Roland Simon, mais sous un autre angle de lecture : cette façon apparemment ressassante de reformuler le même, à quelque chose près, qui, comme je l'avais noté sans ironie, m'évoque Thomas Bernhard.

Il est assurément provocateur d'affirmer qu'il y a une part de poétique dans la formulation de Théorie communiste. Car elle n'est pas littéraire au niveau micro de la phrase ou de la syntaxe, qui apparaissent plutôt comme lourdes, complexes à souhait (à la limite proustienne, au sens bêtement péjoratif du terme). La dimension poétique de Théorie communiste est dans la durée, le rien qui change, quasi imperceptible d'un texte à l'autre, mais qui au fil du temps finit pas apparaître comme oeuvre en chantier permanent, comme chez tel de ces peintres qui aura, toute sa vie, peint le même motif que les moins attentifs auront perçu comme la même toile. Voilà qui nous renverrait, "en jazz", au rapport de Rollins à la musique caraïbe, par exemple.

Alors donc s'il existe des fans de TC, j'en serais, ne serait-ce que pour la façon dont la forme traduit l'évolution du contenu, comme oeuvre-sujet en chantier permanent. C'est une qualité éminament 'artistique', qu'on en approuve ou pas les conclusions : je peux admirer esthétiquement l'oeuvre de Rouault ou de De Stael, la musique de Hodeir ou de Steve Coleman  sans partager le sens qu'ils ont mis dans leurs oeuvres, comme je peux trouver telle femme très plastiquement belle sans la désirer en rien, ou désirer telle autre jugée moche au seul son de sa voix, au rythme de sa démarche, ou même ne l'ayant jamais vue, à sa façon d'écrire. Il est parfaitement juste de voir là des fantasmes, mais ils ne font que révéler le fonctionnement du désir prétendu "physique". Cette idée ne paraît absurde qu'à qui n'a aucun sens érotique, c'est-à-dire in fine aucun sens poétique.

* 27 mars 2006

Sonnet toujours ?

Comme disait déjà Reverdy, la poésie est nulle politiquement, il ajoutait le sonnet aussi, poétiquement *. Je fais de la résistance. Flemme ? Pas d'intention "artistique". Une forme plus que classique. Des mots simples. Pas d'audace. A peine quelque néologisme, qui s'impose. Syntaxe, un peu de trapèze, comme d'habitude. Volonté d'éviter l'invention formelle : pas le moment de confondre les genres, la vie est ailleurs et l'anti-CPE n'a rien de poétique, alors... Poésie faite par un, en attendant mieux.

* « Socialement l'importance de la poésie est nulle depuis longtemps...  / ... cette forme ridicule et mutilante du sonnet... » Etienne-Alain Hubert, Circonstances de la poésie : Reverdy, Apollinaire, surréalisme

Pratiquer le sonnet comme un haïku français. Sans les images-mots des idéogrammes, c'est forcément plus long. Quoi ? une centaine de syllabes... mais sans contemplation.

Demain sera un autre jour

Trouvé entre deux cars de police, face à la Sorbonne : "Poétique des groupes littéraires (Avant-gardes 1920-1970)" Vincent KAUFMANN, 1997

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