BASS'SCORY, 2000

(du forum JAZZ en FRANCE, juin 2000, interventions de Patlotch, alias Troguble)

"L'INEXTISSOIRE DE LA BASSCOGNE DE SHWING, PAR LE DOCTE TROGLUES EN Bb, GARDE-CHAZZ CONTEXTÉ IN THE FOIRUM"

Je répondra sans me déficier au plébischisme.

Avertisage : je causera sous le contrôle des contremasses du forum, yaura personne qui voudra à la technique et les copains des copains des patented'crooniqueur à là t'exagète.

(à suivre)

ASSERVICEMENT :

Toututilition à défunts marketco des sextes swinvants se vouera diatriple pointée. Faconde et contrebafonds, prends garde à toi ! Prexte ma rage de vibre !

TOME 7-Chap 12. Extraits sous copyright 84-2000-5-30

"Au commencement, Dieu créa la MBIRA (1) et le SARRUSSOPHONE (2). Que no vlà choculturel ! La CONTREBASSE de jazz (bass violin, b, cb, double bass, upright bass, real bass, acoustic bass, string bass, grand-mère...) était née.

(2) cuivre à anche double, décliné en gros basson à son de sax bass (James Carter, Anthony Braxton) : voir solo de Sidney Bechet chez Clarence Williams en 1923, avec Louis Armstrong et Buster Bailey.

(1) cf "son" cubain ancien, avec la MARIMBULA, tambour de bois à languettes de métal, ou la BOTIJA, jarre à trous oùss'qu'on souffle en modulant de la main.

A retenir pour le bac et l'ENA : dans les premiers jazz, on assure grâvment ET le rythme ET l'harmonie, entre vents d'occident et groboums d'Afrique.

basstrogne Envoyé le 31 mai, 2000 à 04:37

(suite)

"Pour en savoir plus : voir in biblio le BOMBARDON (sic) le manche à balai/lessiveuse, le TUBA ("la chose, non les mots" des frères GODARD, Michel et Jean-Luc), le trombone/élastique de bureau (moi), la musique militaire (machos et ménagères même combat !)... cf notamment Angela DAVIS libérée.

Travaux dirigés : pour l'histoire de la contre-basse à cordes, une thèse moisit sur les quais à vous attendre : polémiques de familles violes/violons; 3, 4 ... cordes, Mozart/Dom Juan et la statue, accord italiens/allemands, en quartes/en quintes, gut boyau/heavy metal, modèles de 4 mètres joués à deux (un à la touche, un à l'archet), mécaniques hélicoïtes, tirettes et claviers, zotomates et bass-synthé

Moralité : la basse sainte est

Devoir du soir : espoir... et patience sont l'âme des graves

(à suivre)

Envoyé le 2 juin, 2000 à 04:07

merci personne

(chez mon fils de 3 ans j'essaye de remplacer le "bah caca!" par "non merci", il a retenu ça quand il doit faire moins de bruit)

sur la technique je reviendrai, c'est l'heure de mon pensum !

INEXTISSOIRE DE LA BAZZCOGNE, extrait n°6-84-2000-6-1

Vla donc l'enfant jazz accouché d'Afrique et d'Occident, de rythme/modalité et d'harmonie/mélodie, de maîtres et d'esclaves... Des années 20 à 30, on transite de l'impro collective très formalisée, au solo accompagné (merci papa Armstrong) sur fond coplulant de blues, de fanfare et de musique à danser.

On invente au passage un traitement du son des instruments traditionnel inouï à l'époque (chez Duke Ellington en 1927, Bubber Miley c'est HENDRIX, Wellman BRAUD, Stanley CLARKE).

Les basses ne sortent guères des fondamentales/quintes des accords, sur les temps forts (1 et 3 à quatre temps). Elles sont assurées au tuba, qui manque de fluidité (malgré les efforts de John Kirby), ou à l'archet sur la contrebasse, qui manque d'attaque. D'où le destin ouvert de la contrebasse jouée pizzicato, slappée (j'y reviendrai) pour atteindre un volume audible sans amplification. Elle est à moitié tambour à moitié fondement harmonique : John Kirby, qui deviendra un des contrebassistes les plus fluides avant Jimmy Blanton, a commencé par jouer de la grosse caisse et du tuba. (Anecdote : le pianiste Herbie NICHOLS explique en 1956 comment il développe ses accords à partir des harmoniques des fûts d'Art Blackey ou Max Roach ! c'est pas du pipeau). Milt HINTON qui saura tout faire de 1930 à hier matin, commence au tuba, comme Walter PAGE, du ménage à trois de chez Count Basie Jo Jones/Freddy Greene.

Troguble, Envoyé le 2 juin, 2000 à 04:28

...Un jour où l'orchestre se défoule, Fletcher HENDERSON rappelle à l'ordre le tubiste, qui répond "d'habitude, je jous 2 ou 3 notes par morceau, j'ai envie de m'amuser un peu !"

Cette dichotomie, cette dialectique rythme/harmonie sont structurelles dans l'évolution du jeu de la contrebasse dans tout le jazz ou la musique latino/caraïbe voire les satellites rock/funk ...

Cette évidence peut paraître inutile, mais, au risque de simplifier, je pense que les différentes approches de l'instrument s'organisent jusqu' à récemment autour des ces deux pôles : rythme/modalité et harmonie/mélodie, Afrique/Occident, noir et blanc. Tout étant affaire de dosages et d'équilibres parfois magnifiques, de Jimmy BLANTON à Jaco PASTORIUS, en passant par P. CHAMBERS et Dave HOLLAND.

Paren/thèse en avant dans le temps : il est frappant de constater qu'une majorité de blancs s'engouffrent sur les pas de Scott LAFARO/chez Bill Evans (Eddie GOMEZ, Miroslav VITOUS, Marc JOHNSON, John PATiTUCCi...) autrement que les c-bassistes noirs en général (Rufus REID, Mike RICHMOND, Peter WASHINGTON, ?Dave SANTORO?). Les premiers vont privilégier le chant, la mélodie, le joli son, l'idée; les seconds le rythme, la percussion, le gros son, la matière. A vous de voir si cette idée tient la route, et de quelles esthétiques les uns et les autres sont les soutiens. Vous trouverez moult contre-exemples (Charlie HADEN), mais bon ...

Exemple : la culture classique d'un Miroslav VITOUS (peut-être le plus "fort" technicien/musicien de l'instrument, Prix international à Vienne) et d'un Richard DAVIS (membre d'orchestres symphoniques) ne les conduit pas du tout au même jeu dans le jazz (cf Vitous/Corea/Roy Haynes Now he sings, et Davis dans les quintettes de Eric Dolphy.

(à suivre)

je poursuis mon solo intégral dans les graves.

"HYSTEROIR de la BAASCOGNE de JAZZ"

Tome 7,chap.12, 64-2000-6-4

(suite) retour à la fin des années 20

Jusque-là, plutôt qu'un pizzicato de contrebasse classique, on utuilise le SLAP, qui permet (avec l'archet) d'atteindre un volume audible sans amplification, notamment en big band.

La technique du slap consiste à tirer les cordes pour qu'elles claquent sur le manche, ou à taper celui-ci avec le plat des doigts. D'où des possibilités de percussions incroyables. Cf WELMAN BRAUD chez Ellington dès 1927, POP FOSTER chez Armstrong en 29, MILTON HINTON ... ou plus tard WILLIE DIXON dans le blues (avec Memphis Slim ou les tournées Chicago Blues et le batteur Fred Below).

Ce style interdit évidemment la vélocité et la fluidité mélodique, encore que ...(Mingus, vraie bête de contrebasse, l'utilise jusqu'au médium-aigu de façon impressionnante).

Le slap reviendra, adapté à la basse électrique, dans les années 70 (Stanley Clarke, Marcus Miller, Mark King).

(à suivre)

(suite)

C’est chez Fletcher Henderson (avec JOHN KIRBY) et surtout chez Count Basie que la section rythmique évoluera le plus vers la modernité. Les temps forts et faibles s’égalisent, l’afterbeat (2 et 4) est moins accentué (comparer par exemple avec Jimmy Lunceford). WALTER PAGE est considéré comme un des inventeurs de la « WALKING-BASS», où l’on joue une note par temps, pour créer une sorte de basse continue, un flux harmonique/mélodique où s’alternent fondamentales, notes de l’accords (sur 1 et 3) et progressivement, notes de passages (2 et 4). Ses basses sont inséparables du comping de Freddy Green à la guitare et de la ponctuation de Jo Jones, qui quitte la grosse caisse pour la cymbale charleston.

Le tout produit une des rythmiques les plus précise, swinguante, élastique, véritable tapis rouge pour les solistes. Particulièrement jouissif dans les petites formations de Basie (Kansa City 6/7 entre 35 et 40, combos des années 50) et les rythmiques de la West Coast qui lui empruntent cette marque de fabrique.

C’est notamment la qualité et la souplesse de cette section qui permettront à Lester Young de libérer le phrasé de l’improvisation pour ouvrir la voie à Charlie Parker et au jazz moderne.

(à suivre)

(suite)

Les années 30 à 40 voient l’évolution du jeu de contrebasse accompagner celle de la batterie, avec Chik Webb, Jo Jones, Cozy Cole, Sid Cattlet, vers plus de souplesse, d'égalité des temps… En dehors de Basie, l’archétype de ce jazz « swing » en petites formations se trouve à la fin des années trente autour de Lionel Hampton (M. HINTON/ Cozy Cole), de JOHN KIRBY et des grands solistes de l’époque (Hawkins, Eldrige, Billy Holiday), ou encore chez les ellingtoniens, grâce au génie d’un contrebassiste : Jimmy BLANTON.

Notons au passage que Duke Ellington aura été pour ça aussi en avance sur tout le monde dans l’utilisation et la mise en valeur de la contrebasse, à l’ouverture du jazz dit « classique » (post new-orléans) comme à la veille du be-bop.

(à suivre)

(suite)

Avec BLANTON, on est à cheval sur le passé et l'avenir du jazz en 1940. Comme il est mort à 23 ans en 41, on ne saura jamais comment il aurait développé son jeu avec des musiciens plus modernes.

Jusqu'à Jimmy BLANTON, le son est produit avec toute la main qui tire les cordes, dans un mouvement du bras entier. BLANTON révolutionne l'instrument en deux ans de carrière : il introduit le jeu à un, voire deux doigts pour le pizzicato, les cordes multiples (2 notes en même temps), libère l'instrument mélodiquement, voire harmoniquement (substitutions, tritons), aborde le solo comme les autres improvisateurs (phrases pizzi en croches ,triolets, triples-croches à 60 à l'archet), avec un son ample et puissant qu'on retrouve notamment chez Ray BROWN et Pierre MICHELOT.

Les contrebassistes s'appuieront sur ses innovations et les affineront pendant tout le jazz dit "moderne" (be-bop et avatars) jusqu'à Scott LAFARO.

(à suivre)

(suite)

HYSTEROIR de la CONTREBAZZCOGNE

Tome 7 Chap 12 84-2000-6-5

De Jimmy Blanton à Scott Lafaro

"drôle de goût que cette période "jazz moderne" coincée entre ces deux génies de l'instrument morts à moins de 25 ans.

Dans le même temps où la contrebasse conquiert sa modernité, la batterie s'émancipe. On trouve ça dans tous les bouquins : Minton's... Kenny Clarke, tempo porté de la charleston à la grande cymbale, charleston sur 2 et 4, ponctuations de caisse claire, gr.caisse, tom... le contrebassiste sera le gardien du tempo le plus explicite.

Très intéressant de suivre l'évolution des rythmiques dans les premiers disques de Parker, entre 1945 (SLAM STEWART/ Sid Catlett) et 1947 (CURLEY RUSSEL/Max Roach).

OSCAR PETTIFORD joue un grand rôle dans ces années 40. Il semble que ce soit lui qui ait repris au plus au niveau le flambeau largué par Blanton, avant RAY BROWN. Sans attendre son entrée chez Gillespie, écouter sa participation chez Hawkins en 1943 avec, déjà, Shelly Manne (dms) qu'on retrouvera avec Ray BROWN pour soutenir, entre autres, Sonny Rollins en 1957 (Way out West en trio). Pettiford donc, aussi impressionnant par son invention mélodique que par la sûreté de son soutien, au son plus léger que celui de Brown ou Mingus.

Evidemment, Duke Ellington mettra la main dessus pour quelques chefs d'oeuvre, en 1946 (Duke, il avait un petit côté comme Miles plus tard, à s'entourer des meilleurs dès leurs premiers pas)

(à suivre)

(bass hyscorie, suite, de Blanton à La Faro)

Ce qui frappe avec le recul, dans la tradition du jazz le plus avancé en 1938 et les premiers be-bop, c'est maintenant plus la continuité que la rupture. Notons au passage que les plus grands rythmiciens des années 50 auront fait leurs classes dans le style ancien; et c'est quelquefois la génération d'après qui reviendra "en arrière", avec des quasi-régressions rythmiques et stylistiques par rapport aux audaces des premiers boppers.

Les années cinquantes verront des dizaines d'excellents contrebassistes capables de soutenir les jazz de la décennie. RAY BROWN est le modèle central, par ses qualités de son, de justesse, de précision, ses connaissances harmoniques, son invention mélodique (y compris en accompagnement)... D'une certaine façon, devenu une légende vivante, il est presque sur-évalué (parce qu'il a joué pendant 50 ans au premier plan, accompagné tout le monde, tourné énormément, enregistré encore plus). Du point de vue de l'instrument, il rélèguera dans l'ombre des contrebassistes peut-être moins "versatiles" mais dont l'originalité est inséparable du caractère propre aux groupes qu'ils soutiennent. Ils apportent aussi leur part d'innovations : PERCY HEATH et le Modern Jazz Quartet, les bassistes des Jazz Messengers avec Art Blackey, ceux d'Horace Silver, de Clifford Brown, SAM JONES chez Adderley, LEROY VINNEGAR à l'ouest, RED MITCHELL, et sa contrebasse accordée en quintes (comme un violoncelle) ce qui explique peut-être son invention mélodique hors normes (trio Giuffre, duo Wayne Marsh), Harry BABASIN, de chez Kenton, avec une magnifique expérience latine dès 1954 (Almeida g, Bud Shank as, percussion), comme BEN TUCKER qui ramènera un des premiers l'accompagnement de la bossa-nova.

(Bass Hystery, suite, de Blanton à LaFaro)

Les bassistes de Monk

J'avoue un faible pour les contrebassistes de Thelonious Monk. Chez lui, compte tenu de son approche et rythmique (phrases décalées de 3, 5 mesures...) et harmonique (renversements propres), le rôle de la basse comme référence est comme magnifié. WILBUR WARE est un bassiste sous-estimé qui innove rythmiquement par une ponctuation très particulière (cf Rollins au Vanguard avec Elvin Jones). On trouve des traces de son jeu chez Richard DAVIS, mais aussi de nombreux bassistes actuels (Avishaï Cohen, Scott Colley).

BUTCH WARREN dans les quartets avec Charlie Rouse, avec les cymbales de Ben Riley, une sensualité qui transcende toutes les époques.

LARRY GALES dont une vidéo montre une technique de main gauche à vous faire virer de la 1ère année de conservatoire (on est loin de Georges MRAZ), mais d'une suprême élégance mélodique.

All MCKIBBON qui doit concurrencer R.BROWN dans le nombre de séances, depuis Dizzy en 1947 jusqu'aux derniers trios de Monk en 1971, avec Art Blackey.

(bass Hystorie, suite, de Blanton à LaFaro)

J'oubliais Georges DUVIVIER qu'on trouve chez Hawkins en 1939, en 53 avec Bud Powell, en 1960 avec Dolphy. Qui dit mieux ? Milt HINTON, peut-être, qui joue dès les années 20, et qu'on pouvait encore voir et entendre dans des bass-clinics il y a qq années.

PAUL CHAMBERS, évidemment, immortalisé par "Mr PC" de John Coltrane et surtout par sa participation aux premiers quintettes de Miles Davis, de 1955 à 63, et qui portera à sa quintessence la section rythmique du jazz moderne, en compagnie d'Art Taylor, de Philly Joe Jones puis de Jimmy Cobb (Kind of Blue). Avec Winton Kelly, un peu l'équivalent pour le jazz moderne de la section de Basie avant guerre. Ce n'est pas les fan de "Full House", de Wes Montgomery, qui me contrediront.

Tout ça est bien connu. Je n'insiste pas :

Mettez les disques et branchez vos feuilles en dessous de 220 hz !

Comme son absence n'aura échappé à personne, je reviendrai, avant d'aborder la génération LAFARO, sur le phénomène Charles MINGUS contrebassiste. "

(bass Hystorie, suite, de Blanton à LaFaro)

Envoyé le 5 juin, 2000 à 09:40

(bss story suite)

Quand même pour faire tchniq, CHAMBERS, hors les solos à l'archet : les lignes : noire, noire, triolet triolet/ ou :noire noire noire triolet/ les triolet partant sur la fondamentale à l'octave, retombant sur la fondamentale... c'est sa marque de fabrique, avec un jeu légèrement avant le temps...

 

Je vais faire une parenthèse dans ma "Bass Hystorie"

Je suis preneur de toute information précise sur le sujet : LES CORDES et le réglage de la contrebasse.

Les cordes métalliques sont arrivées dans les années 30. Je ne sais pas à quel rythme elles ont peu à peu remplacer les cordes en boyau (GUT strings).

Je pense que c'est à partir des années 60 que les contrebassistes de jazz les adoptent progressivement. RAY BROWN joue boyau avant d'adopter le métal. CHAMBERS, j'ai l'impression, à l'écoute, qu'il n'a jamais adopté le métal.

SCOTT LA FARO ...?

Ce choix des cordes est forcément lié au réglage du manche et à la hauteur des cordes par rapport au manche, qui va déterminer le son et le style de jeu, avec cette contrainte : en gros, plus les cordes sont proches du manche, moins on a de volume, de rondeur, et plus on a de sustain (tenue/durée de la note dans le temps). Ces réglages sont à partir des années 60 de plus en déterminants, d'autant que les possibilités d'amplification pourront compenser la perte de volume acoustique. Plus le réglage est bas, plus le jeu de main gauche est facilité, la tension moindre, la vélocité accrue.

Ce qu'on gagne d'un côté, on le perd de l'autre. Et cela peut être déterminant dans le style de la rythmique et le jeu du batteur. Comparer le "walking" de Paul CHAMBERS, avec beaucoup d'attaque, et une extinction avant la note suivante, avec celui de M. VITOUS, magnifique également mais très "legato" (avec Roy HAYNES et Chick COREA en 68).

Cela explique pourquoi toute une école de jeunes contrebassistes revient aux cordes en boyau, dès lors qu'il s'agit de recréer un climat années 50.

Troguble, Envoyé le 7 juin, 2000 à 07:41

A la limite certaines contrebasses sont réglées, jouées et amplifiées de telle manière qu'elles perdent à l'enregistrement et à l'écoute toute la carctéristique "boisée" de l'instrument.

Il peut même être difficile de faire la différence avec le son de certaines basses fretless électro-acoustiques (c'est-à-dire avec un micro propre à restituer les caractérisques de l'instrument).

Je suis preneur de toute info sur le sujet, particulièrement les cordes et le réglage adopté par les contrebassistes les plus connus

suite

Parenthèse technique

Puisque je suis dans le son des contrebasses comparés au fretless, j'en rajoute une couche.

On voit fleurir depuis quelques années des hybrides en tout genre (l'ancêtre est la Baby Bass, apparue je pense à la fin des années 50, très utilisée dans le monde de la salsa et dont le son est très caractéristique).

Les américains disent "Electric-upright". En gros on trouve aussi bien des instruments qui permettent aux bassistes électriques d'adopter un ersatz de grand-mère, que des instruments qui permettent aux "vrais" contrebassistes de voyager léger.

Sur le site dont j'ai donné plus haut l'adresse, on peut trouver les marques et luthiers qui font ce genre d'instruments, avec des photos... et des chefs d'oeuvre de recherche en lutherie à prétentions esthétiques; pour le son, ça dépend des goûts. J'ai vu au parc floral Eberhart Weber accompagner Garbarek avec une très belle contrebasse de lutherie (un modèle unique je pense) dont la caisse était très peu épaisse, les épaules très tombantes, et une amplification incorporée... un modèle du genre, au son très acoustique, mais rien à voir avec la contrebasse des années La Faro...

(suite)

Pour clore le chapitre, il y a encore les guitares basses acoustiques (frettée ou non), qui sont utilisées par certains folkleux ou rock acoustique et dérivés.

Avantage, technique de bassiste. Inconvénient peu de volume. Mais quelquefois plus proche du son de contrebasse que les hybrides dont j'ai parlé, ça dépend du jeu adopté. Mon prof joue là-dessus avec une tenue de violoncelle. A l'écoute, on peut s'y tromper, d'autant que les Sam Jones, Ron Carter, Eddie Gomez n'ont pas de secret pour lui.

fin de la parenthèse.

MINGUS contrebassiste

dédié à BlueWONK, the only man who knows

Mingus aura attendu la fin de sa vie pour se voir reconnaître sa juste place comme compositeur/arrangeur/leader : MINGUS est le Duke Ellington du jazz moderne. Comme contrebassiste, il attend encore, sauf de ceux qui lui ont emprunté l'essence de leur jeu.

Quand on lit les "histoires du jazz", on trouve deux génies de la contrebasse : Jimmy BLANTON et Scott LAFARO. A force de tout vouloir simplifier, mettre en fiches, de façon linéaire... on triche forcément avec le cours réel des choses.

Exit Mingus, Richard Davis, "chassez ce noir que je ne saurais voir!" Si j'ai insisté au départ sur la double fonction de l'instrument, sur sa double ascendance violon/tambour, c'est pas sans idée derrière la tête.

Pour commencer, Mingue est une bête de travail autant que de muscle, avec feuilles et cerveau de luxe. Quand il adopte la contrebasse (après le trombone et le violoncelle), il bouffe de tout et digère plus vite que son ventre. Il étudie le classique avec un membre du New-York Philhrmonique et le jazz (slap/walking...) avec le successeur de Pop Foster chez Armstrong (Red Callender). Certes, ce type de parcours est devenu commun... on en voit les effets...

D'emblée, on peut dire que Mingus se jette sur la contrebasse comme sur la musique en général, un pied d'appel dans le passé, les yeux loin devant. Il aurait conçu et joué "What love" (cf avec Dolphy /1960), en 1942 ! on n'a pas de trace enregistrée.

Mingus se lance un défi : faire tout mieux, plus vite, plus fort que les autres. Et même s'il affirme plus tard qu'il connaît au moins 50 contrebassistes ayant autant de technique que lui, on sait bien qu'ils n'en ont pas fait la même chose.

Donc, jouer très vite avec le gros son. Il n'est pas le seul, et c'est pas évident d'assurer un walking correct aux tempos rapides du be-bop (Parker jusqu'à 360 la noire!).

Je cite de mémoire, parce qu'on m'a piqué le vinyl et je ne trouve pas le CD. Le trio Red Norvo(vib/xylo), Tal Farlow g, Mingus b, "Move", sur tempo infernal en 1950. Sans batterie donc. Si mes parents avaient mis ça à la maternité, je serais moins con (parenthèse, j'ai tellement aimé Farlow, pauvre Joe avec son Luc).

Donc, Mingus, un des meilleurs contrebassistes dès 1950"

(à suivre)

Mingus, suite

Au passage, cette vélocité en puissance, cela pose des problèmes techniques, qui vont de l'endurance musculaire, au jeu à un , deux doigts, avec les contraintes liées à la structure acoustique de la contrebasse, comme du violon. En gros la plus forte attaque ne produit pas forcément le plus fort volume, parce l'énergie paut être absorbée dans le jeu de forces : cordes/chevalet/table/âme/corps.

Jouer comme une bête, c'est pas jouer comme une brute.

Preuve : Mingus, à moins qu'il n'ait provoqué lui-même la rencontre, est choisi pour le concert à Toronto (1953), avec Parker, Gillespie, Bud Powell et Max Roach. Même avec le vinyl, la basse est claire, puissante, boisée, résolue, incontournable. Mingus, comme tous les grands musiciens (Armstrong/Hawkins/Django... Miles/Coltrane/billie/Claude Barthélémy) c'est d'abord un SON, une voix. Ici n'importe quel sourd l'ayant eu une fois au téléphone le reconnaîtra. on peut pas dire ça de tous les contrebassistes.

(à suivre)

(Mingus, suite)

Mingus a 30 ans. Tout est là. Le gros son, la vélocité, le blues, la véhémence, la recherche, le génie. Un des premiers à jouer 3 doigts, à piquer des trucs aux guitaristes (Hé Wonk, Ysabel's table dance in "Tijuana Moods")

Pour le reste, il suffit d'écouter les enregistrements. Je suis loin de les connaître tous.

Quelques jalons personnels : live Bohemia 1955, duo avec Max Roach "Percussions discussion". "What love" (Mingus presents...) 1960 avec Dolphy, où les deux imitent une conversation parlée. "Money Jungle" 1962, avec Max Roach et Duke Ellington, avec les bizzareries bassistiques in "African flower" : la corde aigue est tirée de la main gauche sur le bord du manche. La polémique et les bruits de couloirs prétendent qu'à la suite d'une prise de tête à mi-session, Richmond aurait remplacé Roach...

(à suivre)

suites...

C'est que la conception du temps dans l'oeuvre de Mingus est assez complexe et nouvelles. cf la structure des morceaux, les changements de tempo, les mélanges ternaires/binaires...

Citation de Mingus " la "Rotary Perception" est une sorte de rythme circulaire que nous avaons mis au point, mon batteur et moi (...) Si vous vous représentez chaque temps comme existant au sein d'un cercle, vous êtes plus libre pour improviser. On croyait généralement que les notes devaient tomber au centre des temps de la mesure selon des intervalles métronimiques..."

Voilà pour vous mettre l'eau à la bouche, et Rv sur le sites Mingus yahourt méchanloo.khom (Mingus, suite et fin)

Avec le temps, va, tout s'en va...

Je synthèse ma thèse de bistrot : Mingus monstre-contrebassiste aussi important que Scott LAFARO.

Sources : les disques, l'autobiographie ("Moins qu'un chien", le "Mingus" de Christian Béthune (Limon editeur 1988, réédité jnsais chez qui), une étude en collaboration avec Didier Levallet sur "Fables of Faubus", que je n'ai pas lue, une cassette vidéo passionnante, "Triumph of the Underdog". Un CD d'accompagnement sur les thèmes de Mingus a été récemment publié par la famille avec les scores originaux...).

La succession de Mingus est diffuse chez les contrebassistes. Un peu partout de ses trouvailles instrumentales, chaque fois qu'une grand-mère sort ses tripes (j'ai pas dit son ventre !) de Mike Richmond (frère de Danny)à à Beb Guérin, Avenel, Joëlle Léandre...

Un adepte sans complexe, le contrebassiste japonais Kiyoto Fujimwara et un splendide CD "Duke & Mingus" King Record Japan 1998, notamment "Netter git in your soul, African Flower, Money Jungle, Orange wa the color of her dress..."

Ya pas que les japonaises et le football !

La prochaine, je vous parlera d'Israël CROSBY, avec Ahmad Jamal et Vernell Fournier. Pour LA FARO, faudra encore attendre, et on trouve ça partout.

A Wonk : avec Barthelemy, je suis sincère, et comme je veux devenir célèbre après ma mort, je prends date : on me donnera raison si les konk font pas péter la planète la gueule avant

A Greg, merci encore pour ta suggestion, je me raccroche à ça pour justifier ma logorrhée

An fait, ya au moins un truc intéressant : je suis obligé de réécouter des disques que j'avais pas mis sur le teppaz depuis 10 ans, et d'écouter la contrebasse, ce dont je devais me contre-foutre à l'époque. J'y prends beaucoup de plaisir.

Heureusement, je n'ai que quelques disques et je manque de temps : le forum l'a échappé belle.

Si ya un vrai spécialiste qui traîne pour apporter ses connaissances...

Sur Toronto, j'avais un doute sur la génèse de la séance. Ecouter notamment le solo de Mingus sur All the things you are, avec contrechant Parker/Gillespie et cascades de Bud Powell.

Je ne savais pas que Mingus avait failli se tirer, plus tard, c'est lui qui vire les musiciens.

Voilà une dernière comparaison, dire deux génies, Blanton, Lafaro... c'est un peu comme résumer l'histoire du sax en sautant de Lester Young à Coltrane, ou celle du piano de Tatum à Bill Evans.

 

J'avais annoncé Israël CROSBY avec Ahmad Jamal, ce sera SAM JONES

Parce qu'à l'écouter, je me demande s'il n'est pas, sans le panache de LAFARO, très influent, plus que Ray BROWN (qui relaye et modernise Blanton) sur les bassistes qui suivront : par le son, plus léger que Brown ou Mingus, riche, presque chantant (prolongeant Pettiford); par l'approche rythmique, précise avec des innovations dans l'articulation skips, jeu en avant, attaque de la note en dessous), très swinguant.

Pilier de sections rythmiques "historiques", chez Adderley, Something Else avec Blakey (n'est-ce pas un disque "de" Miles Davis ?), Monk (encore), Peterson après Ray Brown, et plus tard avec Cedar Walton et Billy Higgins une rythmique idéale du post-hard bop.

Considéré comme un bassiste très sûr, une sorte d'assurance tous risques pour les solistes (surnommé "HOME")."

 

Basse ‘ histoire (suite)

ISRAËL CROSBY est connu pour être un des premiers (à 16 ans) à avoir enregistré, en 1935, un solo de contrebasse : avec Gene Krupa, également un des premiers batteurs solistes.

Il succède à John Kirby chez Fletcher Henderson en 1936, quand celui-là monte son sextette. Décidemment, les grands chefs (Ellington, Basie, Hampton avec Pettiford) savent choisir, entre autres, leurs contrebassistes. Il se retrouve ensuite chez Teddy Wilson.

Kirby travaille avec Ahmad Jamal dès 1951, tourne avec Benny Goodman, revient chez Jamal.

CROSBY, sans sortir des canons de l’époque, est un modèle de rigueur, d’invention harmonique/mélodique. G. Shearing compare son jeu « idéal » aux basses continues de JS Bach.

Qu’est-ce qu’il vient faire ici ?

Simplement que se met en place chez Ahmad Jamal (« pianiste de bar » pour certains critiques d’alors) des années cinquante une conception du trio rien moins que révolutionnaire.

Peu ou prou, chez Tatum, Nat Cole, Errol Garner, Oscar Peterson et même Bud Powell, les contrebassistes et batteurs sont un peu des faire-valoir. Ils accompagnent le maître (j’ai vu Solal avec Motian et Peacock… on peut se demander…).

Avec Jamal on est d’emblée dans un mélange de sobriété et de sophistication (harmonique et rythmique) qui ouvre l’espace, fait la part au silence comme constituant de la musique (d’où l’attirance de Miles Davis). Les « accompagnateurs » voient en conséquence leur jeu mis en valeur. Ils seront choisis avec soin. Crosby pour les qualités évoquées. Vernell Fournier pour son sens de la couleur, du commentaire rythmique, sa souplesse, son jeu de balai (qui annonce Motian), son côté « percussionniste » avant l’heure.

Le trio respire, échange, se « démocratise » (les silences du piano sont vécus physiquement, Jamal se lève, va voir l’un , l’autre, joue debout 3 notes, se rassoit…)

Certes, Crosby ne bouleverse pas le jeu de basse, mais il est très présent, il choruse presque dans tous les morceaux, joue beaucoup « à la blanche » (temps 1 et 3), ce qui permet d’échapper au walking systématique et de phraser plus librement.

J’ai vu Kenny Werner au Sunset il y a qq mois, avec 2 jeunes cb et dms étonnant de facilité : trio très ouvert, « à l’écoute », très arrangé . J’ai tout de suite pensé à Jamal (de cette époque), plus qu’à Bill Evans.

CROSBY, donc, pas tant pour son modernisme propre, que pour sa participation au trio Jamal qui annonce, en douceur et profondeur, l’arivée du trio Bill Evans.

Réf : trio Jamal années 1956-56, Pershing Loundge, 1958 (But not for me, Billy Boy, Poinciana) et Alhambra Chicago 1961. Particulièrement, On green dolphin street, 1956.

« Basse feuilleton » (suite)

Scott LA FARO

Ce qui change, avec Scott LA FARO, c’est la conception même de la contrebasse dans le jazz. Le contrebassiste acquiert une place à part entière parmi les autres musiciens/solistes. Plus seulement pour accompagner.

Cette révolution est rendue possible, au bout d’un chemein que j’ai essayé de retracer, par trois raisons :

une virtuosité inégalée

une oreille, une sensibilité et un talent musical hors pair

la rencontre avec Bill Evans

Scott LA FARO dans ses années d’apprentissage ( ?), avec Chet Baker, Benny Goodman … assimile et dépasse le jeu de ses prédécesseurs : (en partie celui de) Mingus, Red Mitchell, qui jouait à deux doigts dès la fin des années quarente, et qui pousse assez loin l’improvisation mélodique, mais qui n’aborde pas vraiment le contrepoint (cf en trio avec Giuffre et Jim Hall, il y a pourtant la place).

LAFARO pousse le walking à ses somments, sur toute la tessiture de la basse (il joue encore boyau). Il admire Sonny Rollins et travaille ses solos. Rollins, justement, qui lui préfèrera Red Mitchell un jour : La Faro n’a pas assez de volume. Mitchel, de tradition acoustique, est puissant et possède déjà son propre système d’amplification.

LAFARO, fou de travail, fait faire un bon à la technique (pizzicato) de l’instrument : il gagne en vélocité (mais perd en volume, en réglant ses cordes plus bas), recourt à trois doigts main droite, double stop, triple stop, flamenco (ex avec Charlie Haden in Free-Jazz, double quartet O.Coleman/E.Dolphy, déc 1960).

En 1959, dans la rencontre avec Bill Evans et Paul Motian (qui joue avec le pianiste depauis 4 ans), c’est toute la conception du trio qui bascule, grâce au génie et à la culture des trois musiciens. Grâce aussi à leurs qualités humaines : Evans admire La Faro, lui donne sa place, accepte le dialogue permanent que lui propose La Faro (celui-ci lui laisse-t-il le choix ?).

Dans son jeu, le walking revient, par moment, magistral, mais si attentif à ce que joue le pianiste qu’il est prêt à se rompre, à partir dans un développement mélodique et des échanges en contrepoint (Blue in green, Witchkraft déc59, Portrait in jazz). Paul Motian ponctue, organise en finesse la polyrythmie, mais reste relativement assez carré dans le rapport au temps (l’explosion viendra plus tard, avec Dejohnette, où plus personne n’exprime le temps, même si la référence au tempo/beat est la même pour tout le monde).

LaFaro inove avec une conception du rythme qui s’apparente à celle d’un batteur (déjà présente chez Mingus, mais lui avait aussi un point de vue orchestral...). Il peut abandonner le walking, s’envoler mélodiquement, sans jamais perdre le sens et la fonction d’accompagnement de l’instrument. Cette qualité on la retrouvera chez un autre génie des graves : Jaco Pastorius.

Bill Evans : «  Scott était simplement incroyable quand il s’agissait de deviner votre prochaine pensée (…) il devait ressentir la même chose (…) Mais cette époque ne laissait pas s’installer une conception ouverte du trio, en laissant la musique se développer sur un BEAT intériorisé, plutôt que d’indiquer explicitement le temps ».

On remarquera que cette citation pose le même genre de problème que celle de Mingus (« rotary perception »).

Parallèlement à sa participation au trio Evans, Scott LaFAro est sollicité dans toutes les avants-gardes de l’époque : le « third stream », de Gunther Schuller qui réunit le 20 déc.1960 les tenants de l’avant-garde du jazz et un quartette à cordes pour une musique qui mélange classique, atonalisme et déjà « free-jazz » . La Faro est soliste. George Duvivier assure les fondements (ex Variations sur Criss cross, de Monk, avec une partie en duo Dolphy/LaFaro, qui se souvient de Mingus, mais…. Le lendemain ( !), est enregistré « Free-jazz », rencontre des quartets de Colemen et Dolphy. Pour ce qui nous concerne, il vaut surtout par les échanges de LaFaro et Charlie Haden.

Puis LaFaro remplace Haden chez Coleman, avec Don Cherry et Ed Blackwell. Le monde est petit. Mais divers : Evans/Coleman/Dolphy, on a en concentré les devenirs du jazz dans les 10 années suivantes.

LaFaro se tue au volant le 6 juillet 1961, à 25 ans, qq jours après s’être produit à Newport avec Paul Bley et… Stan Getz, félicité après le concert par Ray BROWN, qui dira de lui : « Pour son âge, il avait fait le tour de la question(…) C’est dommage, vraiment dommage . Cela va ramener l’instrument dix ans en arrière. Il faudra du temps pour que l'on revienne à son niveau »

juste pour donner mes trop modestes sources à propos de La Faro

- Bill Evans : Portrait in Jazz et Extrapolations

- une compil 3the Alchemy of Scott LaFaro" avec des extraits du trios à plusieurs moments, des extraits de la suite de Gunter Schuller, de "free-Jazz", d'Ornette Coleman, du quartet quand S LF remplace Haden

- je ne connais pas , à regrets, le Booker Little avec W. Kelly et Roy Haynes.

- Texte : "la basse de scott lafaro" par Laurent Briffaux dans les cahiers du jazz 5 et 6 en 1995 (je ne connais que le 6)

Je reviendrai avec :

- les successeurs de LaFaro

- Charlie Haden

- la contrebasse et les années soixante

- quelques lignes sur depuis...

- et je reviendrai un peu plus sur quatre contrebassistes : Richard Davis, Ron Carter, Dave Holland, Cecil McBee

Avant d’aborder la succession de LAFARO, je voudrais faire une réflexion plus générale.

Raconter l’histoire du jazz en s’appuyant sur l’empilement chronologique des périodes (que personne n’ose plus discuter) : New-Orleans, Swing ou middle-jazz, Be-bop,cool, Hard-bop, third stream, free-jazz … c’est pratique en première approche ; notre esprit classificateur et linéaire y trouve son compte à peu de frais, moi le premier. Mais si l’on est d’accord pour reconnaître au jazz d’être une forme d’art authentique, qui donne sa place à l’individu-instrumentiste, à sa personnalité, à sa subjectivité, on voit assez vite que cette logique de tiroirs gigognes ( ! ?) peut conduire aux pires injustices : en méconnaissant ce que chacun doit à personne d’autre qu’à lui-même. En niant les chemins de traverses, les raccourcis. Ceux qu’on dit marginaux.

Imaginez que du swing au free-jazz, c’est 20 années (en comparaison, que s’est-il passer depuis 1980 ?) . Entre un Benny Carter imperturbable qui traverse toutes les périodes, un Hawkins qui écoute, s’adapte, évolue, dialogue avec la nouveauté, et les météores Christian, Blanton, Clifford Brown…qui n’ont ni cette chance ni ce problème. Entre un Gillespie qui se répète, souvent génialement, sans rien changer, un Miles porté par les courants quand il ne les porte pas lui-même… Combien de Chagall pour un Picasso ?

En quelques générations qui se chevauchent, cette histoire a été si courte : celle d’aucun instrument n’est linéaire. Des pistes multiples sont ouvertes en permanence. Abaandonnées. Parfois reprises, souvent fécondes (que James Carter rePARTE -et non refasse- de Don Byas, il m’intéresse).

Scott LAFARO écrit une page essentielle de l’intrigue. Mais on ne lit pas le livre que pour connaître l’assassin. Il y a des histoires dans l’histoire. D’autres lectures. Inépuisables. La page Lafaro est irremplaçable et riche en postérité, mais elle n’épuise pas tous les possibles inventés avant lui. Par exemple, ce qu’il a gagné en liberté mélodique, en présence musicale, en vélocité, il l’a perdu en puissance, en profondeur, en énergie, en blues à la Mingus. D’autres viennent dans le même temps (regardez les dates de naissance, le parcours dès 1955) qui ont déjà repris ce fil, ce fil noir, ce fil africain du jazz (Richard Davis, Henri Grimes, Charlie Haden…).

Ceci n’a rien à voir avec une quelconque nostalgie de Paul Chambers, par exemple, qui était le génie qu’il était dans son époque, avec une esthétique de son temps. Ceux qui s’évertuent à le « refaire » me paraissent en respecter bien peu l’esprit. C’est le paradoxe de tous les revivalistes, quel que soit le style : en refaisant fidèlement la forme, ils ne peuvent que trahir le fonds . Et se trahir eux-mêmes comme jazzmen, quelle que soit leur virtuosité.

J’avertis et je prends ces précautions, parce que je ne suis pas à l’abri du schématisme (qui hante les forums), d’autant que j’écris ce feuilleton au fur et à mesure, sans l’avoir travaillé dans son ensemble, manquant de documents sonores, de connaissances, de références, d’oreille et de temps.

Mais c’est tout le plaisir et le risque de l’improvisation, non ?

La succession de LaFaro (suite)

LaFaro ayant définitivement libéré, sinon les contrebassistes de leurs complexes, la basse de sa discrétion obligée, les progrès tant de l’amplification que de l’enregistrement aidant, on ne peut plus jouer après SLF comme avant. Son influence n’est donc pas seulement technique, mais tient au rôle de l’instrument, même chez ceux qui n’adoptent pas son style de jeu. Elle est plus ou moins manifeste chez les uns et les autres.

Ses successeurs chez Bill Evans, EDDY GOMEZ plus que CHUCK ISRAËL (Sam Jones retient le trio dans une approche plus classique) feront mentir Ray Brown , et reviendront, au moins techniquement,

Au niveau, sans attendre 10 ans (à Montreux, Gomez/Dejohnette en 1969, et surtout « Intuition », en duo, en 1975 : Falling Grace). Gomez est monstrueux, dit-on. Certes, mais il faut aimer le son qu’il sort de sa contrebasse, assez maigre, très buzz-buzz dans le médium… Il faudra attendre son remplacement par Marc Johnson dans le trio Evans pour retrouver la belle musicalité du trio Lafaro (Vanguard 1979 ou 80 ? un Bill Evans très extraverti qui surprendra ceux qui ne connaissent que les trio 1960-61 : génial).

Le plus héritage de Lafaro, selon moi, est un contrebassiste tchécoslovaque (on disait comme ça) : MIROSLAV VITOUS. Mais je ne crois pas qu’il ait joué avec Bill Evans. J’y reviendrai.

J’aurais peut-être dû parler de GARY PEACOCK, dont le cheminement est assez personnel.

CHARLIE HADEN

Autant le météore Lafaro aura illuminé de façon fulgurante le ciel du jazz, laissant derrière lui une longue traîne de lumières, autant la belle étoile du berger Charlie Haden est un repère inextinguible, des feux du free aux beaux duos apaisés (et particulièrement avec Pat Metheny, une réussite qui tient de la magie : beyond the Missoury Sky, 1996).

Gros son, forte attaque à la Mingus, puissance et rondeur à la Ray Brown, avec un sens prond du chant. Une ponctuation rythmique posée, pas toujours sur le temps qui trouvera un écho idéal dans le drumming de Ed Blackwell, chez Ornette Coleman. Jeu en double/triples cordes, en accords de type guitare…

Très lié d’amitié avec Lafaro, son aîné d’un an, ils avaient à résoudre les problèmes des bassistes de l’époque (assouplir ou sortir du walking, placement rythmique, choix harmoniques), mais n’y apportent pas les mêmes réponses. Quand on lit, parfois : « Intel, dans la lignée Lafaro/Haden… », j’avoue ma perplexité. Les critiques se discréditent parfois chez les musiciens avec des petits riens de ce genre.

Là où l’un investit toute la tessiture, l’autre se cantonne au grave ; l’un est véloce, aime les longs développements mélodiques, l’autre choisit la sobriété, la profondeur de l’assise et du chant, on pourrait presque dire : de la chanson.

Accompagner comme Haden, ça paraît tellement facile (qqun dans les forum l’avait trouvé assez médiocre…). Mais ça vous assure une carrière : cf la liste de ses partenaires. Il est tellement grave, l’Haden !

Haden se situe davantage dans le sillon de Mingus, mais plus que par son jeu, par son autorité musicale immédiatement perceptible, qu’il soit ou non leader.

Parenthèse : la contrebasse, l’instrument qu’on n’entend pas, ou qu’on écoute pas , aura quand même donné de grands leaders (John Kirby , Pettiford, Mingus, Haden, Dave Holland , ? Scott Colley, chez nous TEXIER, n’en déplaise…), sans parler des bassistes électriques (Clarke, Pastorius, Marcus Miller, Alain Caron…).

Donc Haden concepteur, musicien engagé (Liberation Music Orchestra, le premier en 1969), et maître-contrebassiste.

Pour une leçon de be-bop reposée, mais pas sclérosée, écouter « Segment » de Charlie Parker, avec Quartet West (Haunted heart 1991). On remarquera qu’Haden fait souvent appel à des notes répétées (sur 1 et 2, 3 et 4) plutôt qu’à des notes de passage. Archaïsme d’avant Blanton ? Peut-être : en 1995, Haden enregistre en duo avec le chanteur-guitariste de blues James COTTON. Un disque pour WONK !

 

ContraBass scory, suite

Parmi les contrebassistes des années soixante, je ferais d'abord ressortir la personnalité de HENRY GRIMES, compagnon de Rollins, Lacy, Don cherry et familier des milieux "free". Pour moi, c'est un peu le Booker ErWin de la contrebasse, qu'on oublie parce qu'il ne joue plus dès la fin des sixties (Erwin meurt, Grimes est malade). Personnellement, dans ces années, je trouve Erwin (avec Byard, R. Davis, A. DAWson) plus profond, plus fort et plus prometteur que Joe Henderson, par exemple.

S'il fallait rattacher Henry Grimes à d'autres, c'est à Mingus dans l'esprit, à Wilbur Ware dans le jeu surtout que je penserais (particulièrement avec Rollins et Don cherry, Our man in Jazz, l'exposé étonnant de "you are my lucky star"). Je trouve tragique sa disparition si précoce. Gros son bondissant, présence, swing, notes pédales, idées d'accompagnement originales, brusques sauts du grave à l'aigu, solos très vocaux... un virtuose qui n'en a pas l'air. Et on voit mal ce qu'il devrait à Lafaro. Il n'y que Richard DAVIS pour accompagner aussi librement, avec autant d'autorité et d'invention, hors des sentiers battus.

Et j'imagine que Jean-Jacques AVENEL ne renierait pas une certaine filiation, avec ses ruptures de walking aussi pertinentes qu'inattendues, et ses solos qui racontent une histoire (avec Steve LACY).

 

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