X 5 TEMPS BASCULÉS 1er janvier - 1er avril 2012

Suite de CRISE EN VERS dans LIVREDEL X MO SOUS LA PEAU, ouvert 1er janvier 2012, chronologique de bas en haut. Fermé le 1er avril 2012. Suite dans ICI J - 84 

Poésie Plan général  Liste classée de tous les poèmes 

Les temps basculés sont les temps de l'histoire et du poème, radicalement présents

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UN COMPTE DE FAIT

Contrairement à ce qui s'annonçait, mal, dans THE DAYS BEFORE April 1 2012, il s'est produit aujourd'hui dans ma vie un événement considérable, la réalité rattrapant ma poésie indépendamment de ma volonté.

C'est aujourd'hui dimanche. 1er avril. J - 84. Sept fois douze jours de travail au compteur à rebours. Ma vie est un compte parfait. Un compte de faits. De fait. Jusque-là, c'est moi qui faisais en sorte qu'il se passe une chose importante dans ma vie le 1er avril. Mais là, c'est la réalité qui est venue à la rencontre de ma poésie, par hasard, comme de bien entendu.

Pourquoi Hemingway a-t-il écrit : « Il était une fois un vieil homme, tout seul dans son bateau, qui pêchait au milieu du Gulf Stream. En quatre-vingt-quatre jours, il n'avait pas pris un poisson...» ? Parce que le quatre-vingt-cinquième est un jour de bonheur, quand un espadon énorme mord à l'hameçon...

1er avril 2012

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LE MARCHÉ AUX PLEURS

Pour Myriam, Mohammed, pour Toulouse et Gaza...

Reviendras-tu de tout, jamais de cette mort
en léger différé, et qui vient par coups trop ?
Offre à ton cœur petit, et qui s'en serre encore,
des larmes à crédit, vendues à prix de gros

Sur le marché aux pleurs, c'est l'embarras du choix
pour les deuils de bon ton. Il n'est possible accueil,
hein, à toutes les douleurs du monde... Arme-toi,
pour trier, ordonner tes chagrins, de conseils. 

Quels tueurs à quels yeux sont-ils bons, aux dépens
des victimes, dont le mérite est relatif,
parfois d'être décédées même ? Ça dépend,
qui préside, ou à quoi, de ce qu'on est natif...

Tu vois ce triste exemple. Un enfant c'est pas comme
un militaire, un Français comme un Sarrasin,
déplorer une, ou de nombreuses pertes... en somme,
bien d'chez nous vaut souvent plus que mille voisins.

Ainsi donc, la valeur est créée par l'usage,
l'échange un contre mille semble équilibré
si cet un est ton frère, et si mille, un mirage.
De loin, peut pas savoir. La presse a vu de près.

Elle a le cœur gros comme
la République et
nos armées réunies. On peut compter sur elles.
Tous ensemble, pleurons ! La France est attaquée !
Notre si beau pays... Sa démocratie belle...

Nos divisions président mal de l'avenir.
Notre peuple est en pleurs.
Il a peur de son om
bre il sait qu'
ils viennent jusque dans nos bras punir
nos fils, nos compagnes
. Nom d'un petit bonhomme !

22 mars 2012 / 52

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DOUTE EN TÊTE D'OUTRE MAÎTRE

Laissant les jours dompter la mort qui les bascule
en la nuit du labeur, de l'aube au crépuscule,
les foules ont sombré sous les immeubles gris
des voitures épris, la vêture assombrie
par les revers du temps, et la couleur se brise
en triste sort glissant sous les yeux dans la crise ...

Les bruits nous font durable ce silence aussi
profond qu'un fracas de torrent soudain grossi
par le dément des maux, ce déluge au débord
infini de non-sens cumulable, à l'abord
si précis du monde toujours nouveau d'un crime
passionnable en série bétonnée vers l'abîme...

Et nous voilà prières, suspendus odieux,
en sermons policés d'inouïs doux adieux
que n'entendit jamais, depuis son vivre encore
tout-à-l'heure, demain, l'an prochain de son corps,
de plaisirs à douleurs, cet enfant interdit,
ce garçon, cette fille à la gaieté verdie ...

Alors j'écris sur l'avenir sa feuille de déroute
où je pleure d'une encre indélébile un doute
absolu et certain, où rien répond de tout,
à mon tour, à ma place, ou de tel autre itou...
Nous sommes tous le même, allant par maintes foires
s'étaler de savoir mais de son maître ignare...

Pourtant combien parfois le soleil nous a pris,
nous apprit à s'éprendre, tendrement et sans prix
et du soir au matin et de dons les mains pleines,
comment on ne sait plus, ça ne vaut pas les peines
arracher de l'oubli, mieux cuire l'inconnu
que tenir le malheur comme déjà venu...

L'avenir me poursuit, police du présent
à mes basques, et moi voleur de tout mon temps
perdu à fuir pour fuir, pour aller nulle part
dire être ailleurs, improbable chant du départ
échoué dans les gorges du trac, patatras,
prince d'échecs, à la nasse en déchet extra

Ordinaire travail à l'insu bordel né
des sons d'impur génie, son sang d'avant donné
pour un sucre trempé dans la chartreuse verte
de peur que la souris s'en saoule - elle est experte,
dit la chanson. L'escargot est un chaud lapin.
Il faut le croire et manger cru. Avec du pain.

20 mars 2012 / 51

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D'UN MOT L'AMOUR EST MORT

Tu n'auras jamais assez de doigt à te mordre
poussière plus fertile qu'une tâche d'encre
sur le parchemin ta peau est bonne aux caresses
du vent aux coulures de pluie plus qu'à penser

Mes plaies plus qu'à plaider mes sens pendus au ciel
sans mots n'existe que la vérité des corps
des corps n'existe qu'une vérité de mots
sans vérité sans mot tout existe plus vrai

D'avant le dire d'après le dire pendant
le taire est préférable un silence est amour
mon amour sais-tu qu'un amour s'est tu d'un mot
qui l'a tué qu'il est mort en voulant se dire

10 mars 2012 / 49

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LE TRAVAILLEUR À BEC ROUGE

Parfois la poésie n'est pas assez la vie
n'est pas assez ma poésie est parfois trop
ta vie n'a pas de peau parfois ta poésie
saisit ma vie hésite et mal soupèse un mot
sans poids cent fois sans main tu a pris trop de gants
et je t'étouffe avec des moufles les sanglots
secs de nos pardons morts sur le sentier sans gloire
où un ami m'attend au bord d'un verre vide
l'esprit gourd les doigts lourds perdus dans le bottin
d'avant mon numéro d'avant tu sais ma guerre
qu'on croyait pour de rire ah oui fallait me voir
penser en revenir vivant parmi les miens
seul à seul détourner les pages du milieu
d'une histoire à jamais sans fin dès le début
tu sais quand la page était blanche et tu disais
continue le combat je sais plus qui avait
commencé de toi pour rigoler de moi par
bravade un peu d'audace à la folie beaucoup
à regarder passer les trains de la défaite
annoncée comme si c'était moins triste à deux
d'avoir raison contre un milliard d'heureux cocus
de vivre à en mourir ni pour nous ni pour eux
ni personne à ce jour non oui l'art de tromper
les travailleurs sera des travailleurs le chef
d'œuvre même Ont-ils rien de plus sûr dans la place
aux abonnés absents rayés des listes rouges
tu te souviens non oui je sais quand ça t'arrange
tu oublies l'avenir c'est toujours pour plus tard

(D'après Wikipédia) Le travailleur à bec rouge est un petit passereau, l’oiseau le plus nombreux au monde avec plus d'un milliard d’individus. Il vit en Afrique, en colonies très denses. La femelle a le bec jaune [et donc elle est et n'est pas un travailleur à bec rouge]. Il cause des dégâts aux rizières. [C'est pourquoi, souvent, il reste bec dans l'eau]

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5 mars 2012 / 48

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L'IMPORTUNE

En bottine assurée
boudinée d'arrogance

Bout du nez enfoncé
dans un livre d'enfance

De « Contes et légendes  
monde grec et barbare »

Un compte, aider les gens !?
Beau l'art l'est d'un bobard

La haine est-elle hellène
que ça la mène hélas

Faire ménage à trois
dans les ruines d'Athènes ?

(...)

Ton sosie dans le RE
R m'a l'air malheureux

16 février 2012 / 25

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COMPLAINTE CONTRE X

Trois fois toi neuf
je pose un œuf
et je retiens mon souffle
au cœur. Plouf !

Les jours sans jour les heures
sans heurs pis sans émoi
Au temps m'enchaîne
qu'un chien aboie

Un geste un signe
les gens qu'indigne
qu'on s'en prenne
à l'indigène

Et mon voisin
à ma voiture
dont le moteur
le matin gêne

Les normaux tôt
et les fait tard
le soir râler
au lit minés

De là se mène
lundi la haine
indicateur
de l'indigent

Trois fois moi rien
je pose tout
et je reviens
demain malin

10 février 2012 / 11

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SORTIS DES SOUTES

rap à deux voix et percussions (voix 1 voix 2 ensemble, ou distribution libre)

Des siècles des poussières
dix-sept ans sur les routes
aux présents des hiers
quand il sortait des soutes
une lumière
noire à percer l'avenir

On dit ces temps de doute
poussière sur la route

Vous les jetez d'un geste
aux enchères
aux marchés

Vous les laissez sans reste
et plus chers
épluchés

À pourrir dans vos cages
où mûrissent leurs rages
de vos temps indigestes

On dit ces temps de doute
poussière sur la route

Ils en ont dans le chou
ils déjouent les tabous
de vos livres d'histoire
Ils ont eu les déboires
versé toutes les larmes
ils ont toutes mémoires
ils auront toutes armes

On dit ces temps de doute
poussière sur la route

Ils sont partout ils vont par milles
ils sont parmi le nombre
Ils sont sortis de l'ombre
ils n'ont pas le nombril

à la place du cœur ni leur nom brille
place de la concorde
Ils coupent court
au virage à la corde

au cou rage Un langage
leur manque les mots
pas le souffle
ils sont le vent levé

Volent haut comme au
devant des dangers comme
oh !
des anges contre vous
Démons !

On dit ces temps de doute
poussière sur la route

Forçats des esclavages
des soutes soulevés
ils sont nos vents en poupe

On dit ces temps de doute
poussière sur la route

Et surgissent vos peurs
qu'ils ne soient pas qu'on gère
managés en voleur
qu'ils ne soient pas pépères
à voile et à vapeur

On dit ces temps de doute
poussière sur la route

Voilà votre terreur
être rien qu'ils soient tout
Et voici votre fin
qu'ils ne soient plus valeurs

On dit ces temps de doute
poussière sur la route

Qu'ils soient pis, contre vous
pis qu'ils soient tous contre vos sous
pis qu'ils vous nettoient vous vos dessus vos dessous vos sourires
Telle est votre panique qu'ils vous niquent

On dit ces temps de doute
poussière sur la route

Ils vous déborderont
sabordant vos encombres
Ils vous débonderont
démontant vos démondes
Ils vous déborderont
espèces de cons combles
Ils vous débonderont
espèces de cons combles
Ils vous débonderont
espèces de cons combles

On dit ces temps de doute
poussière sur la route

10 janvier 2012 / 3

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PLACE À JUSTES VIOLENCES !

À la mémoire de Flora Tristan *, et de son petit-fils Paul Gauguin

Nous tournerons les vents mauvais sur toutes têtes
de nœuds du lien social au bordel capital
Nous jetterons l'effroi dans la tempête

Feu sur leur droit à la violence
Sur la violence de leurs droits

Aux riches et leurs chiens Aux maîtres et leurs biens Aux mâles de leurs miennes Aux chefs et leurs miches
Aux princes de la triche Aux trombines d'écrans Aux marchands et combines Aux sages de l'usine

Feu sur leur droit à la violence
Sur la violence de leurs droits
 

Aux bureaux Aux barreaux Aux tôles et contrôles Aux caméras cachées À la came en cachets
Au gibet des guichets À la démocratie ses scies À politique et ses boutiques Au sale lot boulot
Au travail ce trafic Aux trajets des tracas Aux fracas des sujets Aux pouvoirs des avoirs
Aux affaires Aux affreux À l'horreur des horaires Au permis aux pervers Aux salauds Aux salaires

Feu sur leur droit à la violence
Sur la violence de leurs droits
 

Aux bonnes soeurs des sacrifices Aux malsains édifices d'État Aux faux seins et tas d'artifices
Aux quartiers de mollesse Aux quartiers sans noblesse Aux rentiers de la fesse Aux messes des banquiers
Aux valeurs de papiers Aux pigistes pliés aux pieds de la valeur Aux artistes pompiers
Aux pinpons des doctrines Aux doctoresses en droit Aux élueurs de gauche Aux terreurs du milieu
Et j'en oublie et j'en oublie on remplira et cætera

Feu sur leur droit à la violence
Sur la violence de leurs droits
 

Ajoutons-y ces rats aussi Ces assis scélérats sociaux et ces cocos rassis Ces curés à parade chic
Ces coincés d'appareils Leurs partis c'est pareil Les carats prés carrés Les cars de policiers
Les paras préparés par droits de l'homme à la violence Et les fistons par leurs tontons au droit de viol
Et j'en oublie et j'en oublie on remplira et cætera

Feu sur leur droit à la violence
Sur la violence de leurs droits
 

Comme ils ont mis nos vies à nu
nos malheurs au placard
nos savoirs au rancart
nos enfants à la rue
nos vieux à la poubelle
nos belles au trottoir
nos malades aux déchets
nos luttes en fichiers
nos pauvres en prison

Et compromis ce temps sans horizon 
achetant aux enchères
sur l'air à vendre leur canon
le plus cher de nos chairs

Place à justes violences !

Comme ils ont à bruit blanc
réduit les maux du monde
Soumis à l'or planqué
les mots vidés de sens 
Abruti le silence
salaire d'impuissance  
Ôté à la bonté toutes ses vérités 
et même à tout poème...

...ah ah la poésie laissez-moi rire
Un temps pour tout ! D'urgence offrir

Place à justes violences !

On gardera nos vers pour le repos guerrier
et la rime pour rir' si si soyez gais riez 
un sourire à la main pour venger la maman
d'un père l'aimant en cage
d'un fils mort désarmé

On offrira des fleurs à nos filles sauvages 
de beaux joujoux aux gosses de partout
des youyous désarmant aux fusils 
de futiles yoyos et la commune à tous
pour le temps nécessaire inutile

Encore faut-il

Faire un pas vers un choix
de vivre en liberté
entre tous inventer
                                         l'infini
contre un reflux des vagues
pour un réel allié
à folie tendre
âmes déliées

Mais sans attendre faire

Place à justes violences !

4 janvier 2012 / 2

* après lecture du magnifique roman de Vargas Llosa 'Le Paradis - Un peu plus loin', avec un aveu : je fus tenté par le 'hasard objectif' (André Breton, Nadja) quand, élu en 1975 secrétaire d'une nouvelle cellule du PCF baptisée Flora Tristan, j'appris qu'elle avait vécu à deux pas, rue du Bac (où son mari lui tira un coup de révolver, kidnappa et viola sa fille la mère de Gauguin), et que "Madame la colère" était née, comme moi, un 7 avril (ainsi que Billie Holiday). Avant Marx, elle affirma « L’affranchissement des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. L’homme le plus opprimé peut opprimer un être, qui est sa femme. Elle est le prolétaire du prolétaire même ». Néanmoins, son 'Union ouvrière' fut naïvement pacifiste.

* 

TEMPS BASCULÉS

Vois nos temps basculer
souffrants et bousculés
des faux liants des folies
quand des morts font des vies
l'urgence et le courage
des armes

À jeter les mots du passé aux vers à composter
la ruine séculaire
en terre à fertiler, neuf ! l'inoui langage
à nouer prompt à taire
l'universel crédo charitable et soumis
au légitime viol communautaire
des âmes

Alors tu compteras tes morts intimes
en ravalant ta soupe aux restes de l'usine
où l'humain inhumain marine en batteries,
indifférent aux lieux égaux du crime,
de pis en pis logé Place des habitudes

Sur quelles voies traquer l'ennemi accouchant chaque jour
de son accouplement avec la veille ?
Pas de réveil matin aux rendez-vous de rompre
Seule victoire en vue ton combat face au même
à commencer sans fin

Résolution dans la résolution

Bonne année, bien cher frêle,
Que ton meilleur te gagne ! 

1er janvier 2012 / 1

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