- musique, peuple et politique : Bartok... Weill, Eisler, Adorno... Bartok

Deux exemples allemands

Retour à la musique avec ce commentaire de Bloch sur l’Opéra de quat’sous, de Brecht et Kurt WEILL, dont on connaît les emprunts au jazz (avec les renvois d’ascenseur) : « La tentative de l’Opéra de quat’sous a mis la pire des musiques au service de la plus avancée d’aujourd’hui et elle se montre dangereuse. La putain au service de la bourgeoisie dans la rue est devenue une contrebandière anarchiste, au moins anarchiste. » (cité par Pascal Huynh in Kurt Weill à la conquête des masses, B ,p. 96)

Weill, et son « Opéra » admiré alors par Brecht et Adorno pour son caractère destructeur, se prépare à un autre avenir, du côté de Broadway. C’est un autre admirateur, Hanns Eisler, qui lui succèdera près de Brecht, et il empruntera comme Weill beaucoup au jazz.

(intégrer qq lignes sur Weill et la question d’un art d’élite pour « les masses », la quête d’une musique de sens et de plaisir, l’inventeur de merveilleuses mélodies, thèmes...)

Hanns EISLER rompt délibérément en 1926 avec Schönberg, son maître, « cet homme unique », à la musique duquel il reproche alors « son hermétisme et son accès difficile (...) alors que manifestement privée de tout contenu (...) suscitée par un climat élitiste, (elle) ne prête pas l’oreille aux contradictions de l’époque, à ses conflits sociaux... » (Musique et politique, Hanns Eisler, par Albrecht Betz, B , p. 44-49)

Eisler se propose, parce que « la méthode de Schönberg, précisément, puet devenir extrêmement importante pour une nouvelle musique sociale, quand nous aurons l’intelligence de l’utiliser avec un sens critique. Il s’agira en quelque sorte de remettre Schönberg sur ses pieds, c’est-à-dire sur le terrain de notre condition sociale avec les luttes (historiques) des masses pour un monde nouveau » (Eisler sur Schönberg in Musik und Politik, 1924-1948).

Avec Brecht et Bloch, il publie en 1937 un essai : « Art d’avant-garde et Front populaire » avec cette question : « Est-ce que, et comment, la conscience socialement la plus avancée socialement peut dès aujourd’hui s’allier à la conscience esthétiquement la plus avancée, et inversement ? » (Betz, B , p. 137) Les trois reprochent à Lukacs son étroitesse, son manichéisme, sa méthode cherchant à harmoniser humanisme, stalinisme et Front populaire...

Parti aux Etats-Unis en 1938, il est victime, avec Richard Nixon, de la « chasse aux sorcières » et, revenu en RDA en 1947, en composera l’hymne national, devenant une sorte de musicien officiel, tout en poursuivant son idéal musical, qu’il ne trouvera que dans la musique à textes. On lui doit de s’être, sous le joug, opposé à l’interdiction du jazz... cette « musique américaine » (sic) pour le régime en place.

Du point de vue de la musique, nous verrons plus loin l’exemple de Bela Bartok, avec ses préoccupations d’une musique issue du peuple (...), dont l’intérêt ressurgit, parallèlement au jazz, dans l’ancrage populaire de certaines « nouvelles musiques improvisées ».

 

Musique contemporaine : quelle modernité ?

C’est ainsi que s’engagent les batailles autour de la musique du XXème siècle, qui, en France, se focalisent sur la personnalité écrasante de Pierre BOULEZ, le « Pape » du sérialisme (Voir Benoit Duteurtre, Requiem pour une avant-garde, 1995).

Il est assez piquant, que cette école du chromatisme sériel, qui s’est considérée comme une avant-garde incontournable pour l’avenir de la musique, rejetant toute approche tonale comme prisonnière du passé, se soit déchaînée avec autant de haine, entre autres, contre le jazz. Pour finir, ce qu’il en reste, c’est un ratage avéré, un art officiel financé en France par les contribuables et qui s’enlise dans son propre dogmatisme scientiste, comme dans une surdité à toutes les novations musicales authentiques, alors que, hors une secte d’inconditionnels, le désaveu public est patant. A moins qu’hermétisme et abstraction ne deviennent des critères de qualité artistique.

Ce qu’on peut retenir ici, c’est que les débats sur le rapport entre musique et politique, engagement révolutionnaire et avant-garde artistique se trouvent traversés par deux autres critères : la relation entre art d’élite et art de masse, et la dimension hédoniste de la musique, contre l’ascétisme. Ces deux aspects, nous les avons rencontrés dans le discours critique sur le jazz, et notamment avec le livre choc de 1971 : Free Jazz Black Power.

IndexBOULEZ Pierre (compositeur) ; EISLER Hanns (compositeur) ; WEILL Kurt (compositeur)
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