- économie quand tu nous tiens

Le temps, c’est pas de l’argent,
Le temps c’est le temps.
Vous avez fait l’argent.
Nous avons fait le chant.

James BALDWIN, Jimmy’s Blues, poèmes, 1983, Actes Sud

Les conditions économiques, ce sont celles qui prévalent à la production, à la diffusion, et à l’accès au jazz : du côté des musiciens, leurs moyens de vie ou de survie ; du côté du marché, les bénéfices escomptés, importants ou aléatoires, de la vente de supports musicaux (disques, CD, vidéos, DVD ...), des revues spécialisées, concerts, clubs et festivals ; du côté du public, les moyens - le temps, l’argent - d’accéder aux manifestations et aux supports.

L’essence de l’économie politique du jazz n’a jamais été posée avec plus de concision que dans cet aphorisme d’Archie SHEPP : « Vous possédez la musique et nous la faisons »

Frank KOFSKY, Black Music, White Business, 1997, TrA

Les musiciens doivent contrôler leur édition. Les musiciens doivent avoir conscience du contenu de leurs contrats... de tout ce qu’ils entraînent. C’est l’ère de l’information. Etre musicien exige d’en savoir autant que possible, par exemple sur Internet. L’important dans ce business de la musique, au bout du compte, c’est le partage des bénéfices. A la base, ce business est inconstitutionnel. Oui, parfaitement ! Dans n’importe quel autre travail, vous vous y retrouvez à la fin. Vous payez d’abord vos employés, et si vous faites un bénéfice, vous empochez votre dû. Dans le business du disque, avant même de faire un bénéfice, ils se servent au maximum. Et l’artiste peut toujours attendre. Pas d’artistes, pas de disques. A la base, c’est une situation rétrograde. Plusieurs juristes m’en ont parlé. Je ne sais pas ce qu’on peut faire à ce sujet, parce que c’est une industrie colossale, probablement juste après le pétrole. Il faudrait créer une alliance, une sorte d’action de classe ou un immense rassemblement. Ils peuvent agir totalement sans contrôle. Ça ne changera probablement jamais. Maintenant, c’est un jeu de dés. Vous pouvez avoir le contrat le plus hermétique du monde. C’est comme d’essayer de lancer une balle à travers un trou dans le sol. La balle fait 9 pouces, le trou 10 : les probabilités sont contre vous. Quelques-uns gagnent, d’autres non. Je pense que l’information et l’éducation aident tout le monde. Et ils en ont peur parce qu’ils ne veulent qu’exploiter les gens le plus possible. Vous demandez quelque chose comme des soins médicaux. Quand un footballeur signe avec une équipe, il passe une visite médicale. Pourquoi pas les musiciens ? Si vous engagez un musicien, que vous investissez de l’argent sur lui, vous devez savoir s’il est en bonne santé. Nous aurions pu être autre chose... médecins ou juristes, mais nous avons choisi la musique. Michael Jordan et d’autres, qui sont des icônes, sont beaucoup plus jeunes que moi (j’ai 46 ans)... Les joueurs de baseball et de football sont très protégés. Pas nous. C’est dans la vie quotidienne qu’on le voit. Il n’y a rien qui justifie ça. Beaucoup de gens pensent que la musique est un passe-temps (hobby) :  « Que faites-vous au juste ? Vous jouez de la musique tout le temps ? » J’ai nourri ma famille avec. Nous n’avons pas encore vraiment un système de protection. Nous essayons de le faire. Tout est fondé sur le talent. En un sens c’est comme l’athlétisme. Soit vous pouvez, soit vous ne pouvez pas. C’est une profession très difficile.

Bobby WATSON (1953), sax/comp, AllAboutJazz, octobre 1999, Craig Jolley, TrA

IndexBALDWIN James (écrivain, USA) ; KOFSKY Frank (critique jazz) ; SHEPP Archie (sax ténor sop, lead, écrivain) ; WATSON Bobby (pianist)
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