- les choix des musiciens

Dix doigts c’est trop peu pour comprendre.

Paul ELUARD, Ailleurs ici partout, 1946-53

Ces choix se font dans la recherche d’un équilibre : entre la conception qu’ils ont de leur oeuvre - leur vocation artistique - et celle de leur métier - la survie économique : se nourrir, se loger, subvenir aux besoins des leurs.

C’est l’équilibre entre la poursuite d’un idéal et les contraintes pour le réaliser (principe de plaisir / principe de réalité, pour la psychanalyse freudienne). Avec pour l’oeuvre les risques du métier : la perspective de carrière (comme on dit chez les fonctionnaires), s’encroûter et ne plus assurer que la sécurité d’un revenu : séances de studios, enseignement... Avec pour l’oeuvre les risques du succès : ne plus voir dans la musique qu’un moyen de devenir célèbre et riche.

Destin qui se joue pour chaque artiste à travers les difficultés, contraintes et pressions, rencontres de l’échec ou du succès, et la fermeté de son engagement propre, dans la société telle qu’elle va.

(Années soixante, avec Quincy JONES, Jay Jay JOHNSON, NdA)

A partir d’un certain stade, le travail de studio est une corvée, mais nous avions la chance de jouer beaucoup de musique nouvelle et variée, et en même temps, il nous fallait assurer tous les engagements en clubs. Si souvent, il y avait tant à faire que vous deviez commencer tôt le matin, travailler toute la journée pour faire votre boulot en studio. Alors, quand j’avais une affaire, par exemple avec Bob BROOKMEYER, comme ce fut courant au Half Note, nous terminions à une heure matinale si avancée que nous ne pouvions plus rentrer à la maison. Il fallait prendre une chambre d’hôtel à proximité de l’engagement du matin. Un vieil habitué m’a prévenu, quand je suis entré au studio la première fois : « On appelle ça « la maison » (the house), mais souviens-toi, Clark, une maison n’est pas un chez soi (home) ».

Clark TERRY (1920), tp/voc/comp/cond, Jazz Journal 1985, TrA

 

Le système choisit seulement quelques musiciens qui deviendront riches. La plupart d’entre nous font ce métier parce qu’ils l’aiment. Bien sûr nous en vivons assez bien. Pour survivre il vous faut savoir prêter attention aux aspects du business de la musique. Que ce soit pour faire votre propre CD, faire une brochure à plusieurs, envoyer un communiqué de presse, ou répondre à temps au mail de quelqu’un. C’est 90% de business, 10% de créativité (rires). Bien que j’ai arrêté d’enseigner depuis plusieurs années, j’ai survécu en jouant de la musique. J’ai eu beaucoup de chance de pouvoir le faire.

Oliver LAKE (1942), sax/fl/comp, AllAbout Jazz, mai 2000, Craig Jolley, TrA

 

Q : Que diriez-vous à quelqu’un qui débute dans le music business ?

R : Le plus important est d’être sûr de suivre la musique, qui est pour le musicien le chemin pour suivre son coeur. Les deux choses sont entrelacées. Vous savez, même cette expression de « music business », plus vous êtes âgé, plus elle sent l’aigre. C’est un business terrible. Musique et business n’ont rien à faire l’une avec l’autre ; il n’y a pas de corrélation, c’est toujours une friction. Je voudrais encourager les gens à ne pas se laisser influencer par le business. Si vous êtes sincère, dans votre coeur, accrochez-vous, en tant que musicien, et laissez le business vous trouver.

Robben FORD (1951), g, DigitalInterview, juin 2000, TrA

IndexELUARD Paul (poète) ; FORD Robben (guitariste) ; JOHNSON Jay Jay (trombone, comp, lead) ; JONES Quincy (trumpet, comp, lead) ; LAKE Oliver (saxo, flûte, comp) ; TERRY Clark (trumpet, voc, comp, lead)
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