Sonnets de MO SOUS LA PEAU

179

ATOUT TARTE 

à Moeko

Un livre rond
c'est pas d'la tarte
mais ç'a l'air bon
coupé en quarte

Moi l'ivre rond
comme une' queue d'pelle
préfèrera
'vec du citron

Toi la plus belle
et Nicolas
au chocolat

La chatte aura,
poil dans la pâte,
d'la tarte au rat

21-23 juin 2012

178

ESTIVAL FONTENAY

« Tout cela qui ne s'est passé
Qu'en une vision peut-être
Reçue le vingt et un juin »
André Pieyre de Mandiargues, Bouclier de violettes, Gris de perle, 1974

Les yeux collés aux yeux
le matin à la nuit
c'est l'été. On essuie
ses larmes chues des cieux

dans cette odeur d'essieux
trimbalant sous la pluie
crissamment des ennuis
communs et silencieux

C'est l'été. Qui l'eût cru
il pleut il pleut des crues
les eaux n'ont plus de frein

et les bassins sont pleins
comme un jour de semaine...
De quoi se plaint le train ?

RER A 21 juin 2012, 9h07

177

SANS STANCE

L'esprit qui rame
en perd son charme
et tombe à plat
avec éclat

L'escroc qui rime
avec son crime
en vend l'esprit
à meilleur prix

L'exquise plume
par derrière u-
ne reine est nue

L'espoir s'allume
au réverbère
d'une inconnue

19-20 juin 2012

176

REVU DE PRESSE

(Le concept de chien ne boit pas
de cette eau)

Une nonne noumène
en bateau
Le phénomène
est pas catho

L'idée tombe à l'abbaye
elle est chou a la playa
(c'est pas pour les cabots)

Un ouv'rien sans zèle
en rend à l'herbe Grasse
comme un âne mou tond

à trois ou quatre pattes
qu'un canular lui casse
car par là vanne passe
pour que la chienne aboie

Il existe une discussion sur le fait que Spinoza ait écrit "Le concept de chien n'aboie pas". Il n'aurait parlé que de la constellation éponyme. L'origine en serait chez Althusser. Voir le pourquoi et le comment du clebs de Spinoza, selon Dominique Meeùs, et le noumène vs phénomène chez Wikipédia.

19-20 juin 2012

175

LAMPYRE DÉCENT

Vers luisants, demi-sonnet

Un songe ourdit la nuit
mais lui, le noir, nuit au mensonge
d'où je publie la lyre enfuie
d'un séjour plongé dans l'ennui

Alors d'un son ravi
le jour relui
s'allie la nuit

18 juin 2012

174

À PLUCHE !

J't'écris à la plume d'autruche
qu'un bon mot triche pour te plaire
 
J'te crie en voix de contre basse
mes hautes études en D
mineur de sciences asociales

Toi qui m'dis que j'entrav' que dalle
que je m'en fous pas que des masses,
dans l'urne ta mort fait pipi

Tu m'prends les pieds dans le tapis
où j'ai jeté mon dernier dé
en vers derrière la cravate
qui nous pendra tous par l'épate

J'me plante en terre l'épluchure
la patate entière est plus chère

17 juin 2012

173

ANTI MYTHE

Entre hiers meurtriers
et délire émeutier
délimitant le mythe
un tiers état milite

Appel d'amants du manque
matamores déments qu'
un présent démantèle

Ta solitude est sans gardien
Personne dit à personne rien
Ni mistigri ni gris mystique
ni chattemite ni miss tweetique

Aucune oreille entre tes murs
dans le couloir un bruit murmure
Sans nul pouvoir l'unique est ta propriété

15-16 juin 2012

172

LEÇON D'ÉPOUVANTAIL

ou Qu'est-ce que la philosophie ?

Dans la vase il va nu
par les ruines / sans tunique
mais fesse à l'air connu
dans la vase on le nique

gratuit c'est pas de cul
et privé de salaire
il erre au temps perdu
des luttes ouvrières

Ah quelle enquête ardue
mène le pauvre hère
pour l'introuvable du
mouvement oublier

Plus tard où il repose on pose un écriteau
« Un jeu de mots jamais n'abolit le vasard »

vasard 

1. Dépôt de terre et de particules organiques en décomposition, qui s'accumule au fond ou au bord des rivières, des étangs ou de la mer. Synon. boue, fange, limon.Fond, goût de vase; curer la vase; déposer de la vase; s'échouer, s'enfoncer dans la vase. « Je rentrai vite mettre des bottes de chasse et je revins me promener curieusement à travers les deux pieds de fange qui débordaient par les carrefours et les bazars. Les ânes tombaient dans la boue où les fellahs marchaient pieds nus en grelottant; on tamponnait le dessous des portes pour arrêter ce flux de vase épaisse » (Du Camp, Nil, 1854, p. 53).

2. P. anal. Vase atmosphérique. Poussières, gouttelettes et autres particules en suspension descendant dans les basses couches de l'atmosphère. Il faut envisager l'existence de poussières, qui, suivant l'expression imagée de Crova, contribuent à former la vase atmosphérique dans laquelle nous vivons (Le Radium, 1919, p. 356).

3. - Au fig. Boue, fange. [La danseuse] tourne sur elle-même (...) Elle tourne, et tout ce qui est visible, se détache de son âme; toute la vase de son âme se dépare enfin du plus pur; les hommes et les choses vont former autour d'elle une lie informe et circulaire (Valéry, Eupalinos, 1923, p. 44).

11 juin 2012

171

SERINETÉ

Rêverie d'un lecteur solidaire (de ROUSSEAU)

Tel d'un serin le pur chant j'ai
d'un rêve écolé un poème
en rappel au tour de changer
son réel décollé du même

La vérité sort du songe et
lui sourit une mort sereine
Les mors ne sont plus à ronger
au pied des murs en fin de règne

Fasse en retrait à soi son temps
de tous ses ennuis tué, tant
épuisé d'heures en dormance

Qu'ensuite on panse et donc essuie
l'échec du bonheur réussi
qu'un avenir fini commence

7 juin 2012

170

FEMME MAINTENANT

Sur un pré-texte d'Amer Simpson

C'est la fête des mères
et la Femme d'Amer
n'aura pas de cadeau
ell' porte le fardeau

Bonne fille et putain  
du travail à Pétain 
Sous le coup les mamans 
sont mortes maintenant

Hommes tous proxénètes
au loto les prolos
accrochent leurs grelots

S'exploite un sexe au net
épris du capitâl
l'amour sans fleurs du mâle

2 juin 2012

169

DES BRIS D'EAUX LIBRE IDÉE

Ne lave pas deux fois
ton nez dans mon effluve.
Attends, sèche ma soif
de chameau, que j'abreuve,

Comme un commun écho
d'éclopés de l'usine,
ta bouche au Sirocco
des couplets de ta ruine

La vie meurt dans l'Idée
comme l'Art en sa lettre
de croyance guidée
par l'intérêt. Sale être

Ou se supporter seul
face à sa vérité ?

10 mai 2012

168

PRÈS D'ILECTION

Les pommes courent dans les rues 
bonnes poires de la discorde 
comme les cons viennent en rut 
chanter français à la Concorde

À pas lourds les grands mots 
s'éprennent des nouvelles 
et l'époque s'en moque 
à la queue leu lou belle

de jour. Je suis de nuit  
l'amour dans mon désert...  
Présidant rien, j'enserre

mon vice en vers dits scie 
de soi. Loin de Versailles  
je vote en touche ainsi

soit-il

5-6 mai 2012

167

D'ÉCLATS RATION numéro 2

L'acédie assez dit sans cédille a cessé
la boulimie dans l'aboulie déboule
les boules en bouillie c'est
là que tout s'écroule

hélas où rien ne s'abolit
dans le brouillard des arts au désert exercés
brouillés en vain dans le Brouilly
tu vois que boire fait des faux

devins Ah ces chers asséchiés sans Saussure
à s'épier pris de soif en socquettes de haine
à côté de leurs pompiers en fleurs
de rhétorique et nunc à niquer la nunuche pendule

à leur coup d'essor rage Oh que rouge est mon coeur
où j'ai le noir en sang de mon cri pur de corps

(dans Le Sang noir de Louis Guilloux, Cripure est inspiré de son ami Georges Palante) Voir Guilloux/Palante

166

SALADE IMAGINAIRE

« Quand le travail fait perdre la santé » Pathologie. Gestes répétés, charges lourdes, produits chimiques : l’activité professionnelle peut engendrer des problèmes de santé [...] des individus rendus malades par leur travail [...] Le service a aussi affaire à quelques malades imaginaires [...] se font démasquer. « Ce sont des gens qui ne veulent pas travailler [...] » Le Monde pour DirectMatin, 20 décembre 2011 

Imaginaire travail imaginaire fait imaginaire perdre
Imaginaire santé imaginaire malade imaginaire travail 
Imaginaire veut imaginaire individu imaginaire perdre
Imaginaire travail imaginaire malade imaginaire travail

Imaginaire malade imaginaire veut imaginaire santé
Imaginaire individu imaginaire fait imaginaire malade
Imaginaire perdre imaginaire travail imaginaire santé
Imaginaire santé imaginaire pas imaginaire malade

Santé imaginaire fait imaginaire perdre travail 
Individu imaginaire malade imaginaire pas travail
Pas imaginaire individu imaginaire travail malade

Malade imaginaire pas imaginaire travail individu
Travail imaginaire fait imaginaire perdre individu 
Individu imaginaire fait imaginaire perdre imaginaire
 
 

20 décembre 2011 /61

165

L'ANGOISSE DU PAGE BLANC

(Histoire secrète de la poésie, II)

Ô claire lacune
Mon amie d'angoisse
Prête-moi tes maux

Avec ma plume haut
Trempée dans la poisse
Qu'ils crient : Exquis mots !
Choquez là ! Glacez !

Bon bon...  Ne te froisse,
C'est froid, sec difforme
Au goût déplacé...

Ta pâleur m'a plu
Blanche tu n'es plus
Me voici ton page...

Y pa ni kado

19 décembre 2011 /60

note : Rimbaud emprunte pour L'Éternité le vers à 5 syllabes de Au clair de la lune

164

HOURRA l'AMOUR !

pour Moeko ce sonnet 'japonais'

Que rien ne t'habi-
tue. Tant que printemps pourra
mêle wasabi
sake miso tempura

Déjoue mon hobby
venue saison sakura
Dénoue ton obi
hourra ! l'amour accourra

On verra Nico
la mer posée, Moeko
sourire du coup

à faux nez de japonais
mutant mon sonnet
affolé en haïku

11 décembre

Ce sonnet se métamorphose en haïku à la 3ème strophe (5 7 5). L'alternance de vers 5 7 5 7 (Verlaine, "préférer l'impair"...) préserve aux deux quatrains une rime de quasi-alexandrins (5+7=12). Les mots japonais sont culinaires, sauf sakura, cerisiers et leurs fleurs, et obi, ceinture des vêtements traditionnels (kimono...) ou d'arts martiaux (dôgi, judôgi...). Quant aux tabi, ce sont les chaussettes japonaises séparant le gros orteil pour permettre le port de geta... Les s se prononcent ç et non z. Voir HAÏKU, TENKA, SENRYU... formes japonaises ou dérivées

163

COMME SYRIEN ÉTAIT

Le Figaro 10/12.2011

Civils
Dont 7 enfants tués
Par forces
Manifestations contre

12 civils dont enfants
12 ans péri contestation contre
Dont enfants tués
Femme fillette tuées

Contestation civils
Dont adolescent tués
Péri par balles

Personnes tuées
Par forces
Révolte populaire contre

10 décembre 2011

162

AFGHAN SONNET

Agence France-Presse in 07/12/2011

Civilians women and children were killed
Exploi of home-made bomb
Arose drama balance
12 killed civilians 7 women

Killed seven women of same family
Left Lashkar capital sanguin of exploi
Most violent murderous conflict
Home-made bombs favor insurgents

Face government allies of NATO
Hunted by power individual
Aim in theory of coalition

Are first cause of death
Conflict at civilians
By far victims

9 décembre 2011

161

BEL OISEAU VOLE

Infos du jour

De « AAA+ » à « D » : comment sont fixées les notes ? [...] Ce rapport est ensuite présenté à un comité de six à 7 analystes expérimentés [...] Le pays concerné est ensuite immédiatement informé de la décision, en général 12 heures seulement avant sa publication. La Voix du Nord 7 12

Deux voleurs de chardonnerets pris la main dans le sac à Furiani [...] Le chardonneret élégant (dont le nom scientifique est carduelis carduelis et le nom corse a cardellina) est une espèce qui bénéficie par arrêté interministériel d'une protection totale sur le territoire français. Malgré cela, certains le traquent pour des raisons culinaires... Corse Matin 7 12

Le bonheur au travail, la grande enquête de 'La Croix'

en écoutant Tino ROSSI Tchi tchi

La poésie faite par douze est non pareille
Elle vous charma tant qu'en l'oiseau chant vola
O Cardinella Catarinetta bella
Il est trop tard jamais plus ne se fera vieille

Le charlatan tôt rentré des paris
Glisse sur sa planche à billets pourris
À vau-l'eau libre dévot à la baille

Bel oiseau vole et sonne son glas
Au français bienheureux au travail
Qui n'aimait que sous sous matelas

Qu'il se dise en baisant l'ozeille
Si j'avais su en ce temps las
Aimer le genre dame oiselle
J'en aurai plus de tripes là

7-8 décembre 2011

Voir la note À propos du sonnet Bel oiseau vole a cardinella

160

LA RÉVOLUTION DANS LA RÉVOLUTION

« - Il y a de ce côté-là une troupe de soldats. Ils viennent de débarquer du nord par le train. La barricade devrait les arrêter, au cas où l'envie leur prendrait de donner l'assaut à la grande poste.
Cette rue grouillait elle aussi de toute une faune de pillards déchaînés qui se jetaient sur tout ce qu'ils trouvaient. Au début, tout à leurs allées et venues d'est en ouest avec le produit de leurs larcins, ils firent à peine attention à l'amoncellement d'objets divers rassemblés par les insurgés. Comme des fourmis rencontrant un obstacle sur leur route, ils infléchissaient légèrement leur parcours et passaient de part et d'autre sans lui accorder un regard. Mais, quand la barricade commença à prendre une certaine ampleur, ils finirent par s'y intéresser. Maintenant que d'autres les ramassaient, tous ces objets qu'ils avaient abandonnés un peu plus tôt et laissé traîner çà et là excitaient tout à coup leur cupidité.»
Liam O'FLAHERTY, Insurrection, 1950, Joëlle Losfeld 1996, trad. Isabelle Chapman, p.71

Quand je deviendrons prolétaire
rien ne m'appartiendront ni mes vers
bons à jeter loin des combats
comme l'essence de feux là-bas

Refluera ma bouteille à la mer
le sang noir marée sur les flots

Produiront mes vers solitaires
tout l'effet d'une épée dans l'eau

Là-bas j'engendrerions le haut
dépossédé n'auriant plus qu'à
chanter déveine et mes arts taire

Laissonge à d'autres le tracas
d'échanger pieux crabes à terre
contents leurs droits leurs pieds leur lot

4 décembre 2011

159

RANÇON DE LA PLUS HAUTE TOUR  

Du haut de sa tour banquière, sous le rouge et le noir dans tous ses états, dame, ne me voit pas venir. Sa tour dans les nuages, elle est dans la lune.

Vues de mon placard, les tours Nuages dressent leurs crasses sous l'orage et sur le quartier Picasso. Pas de Cartier. Pas de banquier. Personne dans la lune.

En face, aux pieds du temple général, mon pote le corbeau gobe les mouches... Soudain la pie, mon amie, qui a plus d'un tour dans le bec et dont les chants sont du plus haut bagout, m'apporte une bagouze. Que dis-je, un bijou. Pas de Cartier. De Rimbaud. Dame banquière me l'a fait oublié.

La dame m'a prise
Le cœur beau d'ivresse
Tombée des nues grise
Le ciel me l'envoie

Ardant la promesse
De si haute joie
Plus rien ne m'arrête
Jusqu'à la retraite

Oisive vieillesse
À rien asservie
Derrièr' la fenêtre
J'ai gagné ma vie

Qu'un sale temps craigne
Où le corps entraîne

29 novembre 2011

158

TRIPLE Z

Sonnet alexandrin théoriciste

« Comme l’État est né du besoin de refréner des oppositions de classes, mais comme il est né, en même temps, au milieu du conflit de ces classes, il est, dans la règle, l’État de la classe la plus puissante, de celle qui domine au point de vue économique et qui, grâce à lui, devient aussi classe politiquement dominante et acquiert ainsi de nouveaux moyens pour mater et exploiter la classe opprimée. » Friedrich ENGELS, L'origine de la famille, de la propriété privée, et de l'État, 1884

- « Les temps sont durs, les États mous », nous dit Moody's
- « L'agence, hein, trop pèse ? » devisent avisées
douze élites - « Standard pauvre de vie » prédisent
dix expertises. Poète oisif, amusé,

agence en ses verts mots, avec note zéro,
ce faisant infusant un plaisir de vers zen,
des pieds prenant leurs aises et ces airs fiérots,
sans vergogne abusant de cent rimes en Z.

Fitch repassé par l'A, putois, fourrer son nez,
acourt : « La poésie française déraisonne
et de Verlaine fichtre, on se fiche, apprenez

à peser vos écrits.» Euh... L'art naît à mesure
qu'il refuse les ordres, les Césars, l'usure...
« De la musique avant toute chose » ? Qu'on ose !

15 novembre 2011

157

LES PIERRES TÉMOIGNERONT *

* "Lapides clabamunt", épitaphe

En écoutant le sixième quatuor de Bartok par le Tôkyô String Quartet, 1976

« Il n'y a plus désormais, sur les cinq sixièmes de cette terre en proie à la démence, de havre ni de refuge pour un malheureux désireux de se soustraire aux horreurs de la civilisation capitaliste. » Liam O'FLAHERTY, À mes ennemis ce poignardSHAME THE DEVIL, Wolfhound Press, Dublin,, 1924, Ed. du Rocher 1998, p.12

Traintrain de vide
dans le pétrin,
sans frein droit au rapide,
l'insipide m'étreint.

L'entrain lapide
mes quatrains
contraints, stupide
arrière-train

De sonnets de sonnailles
entraînant mon refrain
attendre son étrenne,

Assis sur le lutrin
aride, fier et canaille,
contre un autre Un.

4 novembre 2011

156

MANIFESTE (de poche*)

* Les miennes ne sont pas crevées 

Mes pensées 
effacées 
se révèlent 
infidèles

Au passé. 
C'est assez, 
de mon zèle 
après elles, 

D'être un autre 
en apôtre. 
Sans issue.

C'est ailleurs 
qu'un meilleur 
quête ici.

15 août 2011

155

LE CONDAMNÉ

à Cole PORTER et Billie HOLIDAY
« Day and night, night and day, why is it so... »
Cole PORTER

Qu'un mot abuse de pouvoir
Berner la cervelle, à l'insu
Des yeux, le cœur, sans le vouloir,
Berce en apnée l'inaperçu.

Le jour passait, de mauve à noir,
Et la nuit lui glissait dessus
Douce et nue, bleue dans son peignoir.
Leur âge ? Ils ne l'ont jamais su.

Il se dit blanc. Elle négresse.
Ils se sont grisés de caresses,
Puis ont croisé l'aube au croissant.

L'âme du mâle en fut damée
Sur l'échiquier de sa maîtresse.
Le matin vint le réclamer.

25 juillet 2011

154

PETITS BOUTS

Aux enfants de Bobby Lapointe

C'est un malin, poisson d'avril,
ne le découvre pas qu'un fil.
Ayant retenu ma leçon,
il fait le tour de l'hameçon.

J'ai eu maman au bout du fil,
et son idée est tombée pile
poil (au citron) sur la chanson
de Lapointe aux vers polysons.

J'me suis dit ça fera l'affaire
parfaitement, c'est inutile
d'aller chercher ailleurs 'Que faire ?'

Car pour le trou à ma chaussette
Maman m'a dit « regarde s'il
ne peut pas servir de lorgnette»

1er avril 2011

153

POTLATCH

Contrat de non-travail

Patron, si tu préfères
m'offrir un bon salaire
pour ne point travailler

Être payé
à ne rien faire
n'est pas pour m'ennuyer

Un placard au soleil
huit heures de repos
obligé mais à l'oeil
l'écart vient à propos

Distribuer le goût
d'autres activités
l'aversion des grigous
versée à gratuité

Ailleurs, 25 mars 2011

152

TRAFICS NON PERTURBÉS

« C'est à l'aube que le travail commence. Mais un peu avant l'aube, nous commençons par nous reconnaître en tous ceux qui passent dans la rue » Discipline, in "Travailler fatigue", Cesare Pavese, 1936

Des transports si communs
bercent comme une vague
cette arche de nuées

Où chacun s'appareille
de ses silences lourd
d'un portable à l'oreille
son pareil à portée

Être intouchable et sourd
dans le long cri des freins...
Des mains vont sur des reins
font les sacs pour des riens...

Hier en bandoulière
demain bande Aujourd'hui
je descends à côté

RER A, 25 mars 2011

151

TIME REMEMBERING

With you on my mind,
How can I do anything ?
With you on my mind,
All the time remembering

Nat King Cole, Illinois Jacquet (tenor sax) 

Souviens-toi d'oublier
l'absence toujours là

Dure face rayée
d'un passé qui brûle à
la mémoire brouillée

Que l'enfant refoula
d'un rire fou allié
provoquant l'au-delà

Un tour de passe passe
de l'intime à l'espace
en témoin d'un instant

Le disque dure et grave
la marque de l'esclave 
en un sillon du temps

Gang Starr, Gang Starr 

150

MINE DE PLOMB

remembering Abbey Lincoln

L'esprit ne perce pas
la carapace de l'époque
La raison s'est démise,
pliée, voiles dedans

Sous les dénis
l'horizon capitule
Le feu nous glace
l'effroi nous brûle

Une main innombrable 
trace l'alerte rouge
sur un mur invisible

Le fantôme de l'homme
assèche le sillon
d'une larme de femme

15 février 2011 /49 J - ?

149

L'HERBE ET LE GAZON

à Claude NOUGARO, avec mes excuses, mais j'aime en moi entendre mes mots dans sa voix. Que chacun s'y essaye, à son rythme, ave son accen

En garçon à cédille et las de la béquille,
un gazon fait la cour à une herbe rieuse

La pelouse en vil court la nubile herbe gueuse
où l'oisillon dégoise un jazz de gazouillis,
décibel sans label. Ne bêle l'abbé Brel
à l'air bête où l'herbe elle erre belle et rebelle.

Mais la verte en brindille au plus court est venue,
cheville délacée, la voilà déjà nue
de si grasse vertu, que le gars là s'est tu
des salades lassé dont son parler laid tue.

Car pour être gazon il abusa d'azote,
et du poison imbu l'impubère zozote...

Ce vert brin un brin confus rougit, lâche un gaz...
On dit qu'herbe flattée l'a monté en Pégase

5 mars 2010 / 36 J - ?

148

LE VAIN TIRÉ...

Ritournelle pour un Cantique des cantines

« C'est curieux comme la musique n'élimine pas la ritournelle médiocre ou mauvaise, ou le mauvais usage de la ritournelle, mais l'entraîne au contraire, ou s'en sert comme d'un tremplin. "Ah vous dirai-je maman...", "Elle avait une jambe de bois...", "Frère Jacques...". Ritournelle d'enfance ou d'oiseau, chant folklorique, chanson à boire, valse de Vienne, clochettes à vache, la musique se sert de tout et emporte tout. Ce n'est pas qu'un air d'enfant, d'oiseau ou de folklore, se réduise à la formule associative et fermée dont nous parlions tout à l'heure. Il faudrait plutôt montrer comment un musicien a besoin d'un premier type de ritournelle, ritournelle territoriale ou d'agencement, pour la transformer du dedans, la déterritorialiser, et produire enfin une ritournelle du second type, comme but final de la musique, ritournelle cosmique d'une machine à sons » Gilles DELEUZE - Félix GUATTARRI, Mille Plateaux, Éditions de Minuit "De la ritournelle" page 381

La petitesse passe à table
avec l'audace véritable
de l'amant in vero very
fiable l-ame-en-table-ment ivre

De soi mais... frisant la retap' l'
air de rien repassant les plats
faisandés, aimant à la fable
la morale faisant du plat

Et du pied sous le nez du fard
à paupiette de beauf...
                                   J'ai ri
                                                Sur ma feuille
                        de ces nus far

Devin   vaut trait   sur le divan
                                  À l'œil     de vigne
                         digne et divin
Du coup,   tiré du vain d'avant

25 février 2010/29 J - ?

146

CYNISME OPÈRE

En écho à SOPHISME AU PAIR (ci-dessous), sonnet qui ouvre le Livre de l'absence, le 28 novembre 2005

La vie est comme elle est, en somme
on ne veut pas
prendre les choses à leur pas,
telles qu'étant on les nomme

Pour autant que l'on fasse
surgir leur essence des mots,
Si la révolte n'en efface,
s'en jouant sûr, les maux.

La chose est cause en sa présence
éclair, du passé au futur.
Comment en faire une exigence ?

Pourquoi crier à l'imposture,
si énorme en soit l'évidence ?
Le monstre est entré dans les normes

5 février 2010

SOPHISME AU PAIR

La vie est ce qu'elle est en somme
tu veux ou tu veux pas
tu prends ou tu prends pas
la chose là sans qu'on la nomme

Pour autant qu'on la fasse
surgir pensée avec les mains
sans qu'un con ne l'efface
à jouer au plus malin

La chose n'a de cause que demain
ainsi va la vie à l'avide
et le vide au trop-plein

Ainsi danse le dense
au creux de l'évidence
où meurt la norme énorme

Ailleurs, 28 novembre 2005, 23h56

145

LAPIN AU MIEL DE LUNE 

En écho au premier de mes sonnets, Rêve-lune 

Dans le noir d'une lune épousée d'un nuage
Un lapin à l'envers jouait de la tumba 
Et mon rêve tombant ta robe sous l'orage 
Ton sourire irisé attisait la rumba

Une belle de nuit ouvrait le mariage 
Et de nos baisers nus osant de haut en bas 
Nos yeux s'évanouissaient à l'orée du visage... 
L'avenir nous aimait. Nous ne le savions pas.

Le lapin ingénu, on l'a fait revenir 
Sur terre où il s'est tu, dans le césame frit 
Il ne nous a pas cru, cuit avant d'être free 

Avec les pattes oui mais sans les Panzani.
Ménage à deux... puis trois suivant en souvenir
Les élans et les jours d'un plaisir infini

.

Le lapin et la lune  sont associés dans les légendes japonaises
La belle de nuit, ou 
"belle sous la lune", ne s'ouvre que la nuit...

4 février 2010

143-144

LE FEU AUX VAGUES  

« … un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie... » Rimbaud, à Paul Demeny, 15 mai 1871

Hier ne fut que le brouillon de l'essentiel.
Mots pour Mo, un pour tous, pied à pied, retrouvé
Mon poème affranchi monte à l'assaut du ciel,
Un infini sans fin que d'être inachevé

Un tsunami ami
A mis le feu au vague
À l'âme d'années mortes,
Aux larmes d'anémie...

Toute la mer bascule où ton œil me débride
Ô toi ma jeune fille à l'étreinte sans ride,
Au sang neuf sans souci, aux cent vies

Au présent qui l'emporte,
Roman qu'ici commence,
Le passé fait surface où se noue l'unité
De chaque instant venu forger l'éternité...

Tremblement raisonné déréglant les sept sens
Sur l'échec de Miss Terre en souffrance
À l'immense horizon du temps long

Aucun voyage à l'étranger ne va tant loin
Qu'ici le monde en nous divague

Que notre vaisseau mouille
En un port sans attache
Où la chaîne se rouille
De l'ancre que j'arrache
                                    à la fatalité
À l'encre dont j'écris sans nom la liberté
La charade vitale est notre nouveauté...

Un océan lèche la digue de tendresse
Sous l'œillade assurée que glisse un rayon vert  
               à l'improviste
Où s'effacent nos stress
Et se tressent mes vers
Loin de la pose artiste
Et des feux de détresse

1er février 2010

142

ENLACÉS

Sonnet japonais, de 5 et 7, deux haïkus en tercets

L'œil au fond de l'âme
Sonde la vérité d'œil

        De lin, draps froufrou
        Lit divin, loin du sommeil
        Tendre nous, bras doux

Nos peaux se parfument
Dans l'ombre, que rien n'embrûme,
Personne, à l'enfant pareil,
Ne pense au réveil...

        Déjà le matin
        Boue l'eau, café, que d'efforts
        Entre nuit le jour

Balance... Avance... Encore...
Sème nos décors

Bus 301, 18 janvier 2010, 19h15

141

AU PONT LA BRÈCHE

« C'est le franchissement d'une impossibilité qui est le commencement de l'amour. » Alain BADIOU, Éloge de l'amour

Sur le Vieux Pont de Mantes,
Sur le Pont d'Avignon,
L'amant danse l'amante,
Seul tourne seule en rond.

Sur notre pont d'alliance
Jamais nous résignons,
Toi et moi d'évidence
Nous y traverserons

L'impossible affranchi
De fatale opinion.
Au bout de nos patiences,

Par nos corps rafraîchis,
L'amour nous ré-invente,
Et nous traverserons

RER A, 5 janvier 2010, 18h34

140

SANS AVIS DE TEMPÊTE

« Personne n'est qui il prétend être » Tokyo, année zéro, David Peace

Qu'aurais-je fait sans toit sous le soleil levant ?
La vie m'a plus offert qu'on y osait rêver...

Que serais-je sans toi qu'un aveugle aux grands airs
De voyant, la main tordue, la chair qui brûle ?

Que serais-je sans toi que l'ombre d'une bulle
Aux reflets effacés de mon songe si rouge
Qu'un enfer embrasait ce rêve de savon ?

Que serais-je sans toi au pied des souvenirs,
Qu'un homme maudissant ce poème en béton
Si mal armé face à l'épée hachant ses vers ?

Que ferais-je sans toi, dans ce bal de ciment,
Attendre l'ennemi, ou que crève l'ennui ?

Que ferai-je avec toi pour vivre ce présent
Comme un cadeau de l'aube à nos bras de la nuit ?

RERA, 4 janvier 2010, 18h55

139

NEMURERU BIJO 

En songeant à "Les belles endormies" (Nemureru Bijo), de Yasunari KAWABATA, 1961

Belle endormée d'amour,
Ému, rare bijou,
Ton souffle sur ma joue,
La mer au petit jour

Et mes mains sur tes dunes,
Quand mon cœur n'est que d'une
Sous la peau dans la peau,
C’est à valser Soupault

Mets tes sens en mon sang,
Swinguons dessus dessous
De doux allers-retours,

Puissants comme tambours,
Un temps, que tout suspend
À nos yeux, plus perçant

FoSoBo, 19 octobre 2009, 21h22

(tiré de MOTS SOUS LA PEAU, écho au sonnet 7 "Sonnet musette Sonny Soupault")

138

NU SOUS LES MOTS

Je vais sous les mots nu,
Revêtu de silence,
Vers l'avenir venu
De toi sur moi, qui danse.

Passe en vert une absence...
Le présent se dénoue
D'un passé sans urgence,
Vivre compte sur nous.

J'ai le corps dans la peau,
Chantant la chair nouvelle
Entre nos mains trouvée,

Sur l'évident tempo
Par notre voie ouvré.

For ever sweet travel

Ailleurs, 24 août 2009, 17h08

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