Suite, dans à CONTREJOURS, de VOL AU-DESSUS DE TERRES BRÛLÉES. Ouvert le 23 juin, fermé 1er novembre 2011. La suite dans RENTRÉE SOLAIRE
Pour qui sème les glanes
au sommet des mutines... *
« Chaque jour depuis des années, aussitôt son travail terminé, Takuji rentrait, s'installait sur la véranda et contemplait le jardin en fumant une cigarette. Ça lui était égal d'avoir une heure et demie de trajet quotidien, dès lors qu'au fil des pages du calendrier, passaient les saisons sur les arbres et les herbes du jardin. [...] Rien non plus à espérer de son travail, un simple chef de service. Qu'importe, il sentait que ses vraies fonctions étaient à cette place, sur cette véranda. » Menteur ! MUKÔDA Kuniko, 1980, Ed. Philippe Picquier 2000, La loutre, p.9
« Désormais, nous sommes tellement profonds que nous n'y voyons plus rien. A force d'aller en profondeur, nous nous sommes noyés. Seule l'intelligence qui est aussi "légèreté", qui sait être "légère", peut encore espérer remonter à la superficialité, à la banalité.» Noir sur noir, Leonardo SCIASCIA, Oeuvres complètes II p.780
« Nous sommes cela, nous autres, des vidangeurs et des jardiniers.» Gustave FLAUBERT, cité par Frédéric Ferney, Aragon, La seule façon d'exister, Grasset 1997, p.29
« Je me suis arrangé pour me mettre tout le monde à dos, alors comme ça, je suis tranquille » Louis-Ferdinand CÉLINE, Interview 1963
13 septembre
Semis@remarque
« C'est l'histoire d'un mec qui met ses trucs entre guillemets, comme si c'était d'un autre » Tristan Vacances, L'éternel détour, Edition des bons manuscrits, 2014, p.12
30 août
More glanes des livres
« Que faire ? Pour finir il décida - peut-être à tort, il en avait conscience - qu'il fallait prendre une décision puis, sur la simple base d'une marge d'erreur possible, faire exactement l'inverse. Mais là encore, quelle décision pouvait-il considérer qu'il avait prise alors qu'il penchait seulement pour une décision. Que faire, vraiment ? Que faire ?» Un sale type (A bad Man, 1965), Stanley ELKIN, 2011, Cambourakis, p.395
« S'il te plaît, Dieu, ne me laisse pas écrire comme une femme.» Dorothy PARKER, citée pas Benoîte Groult dans sa préface à Hymnes à la Haine (Hate Verses).
« Quand je me mets à penser, je n'en sors plus. Je préfère botter le train au langage.» Raymond QUENEAU, On cause, 1948
« Mais tous savent l'essentiel : quand l'espérance radicale s'effondre, ne demeure que le désir d'infini; dès lors que l'Histoire manque à ses promesses, l'absolu se cherche un autre nom.» De la lutte des classes à la guerre des anges, in LES MAOCCIDENTS, un néoconservatisme à la française, p.25, Jean BIRNBAUM, Stock 2009.
Échanges publie cet été un texte sur le roman prolétarien au Japon. Noter la place des femmes, comme d'hab', prolétaires ou pas, dans la littérature japonaise.
19 août
'Vomissement'
« J'avais d'abord pensé à publier Saint Julien dans un journal. À quoi bon ? Toutes ces boutiques (je parle des journaux) me donnent un tel vomissement que j'aime mieux m'en écarter.» Lettre de Flaubert à George Sand, 6 février 1876, citée par Akira MIZUBAYASHI, Une langue venue d'ailleurs, 2011, Gallimard/L'un ET l'autre, p.58
Cuticules adnées
16 août
Manifeste (de poche)... Les miennes ne sont pas crevées
« Et j'avais fait aussi un musée du champignon d'une vieille cabane à brûler le charbon de bois en pleine montagne.» OGAWA Yôko, Le musée du silence, 2000, Actes Sud, p.60
« Tout le malheur de l'homme vient de ne pouvoir rester seul dans sa chambre, là où est sa place. Dixit Pascal. Et Pascal était un grand homme, un Frangipani de l'esprit, un artisan dans le meilleur sens du terme, mais les gens de cette trempe ne font plus recette aujourd'hui.» Patrick SÜSKIND, Le Parfum, Histoire d'un meurtrier, 1985, Fayard Poche p.74
« J'admire en général tous les gens qui sont capables de risquer autant pour une cause qui ne les concerne pas. » Arthur SCHNITZLER, Vienne au crépuscule
27 juillet
Audi, vide, sile...
« À cette époque, je n'allais pas encore chercher les savantes sentences latines dans le Dictionnaire des mots étrangers. Je serais forcément tombé sur celle-ci : Audi, vide, sile. Écoute, regarde, tais-toi. Magnifique ! Tout un programme. Pas besoin de dictionnaires ni de vieux romains crevés pour comprendre cette phrase. À la soviétique.
Écoute, regarde, tais-toi.»
L'Évangile du bourreau, Arkadi et Gueorgui VAÏNER, 1990, Gallimard 2000, p.127 (folio policier)Hé bien, vous pouvez être sûr que tous les hommes - et les femmes - de pouvoir fonctionnent selon cette méthode, qu'ils soient princes, responsables DRH, chefs de partis démocratiques, ou "leaders objectifs" du courant communisateur, c'est la même chose. Et les couillons dans mon genre, je ne dirais pas naïfs, mais spontanés, bavards, impatients, nerveux pas solides* donc colériques... bref, ceux qui ne peuvent cacher ce qu'ils pensent, se font toujours baiser par ce type d'intelligence machiavélienne. En principe... Un-e "camarade-e" averti-e en vaut deux-e. Une amie me disait : « Toi, personne ne peut te manipuler, même pas toi-même ». Bof, ça dépend...
* « Le regroupement et l'unification ne se produiront qu'avec de nouvelles scissions et des échanges d'insultes plus ou moins fraternelles. Il faut avoir les nerfs solides. » Trotsky, lettre à Alfred Rosmer, 24 mars 1929, cité par Gilles Dauvé et Karl Nesic, Communisation
26 juillet
ICI L'OMBRE... le poète ne parle à personne
Ceci pourrait être un art poétique...
25 juillet
Le condamné, sonnet
Au passé l'exigence de vérité. Au futur le devoir de beauté.
24 juillet
« - Elle est bien bonne, celle-là ! Vous, anarchiste ! Et en quoi êtes-vous anarchiste ?... À moins que vous ne donniez à ce mot un sens différent...
- Du sens banal ? Non, pas du tout. Je l'emploie tout à fait banalement.
- Voulez-vous vous donc dire que vous êtes anarchiste comme les gens des organisations ouvrières ? N'y a-t-il alors aucune différence entre vous et ces types des bombes et des syndicats ?
- Oui, oui, il y en a... Évidemment qu'il y a une différence. Mais pas celle que vous pensez. Vous croyez peut-être que mes théories sociales ne sont pas pareilles aux leurs ?...
- Ah, je comprends ! Vous êtes anarchiste pour ce qui est des théories; pour ce qui est de la pratique...» Fernando PESSOA, 1922, Le banquier anarchiste, fiction, Trad. Ed de la Différence 1983, p.8- Pour mémoire, deux textes de 2006, quasi prémonitoires de mon suicide en l'État, avant de mériter, en 2007, la placardisation que je soutiens depuis, accord tacite entre ceux qui se reconnaissent comme ennemis et se tiennent par la barbichette.
L'homme sans ambitions janvier 2005 / Vouloir détruire sa "carrière" juin 2006
À souligner, c'est entre les deux textes, fin 2005, que j'ai découvert les théories de la communisation, dont l'influence mal digérée est patente dans le second. S'annonçait déjà, dans le premier, mon incapacité caractérielle à soutenir la participation à tout groupe, autrement dit, le lâchage de mes camarades "communisateurs".
23 juillet
Mise à jour conséquente des entrées œuvrages et anti-journal
22 juillet
Sevrage de raison, Vous verrez bien
20 juillet
"Nous étions les yeux, les oreilles et les bras de la Révolution. Les erreurs que nous faisions ne comptaient pas puisque c'est nous qui décidions !" Terreur grande, p.72, Jean-Pierre MILOVANOFF, Grasset 2011
« Un vrai Bolchévik doit être solide et brave et ne jamais plier. Il doit être toujours prêt à sacrifier au Parti non seulement sa vie mais aussi encore son amour-propre et tous ses sentiments personnels » Lazare KAGANOVITCH
"Aujourd’hui seulement, du haut des connaissances que j’ai acquises, je peux mettre un signe d’égalité entre les slogans « anéantir en tant que classe » et « anéantir en tant que race »." Léonid GUIRCHOVITCH
« - Il reste une question à régler, dit la boulangère qui avait déjà rempli plusieurs pages de son carnet.
Puis :
- C'est une histoire délicate.
Elle avait appris par l'assistante sociale que la petite V., gamine de treize ans, accusait son beau-père de viols réguliers, routiniers, sur sa personne. Assuré de son bon droit, l'homme s'en cachait d'ailleurs à peine.
- Alors, voilà, il s'agit de V., dit la boulangère après un silence.
Et Herman crut deviner que, pour une raison mystérieuse, ses voisins de table ne tenaient pas à ce qu'une action judiciaire fût entamée contre ce V., quelque vilennie qu'il ait pu commettre. Le crémier soupira et déclara qu'il allait se charger de l'affaire, sa propre fille connaissait bien la petite V. Soulagée, la boulangère ferma son carnet. On apporta les vol-au-vent et les plateaux de charcuterie.» Un temps de saison, Marie NDIAYE, Minuit 1994, p.115-116"... et l'ennui sans conscience et sans spleen alentit les esprits..." Un temps de saison, Marie NDIAYE, Minuit 1994, p.88
16 juillet
Communisme : la dé-possession
« I'll burn my books ! – Ah Mephistophilis ! », The Tragical History of Doctor Faustus, 1589, Christopher MARLOWE
« Aucune idée brillante ne peut être mise en circulation sans qu'on y ajoute quelque élément de stupidité. La pensée collective est stupide parce qu'elle est collective : rien ne peut franchir les barrières du collectif sans y laisser, comme une dîme inévitable, la plus grande part de ce qu'elle peut comporter d'intelligent.» Fernando PESSOA, DE l'intranquillité, 104J'ai détruit la partie de ce site abordant le communisme et la communisation, effaçant les traces de mes rapports successifs, au long de quatre décennies, à ces concepts. Je souhaite n'être responsable en rien de la montée d'une idéologie que je vois, pour le mieux, construire au présent l'échec du communisme. Je revendique et j'assume mon irresponsabilité théorique.
[...] (texte privé)
15 juillet
Fête de l'abolition politique
14 juillet 2012. Le 6 mai dernier, Eva Joliesse a été élue Présidente de la République française. Ce matin, pas de défilé militaire. Le défilé citoyen a vu successivement remonter les Champs Elysées, par ordre des voies aux élections législatives du 10 juin, les grands partis politiques français, députés et sénateurs, chefs et appareils militants. Aux spectateurs on avait distribué les fusils des soldats qui ne défilaient plus, et, de sorte qu'ils ne rouillent pas inutilement, donné la consigne de tirer sur ceux, et celles, qui ne leur plaisaient pas, à chacun et chacune selon ses convictions politiques. À midi, ils, elles, étaient, tous, toutes, morts, mortes.
Eva Joliesse, sur l'air de "Allons donc - lon don - pêcher le petit poisson" - a annoncé au peuple français que la politique serait abolie jusqu'au prochain défilé et qu'en attendant, elle prendrait des vacances au royaume de Danemark, avec Dany the Red. Elle a souhaité au peuple français de dormir en paix, afin d'être en forme pour le premier anniversaire de l'abolition de la politique française.
Négation de la négation
Suite à une attaque aussi soudaine et radicale qu'efficace et définitive, la partie de mon site concernant le communisme et la communisation a été détruite.
13 juillet
L'aventure sans compter
« La diseuse de bonne aventure » Georges de La Tour, 1638
A La Chope, une sorte de restaurant manouche et de musée Django Reinhard, aux Puces de Clignancourt, une voyante m'a annoncé tout de go que je ne m'intéressais pas à l'argent et que je vivrai jusqu'à 102 ans. Cela a frappé mon amour des chiffres : avoir 20 ans, puis enfiler 41 années de retraite à 41 de cotisations. Mon petit doigt me dit que d'ici là, il n'y aura plus ni salaire pour salarié ni retraite pour retraité, mais si je connaissais l'avenir, j'aurais trop peur de m'ennuyer. Je n'ai pas voulu en savoir plus, et lui ai dit qu'elle s'intéressait trop à l'argent. Il va falloir attendre.
Capitalisme et esclavage*
« J'interroge la qualité de vie du monde, dont sont normalement responsable le FMI et la banque mondiale. Des institutions censées travailler pour le bien de tous, mais qui ne sont en place que pour enrichir une clique de gangsters, les traders. Ces personnes, à l'origine de l'effondrement financier, sont dans la même logique que celles qui ont organisé le crime contre l'humanité qu'est l'esclavage. Les ba,ques qui ont ruiné les travailleurs aux Etats-Unis et mis en faillité la Grèce, ont ravagé hier l'Afrique ou les Caraïbes ! La Barclays avait pour nom The Colonial Bank du temps du commerce triangulaire » Soweto KINCH, Interview Jazz News juillet 2011. Il s'agit du saxophoniste et rappeur anglais dont j'ai parlé le 25 juin. Son disque reçoit de la revue un 'Top6', et de même le dernier du trio Das Kapital, Conflict & Conclusions, toujours sur des compositions de Hanns Eisler. Comme il est rare que je retrouve mes "goûts" dans une revue, je jetterai dorénavant un oeil à Jazz News, nouveau mensuel de jazz, dont c'est le numéro 3.
« Ils décident dans quelle section ton album doit être placé, en regardant la pochette : celui-là c'est pour le jazz, celui-ci pour le classique. Je me contrefous de ces histoires de catégorie, mais le fait est que les bacs hip-hop sont placés en face des clients, alors que le jazz est au fond du magasin. A partir de là, qui va découvrir ma musique ? Nous devons regagner notre liberté face à ces nouveaux décideurs qui voient dans la musique de simple produits calibrés.» Soweto KINCH
* Cf Capitalisme et esclavage, de Eric Williams, Présence africaine, que le musicien dit préférer au Capital. C'est une réédition d'une thèse de 1939 remaniée en 1944.
« Qui se souvient de Jaki BYARD [le pianiste de Mingus] flingué par le milieu because son fils avait une ardoise exorbitante auprès d'un dealer ? Le jazz a ses tabous, ses homos, ses drogués alcoolos.. » Thierry Pérémati, Out of nowhere, chronique made in USA
Le jazz du pénitencier
A ce propos, retour d'une expo Bonnard près de chez Monet à Giverny, j'ai trouvé chez un bouquiniste de Vernon un livre qui m'avait échappé à sa sortie en 2008, San Quentin Jazz Band, de Pierre Briançon « Ils jouent, et près de cinquante ans plus tard nous parviennent assourdies les notes imaginées de cette musique évanouie... Au fond de leur prison, ils crient leur liberté. »
12 juillet
J'vous ai colporté un fromage*, parce que la Femme est périssable (*un fromage bien fait, en rediffusion, la petite bourgeoise qui dénonce son violeur en rigolant, sur les tréteaux du spectacle - gardons-nous de tomber dans la confusion coconne de règle entre médias et concept deborien critique du capital; triste Tristane, triste temps, ultime avatar d'un féminisme de classe décadent-e)
Le communisme contre l'Homme
« Ce qui séduit dans le Communisme, l'immense avantage à vrai dire, c'est qu'il va nous démasquer l'Homme, enfin ! » Louis-Ferdinand CÉLINE, Mea Culpa 1936
Par certain passage, ironie du sort, ce pamphlet dit "anti-communiste" est une sérieuse critique du programmatisme prolétarien. Le hasard objectif (autrement dit Big Brother Google), fait qu'il est publié par http://dndf.over-blog.com/, sigle homonyme du voisin, pro-communisation dans la version championne théorique de l'anti-humanisme prolétarien (Cf Théorie Communiste, Pour en finir avec l'Homme).
Ce site édite les Pamphlets de CÉLINE, qui ne salissent pas plus les yeux que les "écrits philosophiques" de Staline, mais tant en parlent qui ne les ont pas lus... Paraphrasons Vaneigem 2003 : Rien n'est sacré, tout peut se lire
Entre féminisme et FMIsme, une bourgeoise
"La lutte des classes, c’est une idée essentielle. Essentielle pour les manuels d’histoire. Il faudra certainement un jour en enseigner les aspects positifs. Mais en attendant, elle n’est plus d’aucune utilité pour comprendre notre société. Ce qui importe, aujourd’hui, c’est de se battre pour s’imposer soi-même, et non pas de lutter contres les autres." Christine LAGARDE, ministre de l'Economie, des finances et de l'emploi - Présentation du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat - Assemblée nationale - (2007)
Fin de parti(e) : l'idéologie de la communisation en marche
10 juillet
C'est aujourd'hui dimanche
Hermaphrodite endormi, IIe siècle ap. JC. Musée du Louvre, Paris [par pudeur je ne l'ai pas montré : ce que les Japonais - autant dire le monde entier - regardent en premier, ou en dernier c'est pareil, ce sont les couilles]
«Cloîtrés dans leurs façons, ils y mettaient du leur, père et mère, à nous transmettre leurs complexes de classe, nous mettre, comme ils aimaient à le répéter, dans la bonne voie, cette route où, propres sur soi, dans une humilité qui était leur défaite, nous deviendrions épouses, ouvrières, femelles, nous resterions toujours à notre place. Avec, dans leurs mots, ni perspective ni rêve. Se tenir à ce qui est. Ne pas péter plus haut que ses fesses. » p.64
« - [...] j'ai bien peur que tu dramatises pour rien. Tu n'en mourras pas, tu sais, si tu n'es plus une femme tout à fait normale.
- C'est donc bien ce que je disais : plus d'utérus, pas de femme. No future ! » p.91« Le comble, c'est lorsque tout le monde ment et se persuade qu'il n'y a rien de meilleur sur terre que cette supercherie-là : un homme couche avec une femme et c'est bon. » p.118
« Pour un vieux, il devrait être plus charitable et aimer son prochain comme lui-même. Être vieux, et méchant, est incontestablement une faute de goût.» Anticorps, p.89, Fabienne KANOR, Continents noirs, Gallimard 2010
*
« Je ne vous rapporte, ça va de soi, qu'un extrait de la conversation, mais, bon, le sens, il est limpide - tous ceux à qui on demande, la même idée qui leur vient, même si, avant, elle n'était venue à personne : "Oui, ils disent, il est fou; une grande intelligence, mais, peut-être bien qu'il est fou » p.177
« [Stavroguine]... s'il y a de la folie quelque part, c'est, bien sûr, d'abord chez moi et cela signifie, en fin de compte que, quand même, je suis un peu fou - il faut bien soutenir la réputation que j'ai ici...» Les démons, DOSTOÏEVSKI, p.335
9 juillet
Écarts
Le tout n'étant qu'une partie, et la totalité jamais totale, la vie encule le concept.
« Notre prince, soudain, à la surprise générale, lança deux ou trois insultes incroyables à différentes personnes, c'est-à-dire que l'essentiel résidait en ceci que ces insultes étaient absolument inouïes, qu'elles ne ressemblaient absolument à rien, qu'elles n'étaient pas du tout de celles dont on use généralement, insultes de gamins, vénielles, et Dieu sait pourquoi il les lançait - sans aucune raison.[...] On aurait pu penser que c'était là une pure gaminerie, certes des plus impardonnables; pourtant, on raconta plus tard qu'au moment même de cette opération, il avait l'air presque pensif, " comme s'il était un peu devenu fou "; mais, cela, on s'en souvint et l'on y réfléchit plus tard.[...]
Finalement, soudain, il prit un air pensif, une fois encore [...] - Vous m'excuserez, bien sûr... Non, vraiment, je ne sais pas, j'ai eu envie, d'un coup... une bêtise... La frivolité de l'excuse valait nouvelle offense [...] Tout cela était très bête, sans parler même du scandale - un scandale calculé, réfléchi, comme il apparaissait dès le premier regard, et qui en faisait donc une offense calculée, d'une insolence ultime, à toute notre société. C'est bien ainsi que chacun le comprit.[...] Même nos dames, qui avaient commencé par l'adorer, hurlaient contre lui à présent encore plus que les hommes. » Les démons, DOSTOÏEVSKI 1871, trad. Markowitz, Babel p.78-82L'amour, impur écart ?! « Un homme, tu regardes d'abord le portefeuille » Devora SIMONEVA, inédit
Je me souviens d'une amie homosexuelle, aux cheveux oranges, qui voulait se faire faire un enfant par un homme bleu, un touareg, et aussi de Charles MINGUS, Orange was the Colour of Her Dress, then blue Silk
« Du désir de vie collective qui habite chacun, la société ne donne en représentation que le mythe caricatural et perdu. Comme si elle ne constituait que la version prosaïque d'un échange qui se voulait à l'origine d'ordre poétique. Comme si elle venait rappeler à l'individu qu'on n'échappe pas à sa propre condition, qu'il lui faudra toujours s'insurger contre l'ordre extérieur de même qu'il s'insurge indéfiniment contre son ordre intérieur. Cette maîtrise du monde que l'homme ne possède pas - ni dans l'affrontement ni dans la fusion -, la poésie lui permet de s'en approcher au prix d'une métaphore douloureuse : le poète peut 'dire' le monde, voire le change du monde, alors que la réalité demeure muette, et la réalité sociale éventuellement sourde. La parole poétique n'a d'autre efficience que son énonciation : elle est un pari de la justesse contre l'injustice, dans l'espace du social et de la culture, elle vient rappeler que, pour l'Unique, il n'y a rien au-dessus de son unicité, que la société n'a aucun droit sur la liberté individuelle 'est aussi dire que la poésie est un pouvoir sans pouvoir, qu'elle s'abîme dans la seule force de sa propre voix. Non-coercitive serait trop peu dire, elle est le lieu de la fragilité, de la vulnérabilité. Alliée à la plus grande force, celle qui relie l'individu à ses questions primordiales, celle qui fait d'un poète du XXe siècle l'exact contemporain d'un Indien Guayaki.» Max Sirner chez les Indiens, Pierre VANDREPOTE, 1994, les Infréquentables p.131
8 juillet
Moine copiste (Jean Miélot, Les Miracles de Notre-Dame, 1456)
« Quand il était jeune, tout, chez ses amis et camarades de Parti, lui était proche, compréhensible. Toute pensée, toute opinion chez ses ennemis lui semblait étrangère, monstrueuse.
Maintenant, il retrouvait dans les pensées d'un étranger ce qui lui avait été proche dans les temps anciens, et à l'inverse il découvrait soudain des choses qui lui étaient étrangères dans les pensées de ses amis » Vassili GROSSMAN, Vie et destin, p.14La fin de la Femme « La phrase d'où était née la prodigieuse aventure se représentait à son esprit telle que, personnage volontairement et falot et quelconque, il l'avait par caprice proférée : - l'amour est un acte sans importance, puisqu'on peut le faire indéfiniment.
Indéfiniment...
Si. Il y avait une fin.
La fin de la Femme.
La fin de l'Amour.
« L'Indien tant célébré par Théophraste » savait bien que la fin viendrait de la femme, mais il supposait que cet être joli, fragile et futile (il rit à ce mot, se le figurant prononcé à la latine par un Dominicain : 'foutile'] cet être futile renoncerait à la volupté si elle n'était plus la fin immédiate, si elle était le moyen d'une volupté plus exaspérée, plus héroïque et plus sur la limite de la douleur. Il avait mis sept femmes, en réserve, dans la galerie, pas autrement qu'Arthur Gough n'aurait emmené sept automobiles de rechange... en cas de panne.» Le surmâle, 13. La découverte de la femme, p.78, Alfred JARRY, 1902« Être cohérent c'est se mutiler » Où étais-tu pendant la nuit ? Clarice LISPECTOR, Editions des femmes 1985
« Être cohérent est une maladie, un atavisme peut-être... S’il est un fait étrange et inexplicable, c’est bien qu’une créature douée d’intelligence et de sensibilité reste toujours assise sur la même opinion, toujours cohérente avec elle-même. Tout se transforme continuellement, dans notre corps aussi et par conséquent dans notre cerveau. Alors, comment, sinon pour cause de maladie, tomber et retomber dans cette anomalie de vouloir penser aujourd’hui la même chose qu’hier, alors que non seulement le cerveau d’aujourd’hui n’est déjà plus celui d’hier mais que même le jour d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier ? Être cohérent est une maladie, un atavisme peut-être ; cela remonte à des ancêtres animaux, à un stade de leur évolution où cette disgrâce était naturelle.
Un être doté de nerfs moderne, d’une intelligence sans œillères, d’une sensibilité en éveil, a le devoir cérébral de changer d’opinion et de certitude plusieurs fois par jour.
L’homme discipliné et cultivé fait de son intelligence les miroirs du milieu ambiant transitoire ; il est républicain le matin, monarchiste au crépuscule ; athée sous un soleil éclatant et catholique transmontain à certaines heures d’ombre et de silence ; et ne jurant que par Mallarmé à ces moments de la tombée de la nuit sur la ville où éclosent les lumières, il doit sentir que tout le symbolisme est une invention de fou quand, solitaire devant la mer, il ne sait plus que l’Odyssée.
Des convictions profondes, seuls en ont les êtres superficiels. Ceux qui ne font pas attention aux choses, ne les voient guère que pour ne pas s’y cogner, ceux-là sont toujours du même avis, ils sont tout d’une pièce et cohérents. Ils sont du bois dont se servent la politique et la religion, c’est pourquoi ils brûlent si mal devant la Vérité et la Vie.
Quand nous éveillerons-nous à la juste notion que politique, religion et vie en société ne sont que des degrés inférieurs et plébéiens de l’esthétique — l’esthétique de ceux qui ne sont pas capables d’en avoir une ? Ce n’est que lorsqu’une humanité libérée des préjugés de la sincérité et de la cohérence aura habitué ses sensations à vivre indépendantes, qu’on pourra atteindre, dans la vie, un semblant de beauté, d’élégance et de sincérité.» Fernando PESSOA, Chronique de la vie qui passe, 1915
7 juillet
Pour qui sème les glanes
au sommet des mutines...
Ce que l'un tisse l'autre délie,
et nous lisons ces liserons
de mots impies :Le chat se glisse sous l'auvent
où la pluie se dérobe
Au bord, le groove de la pie
déchante, en un clin d'ouïe,
de maux délits
De mémoire, nous délirerons,
grave en ces vers
paravent d'un enfer
en nous, en nous berçant d'en faire...
un paradis« Et je crois moi-même à ma sincérité. mais, dans ces moments-là, où sont mes doutes, mon désarroi ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Serais-je un homme à deux consciences ? Ou y aurait-il en moi deux hommes, avec chacun sa conscience ? Comment le comprendre ? Or il en a toujours été ainsi, et pas seulement chez moi, chez les gens les plus différents.» Vassili GROSSMAN, Vie et destin p.449
« Toute sincérité est une intolérance. Il n'y a pas de libéraux sincères. D'ailleurs, il n'y a pas de libéraux.» PESSOA 276, L'intranquillité p.304 « Nous ne savons jamais quand nous sommes sincères. Peut-être ne le sommes-nous jamais. Et même si nous sommes sincères aujourd'hui, nous pouvons très bien l'être demain pour un motif opposé. » PESSOA 211 p.242
« L'abstraction est toujours une idée autoritaire...» Max Sirner chez les Indiens, p.51 Pierre VANDREPOTE, 1994, les Infréquentables
Théorie (suite, extraits de V. GROSSMAN, Vie et destin)
p.480 Strum estimait que seul un petit cercle de théoriciens serait en mesure d'apprécier ses travaux. Mais il n'en fut rien. Depuis quelque temps, il recevait des coups de téléphone de physiciens qu'il connaissait, mais aussi de mathématiciens et de chimistes. Certains lui demandaient des éclaircissements : ses déductions mathématiques étaient complexes.
Des délégués d'une association étudiante étaient venus le trouver, à l'Institut, pour le prier de faire un exposé à l'intention des étudiants en dernière année de physique et de mathématiques. À deux reprises, il avait fait une conférence à l'Académie. Markov, Savostianov lui avaient raconté qu'on discutait de ses travaux dans maints laboratoires de l'Institut.
Lioumila Nikolaïevna avait même entendu, au magasin réservé, une femme de savant demander à une autre : « Vous faites la queue derrière qui ? » Et l'autre avait répondu : « Derrière la femme de Strum. » La première s'était alors exclamée : « Le fameux Strum ?»
Victor Pavlovitech s'efforçait de dissimuler combien cet intérêt subit pour ses travaux le réjouissait. Mais la gloire ne le laissait pas indifférent. Au Conseil scientifique de l'Institut, on décida de proposer son ouvrage pour le prix Staline.p.500 Dans la vie, ceux qui ont raison sont le plus souvent incapables de se conduire correctement : ils ont des sautes d'humeur, jurent, se montrent intolérants et dépourvus de tact. Et d'ordinaire, on les rend responsables de tout ce qui ne va pas dans le travail ou la famille. Ceux qui ont tord, qui vous offensent, savent, eux, se comporter comme il faut, ils sont logiques, font preuve de doigté et ont toujours l'air d'avoir raison.
p.570 La dernière partie de l'article était consacrée au fait que, malheureusement, on trouvait, dans ce collectif sain et fraternel, des individus isolés qui n'avaient pas le sens de leurs responsabilités envers le peuple et le Parti, des gens coupés de la grande famille soviétique. Ils s'opposaient à la collectivité, plaçaient leurs intérêts personnels au-dessus des tâches que le Parti confiait aux savants, ils étaient enclins à grossir leurs mérites scientifiques, réels ou illusoires. Volontairement ou non, certains se faisaient les porte-parole de points de vue et d'opinions non soviétiques, étrangers, ils prônaient des théories politiquement nuisibles. Ces gens, d'ordinaire, exigeaient une attitude neutre à l'égard des théories idéalistes, réactionnaires et obscurantistes des savants idéalistes étrangers, se targuaient de leurs liens avec eux, rabaissant, par là même, la fierté nationale des savants russes, et les mérites de la science soviétique.
p.572 Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis la parution de l'article dans le journal mural. Au laboratoire, le travail suivait son cours. Strum avait des moments d'abattement, puis l'énergie lui revenait, il était actif, arpentait le laboratoire, jouant, de ses doigts agiles, ses airs préférés sur l'appui des fenâtres ou les tambours métalliques.
Il disait, en riant, que l'Institut était visiblement frappé d'une épidémie de myopie, car les personnes qu'il connaissait s'éloignaient rêveusement, sans le saluer, quand il arrivait de tomber nez à nez avec lui. Gourevitch qui, de loin, avait repéré Strum, avait pris, lui aussi, un air pensif, changé de trottoir et s'était perdu dans la contemplation d'une affiche.»
4 juillet
Le monde est beau comme une étrange (poème)
Théorie
« Cet instinct sacré, qui nous pousse à n'avoir point de théories...» Le livre de l'intranquillité, Fernando PESSOA, p.253
Extraits de Vie et destin, Vassili GROSSMAN, 1960, Robert Laffont 2006
p.217 Le travail de Strum progressait toujours aussi mal. Ses expériences, commencées longtemps avant la guerre, ne donnaient pas les résultats prévus par la théorie.
[...]
p.219 Le découragement gagna de nouveau Strum.
- J'ai remarqué que mon humeur se gâte dans, le soir, je regarde ma femme repriser des chaussettes. Cela me rappelle ce que nous sommes en train de faire : nous avons reprisé la théorie, un travail grossier, les fils ne sont pas de la même couleur, un boulot d'amateur.[...]
Cet élargissement de la théorie ne donnait rien de bon. Une fois reprisée, elle perdait son équilibre interne, les hypothèses lui ôtaient sa force, son autonomie, ses équations étaient devenues pesantes, difficile à manier. Elle avait maintenant quelque chose d'arbitraire, de talmudique, d'anémié. C'était comme si toute vie, toute musculature l'avait quittée.
Pendant ce temps, la nouvelle série d'expériences, brillamment mises au point par Markov, entrait en contradiction avec les nouvelles équations. Pour rendre compte de cette nouvelle contradiction, il aurait fallu admettre de nouvelles hypothèses, étayer à nouveau la théorie avec force allumettes et bouts de bois.
« C'est du bricolage », se dit Strum. Il comprenait qu'il s'était fourvoyé.p.285
L'idée qui avait frappé Strum au milieu de la nuit, en plein dans la rue, servit de base à une théorie nouvelle. Les équations qu'il avait développées en quelques semaines de travail ne servaient absolument pas à élargir la théorie classique, acceptée par tous les physiciens, elles n'en étaient pas le complément; bien au contraire, c'était la théorie classique qui était devenue un cas particulier de la nouvelle théorie, plus large, qu'avait élaborée Strum; ses équations incluaient l'ancienne théorie qui jusqu'alors semblait globale.p.289-290
L'ancienne théorie cessa d'être la base, le fondement, le tout global. Elle n'était pas fausse, elle n'était pas un égarement mais elle n'était qu'un cas particulier de la nouvelle théorie...[...]
La logique simplette qui relie la théorie à l'expérience semblait absente [...] Il avait toujours cru que la théorie sortait de l'expérience [...] Mais, chose étrange, il venait de se convaincre que cela ne se passait absolument pas ainsi [...] Le nouveau était sorti, semblait-il, non pas tant de l'expérience que de la tête de Strum. Sa tête avait donné naissance à une théorie. Le nouveau était né librement. La logique de cette théorie, ses déterminations n'étaient pas liées aux expériences que menait Markov au laboratoire. La théorie, semblait-il était née librement du libre jeu de l'intelligence et c'était ce libre jeu, qui se serait comme détaché de l'expérience, qui avait permis de trouver une explication à toute la richesse des résultats expérimentaux anciens et nouveaux.
L'expérience avait été le choc extérieur qui avait mis en branle la pensée. Mais celui-ci n'avait pas déterminé le contenu même de la pensée.
C'était stupéfiant...
Son cerveau était rempli de relations mathématiques, d'équations différentielles, de lois des probabilités, de la théorie des nombres. Ces relations mathématiques avaint leur vie propre dans un néant de vide, en dehors du monde des atomes et des étoiles, en dehors des champs électromagnétiques, en dehors des champs de gravitation, en dehors du temps et de l'espace, en dehors de l'histoire humaine et de l'histoire géologique de la Terre. Mais elles étaient dans sa tête. [...] Dans l'esprit de Strum, ce n'était pas la mathématique qui était le reflet du monde, mais le monde qui était une projection d'équations différentielles, le monde était un reflet de la mathématique.
Et, dans le même temps, sa tête était pleine d'indications [...]
Et dans le même temps, vivaient dans sa tête et le bruit des feuilles dans les arbres et le clair de lune, et la bouillie de sarrasin au lait, et le ronflement du feu dans le poêle, et des bribes de mélodies, et des aboiements de chiens, et le Sénat de Rome, et les bulletiens du Sovinformburo, et la haine de l'esclavage, et le goût pour les graines de potiron.Et de toute cette bouillie était sortie une théorie [...]»
1er juillet
Rupture dans la théorie de la révolution, 2e round *
ElephantNoeud, Dominique RIBAULT (Topologie et théorie des groupes)
Avec la contradiction de genre, et trente ans après la rupture initiant la révolution communiste comme auto-abolition du prolétariat*, Théorie communiste révise sa thèse sur le strict caractère de classe de la communisation, et engage le débat avec des féministes radicales américaines présentant la communisation comme auto-abolition de la femme... (voir les textes du SicMeeting à venir). Une contradiction, une revue / deux contradictions, une SICssion ? Mais qui est au courant ?« Si le différent était différent du différent, il existerait sans le différent » Nagarjuna
« L'espèce humaine n'est point condamnée à l'imitation; et il arrive bien souvent que, lorsque nous apprécions complètement l'avantage qu'il y a eu, à une époque antérieure, d'adopter telle opinion, telle institution, cette approbation, pour ce qui a été fait, doit marcher de front avec l'établissement d'une opinion, d'une institution encore supérieure, et toute erreur à cet égard est à la fois nuisible et passagère » Nouveau christianisme, Dialogue entre un conservateur et un novateur, 1825, SAINT-SIMON, in Écrits politiques et économiques, Pocket p.472
« Et cet homme qui, un bref instant, voit l'univers tout nu, crée alors une philosophie, ou rêve une religion; et la philosophie se répand, et la religion se propage, et ceux qui croient à cette philosophie en viennent peu à peu à l'utiliser comme un vêtement qu'ils ne voient même plus, et ceux qui croient en cette religion en viennent à la porter comme un masque qu'ils ont bientôt oublié.» Fernando PESSOA, le livre de l'intranquillité 255
Ruban de Moebius, par Maurits Cornelis ESCHER
* Rupture dans la théorie de la révolution, textes 1965-1975
Jean-Pierre Ceytaire, Baiser vénal
Libéré, l'otage des Américains retrouve la caution de sa femme (et réciproquement, précise Pierre DAC en direct du paradis). L'Etat français n'aurait pas versé de rançon.
27 juin
Communisme atmosphère
« Il y eu le son creux des applaudissements qu'on entend quand il n'y a dans la salle qu'une quinzaine de personnes, puis Witchett débita son boniment, et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire les quatre communistes furent debout. Ils se bagarrèrent pendant une dizaine de minutes, à coups d'arguments auxquels personne ne comprit goutte - le matérialisme dialectique, la destinée du prolétariat et ce que Lénine avait dit en 1918. Puis le conférencier, ayant bu une rasade d'eau, se leva pour apporter une conclusion qui donna au trotskyste de nouvelles convulsions, mais qui plut aux trois autres, et l'empoignade verbale se prolongea, hors séance pour ainsi dire, encore un bout de temps. Personne ne demanda la parole. Hilda et les autres s'étaient discrètement éclipsées dès la fin de la conférence. Elles devaient craindre qu'on fasse la quête pour la location de la salle. La petite femme à chevelure flamboyante finissait son rang de tricot. Vous pouviez l'entendre marmonner le compte des mailles pendant que les autres discutaient. Witchett, s'étant rassis, écoutait, l'air épanoui, et vous compreniez qu'il trouvait tout très intéressant et mentalement prenait note de ci et ça, tandis que la fille aux cheveux noirs, la bouche entrouverte, buvait des yeux chaque orateur, et que le vieux travailliste, assez semblable à un phoque avec sa moustache tombante et son pardessus jusqu'aux oreilles, suivait la scène d'un air parfaitement ahuri. Enfin je me suis levé et j'ai commencé à enfiler mon pardessus. » Un peu d'air frais, Georges ORWELL, Coming up for Air, 1939, 10/18 p.200
Immoralité : « la camarade est l'avenuir du prolétaire » J. Patlotch senior, individu médiatiquement asocial
26 juin
Canicule et démocratie : un peu d'air frais
« Ces trois jours de canicule sans répit, d'orage latent et de malaise sous-jacent à la quiétude ambiante, ont apporté, comme l'orage avait filé ailleurs, une agréable, légère et tiède fraîcheur, à la surface limpide des choses. De même, au cours de notre existence, il arrive parfois que notre âme, ayant souffert du poids de la vie, éprouve soudain un soulagement qu'aucun événement concret ne peut expliquer.
J'imagine que nous sommes des sortes de climats, sur lesquels pèsent des menaces de tempête qui vont se concrétiser ailleurs...» Fernando PESSOA, le livre de l'intranquillité 192" « Atrocités bestiales... hideuses explosions de sadisme... matraques... camps de concentration... inique persécution des Juifs... retour à l'obscurantisme... civilisation européenne... agir pendant qu'il est temps... indignation de tous les peuples qui se respectent... alliance des nations démocratiques... résister fermement... défense de la démocratie... démocratie... fascisme... démocratie... fascisme... démocratie... »
Vous connaissez le refrain. Ces types-là peuvent vous le moudre pendant des heures, comme un gramophone. Tournez la manivelle, pressez le bouton, et ça y est. Démocratie, fascisme, démocratie. Je trouvais quand même un certain intérêt à l'observer. Un petit type assez minable, chauve et blanc comme un linge, debout sur l'estrade, à lâcher des slogans. Qu'est-ce qu'il fait là ? Ouvertement, d'une façon délibérée, il attise la haine. Il y va de son foutu mieux pour vous faire haïr certains étrangers qu'il appelle fascistes. Drôle de chose, je me disais, être « Untel, l'antifasciste bien connu ». Drôle de truc, l'antifascisme. Ce type, je suppose qu'il gagne sa croûte en écrivant des livres contre Hitler. Qu'est-ce qu'il faisait avant Hitler ? Et qu'est-ce qu'il fera quand Hitler aura disparu ? " Un peu d'air frais, Georges ORWELL, Coming up for Air, 1939, 10/18 p.193-194" À cette époque-là, les gens prenaient la politique au sérieux. Ils mettaient les oeufs pourris de côté plusieurs semaines avant l'élection. " Un peu d'air frais, Georges ORWELL, Coming up for Air, 1939, 10/18 p.59
25 juin
'Jazz', l'éternel détour
(et pour faire mentir Jacques REDA, grande plume de JazzMagazine depuis 1962, et gentil poète néo-classique, mais enfin, parlant de la mort du jazz, il doit la confondre avec la sienne en perspective)
Une heureuse surprise que ces deux CD. Rien d'une révélation pour ceux qui suivent de près l'actualité du jazz, mais pour moi, parmi les plus détonnantes découvertes depuis une vingtaine d'années.
- Ballads & Barricades : Das Kapital plays Hanns Eisler (Quark Records 2009)
« On dit que le rock est mort. On dit que le jazz l'est aussi. On a enterré le socialisme. La liberté a été sécurisée. 68 est en retraite. On nous ordonne de divertir. On nous impose d'avoir peur et de se méfier d'autrui.
Enfin, ce n'est pas vraiment notre genre. » Das Kapital"Ohne Kapitalisten geht es besser !"
J'avais évoqué Hanns EISLER en 2002, dans musique, peuple et politique : Bartok... Weill, Eisler, Adorno... Bartok, et signalé en bibliographie l'ouvrage d'Albrecht BETZ, Hanns EISLER, Musique et politique (1976) Le Sycomore, 1982. C'est donc avec une immense satisfaction que je découvre cet hommage, et du même coup, les trois individualités du trio DAS KAPITAL.
- Soweto KINCH : The New Emancipation
De l'
esclavage du salaire et des dettes à l'oppression créative dans l'industrie musicale...
Présentation de l'éditeur "SOWETO KINCH LE PHENOMENE Il est difficile de trouver actuellement une fusion plus convaincante et plus excitante que Soweto Kinch - Colin Buttimer, BBC Music Avis Lauréat du Montreux Jazz Saxophone Competition en 2002, lauréat du BBC Jazz Award pour le meilleur instrumentiste et meilleure formation en 2004, lauréat du MOBO Award pour le meilleur spectacle de Jazz en 2007 : Soweto Kinch est LE phénomène venu de Birmingham, Grande Bretagne. Saxophoniste virtuose, on l'aura compris, mais également un MC et Freestyler Hors Pair, représentant du mouvement Hip-Hop en Angleterre. Toujours tiraillé entre sa culture et son amour du Jazz, sa musique sonne comme une fusion naturelle, non-contrariée entre post bop et hip hop. Parmi ses principaux mentors, Sonny Rollins, Courtney Pine, mais aussi Q-Tip et The Roots ; influences qu'il a su distiller dans ses deux premiers albums : Conversation with the Unseen et A life in the day of B-19. Son dernier album The Emancipation New puise son inspiration dans le blues des chants de travail du début du 19ème siècle. De l'esclavage économique à l'oppression créative dans l'industrie de la musique, il transcrit cet héritage musical riche qu il revisite avec maestria grâce à un ensemble de jazz moderne virtuose et une production hip-hop. Sa récente performance au Queen Elisabeth Hall du dernier London Jazz Festival a confirmé Kinch comme une figure majeure de la scène britannique. Il est difficile d'imaginer un jazz contemporain aussi puissant joué ailleurs dans le monde. Jack Massarik, The Evening Standard "
Je poserais un bémol à l'affirmation selon laquelle il représenterait la meilleure fusion entre jazz et hip-hop, puisqu'il s'agit davantage d'un collage des deux genres (on est assez loin de Steve Coleman avec Metrics), mais au meilleur niveau de chaque, en digne héritier d'une part des Last Poets, du récemment disparu Gil Scott-Heron*... et, au saxophone alto, d'un Jacky McLean revisité par Greg Osby, voire au-delà du look, d'Eric Dolphy (ce qui est patent à la clarinette basse). Concernant l'esprit de la musique (tous les titres et arrangements de l'album sont de Soweto Kinch), voilà Ellington, Mingus...
* Gil Scott-Heron, 1970, The Revolution Will Not Be Televised, comme le rappelle AD chez DNDF
A short presentation of Soweto Kinch (video) / Album Review by Alex King
*
Charles-Ferdinand Ramuz
Le poète s'enferme, mais c'est pour dire ; le petit bourgeois s'enferme, mais c'est pour se taire.
Je sens que je progresse à ceci que je recommence à ne rien comprendre à rien. Journal, 10 septembre 1917
La seule vraie tristesse est dans l'absence de désir.
Il ne suffit pas de fuir, il faut fuir dans le bon sens; il ne faut pas fuir excentriquement, il faut fuir concentriquement; fuire le monde, en ce sens-là, c'est le retrouver, et plus grand, plus vrai, plus essentiel (Taille de l'homme)
Il n'y a plus de solitude là où est la poésie. C'est ainsi que le poète est à la fois le plus solitaire et le moins solitaire des hommes (Remarques)
La poésie n'est ni dans la pensée, ni dans les choses, ni dans les mots; elle n'est ni philosophie, ni description, ni éloquence: elle est inflexion. Journal, 25 juin 1901
23 juin 2011 / 2
« Il avait sa vie et il ne l'a pas achevée. Il y a des gens et des endroits comme ça... Ce n'est pas ce qui reste à faire à la fin, mais les choses qu'on a laissées inachevées tout le long du chemin. » (J.B. Hicock Wild Bill) Deadwood, Pete DEXTER, p.501
« Les gens qui portent le fardeau d'un chose qui ne peut être défaite finissent un jour ou l'autre par être détruits.» Le vrai monde, KIRINO Natsuo, Seuil p.142
« Les mauvais rêves ne signifient rien, l'interrompit-elle brusquement, et elle continua pour lui faire entendre raison. Les êtres humains ont tous un passé qu'ils aimeraient oublier. Ils réfléchissent aussi à des choses effrayantes dont ils ne peuvent pas parler aux autres. C'est ça qui ressort dans les rêves, c'est tout. Le rêve terrifiant est produit par le coeur de celui qui le fait. Et plus on réfléchit à ce rêve, plus on le fait. Pour échapper aux mauvais rêves, le mieux c'est de les oublier.» Les Dieux chiens, BANDO Masako, Actes Sud Noirs p.92
« Toute substance est à la fois venin et médicament. Tout dépend de la dose administrée.[...] La formule était de Paracelse, célèbre médecin et alchimiste suisse du XVIe siècle.» La reine africaine, Roch DOMEREGO et Christian BLANCHARD
« Il acquit la conviction qu'au fond il était peu difficile de distinguer, même dans des papiers morts, au travers de paroles mortes, la vérité du mensonge, et que tout fait, dès qu'il est fixé par l'écriture, posait un problème semblable à ceux que les professeurs croient n'être que du domaine de l'art, de la poésie. » Le contexte, Leonoardo SCIASCIA, Denoël, p.20
« Deborah était orfèvre en cette haute dialectique de l'incertain où les mensonges mènent à la vérité et où la vérité contient l'embryon de tous les mensonges.» Le rêve américain, Norman MAILER, 1965
« Si tu saisis pas le petit grain de folie chez quelqu'un, tu peux pas l'aimer.» Gilles DELEUZE, Interview
« En 1890, une loi anglaise oblige les automobilistes à être précédées, en ville, par un piéton au pas. En France, on se contente d'envoyer un gamin qui crie à tue-tête "l'automobile va sortir !" » Pierre SIPRIOT, Ce fabuleux XIXe siècle, L'histoire extraordinaire de ces inventions qui transformèrent le monde.
« It is better to be lucky than smart » (Mieux vaut être chanceux qu'intelligent) Proverbe américain
23 juin 2011 / 1
Réflexions plantaires
" Madame, sous vos pieds, dans l'ombre, un homme est là / Qui vous aime, perdu dans la nuit qui le voile
[plus loin] "Ah ! Tout perdre en un jour. Pour une amourette avec une suivante, une fille de rien. On m’exile ! Et vingt ans d’un labeur difficile, vingt ans d’ambition, de travaux nuit et jour./ Mon crédit, mon pouvoir, tout ce que je rêvais… charges, emplois, honneurs, tout en un instant s’écroule. Au milieu des éclats de rire de la foule ! ".» Ruy Blas, Victor Hugo
Le massage des pieds du Christ par Marie-Madeleine, détail, Sandro Botticelli*, 1490
* Ne pas confondre, naturellement, Sandro avec Roberto Botticelli, bottier de luxe
« Je veux cependant que vous le sachiez : le chef* de tout homme, c'est le Christ; le chef de la femme, c'est l'homme, et le chef du Christ, c'est Dieu. Tout homme qui prie ou prophétise le tête couverte fait affront à son chef. Toute femme qui prie ou prophétise le tête découverte fait affront à son chef; c'est exactement comme si elle était tondue. Si donc une femme ne met pas de voile, alors qu'elle se coupe les cheveux ! mais si c'est une honte pour une femme d'avoir les cheveux coupés ou tondus, qu'elle mette un voile. L'homme, lui, ne doit pas se couvrir la tête, car il est l'image et la gloire de Dieu; quant à la femme, elle est la gloire de l'homme. Ce n'est pas l'homme en effet qui a été tiré de la femme, mais la femme de l'homme; et ce n'est pas l'homme, bien sûr, qui a été créé pour la femme, mais la femme pour l'homme. Voilà pourquoi la femme doit avoir sur la tête un signe de sujétion, à cause des anges (Paul, Épitre aux Corinthiens, I Co 11, 3-10).» Cité par Anne-Marie Helvétius dans Le sexe des anges au Moyen Âge, De la différence des sexes / Le genre en histoire, dir. Michèle Riot-Sarcey, Larousse 2010, p.106
* Le terme latin, caput, signifie à la fois "tête" et "chef" en français.
PS : C'était mieux avant...