(six cent soixante-dix-neuvième nuit)
La marée je l'ai dans le coeur qui me remonte comme un signe
Léo Ferré
Séductrice ! Tu te loves à me pieds et j'ai le dos au mur. Ciel !... Tu montes.... Non !
la mer la
falaise la falaise
le ciel le
ciel la mer
(géométrie de l'immensité)l'oiseau l'
ombre l'ombre
la grève la
grève l'oiseau
(grève n'est plus ce qu'elle était)la marée la
mort la mort
la panique la
panique la mort
(sans issue)les rires les
galets les galets
les vagues les
vagues les rires
(elle se marre en se roulant sur les galets)les rêves les
cris les cris
l'horizon l'
horizon les rêves
les rêves glissent de l'horizon sous la mer
(six cent quatre-vingtième nuit)
Et sous la mer il rêvait
Il marchait sur les horizons dans les nuages d'équivoques
Soirée d'ocres et d'ors
Elle les lèvres entrouvertes Aphrodite en son lit d'écumeIl marchait sur des paysages de nulle part habités de soleils généreux
Dans les vallées de blanches mousses
Où les rivières sans destin irriguent les déserts de théâtreIl marchait sur la fin du jour
Où les oiseaux démocratiques font le guet
En des villages de châteaux style éternelIl marchait sur les cimetières de mollusques
Dans les vents épicés (du condamné la cigarette)Il marchait sur la chevelure verte du temps long
Une friture de cailloux dans la poêle rouillée
Le panier démobile et l'osier détresséLa sandale en plastique opaque avec des petits coeurs violets sur le dessus
Il marchait sur l'empreinte de lui-même
Sur une mouche sur un oiseau crevé
Une carcasse de raquetteIl marchait sur un pneumatique Un ciel à la Boudin
Il marchait sur la digue longue où les vieilles coquilles
L'horizon simple lui traversait l'immense ventre Plus que les yeux immense
La mer la tache humaine sur la mer
(six cent quatre-vingt-unième nuit)
Celui qui ne croit pas au hasard objectif n'est qu'un sot, qui se ramasse à la pelle. Sur la plage, trois cabines se suivent avec leurs noms : Rivages, Catherine, Mon désir. Pas moyen d'être tranquille.
Je monte. Escaliers. Trois cent soixante-cinq marches (dixit prospectus).
C'est vers en bas que je regardais. Les toits la mer dedans. Plus haut les toits la mer dessus. Et sous la mer les toits (sans parler d'horizon).
L'ardoise raconte une histoire et la modernité sa vulgaire terrasse, sa fière crasse plate, son béton laid, sa cheminée médiocre et son assourdissante géométrie d'antennes. Affront de mer.
Elle, avec ses taches sombres ou blanches sous la peau, ses nuages allités, ses troubles roses et ses lignes d'avions coupées par les oiseaux.
Elle, qui joue avec son bord; Avec sa trace. Qui fleurte à son contour en grève. Jamais le même. Parfaite image de la séduction. A l'infini renouvellée. Tout son désir est au profil nouveau.
(six cent quatre-vingt-cinquième nuit)
Il avait acheté une laitue. Effeuillée sans cérémonie. Mangé son coeur. S'était rendu à la manifestation pacifiste. Jour de grand soleil sur Bastille, ça tourne. Où l'ombre de la Comtesse en manufestueux appareil avait envahi son champ. Manifestement. De vision.
Ils avaient donc ainsi devisé. Sans autre forme. De procès. Pleuré la mort. De Vitez. Mesuré. Des idées. Aux révolutionnaires. Dîné zensemble.
Et elle que lui n'avait pas le sens du théâtre. Et lui que il la croyait morte. Et elle que elle lui offrirait Ce que les mots me disent de Michel Leiris. Et que lui lui écrirait... peut-être.
En ces temps-là, cette étendue de temps autour, fréquemment plus prenait Catherine l'appeler de l'initiative. Elle de venir le voir. Lui de la voir venir. L'habitude. Même qu'hier il l'avait prises dans ses bras dans le métro dans un élan irrépressible.
(six cent quatre-vingt-sixième nuit)
Boire. A quoi bon ? La différence c'est l'état. Le résultat. Boire est le plus court chemin d'un état à un autre.
Non, la baignade plutôt (plonger). La foule. La musique. Le suicide. La femme qui (dit) oui pour la première fois.
Boire et écrire.
(six cent quatre-vingt-septième nuit)
Auto-portrait déambulé (douze détails pour un...)
Le soleil fait naufrage dans les bas-fonds blanc d'albumine
La forme du vent s'écrit sur l'eau comme les gens sur la cervelle
La foule est une éponge de poussière
Aucune musique n'étanche un jour de tambour à lunettes
Sous une crasse de feuillages dégouline des violons mous une valse de juste milieu
Mornes jardins où les pigeons copulent où chiassent les moineaux où crève un poisson bleu où lassent les boîtes de Coca-Cola
Des chairs de cuivre mettent le feu dans les pelouses langoureuses
Seule dans l'éternité dans son profil de bronze. La fille aînée de Maillol prend dans ses bras une petite fille boucles rouges culotte à pois, une autre d'Outre-Mer jaune canard et rose indien
Les corbeilles de fer rouillé sont de laideurs plus belles que les statues sans bas sans jambes les bustes de laides beautées
(Dreyfus est réhabilité dans un coin sombre)
Un chat noir chasse un rien Place du Marché-Sainte-Catherine
Bastille ça tourne nom d'un chien
(six cent quatre-vingt-huitième nuit)
Et il sortirait, il entrerait dans le bois, où les oiseaux chantent encore pour eux seuls, son manuscrit, son stylo à la main, travaillant en marchant
Henri de Montherlant, Les lépreuses
Parfois, ici, je n'écris rien.
Je marche sans aller nulle part. J'Y vais. sachant que je n'arriverai pas là où (où ?) je voudrais aller. Une rue me conduit, une fille, un chat, une idée à laquelle j'aliène mes pas. Elle m'abandonne. Ou moi. Pour une autre. Ou rien.
Pourtant, je suis moins perdu que personne. Je vois bien où ils vont. Je ne veux pas. je sais toujours où je ne veux pas aller. Mais pas rester non plus. C'est difficile.
Il fait grands soleil sous
Le vent la
Seine accueille des
Bouteilles des
Feuilles et des yeux
Les îles pleines à couler sous les
Jeunes filles du troisième âge
Comme dans les manifs. On ne marche pas pour aller quelque part. On va quelque part pour marcher (on ne peut pas marcher nulle part). C'est pour marcher qu'on marche. Pour dire qu'on marche. Marcher c'est dire. Qu'on Y va. Plupart du temps on n'Y arrive pas.
Parfois, moi, c'est pareil. Sauf que je marche seul. Je suis manif à moi seul. Contre tout et pour rien. Non. Pour tout et contre rien. Non. Contre tout et pour tout. Non. Envers et... rien à faire... Je manifeste seul. Je me manifeste. Je manifeste que je suis seul.
Qui m'aime ne me suis pas. J'espère.
(six cent quatre-vingt-neuvième nuit)
Mieux vaut n'avoir pas vu du tout un musée, que de ne l'avoir vu qu'une fois en compagnie d'une femme, si elle n'est pas exceptionnelle
Henri de Montherlant, Costals, le démon du bien
Parfois, ici, j'ai honte.
Catherine avait une demi-heure de retard. Ses excuses trahissaient l'habitude de se faire attendre. Alors courir et manquer à tous les hommages aux divinités olmèques, aux pierres de Teotihuacan... Octavio Paz...
Elle ne voulait pas être en retard, au travail... RER... Et leurs chemins se séparaient.
(six cent quatre-vingt-dixième nuit)
Parfois, ici, j'attends.
Aucun train. Personne. Arrivées. Départs. J'attends. Personne n'arrivera jamais. J'ai nulle part où aller. Aucun retard à craindre. Aucun drame intérieur. Parfois des êtres chers n'arrivent pas. Ceux des autres. J'embrasse ainsi des joies et des tristesses. Je ne ressens rien. Plupart de ceux longtemps assis à grande vitesse se croient obligés de courir. Société droguée à la vitesse. Au nombre. Que font-ils de plus, dans une vie, en allant vite ? En allant vide ? Ce train ne prend pas de voyageurs. C'est le mien. J'ai bien fait d'attendre. Tout peut arriver. Je peux partir maintenant. Je rentre.
Bastille ça tourne. Le Génie de haut toise Jupiter sous la lune. Autour de minuit.
Dans ma cour une chatte blanche.