VIERGE LANDE janvier-février 2006
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Ceci pourrait être la suite de NEW ANGE, etc... Ouvert le 2 janvier 2006; chronologique de bas en haut

 

* Visites en février

4941 visites, 176 par jour (73-403). France 61%, USA 24 %, Allemagne, Belgique, Canada 2%, Maroc, Suisse, Espagne 1%...

* 19 février

Spectacle de la caricature ou caricature du spectacle ?

(comme illustration de ce commentaire, cité ailleurs plus longuement :

« L’individu que cette pensée spectaculaire appauvrie a marqué en profondeur, et plus que tout autre élément de sa formation, se place ainsi d’entrée de jeu au service de l’ordre établi, alors que son intention subjective a pu être complètement contraire à ce résultat. Il suivra pour l’essentiel le langage du spectacle, car c’est le seul qui lui est familier : celui dans lequel on lui a appris à parler. Il voudra sans doute se montrer ennemi de sa rhétorique ; mais il emploiera sa syntaxe. C’est un des points les plus importants de la réussite obtenue par la domination spectaculaire. » Commentaires...  XI, 1988, Guy DEBORD

Moralité : Mahomet aux masses más omet, oh mais : Homais ? Avarié beauf varie et charrie sans changer.

D'un négationnisme de la négation

« Il faut regarder la télé, puisque le peuple la regarde...».

Comment passer du mentir-vrai à rendre vrai le faux ? Leur politique a renversé l'art du roman réaliste dans une mer d'eaux tièdes sans rivages. 
C'est le glissement du plaisir de spectateur, de commentateur à coco menteur. 
C'est le glissement d'une extrême gauche populiste à un extrême populisme de gauche, qui a insinué son ver de démagogie réformiste dans le fruit mûri, en soutes et sous soutanes, de la prêche radicalement démocratique : ya comme là hic en l'amiante religieuse. 
C'est le glissement de l'isolation à la désolation, de l'insolation à l'hydrocution. C'est leur fierté du France touillant sa rouille et mouillant leur trouille dans les dessous blanc bleu dont ils effacent le rouge.

C'est le glissement du
mât de cocagne  pour cogner sur le Mahomet)

Le bébé il s'en fout, qui grandit nu et sans compter, hors des bains tièdes ou glacés.

* 18 février

Le "nouveau", faux moment du présent

« Si la logique de la fausse conscience ne peut se connaître elle-même véridiquement, la recherche de la vérité critique sur le spectacle doit aussi être une critique vraie. Il lui faut lutter pratiquement parmi les ennemis irréconciliables du spectacle, et admettre d'être absente là où ils sont absents. Ce sont les lois de la pensée dominante, le point de vue exclusif de l'actualité, que reconnaît la volonté abstraite de l'efficacité immédiate, quand elle se jette vers les compromissions du réformisme ou de l'action commune de débris pseudo-révolutionnaires. Par là le délire s'est reconstitué dans la position même qui prétend le combattre. Au contraire, la critique qui va au delà du spectacle doit savoir attendre » Guy DEBORD, La société du Spectacle, L'idéologie matérialisée, Thèse 220/221, 1967

Le "nouveau" est toujours spectaculaire, en ce qu'Internet ne peut le produire que spectaculairement, comme déjà ancien, figé, hors de son mouvement. Et le plus vrai s'y fausse dans sa disparition, une circulation quotidienne sur les boulevards périphériques du monde réel, où il n'y a rien qu'à voir, pour s'y écraser (écrase-toi !). C'est la limite de toute parole et de toute écoute séparées de l'activité dans le réel présent, leur décalage irrémédiable, contre-situationnel. Le pari d'à CONTREJOURS est illusoire, dans sa lecture si ce n'est dans son écriture, en ce qu'elle ne peut guère conduire qu'à ce genre de lecture, ce que savent bien ceux qui visitent ce site animés d'une curiosité : qu'est-ce que Patlotch dit de "nouveau", aujourd'hui ?

Celui qui attend la suite n'y sera jamais pour rien. Car le quotidien n'est ni le lieu ni le rythme, l'espace-temps, de sa destruction, celle d'une totalité qu'il ne peut jamais exprimer totalement, et encore moins quand cette expression, pertinente ou pas, n'est qu'individuelle, puisqu'aucun individu séparé, aucun groupe, ne peuvent exprimer un point de vue de classe dans sa situation globale au sein de l'affrontement avec le capital comme société totale. Un tel point de vue ne saurait être la somme ou le dénominateur commun d'expressions individuelles particulières, groupales ou organisationnelles, quelles qu'elles soient, pas davantage en théorie qu'en pratique, quand celles-ci demeurent séparées. 

Internet nous oblige à renouveller la critique du quotidien*, à la radicaliser donc à l'en sortir, plus qu'à tenter de la subvertir. Internet nous invite plus que jamais à détruire le quotidien (KOSIK, 1967), à détruire Internet, sa fonction dans le spectacle : Internet produit en propre sa limite spectaculaire. En somme il en va d'Internet aujourd'hui comme de l'art il y a cinquante ans « Il ne s'agit pas d'élaborer le spectacle du refus mais bien de refuser le spectacle » (VANEIGEM, Conférence de l'IS à Göteborg, 1961).

Je serais en quelque sorte tombé dans ce piège, que ne suffit pas à dénoncer le rythme 'télévisuel' des forums, et leur effacement au quotidien de la mémoire, de toute histoire, de tout ce que ne dit pas justement le quotidien, quoi qu'il en dise sur Internet, qui est la technique adéquate à la spectacularisation déjà avancée, avant lui, du quotidien *

* la critique du quotidien est à la mode dans les années 50-60, et celle de LEFEBVRE reste jusqu'au bout, Rythmanalyse, 1992 - beaucoup plus sociologique que révolutionnaire, ce qui relativise l'influence qu'il aurait exercée sur DEBORD, et éclaire autrement les méprises de leurs temps.

Internet est le média par excellence de la spectacularisation, parce qu'il donne au spectateur l'illusion d'être acteur : Internet, et l'interactivité virtuelle en général, étend aux individus séparés, et l'entretient dans leur séparation, ce qui n'était qu'idéologie de masse, notamment par la télévision. Internet exigerait autant de l'écriture que de la lecture, mais quelle écriture (hors de rares livres) pourrait imposer une lecture, et au nom de quoi y prétendrait-elle (merci Duchamp) ? Internet est l'idéal technique de la séparation spectaculaire, l'ultime déguisement du réel en discours sur le réel.

En conséquence de quoi, d'une part je remplace en page d'accueil le bouton NOUVEAU par (déjà) PAS SAGES; d'autre part, je procèderai désormais à des commentaires critiques, entre [ ] de ce qui est déjà écrit, et je le signalerai, ou non. N'y voir qu'un pis-aller contre le brouillage du temps entre ancien et nouveau quand, alors que le faux nouveau appartient au passé, l'ancien parfois reste au présent porteur du vrai nouveau.

Mais malgré tous mes efforts d'y rendre lisible une dynamique du passage au présent entre ancien et nouveau, l'ironique et autodérisoire label SITE CLASSÉ n'empêchera personne de le visiter comme un musée 'post-moderne', un centre pompier doux individuel, la mise à mort de ce qui pourrait s'y montrer de vivant. J'aurais aussi bien pu l'appeler a-MUSÉE.

Le temps du vrai brasse l'ancien dans la spirale du nouveau, il détruit la linéarité chronologique de leurs apparences. Il est un passage pas sage.

« Le passé n'est qu'un prologue » dernière phrase du film JFK, selon Transparences, AYERDAHL, Au Diable Vauvert, 2004, Livre de Poche

* 14 février

Music for lovers (traduction pour les mals gens tendants : "l'amour et la révolution")

A tort ou à raison, je ne traîne plus dans les bacs à disques, bien que cette forme de dérive en vaille une autre, pour qui sait entendre (la double paire d'oreilles dont parlait Nietzsche, à laquelle j'ajouterais volontiers une troisième...). Je ne traîne plus, exception, ce midi, entre deux horaires pointés et badgo-tourniqués grâce à Jospin, Gayssot et CGT réunis par la grâce d'un salariat de fonctionnaires qui le voulut, sondage militant oblige (voir plus bas commentaires gratuits de Guy Debord, qui ne travailla jamais, et qui eut bien raison). 

Bacs à CD, donc (pour être précis, ViergeMegastoire, La Défense).

1) Johnny HARTMAN and Oliver NELSON : I love Everybody

Vaut pour les faces en publics (1966) de la rencontre entre "le chanteur préféré de John Coltrane" et l'arrangeur (orchestrateur) divin du passage des 50' aux 60', à qui l'on doit de merveilleux écrins pour Jimmy Smith, Wes Montgomery... Eric Dolphy, Bill Evans and others (Blues and the abstract truth ). Exclusively pour amateurs de crooners et belles voix (de baryton en l'occurrence), et d'arrangements, disons, entre Count Basie/Ellington et Sun Ra ou Thad Jones-Mel Lewis. Mais, disai-je : en public... (on note la présence de Conte Candoli dans section de tp, celle conjointe des guitaristes Howard Roberts et Herb Ellis, et des compères Joe Mondragon à la basse et Shelly Manne à la batterie. Excusez du peu.

Only for amateurs of crooners donc, dans la subtile déconstruction, tension/décontraction (une story qui n'a pas de sens sans swing, comme dirait Ellington if it don't...) de ces années où d'autres arrangeurs se nommaient Gerry Mulligan, Jimmy Giuffre, Gunther Schuller, John Lewis, Charlie Mingus...

Pour oreilles musiciennes ou mélomanes donc, ou curieux du style de l'époque à l'une de ses meilleurs, avec ses contradictions très américaines, black and white in real subordination of the capital (Marx for ever, une autre forme d'amour, la même pour les connaisseurs d'Héraclite).

2) Abbey LINCOLN The World is falling down

La chanteuse la plus "héritière" de Billie Holiday dont on reconnaîtra un jour qu'elle est une des parolières les plus pertinentes pour dire le monde que nous vivons, et ce depuis bientôt 50 ans. Ce disque enregistré en 1990 vaut pour la présence de Clark Terry, dont le son équivaut, pour la douceur au palais et son goût délicat et relevé, le meilleur sake de Kobe (la fluidité, dit-on des trompettistes de Saint-Louis : Harold Baker, Miles Davis...).

Sans parler, on appréciera, du casting : Jackie MacLean, as; Alain Jean-Marie, p; Charlie Haden, b; Billie Higgins, dms. Et, à apprécier vu le bassiste précité, compagnon d'Ornette Coleman, Ron Carter (bassiste de Miles dans les années 60) comme arrangeur.

3) "People in me" Abbey Lincoln

Contrairement à ce qu'on vous répond su Google, ce disque est donc, de mes yeux vus, avalaible on CD. De la chanson qui donne au disque son titre, j'ai fait un titre-culte : voir. Une des plus belles chansons du siècle (le précédent) dans le genre "citoyen du monde" mais vu de la "périphérie".

Disque enregistré en 1973 au Japon, avec la moitié du groupe de Miles Davis en ces années (Liebman ts ss, Foster dms, Mtume perc) et deux pointures de la scène japonaise qui n'ont pas à rougir des précédents  : Hiromasa Suzuki - piano, Kunimitsu Inaba - bass

Annexe sur la logique

Commentaires sur la Société du Spectacle (texte intégral), Guy Debord, 1988, extrait XI :

« On croit généralement que ceux qui ont montré la plus grande incapacité en matière de logique sont précisément ceux qui se sont proclamés révolutionnaires. Ce reproche injustifié vient d’une époque antérieure, où presque tout le monde pensait avec un minimum de logique, à l’éclatante exception des crétins et des militants ; et chez ceux-ci la mauvaise foi souvent s’y mêlait, voulue parce que crue efficace. Mais il n’est pas possible aujourd’hui de négliger le fait que l’usage intensif du spectacle a, comme il fallait s’y attendre, rendu idéologue la majorité des contemporains, quoique seulement par saccades et par fragments. Le manque de logique, c’est-à-dire la perte de la possibilité de reconnaître instantanément ce qui est important et ce qui est mineur ou hors de la question ; ce qui est incompatible ou inversement pourrait bien être complémentaire ; tout ce qu’implique telle conséquence et ce que, du même coup, elle interdit ; cette maladie a été volontairement injectée à haute dose dans la population par les anesthésistes-réanimateurs du spectacle. Les contestataires n’ont été d’aucune manière plus irrationnels que les gens soumis. C’est seulement que, chez eux, cette irrationalité générale se voit plus intensément, parce qu’en affichant leur projet, ils ont essayé de mener une opération pratique ; ne serait-ce que lire certains textes en montrant qu’ils en comprennent le sens. Ils se sont donné diverses obligations de dominer la logique, et jusqu’à la stratégie, qui est très exactement le champ complet du déploiement de la logique dialectique des conflits ; alors que, tout comme les autres, ils sont même fort dépourvus de la simple capacité de se guider sur les vieux instruments imparfaits de la logique formelle. On n’en doute pas à propos d’eux ; alors que l’on n’y pense guère à propos des autres.

L’individu que cette pensée spectaculaire appauvrie a marqué en profondeur, et plus que tout autre élément de sa formation, se place ainsi d’entrée de jeu au service de l’ordre établi, alors que son intention subjective a pu être complètement contraire à ce résultat. Il suivra pour l’essentiel le langage du spectacle, car c’est le seul qui lui est familier : celui dans lequel on lui a appris à parler. Il voudra sans doute se montrer ennemi de sa rhétorique ; mais il emploiera sa syntaxe. C’est un des points les plus importants de la réussite obtenue par la domination spectaculaire.

La disparition si rapide du vocabulaire préexistant n’est qu’un moment de cette opération. Elle la sert. »

Commentaire sur la société sociétée et sur l'amour alter-masses

Que rajouter de pertinent ? pour se faire une idée de la crétinerie militante de notre temps, trois pistes :  FMR , FALO  (sic), Bistro

Le bras de fer entre militants nostalgiques du vieux monde  et branchouilles démocrates est jouissif, par coco-catho-PCcentrés pseudo-laïcs, déchirures et chiures bolcho-centrées... interposés. De là à ce qu'ils se découvrent, tous ensemble, comme politiciens du bas cocus alimentant leur haut, il n'y a qu'un pas. Celui que ne franchiront jamais les "bas-istes" d'un programme commun sans programme et d'une gauche plurielle rebaptisée pour la circonstance, en "comité", ou "structure souple et ouverte" [sic] pour in fine, rentrer dans le rang : l'ordre établi, le spectacle, comme dit l'autre.

On notera au passage le rôle tenu, à merveille, depuis que ce parti existe,  par les "couilles molles" en toutes situations, du PCF et de ses membres ou de ses ex. toutes tendances confondues. Comme vieux ou jeunes cons au service du capitalisme, on trouve jamais mieux que l'ex ou le sympatisant du PCF (l'histoire repasse les plats, et elle se vautre dans la farce du cocochon).

Lectures conseillées, celles que vous jugerez bonnes : Censor

* 10 février

Acte de décès, en toute amitié

Il y a des personnes qu'on a aimées parce qu'on a fait des choses ensemble : vécu. Il arrive un jour où l'on n'a plus rien à se dire, parce qu'on ne fait plus rien ensemble, parce que parler révèle qu'on n'a plus rien à faire, ensemble. Elles sont pour nous déjà mortes. Nous ne les tuons pas, nous prenons acte de leur décès en nous. On n'a moins envie de les rencontrer, comme fantômes, que de mettre des fleurs sur leur tombe, plus tard (car c'est le genre qui aime à être enterré, entraîné qu'il s'y est vivant).

Rien ne peut vivre au seul nom du passé. En nous, certains amis sont des morts-vivants, certains morts de vivants amis. Parfois, ce sont les mêmes...

Se tromper de fidélité, une erreur qui retient de vivre.

* 9 février

« Le faux est un moment du vrai » HEGEL, Phénoménologie de l'esprit, 1830
« Le vrai est un moment du faux »
DEBORD, La société du spectacle, 1967

J'oppose à la trêve le drive, et le dé-rêve à la dérive  

(Vivre le faux pour connaître le vrai / la révolution communiste sera poétique ou ne sera pas / le vrai moment du vrai)

Vivre dans le faux n'est pas faux, être faux. On ne peut vivre dans le vrai, se retirer du faux, faire "comme si". Il n'y a pas d'ailleurs. De vie plus vraie qu'une autre. De conscience de classe individuelle ou identitaire, communautariste : à la limite pas de conscience de classe prolétarienne. Fuir le faux ne mène selon le cas qu'à une poétique de la rupture, un ersatz, un renversement de la révolution dans la vie poétisée, l'objectivisme et le subjectivisme militants, le leurre autonomiste, l'extériorisation qui entérine la séparation. Le marronnage 'post-moderne' peut être parfaitement respectable sur le plan individuel, comme mode de vie, de 'résistance', et parfois exiger du courage, mais n'ouvre pas pour autant plus d'issue révolutionnaire que d'être plongé dans la non-vie quotidienne. Squatter est une obligation économique ou un choix existenciel, point.

C'est dans les catégories du faux que transparaît le vrai. Dans les interstices de la non-vie que s'échappe, en fumerolles, le fumé du réel. Il n'y a pas de feu du faux sans fumée du vrai. Le contenu du vrai se donne à connaître dans les formes du faux. Le spectacle n'est pas opaque dans la trinité : le vrai, le faux, leur dialectique de la forme et du contenu, de l'apparence et de l'essence. C'est dans les catégories de l'apparence, de l'économie, du social, de la politique, de la psychologie... qu'apparaissent les contradictions du capital et de la lutte de classes. Il n'y a pas pour ça de lieu privilégié, dans la sphère de la production ou celle de la reproduction, le champ politique organisé, dans la vie militante, dans une "aire de la communisation"... Le capital global est localement partout, où ses contradictions modèlent la vie réelle.

Si l'autonomisme révolutionnaire est un leurre, le concept de Spectacle n'en est pas moins encore opératoire, particulièrement en ce que chez Debord, il ne sépare pas la vie et l'oeuvre, la pensée et l'action, le singulier et le particulier, l'individuel et le collectif. Chacun est convoqué à se situer singulièrement relativement à la contradiction de classe. La connaissance du vrai ne vient que de l'activité dans le faux, parce qu'il n'en est pas d'autre possible, jusqu'à et hormis la révolution communiste, qui sera ou ne sera pas, mais qui ne saurait être que poétique.

Alors seulement le vrai sera moment du vrai : la révolution communiste sera poétique ou ne sera pas.

* 7 février

le communisme n'est pas 'appropriation sociale'

(Ouverture : to be or nor to be "as been")

Le débat récurrent sur la visée communiste est relancé par la question de l'"appropriation sociale (des grands moyens de production et d'échange)". A l'heure où la gauche radicale ou "anticapitaliste" met ses pendules à l'heure du "démocratisme radical", en faisant, pour ceux qui ne sont pas fossilisés en Lutteur-e-s Ouvrier-e-s, le ménage parmi les dogmes du mouvement ouvrier, elle a le plus grand mal à sortir véritablement de ce que TC nomme le "programmatisme", c'est-à-dire de la vision du communisme produit après une phase de transition, de type socialiste, avec des variantes plus ou moins étatistes ou autogestionnaires, voire "conseillistes" (voir ce gag, annonciateur des "gauchismes" à venir).

Il est donc nécessaire que ce débat prenne en compte les termes dans lesquels Marx le posait lui-même, et ceci dès ses écrits de jeunesse. On (re)lira à cette fin le troisième des Manuscrits de 1844
, concernant le rapport entre communisme et propriété.

On mettra en relation ce texte et les positions de Théorie communiste, notamment à travers les débats sur l'auto-organisation, dans la perspective d'une révolution communiste sans transition "socialiste". A cet égard, la question des mesures communisatrices est inséparable des formes de l'abolition du capital comme luttes de classes pour l'abolition des classes, et non comme pouvoir prolétarien ("dictature du prolétariat" ou autres "tout le pouvoir aux soviets"). Voir par exemple le texte L'auto-organisation est le premier acte de la révolution, la suite s'effectue contre elle
, et particulièrement ce passage :

« [...] Communisation

Le point extrême de la lutte revendicative peut être défini comme celui où la contradiction entre le prolétariat et le capital se tend à un point tel que la définition de classe devient une contrainte extérieure, une extériorité simplement là parce que le capital est là. L'appartenance de classe est extériorisée comme contrainte. C'est là, le moment du saut qualitatif dans la lutte de classe. C'est là qu'il y a dépassement et non transcroissance. C'est là que l'on peut passer d'un changement dans le système à un changement du système.

Le point ultime de l'implication réciproque entre les classes c'est quand le prolétariat s'empare des moyens de production. Il s'en empare, mais ne peut se les approprier. L'appropriation effectuée par le prolétariat ne peut en être une car elle ne peut s'accomplir que par sa propre abolition en tant que classe, dans une union universelle de la production dans laquelle il se dépouille de tout ce qui lui reste encore de sa situation sociale antérieure. Dans le communisme l'appropriation n'a plus cours parce que c'est la notion même de « produit » qui est aboli. Bien sûr, il y a des objets (les notions d'objectivité et de subjectivité sont même à redéfinir) qui servent à produire, d'autres qui sont directement consommés, d'autre qui servent aux deux. Mais parler de produits et se poser la question de leur circulation, de leur répartition ou de leur « cession », c'est-à-dire concevoir un moment de l'appropriation, présuppose des lieux de rupture, de « coagulation » de l'activité humaine : le marché dans les sociétés marchandes, la dépose et la prise au tas dans certaines visions du communisme. Le produit n'est pas une chose simple. Parler de produit, c'est supposer qu'un résultat de l'activité humaine apparaît comme fini face à un autre résultat ou au milieu d'autres résultats. Ce n'est pas du produit qu'il faut partir mais de l'activité.

Dans le communisme, c'est l'activité humaine qui est infinie parce qu'insécable. Elle a des résultats concrets ou abstraits, mais ces résultats ne sont jamais des « produits » pour lesquels se poserait la question de leur appropriation ou de leur cession sous quelque modalité que cela soit. Cette activité humaine infinie synthétise ce que l'on peut dire du communisme. Si nous pouvons parler d'activité humaine infinie pour le communisme, c'est que déjà le mode de production capitaliste nous donne à voir, bien que contradictoirement, et non comme un « bon côté », l'activité humaine comme flux social global continu et le « general intellect » ou le « travailleur collectif » comme force dominante de la production. Le caractère social de la production ne préfigure rien, il ne fait que rendre la base de la valeur contradictoire.

La nécessité face à laquelle se trouve la révolution communiste consiste non à modifier le partage entre salaire et profit mais à abolir la nature de capital des moyens de production accumulés. Une lutte revendicative peut passer du niveau du conflit à celui de la contradiction. Le niveau du conflit c'est celui du partage entre salaire et profit, les intérêts ont beau être là inconciliables, on demeure dans un jeu à somme nulle indéfiniment reproductible dans la mesure où tant que l'on en reste à ce niveau le balancier ira dans un sens puis dans l'autre car on ne s'est pas attaqué à la balance elle-même. Le niveau de la contradiction est celui de la plus-value et du travail productif, mais on ne peut pas revendiquer d'être un peu moins travailleur productif de plus-value autrement qu'en revendiquant un peu plus de salaire ou un peu moins d'heures de travail ce qui nous ramène à la distribution et au conflit. C'est l'insuffisance de la plus-value par rapport au capital accumulé qui est au coeur de la crise de l'exploitation, s'il n'y avait pas au coeur de la contradiction entre le prolétariat et le capital la question du travail productif de plus-value, s'il n'y avait qu'un problème de distribution et si tous les conflits sur le salaire n'étaient pas l'existence de cette contradiction, la révolution demeurerait un voeu pieux Ce n'est donc pas par une attaque du côté de la nature du travail comme productif de plus-value que la lutte revendicative est dépassée (on en reviendrait toujours à un problème de distribution), mais par une attaque du côté des moyens de production comme capital. Une lutte auto-organisée peut nous conduire au bord de la rupture, mais celle-ci est son dépassement.

L'attaque contre la nature de capital des moyens de production, c'est leur abolition comme valeur absorbant le travail pour se valoriser, c'est l'extension de la gratuité, la destruction qui peut être physique de certains moyens de production, leur abolition en tant qu'usine dans laquelle se définit ce qu'est un produit, c'est-à-dire les cadres de l'échange et du commerce, c'est le bouleversement des rapports entre les sections de la production qui matérialise l'exploitation et son taux, c'est leur définition, leur enchassage dans les rapports intersubjectifs individuels, c'est l'abolition de la division du travail telle qu'elle est inscrite dans le zonage urbain, dans la configuration matérielle des bâtiments, dans la séparation entre la ville et la campagne, dans l'existence même de quelque chose que l'on appelle une usine ou un lieu de production. « Les rapports entre individus se sont figés dans les choses, parce que la valeur d'échange est de nature matérielle » (Marx, Fondements..., Ed. Anthropos, t.1, p.97). L'abolition de la valeur est une transformation concrète du paysage dans lequel nous vivons, c'est une géographie nouvelle. Abolir des rapports sociaux est une affaire très matérielle.

La production de rapports nouveaux entre les individus, ce sont alors les mesures communistes prises comme nécessité de la lutte. L'abolition de l'échange et de la valeur, de la division du travail, de la propriété ne sont que l'art de la guerre de classe, ni plus ni moins à ce moment là que lorsque Napoléon mène sa guerre en Allemagne par l'introduction du code civil. Les rapports sociaux antérieurs se délitent dans cette activité sociale où l'on ne peut faire de différence entre l'activité de grévistes et d'insurgés et la création d'autres rapports entre les individus, de rapports nouveaux, dans lesquels les individus ne considèrent ce qui est que comme moment d'un flux ininterrompu de production de la vie humaine.

La destruction de l'échange ce sont des ouvriers attaquant les banques ou se trouvent leurs comptes et ceux, des autres ouvriers, s'obligeant ainsi à se débrouiller sans, ce sont les travailleurs se communiquant et communiquant à la communauté leurs « produits » directement et sans marché, ce sont les sans-logis occupant les logements, « obligeant » ainsi les ouvriers du bâtiment à produire gratuitement, les ouvriers du bâtiment puisant dans les magasins librement, obligeant toute la classe à s'organiser pour aller chercher la nourriture dans les secteurs à collectiviser, etc. Qu'on s'entende bien. Il n'y a aucune mesure qui, en elle-même, prise isolément, soit le « communisme ». Distribuer des biens, faire circuler directement moyens de production et matières premières, utiliser la violence contre l'Etat en place, des fractions du capital peuvent accomplir une partie de ces choses dans certaines circonstances. Ce qui est communiste, ce n'est pas la « violence » en soi, ni la « distribution » de la merde que nous lègue la société de classes, ni la « collectivisation » des machines à sucer de la plus-value, c'est la nature du mouvement qui relie ces actions, les sous-tend, en fait des moments d'un processus qui ne peut que communiser toujours plus ou être écrasé. [...]»

La plupart des discussions dans les milieux héritant du bolchévisme et des marxismes orthodoxes ou non, staliniens ou anti-staliniens, se focalisent sur la question du niveau de rupture (avec le capitalisme), en considérant qu'un facteur discriminant serait cette question de l'appropriation sociale, de la propriété collective, ou communautaire. On y trouve diverses variantes* liées au rythme envisagé des transformations sociales, économiques et politiques projetées par les uns et les autres, mais il est frappant que même les plus rupturistes conçoivent l'appropriation sociale comme le nec plus ultra de la rupture anticapitaliste.

* Des considérations transitoires de la LCR, appuyées sur les théoriciens du socialisme héritant de Trotsky (Artous, Maler, Texier, Bidet...) au "communisme commençant par les fins" de Lucien Sève ou des "audaces" des théoriciens de la régulation tels que Paul Boccara (contrat emploi-formation, sic), en passant par le socialisme républicain et le "marxisme kantien" de Denis Colin, jusqu'aux considérations démocratiques d'Alain Bihr pour "refonder le communisme".

Relativement aux rapports entre communisme et propriété, ce texte de Marx, où il caractérise ce qu'on a appelé "communisme, ou marxisme, vulgaire", et bien qu'antérieur au Capital, a le mérite de les renvoyer à leurs études marxiennes, et à leurs références en la matière. D'un point de vue plus actuel, ce que ces so called "communistes" nous proposent n'a rien à voir avec le communisme, ni dans son concept élaboré par Marx ni dans sa perspective historique présente, mais beaucoup plus avec un socialisme démocratisé, expurgé de ses restes d'étatisme autoritaire (encore que...). Et, la cause (les causes) étant entendu(es), il n'y a rien là pour abolir le capital dans ce qui le définit (la valorisation par l'exploitation du travail salarié), mais tout au plus une socialisation capitaliste, une auto-exploitation des prolétaires par eux-mêmes, auto-organisés ou pas.

« La première abolition positive de la propriété privée, le communisme grossier, n'est donc qu'une forme sous laquelle apparaît l'ignominie de la propriété privée qui veut se poser comme la communauté Positive.» Marx, texte cité.

L'ignominie démocrate radicale de prétendus communistes, c'est bien qu'ils puissent se réclamer de Marx pour raconter des histoires à endormir les enfants du peuple.

Quoi qu'il en soit, c'est par là-même où certains se posent comme plus "communistes" qu'ils dévoilent leur communauté d'approche "social(ist)e" avec ceux qu'ils fustigent comme "réformistes" ou "soc-dem", notamment au PCF et à la LCR. "Soc'dem toi-même", pour autant que la question soit posée, au capital, d'une quelconque option néo-keynésienne, ou, au prolétariat, de l'appropriation sociale de sa propre aliénation.

Tout est à eux, rien n'est à nous !

* 5 février

Chroniques en temps réel

Depuis l'ouverture de ce site en avril 2004, j'écris le plus souvent en temps réel, en quasi-direct, pour mettre en ligne en léger différé... Ce n'est pas le cas des textes antérieurs qui figurent ici. Cette démarche interdit non seulement tout travail d'écriture au long cours, mais aussi toute écriture de l'intimité. Même si cela semble parfois frôler l'impudeur, ce n'est qu'aux yeux des rares visiteurs qui me connaissent personnellement, ou qui le croient, et de ceux qui, ne me connaissant pas, s'imaginent toucher ma vie intime. Dans ce cas c'est leur lecture qui est impudique. N'est ici intime que ce qui est singulièrement social. Ce n'est pas un "journal intime", une livraison ego-psycho-maniaque. Tout mon éventuel 'talent' consisterait à produire "hystériquement" cette distinction, ce qui justifie de parler à la première personne, et non de nulle part, comme tel théoricien, psycho-sociologue, analyste, militant désintéressé, etc.

L'enjeu est ni plus ni moins d'être capable de parler, à la première personne du sujet, comme individu social inscrivant son activité dans la destruction de l'aliénation, des médiations capitalistes. Il n'est enjeu qu'en tant qu'appartenant à une classe, mais toute parole n'étant jamais qu'individuelle, il est enjeu de situation singulière de classe (le point aveugle de toute théorie totalisante, c'est son incapacité à dire d'où elle parle, et son déni d'être parole individuelle, déterminée socialement : le paradoxe du philosophe, du théoricien, du militant...). Ma vie n'a de sens qu'à détruire ce paradoxe, abolir la distance entre ce que je vis et ce que je pense. Le reste n'est que littérature. Les relations interindividuelles superficielles, et plus encore de groupes, ou en groupe, ne m'intéressent plus, elles me fatiguent et me détruisent. Seul peut se prévaloir d'être mon ami-e qui est capable de ce rapport-là.

A contrario, qui prétendrait me connaître intimement, sans avoir la curiosité de ce rapport social dans son intimité (la sienne autant que la mienne), se limiterait à la plus superficielle des relations, fût-ce-t-elle vécue comme 'amicale'. Je ne me sens lié par aucun lien tissé par le passé, de quelque nature qu'il soit, de sang, de sol, de plaisir ou de politique, de paroles ou musiques. Je n'ai besoin de personne pour souffrir. Tout est à jamais à refaire. Tout donc à rompre et à (re)commencer.

Pour le reste, pas plus que ma vie n'est un roman, ce site ne construit une "oeuvre". En aucun cas je ne suis un écrivain. J'écris au quotidien pour détruire le quotidien, à commencer par le mien (voir ouverture de à CONTREJOURS), et l'unique raison de ce temps réel est la recherche d'une forme d'improvisation, au sens d'intervention écrite comme au joue du jazz, spontanément, à la limite de l'incontrôlé (comme conduire une voiture un peu plus vite que sa maîtrise, et sans itinéraire prémédité). Sinon j'écrirais des livres. Je prendrais mon temps, mais ce ne serait plus un temps réel.

S'il y a destruction du quotidien au quotidien, c'est par ce que permet internet contre la pente d'internet à faire défiler, comme à la télé, un commentaire de l'événement. Sauf quand l'événement, précisément, détruit le quotidien*.

* « Le temps des structures cède face au temps des événements. Mais, si tous les événements ont leur propre importance, certains d'entre eux, peu nombreux, liés à des circonstances rares, portent une plus grande charge de signification et d'effets. Jouant le rôle de révélateurs, ils mettent en évidence ce qui n'apparaît pas clairement. Ils signalent un moment où le mouvement historique change de cours, ils établissent ou manifestent des ruptures, bref ils désignent en quelque sorte un tournantGeorges BALANDIER, Civilisations et puissances, L'aube, 2004.

* 4 février

Visites en janvier : 4338, moyenne 140 /j. en données corrigées des caprices de la déesse statistique.

France 63%, USA 22%, Canada, Allemagne, Belgique 2%, Maroc, Suisse, Espagne, Japon 1%, G-B, Italie, Suède, Tunisie, Brésil, Pays-Bas, Algérie, Sénégal, Côte d'Ivoire, Portugal, Roumanie, Luxembourg, Pologne, Turquie, Bénin, Grèce, Russie, Mali, Finlande...

Tout le monde reconnaîtra qu'une fois abolies les frontières, ce sera beaucoup plus simple !

Bye bye à toussétoutes, attention à la marche en sortant, parfois elle monte, parfois elle descend...

* 3 février

Je suis une "racaille"

Je suis une "racaille". Une sorte singulière de "racaille". Une "racaille" intellectuelle. Une "racaille" verbale. Comme on dit d'un procès. J'ai assez contenu ma violence. Trop. Le peu qui est sorti témoigne de ma vérité. Ma violence est normale comme la patience qu'elle a et qui l'a construite : plus je suis et serai patient, plus je suis et serai violent. J'entends que ma violence est mon état normal, latent et caché, généralement contenu dans mes relations sociales, précisément parce que j’ai encore le choix, n’étant pas responsable, de n’être ni masochiste, ni suicidaire.

Les émeutes françaises de novembre sont « un événement mondial » (RS) avec lequel je me sens particulièrement en phase, y compris dans ses limites, qui correspondent aux miennes, en plusieurs sens. Je suis entré d’emblée en résonance avec cet événement. Mon état psychique en est ni plus ni moins que le pendant, ma violence verbale l'équivalent métaphorique ou symbolique. Cet événement et ma violence ont ceci en commun qu'ils sont produits par la même réalité sociale, à cette différence près, importante mais pas essentielle, que moi, je n'en vis pas directement les causes sociales matérielles, je ne fais que tenter de les connaître et comprendre. Je ne suis pas si mal placé : ce que cela provoque physiquement chez ceux qui le vivent physiquement, ça le provoque chez moi psychiquement parce que je le vis psychiquement, dans la même intimité du rapport social qui en est la cause, avec le même décalage relativement à mon entourage. Je ne suis pas "solidaire", je suis pareil, dans ma singularité. Nous partageons encore ceci qu’aucune des solutions qu’on nous proposera ne nous calmera, au contraire. L’appel au calme est une provocation.

De la même manière que certains brûlent la voiture de leur voisin, je nargue cyniquement, jusqu’à l’insulte, mes chefs, mes collègues, de supposés amis, et d'une façon générale tous ceux qui ont le malheur, le mauvais goût, ou l'audace, de revendiquer devant moi leur position sociale, leur pouvoir hiérarchique, symbolique ou économique, leur aveuglement, leur bêtise, leur hypocrisie, leur lâcheté quotidienne, leur satisfaction personnelle de la vie : d'une façon générale leur 'insignifiance' (Castoriadis). Ma violence verbale est un manifeste euphorique et métaphorique, par instinct de (sur)vie. Elle signifie que toute explication dans le registre verbal est dans certaines situations vaine perte de temps, de la même manière qu’aucune solution matérielle ne répondra aux problèmes matériels à la source des émeutes. Ma violence verbale est par conséquent en partie, comme les émeutes, une mise en scène sous contrôle. Elle ne doit pas être prise pour de l'impatience mais comme un débordement produit, mi-spontané, mi-délibéré. Elle ne présente d'excuses à personne.

Autrement dit, ma violence verbale, c'est le déplacement symbolique d'une rupture impossible avec le monde réel qui la provoque. Je reconnais mon impuissance mais je n’accepte pas le déni. Ma violence signifie une fin de non-recevoir, une rupture relationnelle, pour autant que je ne suis pas celui qu'on croyait connaître, ou qu’on aimerait que je demeure. Je suis un autre. Je suis le monde en moi. L'état de moi que fait le monde. Le monde est à l'émeute. Moi aussi.

(...)

* 2 février

Vivre pour vivre, le vrai moment du faux

Vivre pour comprendre ou comprendre pour vivre ?

A vivre pour comprendre on ne vit plus que sous les choses, sous la surface, l'apparence. Vivre sans comprendre n'est plus alors d'aucun intérêt, qu'auto-illusion, auto-censure. On vit dans le vrai comme moment du faux. La plupart vivent comme vrai ce que vous vivez comme faux. Vous lisez à travers leurs masques qu'ils ne savent pas qu'ils portent. Vous lisez à travers le faux masque qu'ils vous conduisent à porter pour vous considérer comme vrai. Le vrai comme faux s'échange contre le faux comme vrai. Le vrai comme vrai demeure en non-dit, le plus souvent indicible. Dit autrement, ils vivent au premier degré ce que vous vivez au troisième. Ce que le militant vit au deuxième degré, comme tout prosélyte, tout esprit religieux ou moraliste. La ‘communication’ sociale est au prix, pour vous, d’accepter ce jeu. Quand votre vrai comme vrai émerge de votre faux, dans le vin divin quasi devin, le conflit se produit entre votre faux vrai-faux et leur vrai faux-vrai, car la surface craque et les choses apparaissent dans leur réalité sous l'apparence : la double réalité de leur vrai comme moment de leur faux, de votre faux comme faux masque du vrai. La communication s'effondre alors dans le mensonge réciproque, qui n’est pas pour autant reconnu comme tel de part et d‘autre. Rien n’oblige à en tirer les conséquences : jouer aux cons ou rompre les amarres. Rien n’oblige à dire le vrai plutôt que continuer à faire le clown du faux. Sauf que...

Parfois et par bonheur, le vrai échappe au faux, comme une sorte de lapsus social. C'est la seule raison qui vous aide à ne pas céder à la tentation de solitude, à ne pas glisser dans l’écart sur les pentes savonnées du théoricisme, de l'art pour l’art, de la folie, du suicide...

Vivre pour vivre n'est plus possible que dans le faux. Sauf exception, dans l'écart. Vivre dans le vrai fait de vous un genre de racaille. L'émeute est le vrai qui éloigne la meute du faux. Comprendre est dans l’émeute des moi en émois.

On ne fait pas la fête impunément.

* Premier février

Douce France... avant le chaos

Le monde vient. Sa réalité. Le capital-monde. Sa catastrophe rationnelle : économique, sociale, politique... humaine, écologique. Le chaos-monde.

Dans les occupations françaises et les regards français, dans leurs vides spectaculaires exorbités, on peut lire à livre ouvert, mais entre les lignes, les lignes ennemies. On continue à faire comme si, entre autres de la "politique". Le « manque de politique », et de social « contre l'économie », n'est que celui de sa conception européenne comme de son concept de démocratie. Aucune démocratie, aucune politique, sociales et économiques, ne pourront rien contre le chaos qui vient. Le capital comme monde réel demeure leur point aveugle, hors de vue, de portée, et de puissance à l'abolir. Les émeutes, par exemple et par contre, sont à lire dans les lignes, instants de vérités dévoilées/dévoilantes.

Ils veulent la paix, la justice, l'égalité, la fraternité, et pour cela, la démocratie, par la politique, contre l'ultra-libéralisme, voire contre le capitalisme. L'ultra-libéralisme n'est pas "politique", il est le pragmatisme de l'économie politique, du capitalisme. Il est autant chinois, indien ou pakistanais qu'américain, européen, sud-africain ou brésilien... localement global. Pauvre France, doux pays de leur enfance... dans le chaos qui vient. La sortie du chaos passera par le chaos, la guerre sociale, mondiale.

Dans le chaos qui vient, la théorie et la pratique révolutionnaires ne seront pas "démocratiques", mais performatrices, activités, un faire : ceci est à eux, détruisons-le, cela sera à personne et pour tous, construisons-le.

* 24 janvier

Deru kui wa utareru (le clou qui dépasse doit être enfoncé)

Après avoir conseillé le livre d'un flic (sur la Mafia, voir plus bas 15 janvier), et celui d'un journaliste des Echos (sur la Chine, 21 janvier), je m'en voudrais de ne pas compléter la trilogie armée-capital-religion. Ce sera chose faite avec l'ouvrage dont je conseille aujourd'hui la lecture, celui d'un curé, André L'HÉNORET, prêtre-ouvrier : « Le clou qui dépasse, Récit du Japon d'en bas », La découverte / Poche

Quatrième de couverture

Que fait-on devant un clou qui dépasse ? On lui tape dessus. C'est aussi ce que l'on fait à un individu pour le faire entrer dans le rang. Cette image, très populaire au Japon, est le symbole de la société apparemment lisse de ce pays. C'est cette face cachée du Japon moderne que nous révèle ce livre, récit d'une expérience hors du commun.

André L'Hénoret, prêtre-ouvrier, a séjourné pendant vingt ans au Japon et a travaillé dans une entreprise de sous-traitance de Tôkyô. Grâce à sa parfaite connaissance de la langue japonaise et à sa volonté de partager la condition ouvrière sans bébéficier d'aucun privilège, il s'est intégré parmi les plus exploités, contraints pour survivre de travailler souvent la nuit, les jours fériés, dans l'insécurité, pour contribuer au «miracle japonais».

«Voici un témoignage unique sur la vie dans les couches inférieures de la structure économique japonaise. L'auteur est un prêtre-ouvrier qui nous ouvre les pages du journal qu'il a tenu pendant les vingt dernières années, passées à travailler -e- à lutter- au coeur de la machine nippone» La Tribune Desfossés

«Rarement le mot "témoignage" fut plus adéquat : le livre d'andré L'Hénoret [...] est un témoignange indissociable d'un message cgrétien d'espoir, mais aussi un témoignage irremplaçable sur une réalité que non seulement les étrangers mais même les Japonais connaissent mal : la vie ouvrière.» Le Monde

* 24 janvier

à DADA sur mon urinoir ? Faut-il condamner PINONCELLI ?

« Urinoir, certes, mais oeuvre artistique

PARIS (Reuters, mardi 24 janvier 2006, 13h24) - Un homme de 77 ans a été condamné à trois mois de prison avec sursis pour avoir dégradé à coups de marteau un urinoir détourné comme oeuvre d'art par l'artiste Marcel Duchamp, au Centre Pompidou à Paris.
Il devra en outre verser 214.000 euros de dommages et intérêts au Centre Pompidou, détenteur de l'oeuvre, dans un délai de deux ans fixé par les juges du tribunal correctionnel de Paris comme "mise à l'épreuve".
Le 4 janvier, Pierre Pinoncelli avait frappé à coups de marteau l'urinoir que les spécialistes d'art contemporain considèrent comme une oeuvre emblématique du courant "dada".
La céramique a été légèrement fendue mais l'oeuvre figure toujours dans les collections d'art contemporain du Centre Pompidou, qui a organisé une exposition sur le courant "dada".
Le prévenu, déjà auteur d'un attentat similaire en 1993 sur la même oeuvre, a tenté de justifier son acte devant ses juges en expliquant qu'il relevait justement de la philosophie dada. "C'était un clin d'oeil au dadaïsme, j'ai voulu rendre hommage à l'esprit dada", a-t-il expliqué.
Il a annoncé son intention de faire appel.
L'urinoir, baptisé "Fontaine", a été imaginé en 1917 par l'artiste Marcel Duchamp, qui se réclamait du dadaïsme. Huit versions en ont été réalisées.
Le mouvement dada, né pendant la Première Guerre mondiale en Suisse <http://fr.fc.yahoo.com/s/suisse.html>, rassemblait des pacifistes révoltés contre les valeurs esthétiques morales, politiques et religieuses de leur époque.»

La boucle est bouclée, oh certes depuis longtemps, avec la geste de Dada exposant en 1917 un urinoir, et son renversement spectaculaire, en passant par tous les avatars formalistes et académisés qu'elle aura produite au 20 ème siècle, sans talent, sans humour, et sans art. Cette geste, pour faire court, signait et annonçait "la mort de l'art", précisément en tant que geste artiste, d'art séparé de la société, d'art muséifié... Elle condamnait, davantage que l'art lui-même, l'assassinat de l'art vivant, par sa muséisation en art mort. Elle appelait à une transformation radicale de l'art, celle qu'engageront après les dadaïstes les surréalistes...

En "dégradant à coups de marteau" l'urinoir de Duchamp (en fait une réplique de l'original de 1917, nous dit-on, ce qui constitue au demeurant une contradiction de Duchamp avec lui-même, comme quoi...), on peut effectivement considérer que Pierre PINONCELLI, comme il le revendique, fait réellement "un clin d'oeil au dadaïsme, [rend hommage] à l'esprit dada". Si la condamnation n'avait pas été prononcée, ou plutôt si Pinoncelli n'avait pas été poursuivi, cela aurait signifié que le Centre Pompidou, en exposant cette oeuvre (ou d'autres), aurait reconnu la question posée par Dada avec son urinoir, ce qui est impensable par nature même d'un musée d'art moderne (ou contemporain).

Il en va plus généralement ainsi du principe même de cette "Rétrospective Dada", qui est une provocation spectaculairement anti-dadaiste, un non-sens artistique. Cela relève peut-être de "la culture", mais pas de l'art. Nul doute que cela aura échappé à nombre de visiteurs. En quoi le geste de PINONCELLI est bel et bien dadaïste. Ce qu'on expose n'est plus à faire.

Merde à la culturalisation de la geste artistique vivante !

* 22 janvier

(en cours d'écriture) Pour en finir avec les "Indigènes" de toutes "républiques", réponse à Laurent LÉVY

Il fut un temps où j'entretins avec Laurent LEVY une relation virtuelle et au-delà, quasi amicale, un temps pas si lointain où il se proposait de labourer le "champ du communisme", avec ses amis refondateurs du PCF, afin de prolonger les champs plus immédiats de "la radicalité" et de "la gauche", antibérale s'il en est. C'est ainsi que nous nous croisâmes, quand il était encore question de promouvoir des "Etats généraux du communisme", dont on ne tarda pas à constater qu'ils n'étaient qu'une rampe de lancement pour une opération politicienne autour du PCF et de la LCR, sur la base des impasses de la gauche "radicale" ou "extrême", aux lendemains d'avril 2002. Un indice sans faille en était que déjà, les communistes libertaires et ce qu'ils représentent historiquement et symboliquement, contre l'étatisme bolchévique et républicain français, en furent écartés, ou s'en écartèrent, de guerre lasse et pas même engagée. Depuis, il est vrai que, nageant dans les mêmes eaux tièdes d'un capitalisme qu'il s'agit d'assagir, la LCR est devenue "social-démocrate libertaire", appuyée par l'intellectualité de quelques universitaires humant le vent post-trotskiste. Mitterrand se limait les dents, Besancenot marche en rateau.

En ce temps-là, Laurent LÉVY ferraillait dur sur les forums du PCF (un lieu divin d'échanges non et im-modérés), développait de grandes explications sur "la loi de la valeur" et les contours d'un communisme qui ne serait pas l'envers rouge pâle du capitalisme. Laurent LÉVY s'affichait "radical", en ce qu'il semblait prendre, comme dit Marx, les choses à la racine. Les choses : le capital.

Puis il y eut le long et court chemin, droit et courbe comme dirait Héraclite, qui mena tout ce joli monde à s'investir quasi exclusivement sur le terrain politicien en coulisses, médiatique quand il en put, dans l'entonnoir électoraliste, in fine et globalement dans le "démocratisme radical" à la française - tel j'en conviens  bien qu'alors j'en fût même à distance un instant aveuglé, jusqu'à découvrir que d'autres l'avaient annoncé et analysé dix ans plus tôt ou davantage.

Pour des raisons personnelles qui l'expliquent sans doute dans le contexte du petit milieu national-post-bolcho de la malsaine Saint-Denis, Laurent LÉVY fit un choix, qui ne compta pas pour rien dans le lancement et le succès médiatique de l'appel "Les Indigènes de la République", quand on connaît son talent pour défendre un point de vue ou une cause, et la teneur hautement institutionnalisée de ses réseaux. Talent valant ici jusqu'à la déformation professionnelle, notre avocat de la cause antiraciste étant de ceux pour qui la dialectique tient davantage son sens de SCHOPENHAUER ("l'art d'avoir toujours raison") que d'HÉRACLITE, HEGEL, MARX ou OLLMAN.

Ce n'est pas ici que l'on niera, ou reniera, ce que le monde hérite des couleurs de l'humanité, et de leur usage "raciste" à travers les temps, dont elles ne furent et sont encore que circonstances pratiques  justifiant, par la racisation, l'exploitation qu'en ont fait et en font les puissants. Ce n'est pas une raison pour que les faibles se reconnaissent dans ce qu'on retient d'eux, dans ce qu'on veut qu'ils retiennent de leur sur-domination, ici la couleur de leur face : la surface trompeuse de leur être social. Je pense avec mes écrits sur le 'jazz' avoir donné un aperçu de ce que je pense indispensable à l'humanité d'hériter de sa "noirsoeur"... plus que du négrisme. Dans le registre 'ethnique', il y a plus à attendre de la "créolisation du monde" en cours (Edouard GLISSANT), que de toute politique identitaire, même combattant des inégalités réelles. C'est ici qu'il faut mesurer combien notre monde n'est plus celui où la "négritude" pouvait fièrement porter ses fruits, accompagner d'indispensable dignité un combat libérateur (qui ne le fut que partiellement, et pour cause). Le combat "indigène" conduit dans une impasse, parce qu'il est fondé sur une analyse fausse, et faussement historisée. Ces succès, sans parler qu'on comptera les résultats concrets, ne seraient que victoire en trompe-l'oeil. Quoi ? l'exigence d'être exploité comme tout le monde ?

Tous communautarismes, toutes  racisations des problèmes, de gauche ou de droite, noirs, jaunes, rouges en bandes ou à pois verts, ne font qu'ouvrir le piège dans lequel tombent en premiers ceux qui se reconnaissent, même en le renversant ironiquement, comme "Indigènes", d'un pays, d'une couleur, ou d'une idée : la posture identitaire, au nom d'une domination, ne connaît pas sa tache aveugle, alors même que l'ultime avatar 'anticapitaliste' en est l'autonomie du prolétariat, comme identité à construire 'contre' le capital, et non à abolir avec lui, car elle n'en est que l'autre face. Nous en sommes au point où le capital ne se combat pas davantage sous un drapeau prolétarien que sous une bannière of colored people, ni en croisant les deux sous les voiles féministes.

Je reçois ce soir un texte de Laurent LÉVY. Je le prends comme prétexte pour réagir 'à chaud', à ce qui se présente, nonobstant les bonnes intentions et le fondement légitime en première analyse, comme la mousse bien-pensante d'une opération politicienne qui, en l'espèce, ne creuse pas qu'un petit écart dans les positions prétendues "marxiennes" de leur auteur. Le talent dans l'art d'user (ou sens d'usure) des mots est une chose, la cohérence théorique (et ici pratique) une autre, du point de vue communiste.

Il s'agira de voir, notamment, comment cette posture "Indigène" fut incapable de saisir le contenu réel des émeutes urbaines de novembre, et dans l'obligation de ruser avec la réalité sociologique de l'événement pour enfoncer le clou racialisé d'une idéologie : la république repeinte aux couleurs multicolores d'un capitalisme universalement propre. On ne joue pas avec les mots de l'adversaire sans leur devoir un peu de sa pensée, et beaucoup de ses impensés. Celui qui se reconnaît comme 'Blanc', l'autre comme 'Noir', restera à jamais 'Blanc' de voir l'autre 'Noir', et inversement. Pour au fond n'y voir rien. Un 'Blanc' 'qui aime les Noirs' n'est pas moins raciste qu'un ne les aimant pas. Un "Noir" agissant comme "Noir" restera Noir à ses dépens, c'est la rançon inévitable du sens qu'Aimé CÉSAIRE confère à "Nègre je suis, Nègre je resterai".

(cf aussi le dossier Révoltes en France novembre 2005)

Voyons voir, comme disait ma grand-mère (mes commentaires trop rapides en italique, j'y reviendrai à l'occasion de façon plus détaillée)

« Débat sur le colonialisme : question mémorielle ou question politique ?

On débat doctement de savoir s’il y a ou non lieu de parler des « aspects positifs » de l’abominable entreprise criminelle qu’a été la colonisation. Autant prévenir d’entrée de jeu que le présent article n’entend pas contribuer à ce débat. Qui cherche, soit à approfondir sa réflexion, soit à conforter son propre point de vue sur ce sujet n’a donc aucune raison d’en entreprendre la lecture.

Son propos est, pour les autres, d’interroger le débat lui-même, les termes dans lesquels il est posé, ses enjeux, ou à tout le moins sa signification.»

D'emblée, comme il s'avère souvent dans de nombreux débats, le problème est dans la question, le champ ouvert, le point de vue ('vantage point'), et la façon d'en traiter, qui consiste à s'y enfermer. En clair, comment, pour un "marxiste", la colonisation pourrait-elle être un problème en soi, traité sans jamais la moindre référence aux contradictions du capital, sauf en surface, c'est-à-dire en dehors de toute critique de l'économie politique ?

A partir de là, LL peut toujours polémiquer avec tel ou tel contradicteur potentiel ou réel, il le fait d'emblée sur le même terrain, ce qu'explique ou ce qui alimente sa soif de médiatisation, et le relai que lui offrent tous les alter' qui se prennent au même jeu, spectaculairement. Tout son texte se boucle autour d'une contradiction donnée pour principale : la colonisation et ses suites, et si vous ne le partagez pas, vous ne pouvez qu'être suspect d'en être le complice. Il faut à L. LÉVY, pour sa démonstration, user de son habituel jésuitisme de prétoire, et, concernant les événements de novembre, sauter à pieds joints sur une vérité largement reconnue sauf par intérêt idéologique dans un camp ou dans l'autre : les héros furent loin d'en être uniquement les so-called "Indigènes", et ce n'est pas en tant tels que ceux qui y participèrent s'y sont exprimés. En quoi je préfère la caractérisation de ces héros sous le label de Bernard LYON : "jeunes prolétaires racisés".

*

« Dans le dossier proposé par le journal Le Monde, en date du 21 janvier 2006, sous le titre général : La colonisation française – mémoires, histoire, lobbies, Gérard Courtois évoque ce qu’il appelle la « contradiction » d’un « empire colonial schizophrène, drapé dans sa mission civilisatrice pour mieux faire oublier son origine (la conquête militaire) et sa réalité (la domination blanche et le refus de la pleine citoyenneté) »[1]. Or, rien n’est moins certain que la présence ici d’une véritable contradiction, ou d’un quelconque clivage « schizophrénique ».

Il faut bien en effet interroger le sens même de l’expression « mission civilisatrice » : en quoi la « mission » que la France s’assignait ainsi à elle-même pouvait-elle être qualifiée de « civilisatrice » ?

C’est un lieu commun que les milliers de peuples que la terre a connus depuis les origines de l’humanité ont eu chacun sa culture, sa civilisation. L’idée d’une « mission civilisatrice » est à cet égard dépourvue de sens : quelles que soient les caractéristiques de leurs civilisations matérielles, il n’existe pas de peuples à l’état sauvage[2]. Il ne s’agissait donc pas d’apporter aux peuples dont on faisait la conquête « la » civilisation en général, mais « une » civilisation bien particulière : qu’on l’appelle française, occidentale ou chrétienne, qu’on la caractérise comme capitaliste, industrielle ou technicienne, n’y change rien ; elle était d’ailleurs tout cela à la fois. Civiliser les peuples conquis, c’était en toute hypothèse leur « apporter » la civilisation du conquérant, non la civilisation en général.

Il est de bon ton d’objecter à la posture théorique et politique ainsi adoptée qu’elle relèverait d’un « relativisme » de mauvais aloi[3]. La civilisation occidentale (ou française, ou chrétienne, ou capitaliste, ou industrielle ou technicienne), répète-t-on, possède une supériorité intrinsèque sur les autres ; elle est porteuse de « valeurs universelles ».

L’idée – caractéristique de l’idéologie coloniale[4] – qu’il y aurait des civilisations, des races, des peuples, « supérieurs » ayant vocation à apporter leurs « lumières » aux civilisations, races, peuples « inférieurs » n’a pourtant rien qui aille de soi. La civilisation technicienne est certes, quant à la technique, supérieure à celles qui ne le sont pas ; que ce soit là une échelle de valeurs pertinente n’a rien de certain, sauf à s’en tenir au critère très objectif, et, il est vrai, historiquement décisif, de la supériorité militaire. À l’aune des critères occidentaux (ou français, ou chrétiens), la civilisation occidentale (ou française, ou chrétienne) est à l’évidence supérieure à toutes les autres. Que ces critères doivent être considérés comme universels est une autre histoire, et l’affirmer conduit à cet étonnant paradoxe que les occidentaux (ou les français, ou les chrétiens) seraient, de tout l’univers, les seuls à être vraiment universels. Mais rien n’oblige à considérer que la supériorité d’une civilisation se juge à son aptitude à construire des chemins de fer, et à faire en sorte que les trains arrivent à l’heure à Auschwitz.

« Civiliser » les peuples conquis, c’était tout simplement leur imposer une civilisation étrangère. En définitive, « conquête militaire » et « domination blanche », voilà donc bien en quoi, et en quoi seulement, pouvait consister la « mission civilisatrice » de la colonisation française. Nulle schizophrénie de l’empire, nulle contradiction là dedans.»

Tout ce raisonnement, malgré ses élans humanistes, est un art de noyer le poisson que le jeune Marx, à grand peine et arrachement de la philosophie occidentale, avait tenté de sortir de l'eau du bain bourgeois, avant même d'entreprendre la critique de l'économie politique. Toute l'approche de LÉVY, qui rejoint les raisonnements sans fins à grands renforts d'érudition d'un OUDISTE, sur le forum FMR (mes interventions au nom d'Alegora), se prend les pieds dans ce qu'elle prétend critiquer : l'eurocentrisme idéologique, la domination occidentale etc. Loin que celles-ci n'aient pas été, mais seulement en partie, une réalité dominante économiquement (jusqu'au début du 19ème siècle, la Chine domine le monde des échanges). LÉVY et toutes les mauvaises consciences de l'Occident, avec un bel aveuglement typiquement franco-français, tentent de retourner contre l'occidentalisme français ses propres critères moraux et idéologiques pré-marxiens, ce qui génère d'interminables et stériles controverses (surtout quand ils ne trouvent en face que les tenants de l'Etat-Nation, et leurs analyses du monde à la De Gaulle-Thorez, par exemple les problèmes du Moyen-Morient posés en termes de territoires nationaux, de "droits des peuples"...). Ils prêchent l'antiracisme contre le racisme, comme contre-idéologie, en miroir. Ils participent au mieux au mieux de l'anticapitalisme dans les catégories du capital. Au pire, que dire, il suffit d'observer, à terme, où ça mène... Au passé, au présent, par exemple, où a mené le combat contre le colonialisme au nom de l'anti-colonialisme...

Les "Indigènes de la république", sur un fond certes modifié depuis trente ans (ce que nulle part ils expliquent, sauf sociologiquement), par les effets de la restructuration du capital et ses effets en France, ne disent rien de plus qu'en son temps SOS racisme, opération mitterrandienne instrumentalisant le FN contre la droite, ou par ailleurs, aujourd'hui, avec ses gros sabots "noirs" pataugeant dans la gadoue de l'anti-sionisme, Dieudonné. Les "franco-indigènes" ne critiquent que ce qu'ils peuvent voir d'où ils veulent le voir, en tant qu'ils s'expriment depuis leur différence ethnico-racialiste (réelle ou empruntée par solidarité par de vrais 'de souche', comme certains hommes sont féministes), en bons (ou mauvais, ou sans papiers, qu'importe ici) Français revendiquant la république bourgeoise propre. Pour ceux qui verraient là un rapport avec le communisme, cela s'effrite idéologiquement en un fantasme de petits-bourgeois colorés bien plus occidentaux qu'il n'y paraît. Un fantasme d'indigènes bien de chez eux, comme le mot l'indique, d'indigènes de France : ils veulent une francisation black-blanc-beur avec le même drapeau universaliste, et ne marquent les points dont se félicite Laurent LÉVY qu'en entretenant ce leurre. Ils l'ont voulu ils l'ont, le beurre fondu sur le squelette de la crémière et sous un linceul bleu-blanc-rouge.

«L’un des mérites du débat dans le fond bien consensuel suscité par la loi du 23 février 2005 aura été d’apparaître comme ayant en son cœur la question de la « colonisation ». Cela n’allait pas de soi : le mot est en effet absent de cette loi.»

La colonisation, n'en déplaise à LÉVY "marxiste", n'est "au coeur" de rien, elle n'est au centre au pire qu'en surface, comme histoire partielle et superficielle, avec comme critère la "couleur", et ce n'est pas là amoindrir ses effets ou moindrement la condamner. Le racisme n'a pas d'intérêt en soi, il n'a pas de contenu et d'objectif en soi, bien qu'il puisse en avoir de surcroît pour quelques obsédés sadiques, comme bras armés d'objectifs qui les dépassent. La colonisation et ce qui s'en suit ne sont que des moyens (la forme d'un contenu extérieur à elle), au service d'intérêts matériels qui sont, depuis quatre siècles en ses différentes phases, ceux du capitalisme (le contenu qui définit ses formes, dont la racisation). Mettre 'domination raciale' (ou autre) sur le même plan qu''exploitation capitaliste', c'est se mettre à soi-même des oeillères et s'interdire de pouvoir établir entre elles et penser leur articulation dans les termes où elle se pose aujourd'hui, de comprendre la nécessité dans la restructuration du capital du surgissement idéologique d'un nouveau racisme (Wallerstein-Balibar). A pointer et condamner celui-ci en tant que tel, en l'historisant strictement comme produit de la colonisation coupée de son rapport social au capital dans son histoire et au présent, sur le terrain de l'adversité qu'on ne critique pas au fond pour ce qu'elle est, on ne fait que justifier, en miroir, la même idéologie de "racisation" des problèmes sociaux. La boucle se boucle idéologiquement, du racisme et de l'antiracisme, en bavardages médiatisés à des fins politiciennes, ou chacun entretient l'autre, et les petits les grands, pour aboutir à masquer, quand ce n'est pas la question sociale, son explication.

(à suivre pour les commentaires, le reste ayant les mêmes vertus journalistiques, on de doute pas que ça fera jaser dans les chaumières virtuelles... mais comme nous étions quelques-uns à le dire à L. Lévy, bien avant  qu'il n'atterrisse chez Ardisson : "tu nous fatigues"... ).

*******

« Ce qu’elle évoque, c’est « l’œuvre accomplie par la France dans les anciens départements d’Algérie, au Maroc, en Tunisie, ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française ». Ah qu’en termes galants ces choses là sont dites ! Le cynisme des parlementaires n’est pas allé jusque nommer la colonisation par son nom. Celle-ci se donne plus noblement comme « œuvre ».

Ce n’est pas, soit dit en passant, le seul mot que le texte de cette loi remplace par un élégant euphémisme. On se rappelle que longtemps, dans le vocabulaire officiel de la République, il n’y a pas eu de « guerre » d’Algérie. On parlait d’opérations de maintien de l’ordre, on évoquait des « évènements ». Puis, une loi avait explicité que la décolonisation de l’Algérie n’avait été arrachée à la France que par une « guerre »[5]. Or, la loi du 23 février ne parle pas de guerre ; elle ne parle pas même d’évènements. Ses victimes civiles et militaires sont celles d’un simple « processus ».

*

D’une loi toute entière traversée par la réduction de la colonisation à une « œuvre » et de la guerre à un « processus », on n’a fait scandale que du quatrième article, qui impose aux professeurs d’histoire d’expliquer à leurs élèves le rôle « positif » de la présence française outre mer (« présence » étant ici un nouvel euphémisme pour « domination coloniale »). Cela mérite qu’on s’y arrête.

La rébellion des historiens, qui a retenu toutes les attentions, est dans le fond un simple mouvement corporatiste. Énonçant à juste titre que, spécialistes d’une discipline relevant des sciences sociales, ils n’avaient pas de consignes à recevoir du législateur, et devaient conserver leur indépendance intellectuelle et leur liberté de recherche, ils ont fait porter le débat sur le refus d’une « histoire officielle ». Ce débat a permis de mêler dans une même critique – et, partant, dans la plus grande confusion – diverses lois rapidement qualifiées de « mémorielles », qui n’avaient pourtant entre elles pas grand chose à voir : une loi mettant au nombre des délits de presse passibles de sanctions pénales, outre la diffamation et l’injure raciale, la contestation de la destruction des Juifs d’Europe par les nazis au cours de la seconde guerre mondiale ; une loi affirmant que les massacres perpétrés en 1915 contre les Arméniens de Turquie constituaient un génocide ; une loi affirmant que la traite transatlantique avait constitué un crime contre l’humanité ; et notre loi du 23 février 2005, portant « reconnaissance de la Nation aux femmes et aux hommes qui ont participé à l’œuvre » coloniale. Le seul point commun à toutes ces lois, le reproche qui leur est fait, est d’empiéter sur le travail des historiens : notons toutefois que cela ne change pourtant en réalité rien au travail de la recherche historique d’appeler « crime contre l’humanité », ou « monstruosité » la traite négrière, voire de ne pas la qualifier, d’appeler « génocide » ou « tentative d’extermination » le massacre des Arméniens, ou d’appeler « processus » ou « guerre » le combat du peuple algérien pour son indépendance et la résistance militaire à ce combat ; et que personne, de toutes manières, n’interdit d’appeler extermination le génocide, d’appeler monstruosité ou de ne pas qualifier la traite, ou d’appeler guerre le processus visé par la loi du 23 février 2005.

Dans le fond, si toutes ces lois – plus d’ailleurs par le débat qu’elles ont suscité que par elles-mêmes – ont à voir avec la manière dont l’histoire prend place dans les consciences, elles ont peu à voir avec l’histoire elle-même. Le « mémoriel » est ici un paravent du politique.

*

Si l’on cherche à comprendre pourquoi c’est sur la question de l’histoire, et non sur la question de la colonisation que s’est focalisé le débat, on comprend vite que c’est pour les mêmes raison qui ont conduit à la loi elle-même : la colonisation, c’est ce que la loi recouvre d’un voile pudique, en refusant de l’appeler par son nom.

Plutôt que de faire porter le débat sur ses mécanismes, on a discuté le droit des historiens de le faire en toute liberté. Et plutôt que de s’interroger sur sa réalité comme système de domination, d’exploitation et d’oppression, on s’est penché sur l’existence ou non, pour cette « œuvre », d’un rôle historiquement positif. Une comptabilité d’apothicaire entre les massacres et les centres de soin, entre les travaux forcés et les routes, entre l’oppression culturelle et les écoles, a tenu lieu de réflexion. Il s’est trouvé un homme, chargé d’une mission de réflexion, pour dire qu’à l’évidence, un tel rôle positif existait, ne serait-ce que par l’apport fait aux peuples colonisés de « la culture » et de « l’administration »[6]. Qu’on en sourit ou qu’on s’en alarme n’y change rien : tel est l’état du débat.

La comparaison proposée à cet égard par Christophe Gaudier[7] illustre la médiocrité de cette vision des choses : il ne viendrait à l’idée de personne, évoquant les progrès considérables qu’elle a fait accomplir à la chirurgie et à la médecine, aux sciences et aux techniques, à la géographie et à l’industrie, aux arts et aux sports, de parler du « rôle positif » de la guerre. Faire les comptes des méfaits et des prétendus bienfaits[8] de la colonisation, c’est éviter de la considérer en elle même ; la loi et le débat qui l’ont suivi reposent sur l’idée que la page est tournée : de la colonisation elle-même, il n’y a rien à dire.

C’est ce qui conduit au paradoxe d’analyses comme celle proposée dans le dossier du journal Le Monde, et que l’on évoquait plus haut : pour justifier qu’on parle de « rôle positif » de la colonisation, on classe conquête militaire et domination blanche au rang des dégâts collatéraux, des accessoires dont la condamnation pourrait laisser intact le satisfecit que l’on donne au « reste ». On se prive de comprendre l’aventure coloniale dans sa globalité.

Ce faisant, ce n’est pas, ou pas seulement du passé que l’on parle. La colonisation, conquête violente suivie d’une domination non moins violente, par l’occident chrétien, du reste du monde, est une réalité qui n’appartient pas au passé, mais se poursuit aujourd’hui. On pense bien sûr à la Françafrique, à l’Irak ou à la Palestine[9]. Mais on n’aurait garde d’oublier, en France, ce prolongement des politiques coloniales que sont, d’un côté les « politiques de la ville », et de l’autre les thématiques de « l’intégration »[10]. Transformer en « œuvre » ou en « mission civilisatrice » l’entreprise coloniale, transformer son histoire en bilan des « aspects positifs » et des « aspects négatifs », c’est aussi fermer la voie à une approche des réalités du colonialisme postcolonial qui caractérisent aujourd’hui tant le monde que la société française.

*

C’est ainsi, avec la loi du 23 février 2005, de politique, et de politique seulement qu’il s’agit. En un sens, il est naturel qu’il en aille ainsi : une loi est faite par des parlementaires, femmes et surtout hommes politiques, dont le souci, plus que le passé lointain du monde, est l’avenir immédiat de leur assiette électorale[11].

La coïncidence des dates est tout un symbole : la loi a été adoptée alors que venait d’être lancé l’appel des Indigènes de la République. Elle a été confirmée alors que les banlieues de France vivaient une révolte qui constitue l’un des épisodes historiques majeurs de ces dernières années dans ce pays. Deux évènements qui secouent, chacun à sa façon, le paysage idéologique et politique de la France postcoloniale. Comment ne pas la voir comme l’élément d’une vaste contre offensive, par laquelle les dominants entendent consolider leur domination, et préserver les structures idéologiques et sociales postcoloniales de la société française ?

Dans un séminaire de formation des maîtres tenus à l’École Normale Supérieure, Claude Liauzu, historien assurément anticolonialiste de la colonisation, renvoyait dos à dos, comme « également blâmables », la loi du 23 février (contre laquelle il venait, avec d’autres historiens, de lancer une pétition) et l’appel des Indigènes. Son mot d’ordre, en somme, était « touche pas à ma colonisation ». Domaine réservé. L’histoire ne serait dans cette perspective qu’un sujet d’étude, pas une réalité de la vie.

En le disant ou sans le dire, c’est cette conception des rapports entre la mémoire, l’histoire et la politique que la jeunesse des quartiers populaires aura contribué à bouleverser. En le sachant ou sans le savoir, elle aura confirmé dans toutes ses dimensions l’analyse des Indigènes de la République.

 Laurent Lévy



[1] Le Monde, samedi 21 janvier 2006. « Occulter cette contradiction, poursuit Gérard Courtois, reviendrait à vider de leur sens les principes fondateurs de liberté et d’égalité, sans même parler de fraternité ». Sur le mythe républicain ainsi mis à contribution, voir Laurent Lévy, Le spectre du communautarisme, ed. Amsterdam, 2005.

[2] L’anthropologue Annamaria Rivera développe une critique de l’usage dominant du mot « civilisation » dans le dernier chapitre de son livre La guerra dei simboli (Dedalo, Bari, 2005).

[3] Voir sur cette question, voir Annamaria Rivera, Le relativisme culturel, www.lmsi.net.

[4] On se rappelle la célèbre formule de Jules Ferry, père fondateur de « l’école républicaine », selon lequel les « races supérieures » avaient « le devoir de civiliser les races inférieures ». Le même ironisait sur le fait que les « droits de l’homme » n’étaient pas faits « pour les Noirs d’Afrique équatoriale ».

[5] Il est vrai qu’il s’agissait là moins d’identifier la nature des violences commises contre le peuple algérien que de reconnaître aux militaires français qui avaient participé à ces « évènements » un statut d’anciens combattants.

[6] Arno Klarsfeld semble ignorer ce que, même dans l’optique bornée de la « haute culture » occidentale, on doit bien appeler les chefs d’œuvres de la culture « arabo-musulmane » ou la complexité administrative de l’empire ottoman.

[7] Voir Une loi, www.indigenes37.org.

[8] L’asymétrie de la formule se justifie, dans la mesure où s’il est aisé de comprendre que les méfaits de la colonisation n’auraient pu avoir lieu sans elle, il n’en va pas de même de ce que certains appellent ses « bienfaits ». D’aucun des évènements ou phénomènes que l’on qualifie ainsi, il n’est possible de dire qu’ils n’auraient pas pu avoir lieu hors du contexte criminel de la colonisation.

[9] Quelque paradoxe qu’on puisse y voir, et qu’il faudrait sans doute approfondir et développer, c’est délibérément que l’on évoque ici le colonialisme israélien comme élément du colonialisme de « l’occident chrétien », même si, dans ce cas précis, l’emploi de ces mots pourrait prêter à controverse.

[10] Sur ce dernier point, voir Le spectre du communautarisme, op. cit.

[11] Il n’est pas anodin que les principaux artisans de cette loi aient été des parlementaires de circonscriptions où agissent d’importants « lobbies » de « rapatriés » d’Algérie.

* 21 janvier

Chine choc, Chine toc ?... au chic chinois chinons

Quand on se revendique du "communisme", il y a des livres qu'on hésite à lire, sous prétexte qu'ils ne donneraient pas de lecture de leur objet la bonne grille de lecture *.

* J'ai signalé plus bas le livre d'un flic : LE MONDE des MAFIAS, géopolitique du crime organisé

On a bien tort. On apprend dans ce genre de livres beaucoup plus que dans "Empire" de Négri-Hardt. On peut toujours chausser des lunettes, on ne sait pas toujours de quels verres les monter, tant le lien est difficile à établir entre les catégories de l'analyse "marxiste" et celles des économistes du capital. Le génie de Marx est de l'avoir fait en son temps, jusqu'à buter sur le devenir, parce qu'il ne pouvait aller au-delà de la projection future du capitalisme en subordination formelle, en quoi il  n'a pu théoriser que le programmatisme communiste du mouvement ouvrier, dont les fondements réalistes se sont effondrés depuis trente ans... sauf en Chine, en Inde, en Afrique... ?

Questions : que provoque, entre autres, la Chine, dans l'approche révolutionnaire des contradictions du capital globalisé ? dans la théorisation de "l'écart" par "Théorie communiste" ? 

Parmi ces livres, je conseille celui-ci  (l'auteur est directeur adjoint de la rédaction des Echos) : Quand la Chine change le monde, Erik IZRAELEWICZ, Le Livre de Poche, 2005 (extraits sur le blog d'Eric CHAMPLIN)

Quatrième de couverture :

La Chine s'est éveillée, le monde tremble. Jamais, dans l'histoire économique, une nation aussi grande (1,3 milliard d'habitants) n'avait connu une croissance aussi forte (8 % par an) pendant une période aussi longue (25 ans). Cette réussite devrait rassurer : elle inquiète. En un quart de siècle, le monde a changé la Chine. Aujourd'hui, la Chine change le monde. Demain, elle sera, peut-être, la première puissance économique devant les Etats-Unis. Par sa démesure, son appétit et ses moyens, par l'hypercapitalisme qui y règne aussi, l'Empire du Milieu déstabilise tous les marchés - ceux du pétrole, de l'acier, de l'or, du blé, de la technologie, du travail, etc. Le choc chinois affecte tout - du prix de l'essence à notre emploi en passant par le temps qu'il fait. Erik Izraelewicz analyse avec une remarquable clarté ce tremblement de terre en montrant, exemples à l'appui, comment la Chine change notre vie. Sommes-nous certains que la mondialisation sera heureuse ?

Il s'agit certes d'une analyse dans les catégories du capital, celles de l'économie et de la géopolitique, à la surface visible, et non selon la méthode initiée par Marx, de dévoilement du fonctionnement des rouages du capital sous l'apparence des choses. Il s'agit de l'exotérisme du capital, de ce qu'il produit réellement en tant qu'il domine, de façon inséparable, matériellement et idéologiquement.

Besancenot-Sarkozy même combat ?

Il est tout à fait frappant que pour certains qui se réclament du "marxisme révolutionnaire", l'URSS ait pu être jusqu'au bout un 'Etat ouvrier dégénéré', et qu'ils se posent encore la question de la nature du régime chinois, là où un journaliste lié au capital (Les Echos...) nous parle de "l'hypercapitalisme chinois"... Ya pas photo (mais les amis de la LCR continuent de les effacer en tropts héritiers de Staline), le journaliste 'bourgeois' est plus proche de Marx que le folklore 'marxiste' des imbéciles d'extrême gauche. La police idéologique d'extrême-gauche n'a rien à envier à celle casquée de la droite, ils ont potentiellement les mêmes méthodes parce qu'ils partagent les mêmes fins plus qu'ils ne croassent : Besancenot-Sarkozy même combat ? C'est, en réduction, un aspect du devenir français, lequel des deux est le plus en adéquation au cours du capital ? «ça dépend»; comme dirait l'autre, mais sûrement pas d'enjeux électoraux.

Au rythme du capital mondial...

Il est tout aussi frappant que mes amis théoriciens du communisme établissent leurs analyses sur des bases conceptuelles incontournables en elles-mêmes, mais très peu reliées à des considérations quantitatives quant à l'économie du capitalisme globalisé, qui poursuivraient avec plus de crédibilité la façon dont Marx présentait ses travaux théoriques, entre analyses conceptuelles, observation empirique, et pratique politique. Il suffit de feuilleter le Capital pour constater la différence avec "La théorie du communisme" de Roland SIMON, ou du moins son premier tome (Fondements critiques d'une théorie de la révolution").

On peut même, en "communiste", se payer le luxe de partager ce point de vue du chroniqueur de l'Express (Eric Chol) "Sa conclusion [du livre en question] est sans appel : «La Chine est et va être au cours des vingt prochaines années le facteur principal de déstabilisation de l'économie mondiale.» Chefs d'entreprise ou salariés, attachez vos ceintures !"

A mes amis "communisateurs", je souhaite de sortir des bretelles d'auto-roots, et d'arracher les 'racines' prolétariennes de leur théorie post'- : 'radical proléta-rien', quand tu nous tiens... Nous ne sommes rien, soyons encore moins... Nous est des autres : la révolution sera rimbaldienne ou ne sera pas.

Un intérêt serait de confronter les considérations théoriques des "communisateurs" avec celles, historiques et prospectives de Wallerstein, dans un texte de 1996 dont j'ai donné l'écho à cette fin : La restructuration capitaliste & le système-monde, ou de creuser, comme le souhaite C. CHARRIER (No admitance except on business), une 'Critique de l'économie politique du capitalisme contemporain". I. WALLERSTEIN, comme par ailleurs L. GOLDNER ou G. CAFFENTZIS, permettent d'établir un pont pour la réflexion, entre les théories des premiers et le type de livre dont il question ici, sur la Chine.

* 21 janvier

à signaler Siniac

Rééditions chez Rivages noir, j'ai lu ces nuits dernières La course du hanneton dans une ville détruite, Le tourbillon, Femmes blafardes 

Mon premier est émouvant et instructif, quant aux scrupules américains du moment qu'il s'agit de détruire pour "reconstruire" (Saint-Lo, 1944), c'est une constante historique depuis Christopher Colombus, suivez mon regard... Mon deuxième est comme son nom l'indique et au-delà, trop inhumain, avec une polyrythmie littéraire qui n'a d'équivalent que la salsa... Mon troisième tient du second et révèle mon tout, la construction chère à Pierre Siniac, un fantasme d'écrivain : un monde quasi-clos, tenu en sa clôture par l'écriture, par le roman, un monde réel autant que possible dès lors qu'il n'est que fiction que rend réelle l'écriture : un "tourbillon", une "spirale dialectique", une "unité complexe". C'est donc à lire à plusieurs niveaux, et c'est en quoi Siniac demeure un écrivain, ce qui manquera à nombre des héritiers de cette nouvelle vague du polar français, où Siniac fut au coude à coude avec Manchette. Soit ça vous tombe des mains, ça vous tient la nuit. Côté peuple, le deuxième degré a tout intérêt à pas trop décoller du premier, parfois chez Siniac c'est limite, ou c'est histoire d'époque, on dira que ça n'a pas trop bien vieilli. Côté social, on ne rate pas la forme sans rater le contenu, et réciproquement. La meilleure volonté du monde peut accoucher de la pire littérature du même. En quoi après avoir lu Siniac, dans le texte, on peut brûler* la plupart des "Poulpe", garder l'intégrale Manchette à portée sur sa table de nuit, et ressortir ou remplir ses rayons, rêves et mirettes d'Amila Jean/Meckert** ou d'André Helena**. En attendant de retrouver les Américains, avenue de la nostalgie, ou les Chinoises, avenir du Chinois, et de la littérature policière ? Du noir au jaune ou du jaune en noir, que demander de plus, si ça cause du peuple ?

* pour l'occasion on peut aussi brûler Daenincks, car pour mémoire, est-il vraiment est écrivain ?

**Rappel de rappel

André HELENA, Portrait, Impressions variées, «Un si bon diable !», nouvelle / Jean MECKERT / Jean AMILA, "...un ouvrier qui a mal tourné" , Le boucher des hurlus, La lune d'Omaha, Les coups, Noces de soufre

* 18 janvier

MILES DAVIS chez Prestige

Blue Period (Prestige 1951)
The New Sounds of Miles Davis (Prestige 1951)
Diggin' (Prestige 1951)
Dig (Prestige 1951)
Collector's Items (Prestige 1951)
Live at the Barrel, Vol. 2 (Prestige 1952)
Miles Davis Plays the Compositions of Al Cohn (Prestige 1953)
Miles Davis Featuring Sonny Rollins (Prestige 1953)

Miles Davis Quintet [Prestige 185] (Prestige 1954)
Miles Davis & the Modern Jazz Giants (Prestige 1954)

Green Haze (Prestige 1955)

Odyssey (Prestige 1955)
Milt and Miles (Prestige 1955)

The New Miles Davis Quintet (Prestige 1955)
Miles (Prestige 1955)

Relaxin' (Prestige 1956)

En réédition : Miles DAVIS The Complete Prestige recording (titres et personnel)

Voir aussi

Thelonious MONK Complete Prestige Recordings

Sonny ROLLINS Complete Prestige Recordings

John COLTRANE Complete Prestige Recordings 

Eric DOLPHY The Complete Prestige Recordings

* 17 janvier

à toutes faims utile, la mort d'un "capitaliste" du jazz Bob Weinstock, une tranche de 'jazz'  en Prestige

Prestige

Créé en 1950 par Bob Weinstock, un ancien disquaire passionné de musique, ce label produisit au début une série de 78 tours portant le préfixe 7000, consacrés aux saxophonistes ténors Gene Ammons, Wardell Gray, James Moody, Zoot Sims, Sonny Stitt. Son domaine s'est ensuite élargi considérablement. C'est en 1954 qu'il engagea celui qui sera considéré comme le plus grand ingénieur du son du jazz, Rudy VAN GELDER [qui fera aussi le son de BLUE NOTE]. A la fin des années 1950, il utilisera aussi les ressources de différentes sous-marques (Bluesville, Moodsville, New Jazz, Swingville, etc.).

Qui n'a pas enregistré chez Prestige !
Chet Baker, Kenny Burrell, John Coltrane, Miles Davis, Eric Dolphy, Stan Getz, Coleman Hawkins, Lee Konitz, Le Modern Jazz Quartet,Thelonious Monk, Lennie Tristano, etc., etc., etc. !
En 1964, ce label commence à décliner. Il sera vendu en 1971 et c'est la compagnie Fantasy qui poursuivra la diffusion du catalogue Prestige.
Un des très grands labels indépendants.

Entre nous, le son de certaines bandes (enregistrements analogiques) des années 50 reste plus présent, plus réaliste, plus "chaud" (sur vinyl) que bien des choses numériques (CD etc.) dans les conditions de la production/reproduction actuelle, sur toute la chaîne de la prise à la reproduction du son (le beau son, le son collectif, le son juste, le son réaliste, est incompatible avec le profit, ce dont témoignent tous les choix technologiques depuis cinq décennies et ce que savent tous les "professionnels" du son, musiciens, mélomanes, théâtreux, ingénieurs du son, etc. L'essentiel de la production 'haute-fidélité' ou Homme-cinéma est à chier pour toute oreille exigente, et le son fut meilleur dans les salles de cinoche des années 50 qu'aujourd'hui). C'est ainsi qu'il en va du son comme du capitalisme, et des contradictions de la valeur d'usage. J'ai vie-à-vis des enregistrements de Monsieur Weinstock pour Prestige la même nostalgie que Debord pour certains pinardier-e-s.

Il s'est produit, en 50 ans, avec le son du jazz, la même chose que pour le camembert, la littérature, ou la gauche anti-libérale (PCF, LCR etc.)

Rééditions Prestige

* 16 janvier

A propos de l'intervention dans les forums de discussion sur Internet

A l'usage, on pourrait presque définir des lois de l'intervention dans un forum internet. Il est tout à fait illusoire de vouloir déplacer le centre de gravité des idées d'un forum donné. Il est aussi vain de parler de communisation sur une forum où les interventions relèvent majoritairement du démocratisme radical, et du spectacle des échanges superficiel qui défilent, que de parler de l'inexistence de dieu sur un forum religieux. Au mieux aura-t-on signalé, manifesté, qu'il existe autre chose que ce qui draîne en ce lien la plupart des participants, et cela peut retenir l'attention provisoirement : dans le premier cas le réalisme de la révolution comme rupture et l'idéalisme subjectiviste d'une progressivité démocratique; dans l'autre des personnes qui ne croient pas en dieu, avec quelques bonnes raisons. On n'ira pas au-delà. On ne perce jamais sur le terrain des idées un mur idéologique. Par des interventions soutenues, on peut casser le rythme habituel et les préoccupations moyennes, générer un intérêt, un moment de curiosité, à l'instar d'une panne d'électricité dans le métro provoquant des rencontres impossibles en temps "normal", mais dès que l'on relâche, le milieu rétablit son équilibre autour de son point de gravité, il retrouve banalement l'éclairage blafard qui tombe sur les visages comme la tristesse des vieux néons (des vieux Léon). Quand il fait noir, on peut par chance comprendre pourquoi on ne voit rien, découvrir au sein de l'obscurité une faible source de lumière invisible dans la clarté artificielle.

Dans ce genre de plongée en un milieu si différent qu'il ne peut qu'en devenir hostile malgré toutes précautions (qui surfent toujours avec des abandons consensuels), ce que vous avez cru gagner un temps d'échanges avec quelques rares, ne serait-ce qu'en compréhension de désaccords, retombe et se noie dans l'oubli commun, s'enfouit dans le défilement des interventions comme toute information atypique d'un soir au journal de vingt heures. Le monde des forums est spectaculaire en ceci qu'il est réellement 'démocratique' : le bas ne s'élève jamais sauf très individuellement, il tire en masse à lui toute tentative d'élévation. Ne peuvent y régner que les (aspirants) politiciens.

J'ai rencontré le même obstacle quand, pendant deux ou trois ans, sur des forums fréquentés par de jeunes amateurs et parfois musiciens de jazz, je tentais de formuler une critique de la technique instrumentale (en soi) ou de l'académisme des styles de "jazz" : le "'revival' de toutes les périodes traversées au 20 siècle : non seulement le New-Orlean, mais le 'swing-revival', le be-bop--revival, le 'free-revival', 'le Miles-Davis-revival'... etc. comme disait Félix MARMANDE dans La police des caractères)

Le revival en politique, c'est la forme historique figée (académisée) prise pour contenu pertinent au présent. On a en permanence, à "l'extrême-gauche", un bolchévisme-revival, un trostkisme-revival, et, phénomène appelé à un certain succès dans la plus grande des confusions, un conseillisme-revival. En réalité, l'idée présente de communisation fabrique déjà son revival, sa sclérose idéologique, et ne produira des effets significatifs que lorsqu'elle sera devenue incontournable en pratique, en situation.

La pratique théorique n'est pas davantage un combat d'idées que la musique n'est une répétition d'orchestre en studio.

* 15 janvier

A lire : LE MONDE des MAFIAS, géopolitique du crime organisé, le livre d'un flic, certes (Jean-François GAYRAUD, Odile Jacob, 2005), dont il ne faut pas attendre un point de vue critique de fond sur le capital, autre que de distinguer ce qui serait sain ou criminel, en matière d'économie, un bon et un mauvais capital, en quelque sorte. Par contre, tout à fait recommandé pour comprendre qu'on ne pourra bientôt plus faire la différence. Les analyses du couple "mafieux entrepreneur" - "entrepreneur mafieux", ou de son équivalent politique dans la "démocratie" ont de quoi dépuceler quelques naïvetés militantes. De quoi saisir, en creux, la nécessité pure et simple d'abolir le mode marchand, c'est-à-dire l'argent.

A recouper, pour le pied et le "vécu" de l'intérieur, de lectures plus légères mais tout à fait réalistes, telles que GANGSTER, de Lorenzo CARCATERRA (Pocket, 2001)

* Vendredi 13

Relâche des basses quêtes en milieu politicien

* 7 janvier

VU du SITE : VISITES 

4217 en déc., moy 136/j, 36.983 en 2005

France 58%, USA 24%, Allemagne 4%, Canada 3%, Suisse 2%, GB 2%, Belgique 2%, Maroc 1%, Espagne 1%, puis (pour 3% restant) : Suède, Algérie, Italie, Ile Maurice, Pologne, Portugal, Côte d'Ivoire, Gabon, Norvège, Sénégal, Brésil, Mexique, Polynésie française, Tunisie, Pays-Bas, Bulgarie, Liban, République Tchèque...

(à vrai dire je ne sais pas au juste ce que signifient ces données, dans la mesure où ce sont les localisations des serveurs, les internautes pouvant fort bien intervenir d'autres pays)

A noter que les Japonais (qui ont leurs propres serveurs, et propres serveuses) ont décroché. Mille fois cent pardons et meilleurs voeux : ??????? (ShinNen AKeMaShiTe) ??????????(OMeDeToU GoZaIMaSu)

Sinon c'est un record depuis l'ouverture du site en avril 2004. Normal, on aura voulu s'offrir une petite visite gratuite pour Noël : ah le poids des traditions et la force contre-révolutionnaire des habitudes, comme disait...

En 2006, vous pouvez continuez à venir, mais seulement si vous n'avez rien de mieux à faire. La vie est ailleurs, merci de vos infidélités. Ne laissez pas les autres faire la révolution à votre place.

Courriers : Patlotch~free.fr

* 3 janvier

L'OBSESSION DE LA COHÉRENCE...

« L'obsession de la cohérence en sciences sociales est l'un des mythes qu'il faudrait éliminer. Elle mène généralement à un message clos et, au nom de la cohérence et de la vérité, il a été commis toutes sortes de barbaries. Il faut montrer la rareté des vérités définitives ; tenter de faire comprendre qu'il y a des sciences vivantes et changeantes, relatives aussi aux objets vivants et changeants ; créer une manière "sociologique " de penser, tout cela, est la responsabilité de cette science et de beaucoup d'autres.
Parmi les étudiants il y a toujours une grande demande de messages clos, dans lesquels il est dit " les choses sont ainsi ". Mais les étudiants doivent penser de leur propre chef. Et personne ne devrait se vexer si on lui dit que quelque chose pourrait être ou ne pas être, de cette manière ou d'une autre, ou d'une façon contraire. Certains peuvent mettre plus d'une année pour se rendre compte de la possibilité de ces critères. D'autres ne le comprendront peut-être pas de toute leur vie.
La présentation constante de ce qui est contradictoire est précisément notre mission. L'érudition, en sociologie est toujours une nécessité. Lorsque les vérités absolues n'abondent pas, ce n'est pas pareil qu'une chose soit dite par une personne, une autre ou par le professeur. Tout comme il résulte différemment qu'elle soit dite à une époque ou une autre. Il semble évident d'insister sur ce fait, mais la lecture directe de documents et leur discussion ultérieure est indispensable. La société informatisée a, plus que jamais, besoin de la théorie.»

La formation des sociologues en Espagne
Enrique Gastón, Université de Saragosse (Espagne)

* 2 janvier

INVENTOIRIEN DU POÉTARIAT (SITE CLASSÉ)

Chères visiteuses et autres voyeurs*,

Vous le savez : ni 2006 ni 2007... n'apporteront la moindre discontinuité décisive dans le toujours nouveau **. On  pourra, ici ou là encore, échapper à la guerre, à la faim ou à la maladie,  à la citoyenneté ennurnée, mais on ne changera rien à ces réalités : travailler fatigue, le quotidien ennuie, vivre fait peur. Le poétariat, usé et abusé, a épuisé ses tics et moi mes fausses ruses. C'est si long, une patience trop humaine. A quoi bon rajouter aux témoignages et dénonciations impuissantes ? Pour y brader un reste d'innocence, et s'abrutir contre la connaissance critique, ici proposée en partage ? Vous en savez autant ou plus que moi. Pour certains d'entre vous, je reviens de loin, pour d'autres je vais trop loin, ou nulle part ***. Il y a quelques jours, et je l'en remercie, un ami m'a demandé si j'avais « un projet... continuer ce site, peut-être...». "Projet" est pour moi terrifiant. Je n'en ai jamais eu, je n'ai jamais fait qu'avec, ou contre ce que je trouvais sous mes pas initiatiques. Je suis perpétuellement (re)fait par ce (et ceux ou celles) que je trouve. Ce site n'avait jamais été en conscience un "projet", ni avant, ni pendant. Mais il a suffi que la question m'en soit posée pour qu'à mes yeux s'effondre le reste de désir qui l'alimentait. Le succès guette celui qui fait, qui le guette à son tour, dès qu'il le "projette", jusqu'à l'absurdité du consentement réciproque, de la surdité volontaire, des habitudes... des tics. Merci de vos fidélités. Maintenant permettez-moi un conseil : passez votre chemin, et gagnez plutôt votre temps à ne plus le perdre ici en toute complicité plus ou moins amicale. S'il n'est pas sûr que nous puissions faire mieux, au moins aurons-nous essayé. Choisir c'est renoncer. Je dois revoir mon inventoire pour mieux que ce rien public. C'est une question polie-rythmique qui se joue dans mes méandres, entre situations déclassées et émoluments hystériques.

Où il sera nécessairement question d'art et de révolution, pour faire court, et de revenir sur "notre histoire" mêlée, des Avant-gardes artistiques et révolutionnaires, entre 'surréalisme', 'situationnisme', et ce qui s'y mélange depuis dans un 'marxisme'... à la "dérive" : il nous faudra (re)lire les articles de Barthélémy SCHWARTZ : Guy DEBORD aux Galeries La Fayette (1994), Un art d'économie mixte (1997), Dérive dans le XIIIème arrondissement de Paris, samedi 28 juin 1997****, Dérive d'avant-garde (1999), La poésie pour quoi faire  (2005), et considérer encore et encore que si DEBORD rejoue l'artiste par défaut de révolution, VANEIGEM par moralisme, R. SIMON rate et sclérose la révolution par un prolétariat en manque d'air, parce qu'il se prive d'où il parle de la saisir en tant qu'art (A SUIVRE)

Patlotch, 2 janvier 2006, 22h12

* voyeur n'a pas chez moi de mauvaise connotation

** le nouveau non décisif est le moment normal et continu du temps capitaliste comme de ses prétendues oppositions

*** William MORRIS  News From Nowhere

**** Pastiche réellement sous-situ, massacre sans Saints de Barthélémy auquel j'ai l'honneur de préférer mes non-'dérives' (ce concept m'étant alors inconnu), en 1990, dans les XIème et XXème Ardts, entre Bastille et le Père-Lachaise, cf LIVREDEL LIVRE DE CORYA I et 2

IndexBALANDIER Georges ; CAFFENTZIS George ; DEBORD Guy ; GOLDNER Loren ; HEGEL Friedrich (philosophe) ; KOSIK Karel ; KURZ Robert ; MARMANDE Francis (philosophe, critique jazz) ; NIETZSCHE Friedrich (philosophe) ; VANEIGEM Raoul (homme) ; WALLERSTEIN Immanuel (historien)
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