Chapitre 5

(sept cent quatre-vingt-neuvième nuit)

"Votre attention s'il-vous-plaît, attention. Monsieur Justin Merlin est invité à se présenter... face à la voie 12... Cette annonce était destinée à Monsieur Justin Merlin" (Elsa, Luna-Park)

Face à la voie 12, je m'y trouvais, justement. J'attendais Corya... En tête ses derniers mots "Allô, j'arrive !"

"Pour le service, pour le service, le porteur Dario, le porteur Dario est demandé au bureau d'acceuil... cette information est destinée au porteur Dario"

19h00 - Rien. Les gens partout. Les bronzés. Les partants. qui vont. Qui viennent. La petite fille noire en jupette marine maillot rayé, tresses africaines. Elle pleure dans les jambes de sa mamn.

19h02 - Rien.

19h04 - Voie... le train 643, en provenance de... entre en gare... écartez-vous de la bordure du quai s'il-vous-plaît... Pas le sien. Pas le mien. Et ce type à côté : "J'aime bien les gares, j'aime bien attendre dans les gares... le monde..."

19h06 - Rien.

19h07 - Ding ding dong - Ding ding dong... le train... en provenance... va entrer en gare, vois 13... Pas le sien. Pas le mien.

19h08 - Rien. Va entrer... va entrer

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Foule. Partout m'aveugle. Plein le quai. Partout. M'écrase la vue. CORYA ! Non, c'est ps elle. Tu n'es pas là. Tu ne reviens pas. Tu n'es pas revenue.

Corya n'était pas revenue.

 

(sept cent quatre-vingt-dixième nuit)

Corya n'était pas revenue.

MORT AU COMBAT (Funérailles de Salvador ALLENDE à Santiago du Chili) - Mardi 11 septembre 1973, à l'aube (...) Salvador allende, âgé de soixante-cinq ans, combat coiffé d'un casque, avec, à la main, un pistolet-mitrailleur. Il meurt entre 13h50 et 14h15 (...) Les cendres de Salvador allende, enterré clandestinement en septembre 1973 dans un cimetière de Vina del Mar, près de Valparaiso, seront transférées ce mardi à santiago (...) De nombreuses organisations de la gauche chilienne et de la démocratie chértienne ont appelé la population à participer aux cérémonies. Mais la hiérarchie militaire exerce de fortes pressions sur le gouvernement afun d'interdire tout rassemblement sur le parcours, devant la cathédrale et le cimetière.

L'HUMANITÉ, 4 septembre 1990

La maman de Corya, partie au Chili, n'est jamais revenue.

 

(sept cent quatre-vingt-onzième nuit)

Corya n'était pas revenue.

DANS LE CADRE des nouvelles lois du marché qui s'instaurent en Pologne, la municipalité de Koszalin a loué à un sex-shop le rez-de-chaussée d'un immeuble habité par les religieuses du Coeur de la Vierge Marie

 L'HUMANITÉ, 5 septembre 1990

 

(sept cent quatre-vingt-douzième nuit)

Corya n'était pas revenue.

NOUVELLE PROFANATION DANS UN CIMETIERE ISRAÉLITE Quarante-trois tombes du cimetière israélite de Horbourg-Wihr, près de Colmar (Haut-Rhin), ont été profanées entre mardi matin et mercredi matin. Les stèles funéraires des sépultures ont été renversées et l'une d'entre elle a été fracassée à coups de masse. Une information judiciaire a été ouverte

 L'HUMANITÉ, 6 septembre 1990

 

(sept cent quatre-vingt-treizième nuit)

Corya n'était pas revenue.

PAS DE NOUVELLE BONNE NOUVELLE affirme le dicton. Il y avait malheureusement de quoi douter de son bien-fondé après la conférence de presse tenue hier en fin d'après-midi par François Mitterrand - la troisième depuis le début de la crise du Golfe. Le chef de l'Etat a tout de suite précisé en effet qu'il n'avait rien de vraiment neuf à déclarer et que nous restions donc dans une "logique de guerre".

 L'HUMANITÉ, 7 septembre 1990

 

(sept cent quatre-vingt-quatorzième nuit)

Corya n'était pas revenue.

UN EMPLOYÉ de la centrale nucléaire de Paluel (Seine-Maritime), en rupture avec sa femme, a abattu, jeudi, ses deux enfants de six et sept ans avant de se donner la mort.

 L'HUMANITÉ, 8 septembre 1990

 

(sept cent quatre-vingt-quinzième nuit : J moins 205)

C'est aujourd'hui dimanche

Corya n'était pas revenue.

 

(sept cent quatre-vingt-seizième nuit)

Corya n'était pas revenue.

PROFANATION PRES DE VALENCE-D'AGEN La sépulture de Jean Baylet, père de l'actuel ministre du tourisme, a été maculée d'inscriptions diverses dans le cimetière de Saint-Vincent-Lespinasse. L'une est de caractère antisémite, une autre vise la mise en service de la centrale électronucléaire de Golfech, des références au mécontentement des agriculteurs auraient également été relevées.

L'HUMANITÉ, 10 septembre 1990

 

(sept cent quatre-vingt-dix-septième nuit)

Corya n'était pas revenue.

SEPT PERSONNES TUÉES A L'ARME BLANCHE ont été trouvées, lundi matin, à Soweto. Des témoins ont rapporté que ce massacre avait été découvert après qu'une bande de Zoulous et de Blancs qui s'étaient noirci le visage eurent attaqué le quartier de huttes de Tadli.

L'HUMANITÉ, 11 septembre 1990

 

(sept cent quatre-vingt-dix-huitième nuit)

Corya n'était pas revenue.

LÉNINE DÉBOULONNÉ Le monument consacré au fondateur de l'Etat soviétique, qui s'élevait devant le siège du Comité central du PC de Georgie, à Tbilissi, a été démonté lundi '"par des services techniques compétents, sur l'insistance d'un groupe d'habitants".

L'HUMANITÉ, 12 septembre 1990

 

(sept cent quatre-vingt-dix-neuvième nuit)

Corya n'était pas revenue.

"CASTRO M'INTÉRESSE avait annoncé Jean-Hedern Hallier, parce que c'est le passé de mode, je veux dire la perfection de la mode du passé. Fidel, c'est pire que de l'Alexandre Dumas. Après les 'Trois mousquetaires', 'Vingt ans', que dis-je 'Trente Ans après'... les héros vieillissent mal. Athos est retraité, Porthos récupéré. Le d'Artagnan Che Guevarra est mort, reste l'Aramis Castro, que dis-je, "le Viel homme et la mer" assis dans sa barque, qui lutte toujours contre le plus gros poisson du monde, le Léviathan des temps modernes..."

L'HUMANITÉ, 13 septembre 1990

 

(huit-centième nuit)

Corya n'était pas revenue.

TREMBLEMENT DES FEUILLES Les yeux se ferment, les mots s'ouvrent (...) toucher le corps de l'idée (...) voyelles, consonnes : maison du monde (ou) ossements de siècles ? (...) le vrai sujet de la poésie, bien que toujours secret, et jamais explicite, est la poésie même (...) Le temps n'a ps besoin de nous / pour inventer des maisons, des rues, des arbres (...) en parlant avec les choses, en parlant avec nous, l'univers se parle : nous sommes sa langue et son oreille, sa parole et ses silences (...) l'homme est cet instant où la terre doute d'elle-même, où le monde n'est plus sûr de lui (...) Ouvrir les portes du jour"

Octavio PAZ, L'arbre parle, cité par Dominique Grandmont,  L'HUMANITÉ, 14 septembre 1990

(ouvrir les portes du jour)

 

 

IndexALLENDE Salvador (Homme, Chili) ; PAZ Octavio (poète, écrivain)
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