Dans ce chapitre, les textes sont extraits...
de l'HUMANITÉ du jour
De Louis ARAGON, Blanche ou l'oubli
De Luna-Park, d'Elsa TRIOLET
DES TITRES DE L'HUMANITÉ DU JOUR
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ROMAN "CLASSIQUE" Certes, mais porté à très haut niveau et digne des très grands modèles. Qu'on le veuille ou non, cette tradition est vivante; elle peut, "L'Infortune" en est la preuve, répondant à des préoccupations actuelles. Car ce retour vers les tragédies européennes et françaises d'un passé pas si lointain n'est pas dépourvu de sens (...) Que de questions passionnantes, que ne cesse de poser le roman, ce langage, disait aragon, "où les mots disent plu, moins, autre chose que le sens des dictionnaires"... et aussi, parfois, des manuels d'Histoire.
Claude Prévost... L'infortune de François Sureau, L'HUMANITÉ, 22 août 1990
un roman. C'est-à-dire une méditation entre la vie et moi. Quelque chose qui se forme au niveau de la conscience que je prends du monde, au niveau du langage (...) Quelque chose qui me rend la vie possible. Je ne me passse ps des romans. Le roman, c'est le langage organisé pour moi. Une construction où je peux vivre, l'architecte sait que j'ai besoin de manger, de dormir, de rêver éveillé, il aménage des fenêtres pour l'air, des vitres pour la lumière, des cheminements d'eau dans les murs, enfin vous voyez ça. L'homme primitif avit besoin de peaux de bêtes, d'une caverne. L'homme d'aujourd'hui a besoin du roman. Malgré ce qu'en pensent ses contemporains, ces espèces de nudistes.
C'était des paquets de lettres, attachés avec des cordons, rubans, élastiques... certains, mal ficelés, perdaient des lettres, les unes avec leurs enveloppes, d'autres toutes décortiquées, nues... Justin prit un feuillet, au hasard, le déplia... Il n'y avait que trois mots : Je vous aime... (...) Des lettres d'amour. Toutes ? Peut-être pas... A qui ? Justin chercha le nom sur les enveloppes... Mme Blanche Hauteville
DÉSERT CHEMIN
GOUTTE FEU
D'EAU CONSCIENCE
HABITANT DÉSERT
CHEMIN GOUTTE
FEU D'EAU
CONSCIENCE HABITANT
DRÔLES D'OISEAUX "Poézies" est de ces pages qu'on a plaisir à fréquenter un soir où la grande littérature n'est ps de saison, un essai dans le goüt du Queneau des 'Exercices de style", du Carrière des "Cent un limelicks" ou du Desnos de "Rose Sélavy". Plutôt que de gloser lourdement sur ces verts légers comme le vent, laissons la place à l'auteur (Michel Deville..)
PAUL VERLAINE
SUR L'AUTOROUTE
Les tangos lents
Des violents
En dix tonnes
Laissent ma soeur
D'une minceur
Qui m'étonne...Jean Roy, L'HUMANITÉ, 23 août 1990
Il n'avait pas dit Blanche. La jalousie est inventive... et moi, si j'avais écrit un roman, je l'aurais appelée d'un nom russe ou allemand. Sonia, peut-être, Isolde * Le Baron dit encore :"Raconter mes aventures amoureuses était presque aussi passionnant que de les vivre. J'étais discret, naturellement, je suis un gentleman, je camouflais les noms, je brouillais les pistes, mais j'aimais confier mes aventures amoureuses avec leurs bizarreries. Blanche Hauteville... Le bizarre, ici, c'est qu'il n'y a pas eu d'aventure. A proprement parler. Rien, (...)" "Je brouillais les pistes"... Propos de romancier. Tous les romanciers ne sont que des pistes brouillées. Et ce ne sont pas les lettres suivantes, celles de ce Raymond... * Aragon cite Triolet, Luna-park
Je vous ai téléphoné. Non, pas pour vous parler. Pour entendre votre voix. Peut-être auriez-vous répondu : "Allô" Peut-être, impatientée par le silence, auriez-vous dit quelques mots. Mais cela ne répondait pas chez vous. mon orelle sombra dans la fente noire du silence. Deux chemins mènent à l'amour; d'abord voir, ensuite désirer. Voilà comment j'ai marché le long de ces chemins (...) Vous n'êtes pas, Blanche, une femme extraordinaire. Et même on peut ne pas vous remarquer. mais j'ai l'habitude de contrôler les machines d'après le bruit qu'elles font. Le son de votre voix laisse entendre la marche de votre pensée, la cadence de votre coeur. Comment vous viennent et sont satisfaits vos désirs. D'après votre voix, on sait comment vous vivez. (...) maintenant venons-en à mes désirs. C'est difficile d'en parler. mais vous m'avez autorisé de vous écrire et vous saviez que je vous parlerais d'amour. B.
NUIT COUPLE
PENSER TENSION
LIT SOLUTION
JOUR J NUIT
COUPLE PENSER
TENSION LIT
SOLUTION JOUR J
HORIZONTALEMENT 1. Petite demoiselle. Qualifie la queue d’un habit. 2. Les fleuves suivent les leurs. Affectation de pruderie. 3. Hurle. Sans gaieté. 4. Précédé de gaz, c’est un carburant. Ils découvrirent le radium. 5. Entrée en matière. 6. Pudique au début. Aperçu approximatif. Particule. 7. Demi-havane. Pronom. Dangereux quand il est juste. 8. Auteur des ‘Faux-Monnayeurs’. A fait la belle. 9. Nom d’une mer. Boit du lait d’ânesse. 10. Ce qu’est le précédent, comme sa mère. Explosif.
L’HUMANITÉ, 24 août 1990
Comme si l’on mentait moins dans sa correspondance que dans ses romans ! (…) regardez aussi comment est fait le nom de Shahabarim (… Les choses de l’au jour le jour n’ont pas de place dans un roman (…) Pourquoi, combien chaque journal qui n’a vie éphémère que du paillasson à la boîte à papiers contient-il d’histoires, ou du moins leur scène finale, quand l’horreur d’une vie tombe dans le domaine public ? Les choses de l’au jour le jour sont le roman, qu’on leur y fasse ou non place, et quelqu’un tue quelqu’un d’autre (…) Une guerre, après tout, ce n’est qu’un bouquet de faits divers. Par exemple… Un roman… Le roman commence où la règle est bafoué, la loi hors du jeu (…) J’ai vécu dans l’insaisissable effroi de l’au jour le jour. Un roman. Tous les romans me font sourire. Ils ne sont écrits qu’avec des trous. Je dirais même que tout leur art tient dans la façon de disposer les trous dans la grille ou la dentelle.
LETTRE à BLANCHE authentique et sans métaphores
Quelle journée. Blanche, quelle journée (…) Je suis là, il est onze heures du soir. Mais cette lettre doit être écrite, je vous l’ai promise et elle me pèse. Je m’assieds devant ma machine à écrire avec un sentiment qui ressemble à de la peur. J’ai peur de la difficulté de ma tâche et de la médiocrité de mes moyens (…) Vous avez bien voulu m’autoriser à vous écrire. J’en profite. Je mets mon espoir moins dans mes possibilités à moi, que dans l’exceptionnel de vos dons à vous… B.
RETOUR L’ARGENT
SANGLANTE NEIGE
TOUJOURS CE-QUE-J’AI-VU
RUINE RETOUR
L’ARGENT SANGLANTE
NEIGE TOUJOURS
RUINE CE-QUE-J’AI-VU
LE PETIT LAROUSSE EN COULEURS VOUS MET EN GARDE
CERTAINS CHAMPIGNONS SONT MORTELS… Une erreur s’est glissée… cette page reproduit une planche de champignons… devant chaque champignon, une pastille… comestible, vénéneux… Dans la légende, ces pastilles ont été inversées… Larousse vous prie de bien vouloir l’excuser. Toute erreur est humaine.
L’HUMANITÉ, 25 août 1990
Car c’est un curieux phénomène de la lecture qu’on trouve naturel de l’auteur qu’il établisse au début du récit certaines données que nul ne songe à lui contester, mais que toute variation de sa part, par la suite, soit considérée comme une erreur ou une étourderie (…) Je la vois bien tout de suite, la paille. Pas dans le discours, mais dans la lecture. Je veux dire, pas pour l’auteur, le locuteur, le je de ce grand langage. Mais dans le je passif, celui à qui ce langage est imposé, le lecteur comme une fille violée. Car on le mène où lui ne veut pas (…) Chaque mot, chaque phrase, chaque page d’un livre ne doivent-ils pas être considérés comme une suite de réponses approchées, insuffisantes, insatisfaisantes, et c’est la raison pour laquelle le lecteur, ou moi du moins considéré comme lecteur, nommé par suite le lecteur, continue à lire. Pour qu’il continue à lire, il faut que ce que j’écris, c’est-à-dire un autre moi, nommé l’auteur, soit perpétuellement l’amorce d’un problème et non de sa solution 5…) Aussi j’entretiens d’un lecteur à l’autre cet esprit d’enfance, qui ne se contente jamais de ce qu’un esprit borné lui répond, j’inaugure une chaîne sans fin de questions, je fais entrer l’infini dans ce qui ne semblait qu’une histoire humaine avec ses pauvres limites (…) Au moins aurais-je rendu ceux qui me lisent à ce principe de toute science, le doute, dont il ne faudrait guère que vous me pressiez bien brutalement pour que je dise qu’il est aussi le principe même de la vie
Blanche, ma lumière, je ne peux plus vous écrire. Je craint de dire l’essentiel, ce qui ne doit pas être dit. B.
SOI-MÊME LIBÉRÉ
CONQUÊTE L’OR-MONTE
ET-L’EMPLOI GUERRE
EN-PANTOUFLES SOI-MÊME
LIBÉRÉ CONQUÊTE
L’OR-MONTE ET-L’EMPLOI
GUERRE EN-PANTOUFLES
(sept cent quatre vingt et unième nuit : J moins 219)
C’est aujourd’hui dimanche Un homme seul. Et secret. On ne connaît de lui que ses livres, au fond. Une sorte étrange de travaux. Des amorces. Des hybrides, recevant de plusieurs systèmes, ans qu’on ait pu les classer dans la suite de telle école ou groupe. Si bien que tout le monde s’en défendait comme d’une chose impure (…) Au fond c’était un dilettante. Une certaine poésie de la linguistique lui tenait lieu de science. Il retenait d’un auteur une expression plus facilement qu’une méthode. Il mariait les incompatibles. C’était par nature un faiseur de compromis, et il n’y a rien qui soit aussi généralement méprisé (…) ce jour-là, si je me souviens bien, il s’était pourtant levé de bonne heure (…) Il avait mal ou peu dormi, tardant pourtant à se lever, comme si dans ce lit trop large, il avait craint d’écarter les draps, d’éveiller d’un geste imprudent le souvenir de Blanche
Mais pour en revenir aux vieux mots d’amour… je crois que l’art est le meilleur et peut-être le seul gardien de l’histoire et que, même si les moyens d’échange entre les êtres humains vont passer du langage à quelque dégagement d’ondes, à des signaux lumineux qui exprimeront avec plus de vérité directe nos sentiments et nos pensées que ne le font les mots, qui les travestissent et les masquent…, je crois que la parure des mots restera le fond nécessaire, l’expression de la vérité plus vraie que la vérité elle-même (…) je plaide la survivance des mots d’amour, Blanche, avec leur force éternelle, dans toute la faible compréhension humaine de ce mot. Je voudrais que vous les emportiez avec vous dans la lune, comme des plantes exotiques qui ensuite embelliront la vie sur cette nouvelle planète humaniste. Être celui qui vous les aura dit le premier… Charles
« LES AMANTS DE L’OMBRE »
sont bien sûr un livre autobiographique. Les parents de l’auteur y portent leur vrai nom. Mais, sauf au début du prologue, elle ne dit jamais ‘je’ ; elle ‘objective’ son personnage ‘Nelly’ en personnage de roman. Tout vibrants qu’ils soient d’une ‘vérité intérieure’, ces souvenirs ont la force de l’imaginaire, l’épaisseur et la densité propres à l’art du roman. C’est le roaman d’une histoire vécue et de notre Histoire, avec un grand H…
Claude Prévost, à propos d’un livre de Jeannette Colombel, L’HUMANITÉ, 27 août 1990
Mais, dites-moi, qu’est-ce que vous faites jamais, tous, qu’employer les mots hors de leur sens ? est-ce très différent d’employer les sens hors de vos mots ? oui, cela m’arrive, j’emploie les mots hors du sens qu vous leur donnez (…) Ecrire, c’est un autre parler, la bataille que je livre pour être un homme et non point, précisément, non point une chose. Je fixe cette idée sur le papier, pas pour moi. Mais parce que j’y viens tout d’un coup d’apercevoir l’explication de Blanche ( …) Ce que je dis m’échappe, alors vous pensez, comprendre autrui. Le problème a cessé d’être se bâtir de façon correcte la formule à demander son chemin, ce n’est plus comme lever poliment son chapeau. Le problème, c’est le poème ou le roman, ça c’est un grand ensemble !
Me voilà dans cette ville où vous n’êtes pas, chère Blanche, avec derrière moi l’éblouissement de notre rencontre (…) je vous remercie de bien vouloir me juger sur ce que j’écris. Vous avez raison contre les autres qui jugent sur la vie… Les gens me quittent tous au moment où ils pourraient entrer dans mon esprit. Il me semble qu’il y a un chemin terrible du cœur jusqu’au cerveau. Peu d’êtres le franchissent. Vous, vous le parcourez, tous les jours… J’étais seul. Je vous attendais. Ecrivez-moi, très longuement, parce que votre lettre est parlée et que je ne me lasse pas de vous écouter. Raymond.
CHOISIR SILENCE
ÉCHAPPÉE BELLE
CHACUN RESPIRE
CRI CHOISIR
SILENCE ÉCHAPPÉE
BELLE CHACUN
RESPIRE CRI
DES TOMBES JUIVES PROFANÉES A ÉVREUX
Plaques funéraires brisées, étoiles de David arrachées et jetées contre terre, excréments répandus sur l’une d’entre elles : c’est la vision de cauchemar que donnaient dimanche matin six des sept tombes de la concession israélite du cimetière de la Madeleine à Evreux (Eure), odieusement saccagées dans la nuit précédente…
L’HUMANITÉ, 28 août 1990Une phrase de STENDHAL, dans Souvenirs d’égotisme, qui m’a toujours hanté : je porte un masque avec plaisir, je changerais de nom avec délice. On n’entend cela que de l’individu Stendhal, on n’ose pas penser que c’est l’homme en Stendhal qui parle ainsi, l’homme conceptuel. Et pourtant. Il ne s’agit pas du fait que Stendhal est fatigué de son physique (ou de son moral), qu’il voudrait à n’importe quel moment recommencer son roman, sa vie comme on dit, être un autre. Je porterais un masque avec plaisir, c’est le secret de celui qui écrit un roman, qui éprouve une profonde jouissance, à se mentir, à être le masque pour autrui, et pour soi-même ce qui est derrière le masque. Il y a quelque cent vingt ans que Stendhal a écrit ça
Le soleil remplaçait la lune, l’or, l’argent, et Justin, réveillé, sortait de bras amoureux, avait sur les lèvres le goût de lèvres et dans tout le corps des échos du plaisir… Dans ce soleil, il ramena pudiquement les couvertures au menton. Voilà qu’il se mettait à avoir des rêves érotiques ! Rien détonnant, tout seul dans cette maison avec ces lettres… (…) Il songea que c’était dimanche (…) C’est à Blanche qu’écrivait l’affreux, le génial, le malpropre, le mystérieux Svengali, et elle brûlait ses lettres, à moins que Justin les retrouvât dans la corbeille, avec les autres. C’est Blanche qui avait les pieds les plus adorables du monde, et des yeux gris, deux planètes jumelles, et des os parfaitement beaux.
SEX INQUIÉTUDE
FEMMES MOTCHOIX SEX
INQUIÉTUDE FEMMES
MOTS QUE-FAIRE
QUE-FAIRE NON
En raison de l’abondance de l’actualité, la chronique littéraire de Claude Prévost est reportée au journal de demain
L’HUMANITÉ, 29 août 1990Quand j’ouvre le journal chaque jour, les faits divers sont les anomalies de la vie humaine. Ils sont inexplicables à celui qui mesure tout aux règles de vivre, à la loi. Ils remettent la loi en cause. Et telle est la naïveté de l’homme qu’il cherche dans une transformation de la loi générale des sociétés la réduction de toutes les anomalies sociales. J’ai été de ces braves gens qui ont cru dur comme fer qu’il suffisait (…) le roman est une science de l’anomalie. L’excellent M. Karl Popper qui disait que les meilleures hypothèses étaient les plus improbables faisait une remarque qui s’applique remarquablement aux romans (…) C’est la vulnérabilité du roman qui nous apprend de la vie ce qui échappe à la règle, ce qui fait le caractère éphémère de toute loi. Le roman, je vous dis, est une science de l’anomalie.
Blanche, ma petite fille, je ne rentre pas. Je t’entends d’ici : » En quoi cela me regarde-t-il ? » Mais ne te fâche pas comme ça ! J’ai simplement toujours cette idée que je dois t’indiquer mes déplacements pour le cas où tu aurais besoin de moi (…) Blanche, je t’ai télégraphié hier et aujourd’hui. Je ne comprends rien, je suis affolé. Comment t’es-tu trouvée aux Champs-Elysées au moment de la manifestation ? Pourquoi les flics t’ont-ils tapé dessus ? (…) Blanche, je suis fou d’inquiétude. Je t’en supplie, télégraphie immédiatement, écris… Es-tu gravement blessée ? (…) Blanche, mon amour, que t’est-il arrivé ? Pierre.
ÂME DANSEUSE
COHÉRENCE BRAS-DE-FER
TEMPS LARMES
TRAVAIL LARMES
DANSEUSES COHÉRENCE
BRAS-DE-FER TEMPS
ÂME TRAVAIL
DANS SON TRAVAIL D’ÉCRIVAIN Simon fait comme lui : il s’efforce de « préserver le miracle du sens » (…) Du reste, on pourrait déjà rassembler l’ensemble des romans de Christian Combaz sous un titre mauriacien –« le désert de l’amour ». Etant bien entendu que c’est l’absence d’amour qui désertifie les existences… Cet écrivain poursuit une tradition éthique et spirituelle illustrée par Mauriac, précisément, par Bernanos, Par Julien Green. C’est une grande tradition du roman français, toujours vivante. Il faut être bien myope pour ne pas lui rendre l’hommage qu’elle mérite.
Claude Prévost, L’HUMANITÉ, 30 août 1990
Je parlais du roman. Et si je puis considérer tel ce manuscrit anormal que je viens de relire, j’y remarque une série d’invraisemblances que, dans un système clos du roman, son auteur chercherait d’abord, à toute force, à réduire. Pour le rendre croyable. Ce qui tiendrait plus de le prestidigitation que de la science. Regardons en face nos anomalies. (…) Parce qu’il (l’auteur) tient, c’est l’évidence, à ce que le lecteur ne le confonde pas avec son personnage (…) et je le soupçonne même d’avoir entrepris ce roman-ci pour en finir avec cet éclairage fixe des romans, qui fait que le premier imbécile venu sait désormais que pour comprendre quelque chose à un roman, pour se montrer intelligent, il lui faut éclairer le personnage de roman avec le personnage de l’auteur, et naturellement attribuer au dit auteur toutes les turpitudes de ses bonshommes, ou bonnes femmes
Il n’y a pas à dire, madame Blanche, cette fois-ci vous êtes allée au-devant des ennuis (…) le sang coulait sur votre robe claire, c’était terrible. Ah, madame Blanche, on s’en ai vu avec vous J’ai rapporté le courrier et je l’ai donné à l’infirmière, je pense que vous l’avez reçu. Je me suis permis d’y ajouter un petit bouquet de violettes. On s’est rencontré par hasard, madame Blanche, dans un panier à salade, mais on ne se laissera pas tomber, pas vrai ? A la vie, à la mort. Jacquot.
A n’y rien comprendre, Blanche ne s’occupait pas de politique (…) De Gaulle ou pas, la Hongrie, l’Algérie, tout cela semblait le cadet de ses soucis… Et la voilà ramassée dans un panier à salade…
LOGIQUE DE-L’AMOUR
OUVRIR L’HOMME
CLAIR SOURCE
DE-LARMES LOGIQUE
DE-L’AMOUR OUVRIR
L’HOMME CLAIR
SOURCE DE-LARMES
GRANDE NOSTALGIE J’habite Minsk, en Biélorussie. Je me prénomme Catherine. Je suis étudiante. J’ai passé mon enfance en France. Je voudrais correspondre avec de jeunes Français. J’aime la lecture, la musique, les voyages, la cuisine et… les chiens D 8.99.7230
L’HUMANITÉ, 31 août 1990
Cela peut passer pour du procédé, et sans doute se trouvera-t-il un critique pour l’excuser, comme une démarche éminemment romanesque. Le malheur est que, moi, je tiens à l’inexcusable, à l’inexplicable dans le contexte donné (…) Je vous dis que pour remettre le roman au point, rien ne servirait d’inventer les réponses aux questions qu’il soulève : c’est le système du monde qu’il faut changer. Ou tout au moins le roman, les lois du roman. Pour commencer (…) Je ne sais ce qui m’avait amené à donner cette forme à ma pensée. Probablement les pages pour antième fois feuilletées de Luna-Park, qui est à mes yeux le type du roman d’anomalies.
Il allait commettre la dernière et la plus grave indiscrétion : un coupe-papier étroit, en métal tranchant, un coupe-papier de Blanche, fendit l’enveloppe (…) Il allait lire la lettre que Blanche écrivait à son mari (…) « … Voyez-vous, mon ami, je commence à penser que trop de santé physique engendre des maladies mentales, et les hommes et les femmes physiquement beaux me sont d’emblée suspects, comme le type sémite l’est pour les antisémites. Ce n’est pas vrai que dans un corps sain, l’âme soit saine… Nous ne sommes pas au paradis, et sans l’innocence, les perfections physiques, le bon fonctionnement de tous les organes mènent à la bestialité. Ne m’objectez pas la cruauté, perfidie et ruse des nabots qui se vengent de leurs tares physiques… ceux-là aussi sont les victimes des autres, des trop bien portants (…) Je vous serre sur mon cœur malade. Et tu sais bien, mon chéri, que tant que je vivrai je te demanderai de chanter. Blanche.
STRATÉGIES COMPTE
DES NUITS A LA DOUZAINE
DANS LE JARDIN DES INFLUENCES
L’EXIGENCE POUR STRATÉGIE
DES COMPTES DE LA NUIT
DOUZE VERS LE JARDIN
SOUS L’INFLUENT DES EXIGENCES
DU CÔTÉ DES FOUS en est la parfaite illustration. Ce reportage est d’ailleurs monté sur la base de courtes séquences qui avaient été diffusées il y a quelques semaines dans le journal télévisé de treize heures. Même s’il ne s’agit pas de la simple juxtaposition de ces séquences, même si une remise en forme a été réalisée, il n’empêche que le rythme, le découpage, sont ceux des ‘news’, où la rapidité, l’accumulation des images et des témoignages, contribuent, au bout du compte, à l’absence d’analyse, donc à la désinformation. Nous l’avons souvent dit dans ces colonnes, l’ »objectivité » journalistique n’existe pas, notamment en ce qui concerne les grands problèmes de société. Ce qui n’exclut évidemment pas que des opinions contradictoires s’expriment. Encore faut-il qu’un fil rouge les relie (c’est le travail de l’auteur) permettant au téléspectateur de se questionner, éventuellement de prendre parti. Du « bombardement » d’images naît l’absence de sens
L’HUMANITÉ, 1er septembre 1990
Ecoute, Blanche. Je me moque bien du reste, des autres, de Marie-Noire, de Philippe M…, de toutes ces inventions, de ce que j’imagine pour je ne sais quelle diversion. Y compris ce travail de maniaque. Ce métier. Ma fureur de lire. Le grand jeu de mots qui aura été ma vie. Ecoute, Blanche. Je te dis, écoute, parce que je sais que tu m’entends, m’entendras pas, jamais. C’est vrai. Tout est vrai. Tout ce que tu me reproches. Tout ce que tu m’as dit parfois. Que tu ne m’as pas redit, cette dernière fois, parce que c’est inutile. Parce que tout est inutile. Est-ce que tu liras ces lignes seulement ? j’ai une lettre de toi. Je l’ai gardée. Je la lis de temps en temps. C’est l’acte d’accusation le plus terrible qu’un homme puisse entendre du banc des criminels
Blanche… puisque tu es Blanche… que la seule intimité entre nous, c’est donc de t’appeler Blanche. Je t’écris un matin, un dimanche matin, tu es très loin, dans quelque lune, dans une de ces lunes où tu t’en vas avec tes petits pieds. Une lune où il y a le téléphone : tu as été tout à l’heure assez gentille pour m’appeler par dessus les frontières cosmiques, tu m’as parlé, tu m’as dit : c’est moi… (…) Et je ne t’ai pas même dit : je t’aime ! Même pas. Pourtant, au téléphone, je pouvais avoir le courage, non ? Ah, je l’ai écrit quand même ! Une fois de plus, ne te fâche pas (…) Si je ne chante plus, si je ne peux plus chanter, c’est que ma femme ne me donne plus l’ordre de le faire…
BLANC CAILLOUX
RÉVEIL DÉRIVE
IMPRÉVISIBLE VÉRITÉ
HOMME BLANC
CAILLOUX RÉVEIL
DÉRIVE IMPRÉVISIBLE
VÉRITÉ HOMME
(sept cent quatre-vingt-huitième nuit : J moins 212)
C’est aujourd’hui dimanche Tu me suis, Blanche ? (…) Est-ce que tu comprends que pour te retrouver, pour t’atteindre, te reprendre, je ne pouvais imaginer rien d’autre que le monde tel qu’il est, le terrible monde réel où je retrouve entrée par le chemin des fables, Luna-Park, ou Hyperion… (…) Ah, que le monde imaginaire aille au diable ! Et d’ailleurs je n’ai aucune responsabilité dans cette histoire, rien, ni l’enfant, ni le meurtre, tout cela, ce sont les journaux qui l’ont inventé, les journaux qui rêvent, l’encre et le sang
Et l’idée que ce fantôme pouvait écrire à Blanche soudain le révolta… Ecrire à Blanche, lui parler amour ! Et les autres ? (…) chacun pouvait s’inventer d’écrire à Blanche… Toute cette bande de fantômes, écrire à blanche de chair et de sang, vivante, réelle… (…) Justin s’assit, tout seul, dans la salle en désordre. Des gens passaient, comme sortant des coulisses du restaurant, sans fard, fatigués, peut-être le cuisinier le plongeur… Paris, c’était étrange, Paris… Un journal traînait sur la banquette, il y avait presque deux mois que Justin n’avait pas lu de journal. Il l’ouvrit, l’étala sur la table. Un gros titre en première page disait :
DEPUIS DIX JOURS SANS NOUVELLES DE BLANCHE HAUTEVILLE
(c’est aujourd’hui dimanche)