VOL QUAND ? juin à septembre 2008

LA VIE QU'ON MÉDITE

« L'enfermement s'abolit » Jacques CAMATTE

On a
On n'a pas
Pas la vie
Pas la vie qu'on mérite

On a, on n'a pas
Pas la vie qu'on hérite
On a la vie qu'on vole
À la vie qu'on nous vole

J'ai fui la vie pluvieuse
La vie plus vieux
La vie plus con
La vie qu'on pense

Pour compenser la vie
Qu'on ne dépense pas
La vie déprise
Qui ne dépasse pas

La vie méprise.
J'ai tout repris,
D'apprendre à prendre
Ce qu'on m'offre

J'ai arraché ma vie
Aux vents mauvais
Et je m'envole
Au vent d'aimer

FoSoBo, 6 septembre 2008, 20h23

*

MÉTÉO
Deux grenouilles tombent dans une jarre de lait. Elle ne peuvent remonter, les bords sont trop glissants... La première, anticipant une mort lente et inéluctable, se laisse couler et se noie. La seconde, devant cette même mort, se débat, remuant bras et jambes, tentant de sauter etc... L'énergie du désespoir... Elle remue tant et si bien qu'à force de battre le lait, elle le change en beurre... Et donc peut prendre appui pour bondir hors de la jarre...
J'ai cassé mon ombrelle
En tapinois
Sans yeux, triste fidèle,
Et meurt se noie
 
La plus belle grenouille
Dans un bouillon de nouilles
À la noix
 
De ne faire son beurre
Quand en est venue l'heure
Et la foi
 
Je cherche le lieu d'elle
Où je suis moi
Sans dieu, à tire d'ailes,
Émeute émoi
FoSoBo, 24-25 juin 2008, 23h56
 
« Le composé émeute (esmote, puis esmuete) vient d'un participe passé exmovita, d'émouvoir (forme non attestée mais reconstituée), devenu un nom, qui signifie émoi puis émeute au sens actuel du mot de soulèvement populaire. L'ancienne forme de meute, muette (attestée au XIIe siècle), a désigné plus tard (1740, dictionnaire de l'Académie) un logis pour les chiens de chasse. Il existe à Paris un château de la Muette qui a donné son nom à un quartier et à une station de métro. On ne confondra pas ce mot avec le féminin de muet, qui vient de mutus, privé de parole. Autres mots de la même famille : mutin, mutinerie, (se) mutiner. » Source, Importance des familles
 

*

DÉCA DITS D'OISEAUX

«... le goût personnel, déjà peu clair, que j'éprouve pour le décasyllabe », Guy DEBORD, à Annie LE BRUN , 5 mai 1993, Correspondance volume 7, p 413

Pie verbeuse défoncée au vers beau
Merle moqueur déguisé en corbeau,

Cachant tes ailes, bruant au désir
D'aller, roseau pensant mâle plaisir,

Pondre tes oeufs de douleur à douleur :
Appelle un aigle ! Un oiseau de couleurs !

(Traversant le miroir aux alouettes,
Tombant le trapèze sans pirouette

Le poète ne vole qu'en voleur 
De lui-même se refourguant son leurre)

FoSoBo, 23 juin 2008, 18h07

*

COMMENT ÇA VA ?

À Bobby LAPOINTE, Revanche

Commun lundi l'un dit...
L'individu divise

La semaine qu'il vise
Au vain de ses non-dits
 
Lundi vide et sans vie
Mardi vide et sans vie
Mercredi et jeudi
Vendredi samedi
 
Dimanche on sort le chien
On s'ennuie à loisir
Bienheureux Parisien
Avide de plaisirs
 
À raconter lundi
En attendant dimanche
Une autre page blanche
À tourner allourdie
 
De l'épreuve du temps
Qui passe sur le corps
Effaçant les vingts ans
Et leur désir d'encores
 
D'encres à l'ancre mûre
Des écrits sur les murs
Où se taisent les cris
Qui attisaient l'esprit
 
Quand on prenait la rue
Dans les bras d'une crue
Qu'on croyait sans limites
Et qu'aujourd'hui imite
 
Sur le trottoir marchand
Le souvenir relique
Acheté en marchant
Assurance tous risques
 
Touriste à temps complet
En vie qui se complaît
À repasser les plats
Sans piment froids et plats
 
Sortis des macro-ondes
Alimentant le monde
Pour mieux tromper sa faim
En attendant la fin
 
Des haricots coco
Du riz blanc et des rouges
Rivé au statu-quo
Tirant sur tout qui bouge
 
Avec des mots qui tuent
Auxquels on s'habitue
Tout passera pardi...
Ça va comme un lundi !
FoSoBo, 23 juin 2008, 13h39

*

AUF ET BING !

Tout a changé tout à changer...
Les casseroles bien rangées
Font leur ding ding à la cuisine,
Le chagrin rend dingue à l'usine,

On y gagne ses sous pour manger
On y perd son temps, managé,
Encodé "sociale machine"
Sur la courbe de son échine,

Valeur d'ennui mis à l'ouvrage
Pour le prix de son esclavage
Et prime en sus pour la fermer...

C'est dur mais ça durera tant
Que les foules n'auront des dents
Pour briser leurs chiens et leurs chaînes

Ailleurs, 20 juin 2008, 18h16

AUF  : Allemand, particule indiquant généralement un mouvement vers le haut. AUF ! = DEBOUT !
AUFHEBUNG : En gros, abolir en conservant, dans la dialectique de HEGEL
AUHEBEN Journal et groupe de théoriciens communistes anglais

« Et quant à ce qu'avaient voulu dire les situationnistes en souhaitant le dépassement de l'art, je ne craindrai pas d'employer des mots célèbres pour rappeler que, dans le concept hégélien d'Aufhebung, dépassé et conservé  " cessent d'être perçus contradictoirement " ». Guy DEBORD, lettre à Annie LE BRUN du 26 septembre 1988, in Correspondance, volume 7

*

LE BONHEUR EN AMONT

L'aboli me parcourt
Sans me prendre de court
Abattant les cloisons
Et le doute en prison

Qui tuait mon espoir
De voir clair dans le noir
Le secret dont hérite
Un coeur qui va si vite

D'une belle étrangère
À la robe légère
Au plaisir sans attente

Autant que faire peut
Autant que dure peu
Le temps d'être vivant
FoSoBo, 19 juin 2008, 22h48

LA TUMEUR EN AVAL

La folie suit son court
Coule en lui sans secours
Mais il boit sans raison
Les gouttes du poison

Qui tueront tout espoir
De percer dans le noir
Le secret qui habite
Un coeur qui bat trop vite

Dans sa chair étrangère
Qu'une descente allège
Du poids d'être vivante

Autant que faire peut
Autant que dure peu
Le temps mis hors d'attente

Ailleurs, 19 juin 2008, 15h28

> Sonnets

*

DÉCOUPLAGE

Homme qui n'est qu'un homme
Femme qui n'est que femme
Couple sans lendemain
Vous n'êtes pas mon genre

Trop d'ici sans issue
Trop de manque du même
Trop passable passé
Pour un futur lassant

Dans ces murs divisés
À régner dans l'arène,
Gladiateurs épuisés
De leurs ardeurs si vaines

Qu'ils n'y croient même plus,
Perdus dans leurs rébus,
Médaillant leurs blessures
Par besoin de blé, sûrs

D'y revenir en grand,
En rentrant dans la ronde
Comme on dit dans le rang,
Pour valser hors du monde

Tel qu'il va, sans histoire,
Danser sur leurs déboires,
Tourner sans queue ni tête
Pour fêter leur défaite

En priant la victoire
De venir en chantant
« Vive le désespoir ! »,
Toujours jamais contents,

Usés de mots rusés,
Fiers comme anciens soldats
Vaincus, crânes rasés
Dedans, par leurs dadas,

Sur des chants de soudards
Payés dessous, de l'art
De paraître pour soi,
D'en avoir l'air, la foi,

Sabres et goupillons
De cette âme indivise
Dont ils font religion,
En fantasmes divins,

D'être deux seuls pour tous,
N'étant seul à seul fous
Que d'un « nous » hors du temps,
Mort-vivant à trente ans.

FoSoBo, 17 juin 2008, 18h52

*

S'WORDS

    Endimanché dandy manchot
    Du lundi mentant show
    Au mercredi chômé
    Le sang chaud désormais 

    Loin des mais, des mémés, 
    Des toutous, des momies,
    De jeunesse endormie
    D'infâme effet minée,

    Loin des contaminés,
    De leurs contes vomis
    Au bord de la fadaise

    Quand rouges sur la braise
    Du faire les épées
    Tranchent nos destinées

    FoSoBo, 15 juin 2008, 18h07

    > Sonnets 

*

    DÉ-TERMINÉ

    « Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu » Bertolt BRECHT

    Le sol dérobé sans critère,
    Le sol retrouvé dans mes cordes,
    L'ennui repoussé, délétère,
    D’un rêve éthéré en discorde

    Limite. Vif du mort à saisir
    Pour en sortir, pas de quartier
    À la normose, à son délire,
    Aucune place de concorde,

    Plus d’issue que choisir, sans pitié,
    Sans répit, sans repos, sans loisir,
    Sans larmes, l'arme de l'amitié

    Contre le vent mauvais porteur de vains espoirs
    Où se mêle au mentir-faux l’aplomb
    De l'intime aux semelles de plomb. 

    FoSoBo, 15 juin 2008, 16h18

    > Sonnets

*

    DÉS HANDY CAP'

    Valse blues, à Brownie MacGhee et Sonny Terry, le polio guitariste et l'aveugle à l'harmonica

    Nous sommes tous des handicapés
    À quêter l'accessibilité 
    Sans savoir comment nous garder cap 
    D'aller loin vivre sans noeuds ni papes 

    On a cru et parlé et crié...
    On a rien su que faire et prier...
    On a rêvé valser Rue de Lappe...
    Le passé fait de nous sa retape 

    Sur les trottoirs de vente aux gens chers
    Prix coûtant, découpés, dés pipés  
    Du marché quand on marche à ses pieds


    Sans danser la pensée d'en sortir 
    Un jour dur de l'urgence à construire  
    Sur la ruine détruite du monde 

    FoSoBo, 11 juin 2008, 20h14

    > Sonnets 

    *

    MON PROBLÈME

    Contre Arthur Rimbaud, Ma bohème

    Je m'en irai, point hors de la poche crevée;
    Mes amis me seront devenus d'idées all, 
    L'assaut du ciel amuse, et j'étais si banal;
    Ah ! là ! là ! Que de moeurs libérées je vivrai ! 

    Ma tunique parlotte et je fais dans mon froc,
    Happy poussé d'hardeur, je décroche mes bourses
    Des crimes. Ça gamberge en attendant
     la frousse.
    Sur la toile idéelle avec rêve flou-floc

    Et que j'écouterai, debout fort sur la route 
    De l'espoir d'entreprendre et de sauter le doute,
    Ce rouge sous mon front, contre une vaine peur; 


    Où, mariant mille lieux au nombre des uniques,
    Commun des livres, je chanterai la musique
    De nos soupirs pressée, nos mains armant nos coeurs !

    FoSoBo, 11 juin 2008, 17h08

    > Sonnets

    *

    DÉ-STRESSÉ

    « Il faut s'endurcir, sans jamais se départir de sa tendresse » Ernesto CHE GUEVARA

    Ô fils ténus de nos dé-tresses
    Retissez-nous de nos tendresses
    La toile à l'horizon plus doux
    Que l'enfer sur l'écran du temps fou

    Quand le vent tombe de l'histoire,
    Au désert mouvant d'illusoire,
    Oasis mou, conforts assis
    Sur les vains cultes avachis

    De la défaite sans promesse
    - Pieux combats, fausses victoires
    Aux fins à jamais transitoires -

    De vaincre la meute des loups 
    Par l'émeute à toutes nos faims :
    Brûle, volcan de nos parfums !

    FoSoBo, 11 juin 2008, 13h12

    > Sonnets

    * 

    DÉ-NOUS MENT

    « Quant à l'antinomie de l'art et de l'amour, elle n'est sans doute qu'un cas particulier d'une antinomie universelle. Si on veut faire les choses profondément, on ne peut à la fois - par exemple, en ce qui me concerne - créer, se cultiver, chasser l'aventure, chasser la gloire, et aimer : il y a toujours une de ces activités qui est trahie. » H. de Montherlant, Les lépreuses.

    Le verrou a sauté
    D'une vie ligotée
    Par les chaînes du leurre
    Guettant un faux bonheur

    Dans le miroir sans tain
    Aux illusions sans fins
    Où se perd le regard
    Intérieur sur le fard

    Sans balise à ses faims
    Qu'un trop maigre festin
    Au menu sans cuisine
    Où l'art naît en gésine

    De s'y donner entier
    Et pas aux beaux quartiers
    De l'ennui du dimanche
    Sans retrousser les manches.

    *

    La vision se déploie
    Quand la pensée rencontre
    La vérité des lois
    Qui viennent à l'encontre,

    En affrontant l'enfer
    Sans le fuire pour faire
    Son beurre de son culte
    Sur les plateaux incultes

    Où s'étale en tartine
    L'amère confiture
    Ou le miel qu'on butine
    Sans soigner les boutures,

    Vite cueillant les fleurs
    De la facilité
    En habile frimeur
    Qui ne sait que planter

    Ses graines desséchées
    Dans un jardin d'ailleurs
    Sans veiller à bêcher
    Le sien pour le meilleur,

    À créer de ses mains
    Sans remettre à demain
    Et à d’autres que soi
    La pari de sa foi.

    FoSoBo, 8 juin 2008, 13h03

    *

TRISTE

Triste savoir, triste sapience
Triste ruine sans âme
Triste look reluqué
Triste loup refourgué

Triste show d'effroi d'être
Triste clown à paraître
Triste clône gaieté
Tristes enfants gâtés

Triste vie contestée
Triste sans, triste avec
Triste et sec, triste en bec
Triste bon, triste conne

Triste giron de bonne
Triste con qui se donne
Triste amour sans amour
Triste en l'absence

Triste en vacance
Triste rien
Triste tout
Triste madame et son toutou

Triste monsieur de ça ma femme
Triste femme au lit sans cieux
Triste molle, triste mâle
Triste bien, triste mal,

Bof...

FoSoBo, 7 juin 2008, 23h56

*

ÇA SERT D'OS

La jeunesse t'agace, limace.
Sa bêtise te lasse ? Tout passe.

Son vide est un supplice ? Narcisse.
Son silence en abysse ? Factice.

Laisse rouler carosse, précoce,
Loin de Fée Carabosse, et bosse !

Le malheur à la baisse, que fait-ce ?
Foin de la petitesse : hardiesse !

FoSoBo, 7 juin 2008, 12h49

*

DÉ-LIMITÉ

Généralement, un arbre ayant du lierre meurt entre 50 et 100 ans. Cela laisse généralement le temps à l'arbre pour semer d'autres graines qui auront germé.

Ce que tu perçois qu'il ne peut saisir,
Dis-le sans espoir que le sourd l'entende.
Qui se défend déformant à plaisir
Ne vaut pa
s la main que tu lui tendes.

Qui s'arrange à saisir de travers,
Prends garde au flou de ses raisons,
Changeantes cent fois la saison
Sur son trapèze de pervers.

Qui s'oblige à tout justifier 
Tombera se prenant les pieds,
Du haut discours contradictoire,
Qu'il revendique péremptoire,

Au bas de ses capacités,
Principe de réalité.

Ailleurs, 3 juin 2008, 14h02 - FoSobo, 7 juin, 13h30 

> Sonnets 

*

DÉS-ENFERMÉS

« Pareil à ces bêtes que la claustration et l'idée fixe ont rendues névropathes, Costales, enfermé dans cette cage qu'est un amour qu'il n'éprouve pas, balance d'un côté puis de l'autre » H. de Montherlant, Le démon du bien.

L'enfer me ment si ce n'est moi
Qui jette ses dés au hasard
Geste concédé à l'émoi
Jusqu'à y bazarder ses arts

L'enfermement si ce n'est toi
C'est donc un ami sans César
Ton frère ou ta soeur qui nettoie
D'un coup de torchon en blizzard

Lent ferment de belle amitié
Bradée pour de justes querelles
En purs chagrins et sans pitié

M'enferre. Qu'en faire ? Qu'en taire ?
Ont raison de toi, son coeur, elle... 
À l'étroit dans ses rêves sans terre.

FoSoBo, 2 juin 2008, 12h04 - 8 juin 15h37 - 13 juin 17h17

*

DÉ-COLLAGE(S)

Je suis l'avion de mes désirs  
Prisonniers de son fuselage 
Sur une piste qu'use l'âge  
Et tournent court de vains loisirs.  

Je suis champion pour obscurcir
Les horizons d'un décalage
Entre collage et décollage
Sous un ciel que je vois noircir.  

J'ai la passion du bavardage,
Mais ne fais rien que saisir  
Ce qui se joue à déjouer  

Les enjeux de ce cafouillage,
Comme si je nouais à plaisir
Les fils dont nous est (s)tressé.

FoSoBo, 2 juin 2008, 2h05-20h50

> Sonnets

IndexDEBORD Guy ; GUEVARA Ernesto CHE ; HEGEL Friedrich (philosophe) ; LAPOINTE (Bobby) ; LE BRUN Annie ; MONTHERLANT Henri de (écrivain) ; RIMBAUD Arthur (poète)
PLAN DU SITE INDEX