Avant-propos

Il existe aujourd’hui une importante littérature sur le jazz : pour ceux qui veulent s’initier comme pour les aficionados. Parmi les livres en français, certains présentent, commentent ou évaluent l’histoire du jazz.

Ce n’est pas le cas de cet essai.

Plus de 600 citations et 300 musiciens de toutes époques et de tous styles peuvent parfaitement accompagner une découverte ou un approfondissement de cette musique, en donner une image plus substancielle que descriptive. L’écoute, pour commencer et en dernière analyse, est primordiale. La partie centrale du livre, la plus importante, peut donc se lire comme un recueil thématique de propos de musiciens de jazz, indépendamment du discours qu’elles sous-tendent. Deux index (chronologique et alphabétique) permettent de retrouver dans le texte les artistes cités.

Toutefois, dans la mesure où j’aborde dans cet ouvrage des Toutefois, dans la mesure où j'aborde dans cet ouvrage des problèmes relatifs à l’art dans le champ politique, au politique dans les jazz, et à la critique, mettant certains de ses fondements en cause, ces aspects intéresseront d’abord ceux qui y portent un intérêt.

Le dictionnaire collectif dirigé par Philippe CARLES, André CLERGEAT, et Jean-Louis COMOLLI (Laffont, coll. Bouquins, 1988, réédité depuis) véritable bréviaire de l’amateur français - avec ses entrées par musiciens, instruments, styles, mots du jargon...- permettra au lecteur néophite de situer les musiciens cités dans l’histoire du jazz.

La bibliographie donne aussi quelques pistes. Je recommande les ouvrages marqués * ou **.

Dans l’ensemble, ce livre doit être pris comme un tout : une lecture en va-et-vient pourra renforcer cette perception. J’invite le lecteur à chausser des lunettes métaphoriques, afin de faire surgir, pour les valider ou non, ensemble ou alternativement, les idées musicales, artistiques, éthiques ou politiques : en quoi, par exemple, la conduite du jazzman dans le groupe peut inspirer des comportements féconds dans la vie personnelle, professionnelle, ou citoyenne ; en quoi un musicien est-il inspiré par sa propre vie et par son temps ? ...

Notons pour en sourire que les patrons y ont pensé : un livre, inspiré par le jazz, est paru aux Etats-Unis concernant le management d’entreprise. Chacun ses rêves !

Une troisième partie est constituée d’annexes. Elle présente, en contrepoint de la première, des développements complémentaires, sous forme de synthèses, d’éclairages théoriques ou de références documentaires, des réflexions plus politiques.

Ces textes portent sur des points qui ne concernent pas explicitement le jazz. Ils n’ont pas été inclus dans la première partie pour en simplifier la lecture et en faire ressortir la cohérence. Ils peuvent toutefois en faciliter la compréhension ou lui fournir des arguments. Les thèmes abordés sont autant d’invitations à poursuivre la réflexion ou approfondir un sujet, avec de multiples pistes possibles : les questions de l’art ou de la critique, le rapport esthétique/société, les perspectives politiques dans la mondialisation etc

Ce livre est écrit par un amateur, sans aucune relation dans les milieux spécialisés du jazz, pas plus qu’à l’Université, où je n’ai jamais mis les pieds. Je revendique cette position, d’où je m’exprime. J’en assume les limites.

Il est clair que l’éthique ne se peut exprimer. L’éthique est transcendentale.

(Ethique et esthétique sont un)

Ludwig WITTGENSTEIN, (1889-1951), Tractatus logico-philosophicus, 1919

 

Que tombent tous les baillons du monde ! !

Bernard DADIÉ (1916), Ecrivain et homme politique (Côte-d’Ivoire),

Hommes de tous les continents, 1967

 

J’ai d’étranges amis
Un Juif, un Berbère, un Hottentot
Un Arabe, un Indien, un Zoulou
Un métis de je ne sais qui 
D’on ne sait où

Ils trouvent
Je ne sais comment
A s’entendre sur des mots graves
En s’esclaffant
J’ai des amis étranges
N’est-ce pas ?

Malick FALL (1920-1978), poète du Sénégal, L’Equipe, Reliefs, 1964

 

Dans le langage de la contradiction, la critique de la culture se présente unifiée : en tant qu’elle domine le tout de la culture - sa connaissance comme sa poésie - et en tant qu’elle ne se sépare plus de la critique de la totalité sociale. C’est cette critique théorique unifiée qui va seule à la rencontre de la pratique sociale unifiée.

Guy DEBORD, La Société du Spectacle, 1967, Thèse 211

 

... le jazz n’a pas fini de nous apprendre notre rôle d’homme.

Alain GERBER, le jazz et la pensée de notre temps, CdJ 1966, p. 46

 

... la musique de jazz noue des territoires existenciels (...) c’est une territoire transversal, un signe de reconnaissance, d’appartenance existencielle à un certain type de subjectivisation qui traverse (...)... cette question est en plein dans le travail qu’on essaye de discuter ici. Pour simplifier le problème que nous nous posons depuis des années autour de nos thématiques de « chimères », de schizoanalyses, c’est le passage d’un paradigme technico-scientifique (plutôt technocratico-positiviste) vers un paradigme éthico-esthétique. (...)Resingularisation, en conséquence, de la lecture et de la pratique artistique et des types de responsabilité impliqués par cette création. Celle-ci ne met jamais en jeu seulement une situation locale, techniquement bien discernée, mais une intervention engage une certaine création ex nihilo, une certaine gratuité ; et... du même coup engage des conséquences, dans toutes sortes d’autres domaines. C’est, ici, sa dimension éthico-politique.

Félix GUATTARI, Création extemporanéité ou instantanée (Maugendre Sém. janv. 1987)

 

Ils sont le sel de la Diversité. Ils ont dépassé les limites et les frontières, ils mélangent les langages, ils déménagent les langues, ils transbahutent, ils tombent dans la folie du monde, on les refoule et les exclut de la puissance du Territoire mais, ils sont la terre elle-même, ils vont au-devant de nous, ils voient, loin devant, ce point fixe qu’il faudra dépasser une fois encore.

Edouard GLISSANT, écrivain, Tout-Monde, 1993, Gallimard

 

En un temps où la liberté, si chèrement acquise par le passé, est tant décriée, et où pointe insidieusement la nostalgie des certitudes anciennes, ce qui manque, ce n’est pas... l’ « émancipation » ni l’autonomie. Seul fait défaut le « projet » lui-même, à la fois esthétique et politique.

Marc JIMENEZ, La critique/ Crise de l’art ou consensus culturel ? 1995, p. 156

 

Il y a une nécessité et une urgence de la poétique, par la nécessité et l’urgence de l’éthique et du politique en elle. Et l’éthique et le politique, selon qu’ils sont ensemble dans la poétique, ou non, c’est toute la différence, pour faire un sujet. La nécessité, ou la futilité, d’une oeuvre, ou d’une pensée. Inventer la modernité, l’historicité. Le travail en littérature. Quand elle s’invente. Sans quoi elle ajoute seulement, aux jeux de sociétés.

Henri MESCHONNIC, Politique du Rythme / politique du sujet, 1995, p.16

IndexCARLES Philippe (critique jazz) ; CLERGEAT Philippe (critique jazz) ; COMOLLI Jean-Louis (critique jazz) ; DADIÉ Bernard (écrivain, politique) ; DEBORD Guy ; FALL Malick (poète, Sénégal) ; GERBER Alain (écrivain, critique jazz) ; GLISSANT Edouard (philosophe, écrivain) ; GUATTARI Félix ; JIMENEZ Marc (esthétique, critique) ; MESCHONNIC Henri (poète, théorie du langage) ; WITTGENSTEIN Ludwig (philosophe, mathématicien)
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