VIII 14 À TOUTES FAIMS, août à novembre 2006

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DÉMOCRATIE

On ne remet jamais les compteurs à zéro
la pendule est à l'heure où le cocu déchante   
quand la poule coquette emballe un maquereau 
ou pis, roupie, s'enroue en groupie qui déjante 

La gente militant court dans la basse cour
dont la haute est hantée bien qu'entrée sans sonner
les cloches dingues, donc, entre dogme et discours
où leurs rêves sont morts quand les leurres sont nés

Va savoir ce qui est plus bouché des oreilles 
ou des urnes bourrées aux cendres d'immolés
au pouvoir, au boulot, et tant d'autres merveilles 

Va savoir va savoir qui ne l'a pas violée
avant de croire en elle après demain la veille...

Veaux, cocochons, poulets, noyez-vous sans secours !

RER A, 9 novembre, 20h23

> SANS SONNET PAS DE RÉPIS 197?-2006

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NON-STOP AU POINT D'ORGUE

A Cécile,

« le chemin des peintres est droit et courbe » Héraclite

la vie outre mesure
au point d'orgue reprend son souffle  
fait son plein à la pompe
des sens

l'élan se brise contre : !
un ciel trop bas, s'enlise en
cette tourbe humaine..........................

la vie se courbe en sac 
contre la montre : @
Sans haine,
la mettre à sac 

Vivre contre
contre dans
ce ressac

FoSoBo, 6 novembre 2006, 22h48

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LA CAGE AUX PLOUCS (1)

En cadre fonctionné
il ne manque pas d'air
il est congestionné,
le fonctionnaire.

De son état content
allié né de l'Etat il éteint
le peuple en commissaire :
ponctionné.

Il est plouc émissaire
de natation entre deux boues
et délation : gestion, ration.

Bouquet se sert de la nation
et sent les couches qui font sa lie
de nos misères. Jamais debout.

Fosobo, 28 octobre, 16h18  

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IL Y A (2)

Il y a la beauté sur un fil
et l'homme funambule

Mon ciel est rouge
comme un désir
de lèvres vertes
de lettre ouverte
et d'être à lire
comme un printemps

Entre l'ire et la lyre
entre le litre et la bouteille
à moitié débordant l'océan de misères

L'amer allé avec l'ivresse
la beauté éternelle a fait ce soir l'amour
avec un soleil noir comme un blues

En attendant le 301, jeune et à jeun, 24 oct. 19h42

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IL Y A (1)

Il y a
d'ici à                     là
l'épaisseur du regard
sur la clarté des choses

Des tonnes de mots nomment
pour un oui, sous un nom.

L'ouïe atone assourdie
sous sa pluie de canons,
l'homme croit ce qu'il dit
mais n'entend pas ses causes,
qu'il marque au pas,             hagard

Défilant au hasard
d'une vie sur-volée
dont il s'est défilé

RER A, 24 octobre, 19h33

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LARD DE LA PRUDENCE

Mutisme
autisme
mamelles
se mêlent

Sur l'isthme
aux ismes
d'i-mails
comme elles :

Prudence
latence
paresse

Jactance
urgence
ivresse

Ailleurs, 3 octobre, 17h44

*

WORDS, WORDS, WORDS ! WHAT THE MATTER ?
Monstres, terrassez-
vous ! Hauts et courts impensés
au corps accord du verbe

et de l'esprit sans verge

Remâcher l'impuissance
en papier de vengeance
et puis, repus, rotez ! Nourrissez
notre langue de vous taire assez

Le lard de l'impudence
a pris l'homme de court
suspendu à ses mots

le savoir tue l'intelligence,
longueur d'avance, il court
vite où les morts enterrent les vivants
Ailleurs, 29 septembre, 12h58

*

FAIRE LE MÛR

Ce mur est soutenu de tonnes de poussière
au béton pas d'oreille et seul l'écho s'y ment
d'un soleil refroidi sans brûler le ciment
sa foi vendue cent fois le prix de ses prières

Nous étions seuls au bord chacun venu d'hier
à braver des demains au nom de ce moment
qui dresse son phallus en plus haut monument
église de papier sur sa dernière pierre

Ils ont gravé des mots alignant leurs mensonges
dans les croassements à l'ombre des tombeaux,
brisant l'envie du bec, ces avides corbeaux

Alors voler plus haut d'un zèle encor plus beau
et des serres creuser la source la plus dure
enfin, l'esprit en sang, plonger aux sens impurs

Ailleurs, 26 septembre, 16h09

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COMMUN LUNDI

Ça va comme l'un dit
l'autre le même ne va pas

Ça va ça vient cahin caha
l'un dit « ça passera »
et l'autre est dans l'impasse

L'un l'autre casse
comme un lundi

Fosobo, 15 septembre, 0h52

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J'AI FAIT UN RÊVE

La nuit dernière j'ai fait un rêve. Un « grand rêve ». Un expert en inconscient dit que de tels rêves, on en produit seulement quelques-uns au cours d'une vie.

Dans un précédent de ce genre, j'étais un enfant noir. Avec d'autres, je m'évadais d'un camp en creusant une tranchée sous le grillage de la clôture. Au bout d'une suite de tracas, nous parvenions au bord d'une mer rouge, pour nous engager tous ensemble sur un pont suspendu menant aux infinis radieux. Ce fut en somme mon rêve le plus proche de Martin Luther King.

Pour l'avoir expérimenté, je crois dur comme fer au rêve comme ouvrant « la voie royale » de la psycho-analyse. Sur ce point Freud ne s'est pas trompé. À l'usage, le rêve constitue même un excellent matériau pour l'auto-analyse. Comme la lutte pour la théorie communiste.

La nuit dernière, j'étais en compagnie du bâteleur oeuvrier Bernard Lubat : un bonheur ! De malheur je ne lui souhaite pas. Car c'est en effet au lendemain d'un autre de ces rêves si rares, cette fois-là avec Dizzy Gillespie, que celui-ci était mort. Alors que je rentrais de classe, Dizzy, après avoir rangé sa trompette coudée dans une sacoche de mon vélo Solex, m'avait sifflé une ligne de basses pour Anthropology, un thème de sa composition, tout en m'accompagnant jusque chez moi. Au réveil, je m'en souvenais encore note pour note, ce qui ne m'était jamais arrivé jouant de la contrebasse*.

Dans ce rêve-ci donc, Bernard Lubat, pour qui la musique n'est pas une marchandise, en tenait boutique : méthodes, partitions, disques... Ce n'était qu'un rêve et donc qu'une image, une métaphore, mais de quoi ? Certes, les rêves ne font pas de politique et, si celle-ci est une marchandise, ce n'est qu'idéologique pour l'inconscient social, de plus gratuite, le comble pour une marchandise ! Par exemple, quand on va voter, c'est une certaine dépense de force de travail, cela prend un certain temps, ni payé, ni payant en fin de conte. Mais il n'était pas au programme de mon rêve de savoir que Lubat jouait à la fête de l'Huma, ni combien de temps, ni pour combien d'euros, ni pour combien d'heureuses gens sincères.

Cela dit, je n'avais jamais autant rigolé dans un rêve. Parmi les clients de la boutique de Lubat, se tenaient aussi le Prophète (celui de Gibran), et le prédicateur (celui de Nietzsche). [ici trou de mémoire]. Notre modeste bande de quatre a entrepris de tout déranger, chambouler, et de virer tous les produits des étagères pour les jeter en tas au milieu du magasin de musique. Ensuite nous avons dansé une ronde mécréante autour, chanté à tue-tête des jeux de mots beaux, en adressant grimaces, pieds de nez et contrepetteries insultantes à ces si détestées marchandises musicales. Nous inventions toutes sortes de constructions verbalo-verbeuses inouïes, mêlant divers idiômes, passant d'un patois nippo-auvergnat à un verlan négro-hongrois, pour enfin aboutir à un sabir arabo-beur. Puis nous avons parlé, parlé, parlé jusqu'aux aurores. Ainsi parlé tard à tout c'tas.

A l'aube épuisés, nous mettions le feu à la musique démarchandisée, avec un grand tsoin-tsoin, baissions le rideau et, nous retrouvant à la pointe du jour dans la rue, la descendions en poussant nos beuglantes rimées en toutes langues du monde impossibles.

Arrivés à un carrefour, Lubat laissa tomber devant moi un billet de vingt dollars. Je me baissai pour le ramasser et lui tendre. Il me l'arracha des doigts.

C'est alors que je me réveillais, tordu de douleur par une carie qu'avait ravivée l'incendie.

RER A, 14 septembre 2006, 6h46

* Connaître par coeur une ligne de basse donnée est inutile, la grille harmonique pour l'improviser, indispensable.

** Titre d'entretiens avec Guy Caunègre en 2001

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LA PLUIE L'AMOUR LA MORT

à Fadia

Qu'il pleuve
qu'il pleuve tout court
ou tous courroux qu'il pleuve
des bombes

Un homme attend toujours
une femme après l'heure

Mais il est en retard  
il a trop plu
elle pleure

RER A, 11 août 2006, 22h48

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