VIII 10 T'AIRE D'ACCUEIL, août-septembre 2005

*

TAKE THE "A" TRAIN, MUST YOU ?
(à lire en écoutant la musique : à Duke ELLINGTON et Billy STRAYHORN)
Loin très loin trop loin si proche ou pas assez
ce qu'il y a est sans détour
sans retour au passé
Ce qui est là est là
Compensé d'inutiles sentances
concentré de virile intendance
condensé de futile abondance
bondé comme en ce train la foule
à voix unique aspirant à l'emploi
et refoulant l'exploit
station debout tabou
Ce qui est là hélas
Ceux qui sont là à bout
vont seuls comme à vélo
en auto-immobiles
sans garde-boue
sans garde-fou
sans avant-goût
de ce qui n'est pas là
Ce qui est là est las
Le feu aux fesses
la détresse au derrière
et partout des garde-barrières
des avant-gardes de fourrières
des frontières d'avant-hier
la frenchie limite en ses mythes
d'identité identitaire
Ce qui est là et lasse
Avec son mâle dedans
le sexe entre les dents
creusées d'E majuscules
qui ne crèveront pas les abcès qu'émascule
la Gueuse

Avec sa race dedans
et ses papiers en culte
cette geste indigène en transe sans génie
transpirant la séparation
broyant son blanc noyant son noir
dans un blues faux comme un cantique usé
d'hombre porté sur son humain nombril
Ce qui est là holà
Renaître par l'autre vaincu
et par soi-même convaincu
en premier de la classe
pour en avoir ou pas
Ce qui s'en va s'en va
On pleurera mais ça ira
on sentira quand ça ira
on s'en tirera sans canons
ni trompe-êtres l'on chantera
Cuba no be coups bas non (bof !)
Ah ça ira on s'en rira
ce qui ira sans restera

Ce qui est là est là

RER A, 20 septembre, 19h33
* la Gueuse : la République
You must take the "A" train
To go to Sugar Hill way up in Harlem
If you miss the "A" train
You'll find you missed the quickest way to Harlem
Hurry, get on, now it's coming
Listen to those rails a-thrumming
All aboard, get on the "A" train
Soon you will be on Sugar Hill in Harlem

*

UN PETIT GRAIN

Levé au vent qui pousse aux fesses
va le petit grain à vau l'eau
ni bon ni mauvais quand l'ivresse
au rendez-vous offre son lot

D'une folie en diligence
qui roule pour lui son destin
de faux passager clandestin

Il va sans passer par confesse
en enfer sans dame nation
par instinct de conservation

Il se surprend en dissidence
comme d'autres vont au boulot
mais ne fait pas de résistance
pour jouer ad lib en solo

RER A, 19 septembre, 8h17

*

DEMAIN LA VIEILLE

(à la vieille taupe*)

Sous les mots et merveilles
on nous creuse à tâtons
un tunnel en béton
où dort la taupe vieille

Forts d'un dit sourd sommeil
des fins en politique
ont recyclé ses tics

Mais passent aux aveux
dans le silence au creux
de policés discours

Ah ! que sourde le cours
de ce lourd feuilleton
d'avant hier la veille
Attention au réveil !

RER A, 16 septembre, 8h35

* "Bien creusé, vieille taupe", où Marx (18 brumaire...) détourne Shakespeare (Hamlet, acte 1, scène 5 : Well said, old mole ! Canst work i' the earth so fast? A worthy pioner ! - Once more remove, good friends.)

*

UN DERNIER VERS

Rouge impair perd vers pépère

L'esprit de parti partout
fait l'orgasme d'orgas membrées
d'individus médiatement asociaux

Rouge impair perd vers pépère

Allez les gars collatéraux
sans intérêt passants au net
vous prendrez bien une bal dans le dos

Rouge impair perd vers pépère

Un dernier vers pour la déroute ?
un doigt d'eau glacée dans le culte égotiste ?
un geste de six tronches ?

Rouge impair perd vers pépère

Ailleurs, 14 septembre, 11h05

bal : boîte à lettre de messagerie électronique

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DE GLAS POTINS EN CLAPOTIS

Une larme d'enfance
une seule
sans sel
a renversé la mer des normes

Sous la digue un barbu barbote

Une pluie de démences
linceul
d'un ciel
en cadences d'indignes formes

Où l'on se ligue on se ligote

Nous n'irons plus au bois
danser la gigue dans la grotte
sur l'intrigue ravie des bigotes

Briguant un sort d'aucune sorte

Nous ferons le tour des gargotes
dormant dans l'ivresse d'un grain
amis réveillés sans migraines
d'un cauchemar vieil uniglotte

Ainsi vide un seau de vie sotte
sa dose maso d'eau de chiotte

Ailleurs, 13 septembre, 18h07

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JE SUIS STALINIEN / roman

Depuis que j'ai laissé l'exploitation aux exploiteurs, le travail aux travailleurs, la politique aux militants, la théorie aux théoriciens, la révolution aux révolutionnaires, et la poésie aux poètes, je n'ai plus rien à faire.

Ainsi "la vie est redevenue plus heureuse" (Staline, 1936).

Ailleurs, 12 septembre 2005

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D'OÙ L'ABUS DE BOUE ?

(Lettre fermée)

Quand des intellos
croient marcher sur l'eau
en leurs gros sabots
de procès verbaux

Ya pas de miracle
mais de vrais obstacles
aux pieds du spectacle
des petits cénacles

On n'est pas de bois
et qui veut ne flotte
pas en langue morte

En baissant culotte
debout dans les bottes
d'abbesse aux abois
FoSoBo, 11 septembre, 15h55
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DÉGÂT DES GATTES
(à ma grand-mère)
Jonglerie dérisoire
mot à maux goutte à goutte
verbose en perfusion
poison d'entre doux doutes

Diantre deux os squelette
en solde cherchant chair
sans canon ni trompette
morose à bouche noire

Fichtre queue de sagesse
en tir bouché mutique
en avant, ma muse, hic !

Noyée dans un vers beau
de garce patronnesse
prenant pied à confesse
RER A, 5 septembre, 18h16
 
Mutique (zoologie, botanique) - Cette expression s'applique à tout organe qui n'est terminé ni par une arête ni par une pointe. Elle est opposée à celles de aristé, mucroné; acuminé. On l'emploie surtout en botanique.

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COMMUN MANCHE

(à Stan)

Commun lundi,
j'en ai marre dis,
l'amer crédit
de l'enjeu dit :
me vendre dix
fois
, ça me dit
rien. Ferme et dis :
manche !

Ailleurs, 5 septembre, 12h04

*

WALTZ TRIP

Au bal des incertains
la musique est atone
et le bruit opportun

D'un silence en aplomb l'écrit leste

Au club coton sur thèses
un fou danse à tâtons
sur des pieds qui se taisent

Sans paroles dehors le cri reste

Haut vent porte matin
un air pesant qui tonne
en un cratère éteint

Ton chant s'étrangle qu'un mot empeste

Rage qu'un rien détone
à l'eau tombé du bain
ton bébé plaint l'automne

Un coeur qui mord dérange la sieste

Ailleurs, 5 septembre, 11h41

*

HORS RAGE
(poème de contre-bande)
Sur l'ardoise d'hiers emportés
la colère effacée par la rage
en nuée de notes sans portée
ni partie pour diriger l'orage

Déchaîné par les moins empotés
fracassant de leur rêve la cage
où crève si tôt née cécité
leur ardeur échangée pour l'usage

En valeur attendant les années 
où le nombre en fera le ménage
comme de ses espoirs surannés

Monnayés en vrai papier qu'il faut
recycler du pas pareil au même
quand papa est la maman du faux
Ailleurs, 26 août, 18h16

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JE EST UN HÔTE

JE est un hôte
de ses figures
qui jamais n'ôte
un masque pur

Quand cette haute
voltige assure
un air sans faute 
au clair-obscur

Son ombre saute
à doute allure
un as trop nôtre

Qui fait le mûr
avec une autre
JE est un dur

Ailleurs, 25 août, 15h10

*

CHICANE

Faisandant l'aise
de fausses peurs
où rend son beurre
l'époque obèse

De gros balèses
de sûrs hâbleurs
de vrais malaises

Le temps déniaise
toutes ses heures
entre les leurres
où la vie biaise

Avec ardeur
sans sainte thèse
sur le bonheur

Ailleurs, 25 août, 11h50

*

LE JOUR OÙ

(à G.)

Le jour où nous sera
d'être ce qu'il n'est pas
je voudrions parjoui
mon bonheur ébloui

Tirer à bout portant
d'un sûr parabellum
sur ta misère d'homme
en cage pour autant

M'en servir que je sache
sans mentir que je cache
contre ton coeur battant

La chamade d'un temps 
m'invitant par hasard
à danser sur l'histoire

FoSoBo, 13 août, 18h43

IndexELLINGTON Duke (pianiste, comp, arg, lead) ; STRAYHORN Billy (arrangeur)
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