VIII 9 NO SIGRE, mai-juin 2005

*

VALSE MA PARESSE

(à Oblomov*)

Aux heures lentes serrant les gloses
fières d'éparses identités

(A contes moraux cultes moroses
Tous ensemble noyant le bébé

Dans la vague de leurs valeurs molles
agitant global'ment le bocal)

Je surnage en bâtard asocial
citoyen ligoté et battu

Tendant mes peaux aux caresses folles 
de vents saouls érodant les statuts

Sur le lit défait où la pensée
fait l'amour à la seule maîtresse

Sans esclave et si bien reposée
qu'elle ne trompe jamais l'ennui

RER A, 30 juin, 19h 33

* « Il avait été élevé à cette hauteur par la Russie de février, paresseusement révolutionnaire, qui tenait encore d'Oblomov [GONTCHAROV] et qui était d'une part, oh ! si candide ! et, d'autre part, ah ! si friponne !...» Lénine, Léon TROSTKY (à propos de Tchernov)

** Glossaire j'y serre mes gloses, Michel LEIRIS, 1939

*

LITIERE

Passe encore un pou dingue
à couper l'appétit

Pas un pas sur la grève
ne traverse l'enfer

Pas un geste à la mer
n'étanchera la soif

Pas un marin d'eau douce
n'est le sel de la terre

Pas un grain de café
pour lire dans la mare

Pas un coin de canard
ne mets à bas l'épate

Pas un loup pas un chat
ne porte de voile

Fosobo, 25 juin 2005, 23h11

*

TAM TAM ALÉATOIRE

Un crime sans bavure
relève en morne plaine

Une orange sans gain
trouble le ciel de gigne

Un mot contre l'ennui
éclaire un front ami

Une grève à toute heure
déride les prolottes

Un regard d'eau marine
baigne la nuit de joie

Une peau tend la main
à la forêt sereine

Un pied ferme la rive
où la mer s'ouvre

RER A, 21 juin, 9h07

*

DESPERMISSION

par devant

migre misère
de coeurs en chairs

allers retours
alliers retors
élans tournis

à voile brûlant
des vaisseaux d'infortune
volant à l'assaut
d'incertaines Communes

lassées d'un ciel
traînant aux fronts
de potes empotés
en liesse à récollter
les pots brisés par le gros temps

en laisse de sable
qu'emporte un vent maudit
chargé de fiante ensanglantée
sur les flots déflorés
de grands horizons fiers
où défier la raison

pauvre fiancée défunte
horrifiée par ses armes
rongées de sel amer
usée de feintes ruses
et de ressources
autorisées
 
par un douanier pleurant sous cape
aux frontières qu'il efface
aux faces du tout monde
chiffonné
qu'il crisse sous sa craie
d'expert-content 
comptant sous table

sur le tableau blanchi
de ses exploits
stations de son chemin de choix
vers un calvaire d'overdoses souscrites

soleil d'étain
retours hâlés
plomb dans les zèles
congés de paille

bâillons
dentelles
haillons attelles

seaux d'hommes mis
misés misère
à leurs bourses
aux enchères
enflammées

par derrière
 
RER A, 30 mai, 19h15
 
*

VESTIGE DU FUTUR

(Pour un tryptique, panneau de droite)

Au vertige berçant
sa promesse de chute
l'homme tergiversant
dirige sa culbute

Funambule dément
sur son île fragile
il grimpe en fol amant
la tige volubile

D'un rêve de cocagne
au firmament du bagne
où mise en terre ment

La bombe codicille
dans la tombe d'argile
de son bâtardement

FoSoBo, 24 mai, 7h00

*

DIABLOGUE, FoSoBo, 21 mai, 18h16

*

NOUTROS SCLAVIÉS, FoSoBo, 20 mai, 22h30

*

RETROU A LA DORMAL FoSoBo, 17 mai, 0h25

*

LOUROPTFoSoBo, 16 mai, 0h07

*

JOCTRACHE, FoSoBo, 15 mai, 20h41

*

UNTERFURT

Frontières du sommeil une image
arrange un passage au destin
volabile où sourd un pays sage
étagé de plans clandestins
 
On y tourne de trop courts métrages
mis en scènes d'impurs instincts
où la pensée force le barrage
de forfaits commis indistincts
 
Un enfant a perdu le visage
où pleure une amie qui s'est tue
et caresse une envie dévêtue
 
Du vertige étrange visa
au matin qui baisse le rideau
du réveil et d'un lourd fardeau
MonSoBo, 15 mai, 16h09

*

PLAINE AUX AS

(Hon II / Hon, valet de l'arène)
à
Citroën

La cité ne prend plus son pouls
sur des vaisseaux sans gains
elle est lasse de coeur

Dévalisée, la ville épate, avalée
les rois dévalués de la mélasse

Rayon des corps
Hon brade, force police
une chair rafraîchie, métropolie, traumapliée, X-bronzée...
Hon astique un décor d'époque

Stand des célébraux
Hon solde, force politesses
un neurone avachi, une poule aux potes, un polycrate, un X osé...
Hon aspire à l'épique en tics

Sous les néons falots
Hon traque l'aubaine
comme on troquait l'ébène
hélas, sur le carreau

Sur le béton banal
Hon bavasse et cueille
en cassant la dalle 
le trèfle sans feuille

Au temple en options
sous cellophane Hon vend du vent
et le vide s'emballe au marché du néant
der toc déballé des stocks : pour les masses

Rebelotte et gores lots
Hon abat son carré d'as
en deux temps quatre mouvements

Actions avant, tractions arrière
tenues à carreau, pique adore
cailler au feu, paître au milieu
coeur d'artifaux, trèfle de présentes rixes

FoSoBo, 13 mai, 22h12

*

DECADANSE

(à ZORRO)

Au bal des jours des nuits un cavalier
surgit hors de l'ennui et de la peine
à jouir dans la normose à défolier
le temps qui passe ou casse dans l'arène

de sa vie les banderilles rouillées
aux yeux mouillés d'une bête sans corne
et sans défense à défaut d'oublier
des hiers sans remords un présent morne

des demains trop écrits pour délivrer
des livres ravaler ses hurlements
sous la langue offrir sa chair aux serments

qu'un matador sur le sable des lices
signe à la pointe à dessein doux délice  
en sentence où coule de sens la mort

FoSoBo, 12 mai, 20h32

* normose (22 floréal)

*  

RAISON CLOSE

Où tu étouffes tu renais
vivre n’est pas ailleurs

dans la carrière soutenue
de filles de joies en maquerelles civilisées
quand l’homme est nu
en essence posé

dans la vitrine opaque
de sa trinité
savoir, avoir, hâter
l’autogestion de son cloaque

qu’il bouffe bouffi bouffon
rempilant qui remplit
les bas-fonds
d'un repli

sur soi bavant la bile 
en restes d’humanité
débile habile
de virilité

Vivre n'est pas ailleurs
où tu étouffes tu renais 

FoSoBo, 11 mai, 18h43

*

BRISÉES

La haine est fraîche comme une bouse
où se pose une mouche contre la brise

Demain est déjà las d'un radieux avenir
mais aujourd'hui devient moins ennuyeux

Rien n'arrêtant leur charre 
qui marche en charentaises
à semelles de plomb

De charmantes thèses
mentent et taisent
sans surplomb

Pataugeant dans la soupe au gras des papotages 
avec ces cris bouillants où se brûle la langue 

Va plutôt valser sur les volcans
étourdir tes élans dans les braises
et voler dans les bras des sorcières
te soufflant à l'oreille leur chœur

FoSoBo, 10 mai, 0h07

*

FAUVE QUI PEUT !

(à Jacques PRÉVERT :
«
De deux choses l'une
l'autre c'est le soleil
les pauvres les travailleurs ne voient pas ces choses...» Le paysage changeur,
1949)

A la méningerie de la bonne figure
le fauve de sa peur a forgé ses barreaux
son échine assouplie policé son allure
lissé son poil fraîchi l'haleine de ses crocs

Le port de son angoisse assure ses augures
dispensé de cravate il ravale un bas rot
dans le complet festin qui remplit de pelures
la carie faite dans sa carrière en raccrocs

Choisir c'est renoncer et de deux choses l'une
l'autre c'est le sommeil entre jungle et zoo
avoir ou être too to be or not to be

A la guerre à la paix suce au sens à la Une
le soir au fond des boîtes bavant du museau 
entre l'ombre et la proie rutilant alibi

FoSoBo, 7 mai, 0h07

*

L'ÊTRE HON

(Hon I / réatribulation, car Hon est inconsidéré)

Hon va Hon vient toujours de quelque point à
un quelque honcque lieu
sans connaître, toujours toujours,
sa part de contrebande ou de contrefaçon, seule pour Hon comptant la faconde
Assuré d'un non-lieu
Hon ne craint pas les contredanses, Hon est au rythme de son temps, Hon est partout dans son espace chaîne-gaine

Oh, certes, Hon est bien là
rien que d'y être mal
ou mis à mal
mais pris à parti de n'en point prendre

A tel effet qu'Hon s'absout d'être absent à soi-même, passant comme on siffle pour se défiler
col chic dans l'apprêt
comme à Mao d'autres ont prêté,
pour peu qu'ils en eussent l'âge et déjà le loisir, quand c'en était l'époque, leur bêtise infantile,

A moins qu'Hon ne se contente de croire ne ressembler à personne, Hon a besoin d'être plus con qu'un autre à prendre pour modèle et d'en faire des tics et des stocks
à vendre ou à tuer le temps, oubliant ci ou là quelque démangeance à médailler sa boutonnière intime
A faire comme si ce qu'Hon fait, Hon ne le faisait pas
ou l'inverse après tout quelle importance, n'est-ce pas, ces nuances de ton pour Hon, puisque, principe de précaution : l'être Hon, c'est bon

Hon en est là, toujours déjà au paradis de quelque chose

Notez que Hon a la tâche inspirée : il aspire l'être Hon comme une pompe à ?¿

RER A, 4 mai, 12h31

*

TOI, QUI SAIS, TU EFFACERAS

(à Paul ELUARD :
Que ce nom libéré l'on n'ait plus à l'écrire)

Quand la bonté fera la manche
en traversant sa haine amère

Quand tes yeux de velours
auront percé nos visages d'étoiles
filées de rires bleus en mémoire des blues

Quand la beauté ne s'assiéra plus,
jamais !
elle déjà sur les genoux qui vage
en contrictions, a mal en ses dessous
en des veines gonflées,
triste à pourrir de trahison, elle,

Qui de longtemps ne descend plus en parachute
d'un machin à découdre sa robe de célibat
endurcie de semonce à s'en jouir

Moi peut-être, sûrement quelques autres

ôteront
la majuscule à nos corps retrouvés
la circonflexe au faîte du grand mot
sorti de crânes durs du mou qu'ils ont en dette
retroussé en coussins couci-couça suspects
si conscrits
circonspects
ou rassis

Alors TOI, qui sais

oh, que si, les mots mentent,
raillent de traits nerveux ce qu'ils n'enrayent plus
en défilés captifs de lourds désirs atones
sous les mégalophones

Alors toi, LIBERTÉ, tu

effaceras ton nom aux frontons de la honte
ton nom aux frontons de la honte
aux frontons de la honte
hauts frontons de la honte
de la honte
la honte

TU EFFACERAS

RER A, 3 mai, 20h05

*

BISONCE 

Ce trou dans la tête fontaine de mon sang
où l'aube grise lave une cacophonie d'échos
dans la sueur aux draps marbrés de son caillot
sans même que le merle en afflige sa flûte 

Torpeur à l'âcre odeur mouillée
de miennes terres brûlées
volant en purs nuages funéraires 

Et là, sentinelle déchue du chaos,
cette glace aux herbes sauvages
pilée par les sabots des choeurs grégraires

Combien combien de pages
à dégriser des vers brouillées
quand chute sous l'aisselle un soir noyé  
sans opinion aux turlurettes des sondages

FoSoBo, 1er mai 2005, 17h08 

IndexELUARD Paul (poète) ; GONTCHAROV Ivan ; LEIRIS Michel (écrivain, ethnologue) ; PRÉVERT Jacques ; TROTSKI Léon (homme politique, théoricien) ; ZORRO
PLAN DU SITE INDEX