SPATIALS CHANGES avril-juin 2006
Accès aux rubriques

PLAN DU SITE INDEX

'Changes' évoque pour moi deux tubes de jeunesse, années 60 : The Times they are a changing, de Bob DYLAN, en 1964, et Changes, de Jimi HENDRIX en 1969, Live at Filmore East, son meillleur disque à mon goût, avec la formidable évocation de la guerre du Vietnam dans Machine Gun.

Suite de NEW ANGE, VIERGE LANDE, PASSAGES DU TEMPS, cette rubrique interroge le jeu du monde, la trace du temps située dans l'espace : Spatials changes. Elle est le lieu de passage chronologique vers ce qui change sur ce site ou vers des liens extérieurs. C'est le paradoxe de la quotidienneté, dans laquelle s'inscrit toujours ce qui n'en dépend pas essentiellement, comme circulation de commentaires sur les événements du jour. Rien comme à la télé ou dans "l'actualité" selon les forums d'internet, donc...

* 

* 2 juillet

Dumbelane

« Samedi soir, les jeunes semblaient être réconciliés avec la Marseillaise: par groupe de dizaines ils l'on chantée, en marquant le tempo avec le mât de leur drapeau sur des feux rouges, en face des cordons de CRS, qui avaient pris soin de boucler l'accès à la place Charles-de-Gaulle afin de contenir le flot de supporters sur la chaussée de l'avenue, où les voitures étaient interdites. AP 0h17»

Dumbelane est le nom que mon ami Ernesto MORA, peintre, musicien et animateur de centres de loisirs depuis vingt ans, a choisi pour l'association de cours de percussions africaines et latino-américaines qui sévit sur Montreuil depuis quelques années, après avoir gagné un prix interscolaire gratifié d'un voyage au Sénégal pour des enfants du pays qui n'y avaient jamais mis leurs pieds, noirs. Dumbelane est un mot walof qui signifie "communauté".

Depuis, les petits de cette banlieue des hauts de Montreuil, devenus grands, ont créé entre autres le groupe les BABTOUS « sept percussionnistes interprètent des musiques traditionnelles d'Afrique de l'Ouest et d'Afrocaraïbe » qui commence à swinguer au-delà de mes attentes, avec la superbe Marina au djembé (passionnée d'économie politique pour « comprendre comment ça marche »), que je tins bébé sur mes genoux, fille du Maestro colombien et de Catherine bretonne de Pologne et de la RATP... ma famille de trente ans, de loin en près...

Depuis quelques années, nous nous rencontrons, en contrebas du voisin Park MonTrop, où jadis (1989)  j'exposa par la grâce municipale d'un directeur benjaministe (un certain Gérard maintenant à la retraite dans le Midi) une série de transferts sur toiles sur le thème « La république dans un miroir », dans une salle où je cotoyais un certain FOUGERON (polémique sur le portrait de Staline par Picasso dans les Lettres françaises, Aragon-Fougeron etc.), adorable bonhomme au demeurant mais dépassé par son temps depuis ses débuts réalistes-socialistes, et réduit à sa nudité plastique pitoyable (cruauté ou innocence de la municipâlité de Montreuil ?). 

Un bonheur qui relance mon envie de larguer Internet pour reprendre l'instrument sur les hanches, et la praxis populo-musicos, with Ernesto, frères et soeurs...

Footre

Ce soir là d'avant-hier, mon fils auvergno-japonais Nicolas-Shunto (porte du printemps), au coude à coude avec son « meilleur ami » ALASAN, Sénégalais musulman du bas de Fontenay, a perdu round'midnight, sous les chauves-souris, la coupe du ballon en plastique, opposés qu'ils étaient à l'Indien ENZO, fils de Carolina danseuse ouvreuse de cinéma sur les Champs et de Juan-Manuel percussionniste de talent en galères intermitentes (non, pas la mi-temps de la fat boule...), associé à un incertain FASAOUÏ, d'origines troubles car inconnues, peut-être turques bien qu'il soit trop foncé... (la municipalité communiste du Brard se désole de n'avoir pas retrouvé le père... pour l'expulser, vu que Montreuil est la deuxième ville malienne après Bamako ?). La mère, c'est une grosse à petite tête qui danse comme si elle était moins lourde que son poids, en poussant de drôles de youyous, pendant que son fils, plus fort qu'Obélix, et auquel ne résiste aucune chaise de collectivité locale, assure à la basse, aérien, tombé dans la potion magique du rythme impulsé par le maestro, mon "Chernesto", hâlé pour l'éternité plus que sa mère sans la niquer.

C'est comme ça que par chez moi, on fait avec le temps de la pratique théorique.

Pschtt : yavait deux fois moins de monde que d'hab', vue que la coupe du foutre imMonde crée du « lien social » pour les peuples réunis devant la télé avec leurs représentants du bas en haut. La hantise d'Ernesto et ses potes, c'était depuis des mois que la France joue ce soir-là, de sa fête, de leur fête, de notre fête, de ma fête... La France ne jouait pas mais un match opposait on ne sait plus qui à d'autres que tout le monde s'en fout  : onze bonzommes pour un "peuple" dont ils ne sont même pas mesurent en €, $, £ ou ¥ son niveau de connerie, abasourdissant de klaxons, pendant que nous dansions sur de la musique réelle d'Africains, Arabes, Indiens, Européens réels, habitant là et se réjouissant là corps et âmes, n'en ayant rien à foutre du foot : vous avez dit « populaire » ?

Nous avons reconduit Alassan en sa cité (demain sam'di ya école). La bande du coin était au bas de l'immeuble. Un garçon m'a demandé pour qui j'étais "demain", de la France ou du Brésil, et devant ma bouille circonspecte, « quand même, vous lisez les journaux... que faites-vous des valeurs patriotiques »... Je lui ai répondu, en substance, que la patrie n'était pas de mes valeurs ni le football de mes passions, et lui ai demandé « la France c'est quoi pour toi ? » Toute agressivité est tombée. Nous nous sommes quittés sur un sourire et des promesses d'infini. Mieux que rien. Ah, là est grand.

* 1er Juillet

La lutte anti-CPE, texte de Roland SIMON "destiné à étayer un débat pendant une réunion internationale cet été"
 
A propos du texte d'Alain BIHR Encadrement capitaliste et reproduction du capital, un ami m'écrit, dont je partage les distances, bien que trouvant intéressante cette approche même sociologisante, cette question étant peu abordée.
« Je viens de lire le texte d'Alain Bihr référencé sur ton site : "encadrement capitaliste et reproduction du capital". Bon, j'ai quelques réserves, parce qu'à ne vouloir pas faire de "sociologie" il en fait quand même. De plus ce dit encadrement participe de l'idéologie du capital dans - non pas la reproduction - mais sa restructuration globale, selon ce qu'on pourrait nommer le troisième moment de la subordination réelle (disons depuis 1990 environ). Bon, je me trompe peut-être.»

Au bistro, cocochon qui s'en dédit : Charade des cocochons 

* 30 juin

La flexicurité danoise. Quels enseignements pour la France ?  Robert BOYER, éditions ENS-rue d'Ulm, 2006, 3 euros. Texte bref d'un économiste, spécialiste réputé de l'analyse des institutions (Source Les Echos). Versé au dossier « Sécurité sociale professionnelle »

Encadrement capitaliste et reproduction du capital 
Vers un nouveau paradigme marxiste des rapports de classe, Alain BIHR
 

Sécurité : provoquer un choc salutaire, André GÉRIN, PRCF, Maire de Vénissieux, versé au dossier Populisme et démocratisme radical

Vouloir détruire sa "carrière"

Bonnes soeurs supérieures de la Fonction publique et Frères militants pour le peuple travailleur, unissez-vous : cocopulez !

De mon mépris souverain pour ces souteneurs de l'Etat et du Capital qui « aiment le peuple », c'est-à-dire le prolétariat en tant que prolétariat : l'annonce d'une adversité irréconciliable (point de vue singulier sur la Fonction publique centrale d'Etat, et dérive en banlieue dans le « courant communisateur » en passant par la praxis poétique)

* 28 juin

« La voiture du voisin »

Un texte chaudement recommandé, à paraître dans le numéro 3 de Meeting.

 « Ni le front populaire ni les communistes qui sont dans les premiers rangs ne brisent les vitres, ne pillent les cafés, ni n’arrachent les drapeaux tricolores » (L’Humanité, Editorial du 7 août 1935, à propos des émeutes ouvrières de Brest)

« Petit, très petit pour son âge, maigre, un visage pâle et des cheveux blonds » (portrait de l’incendiaire du collège Pailleron, Le Nouvel Observateur, n°432, 1973)

« A l’occasion des émeutes de novembre puis de certaines pratiques à l’intérieur de la lutte anti-CPE, est apparu un clivage radical entre les analyses de personnes, revues ou groupes « s’occupant de lutte de classe et de révolution ». C’est une véritable frontière qui dans la situation actuelle délimite et délimitera de plus en plus deux camps.
D’un côté, ceux pour qui la lutte de classe est une défense de la situation de prolétaire jusqu’à ce que les ouvriers suffisamment unis et puissants prennent en main la société et affirment leur puissance et leur rôle social de classe en se libérant de la domination capitaliste.
De l’autre, ceux pour qui la lutte de classe s’achève non dans la victoire du prolétariat, mais dans l’abolition de toutes les classes y compris le prolétariat. Il ne s’agit pas d’un suicide social, mais de l’abolition du capital, de la valeur, de l’échange, de la division du travail, de toutes formes de propriété, de l’Etat (ce que l’on peut également formuler comme abolition du travail et de l’économie). Le prolétariat abolit tout ce qu’il est, toutes ses conditions d’existence. Cela, immédiatement dans le processus révolutionnaire à venir, comme condition expresse de sa victoire. [
la suite] »

Femmes

Il nous faut, hommes, discerner ce qui nous attire chez telle femme. Si ce n'est que le désir d'en jouir physiquement, et si de l'accorte l'accord est du corps à corps, ainsi soit-il ! Le pire est bien qu'il en soit attendu autre chose, de part, d'autre, ou des deux, quand cela n'est pas là.

Le reste est ailleurs, l'amour, l'amitié, mais est-ce en tant que "femme", en tant qu'"homme" (ou qu'homosexuel-le, peu importe) ? Le sexe est le sexe, irréductiblement.

Quant à la conjonction du tout comme idéal, quel bel égoïsme à deux, comme disait l'autre. Pourquoi pas la famille (le travail, la patrie, la région, la religion, etc...) ? Quel beau monde que voilà. Bof !

A l'impro vite

J'imagine le jour où, ayant dédaigné de construire ma statue d'artiste, mais en ayant goûté successivement tous les plaisirs possibles en même temps que l'inutilité sociale - ou, ce qui revient au même, l'utilité sociale comme "nuisance" justifiant son impuissance à changer ce monde - j'envisagerai sérieusement de détruire pièce par pièce ce que j'ai produit de plus matériel - peintures, musiques, poèmes, interventions politiques.

Quelqu'un a dit (Michel Leiris ?) que la vie d'un homme (d'une femme) bascule au moment où, de ses connaissances personnelles, plus nombreux sont les morts que les vivants. J'aime provoquer mon entourage par cette déclaration, au pied de l'ascenseur, de la bouche du métro, ou du tourniquet de la pointeuse quotidienne :  « Nous n'avons jamais été aussi près de la mort ». Que ça jette un froid est stupide, mais généralement la gêne se dit par des rires et toutes formes de diversions, de "déplacements". Lénine disait « l'habitude est contre-révolutionnaire ». Il a gagné, comme dans cette pub des années 90 pour je ne sais plus quoi, où défilaient les figures des grands leaders révolutionnaires. Aujourd'hui, il est convenu que tout doit changer toujours plus vite pour le même et le pire, bien que l'histoire soit supposée morte et gnagnagna "les grands récits"...

Et donc, où j'en viens, c'est que la plus grande terreur de chacun est d'avoir à regarder la vie les choses en face, sans fard, sans "peinture", sans Tintin au pays des soviets annoncé, ou murs à écrouler sur nos corps de casseurs de cailloux mais pantins du Spectacle : l'économie politique, c'est-à-dire son économie et sa politique séparément et dans leur unité. On ne fait plus aujourd'hui de la politique que pour l'économie, c'est-à-dire pour le capital, c'est-à-dire pour ce qu'il fait de nous, en boucle de sa = notre reproduction et réciproquement. Aucune échappée possible. Aucun autre monde possible. Que celui-ci. A prendre et à détruire pour ce qu'il est de l'intérieur - quel extérieur ? Aucun. Moralité : brûlons ! Un jour viendra où le mot d'ordre sans ordre sera « du présent faisons table rase ».

Quand je sentirai ce jour-là venir, au lieu d'accumuler chaque jour sur ce site une intervention plus ou moins pertinente, j'en supprimerai avec plus ou moins de pertinence une chaque jour, ou de préférence le tout et d'autres le faisant pour moi. Pas d'héritage ! Ce qui aura été dit et fait ayant été et devenant plus encore inutile, l'idée-même de musée devra être brûlée : la mémoire vivante ne sera plus célébration (repentance, congélation, page tournée ma lue) mais oeuvre à vivre au présent. Toute la question est quand je saurai, devrai, et pourrai, m'y résoudre, ayant produit plus d'êtres morts qu'encore vivants (à moins que, la propriété de ce que j'aurai produit étant abolie, ce ne soit à d'autres d'en décider ?)

(j'aime bien pour ça le personnage de Vazquez Montalban, Pepe Carvalho, qui alimente sa cheminée en brûlant sa bibliothèque, un par un les livres des oeuvres complètes de Hegel, Marx... C'est plus qu'en métaphore l'idéal de la praxis une fois « réalisée la philosophie » - surtout si on la rapporte à l'idée d'Aragon que de tout roman la question se résume à « qui est l'assassin ? »:  je suis sûr que cette idée aurait plus au barbu, comme Hammet à Louis Aragon).

* 27 juin

Deux textes à classer je ne sais où :

- Les syndicats comme modérateurs dans la compétitivité géographique ? La négociation collective dans le processus d'intégration européenne, by Birgit Mahnkopf / Elmar Altvater, 1996
- Finance, hyper-concurrence et reproduction, Séminaire d'Etudes Marxistes, séance du 17 février 2005

La revendication de « sécurité sociale professionnelle », suite abondée de :

- Contre la précarisation : construire une sécurisation effective des emplois, Economie&Politique, Mars-Avril 2006, Paul BOCCARA

Bel hommage d'économistes proches du PS et d'ATTAC : « Paul Boccara est peut-être le véritable théoricien du tournant réformiste du PCF. Il appartenait au groupe ayant influencé fortement la rédaction du programme commun de la gauche dans les années 1970. Le PCF adaptait à l'époque la thèse de la baisse tendancielle du taux de profit de Marx, en constatant que sa principale « contre-tendance » contemporaine résidait dans l'intervention keynésienne de l'Etat destinée à socialiser les coûts de production et à soutenir les secteurs stratégiques souffrant de suraccumulation du capital. Le Capitalisme Monopoliste d'Etat [CME] socialiserait en cela à un degré insoupçonné les moyens de production, sans toutefois parvenir à promouvoir des critères non-capitalistes de gestion à même de subvenir aux besoins sociaux. Il ouvrirait toutefois la porte à un passage non-violent au socialisme dans le cadre des « démocraties avancées ». Il suffirait alors de prendre le pouvoir par les urnes et d'appliquer de nouveaux critères de gestion. Après l'ouvrage collectif le CME, la littérature sur les nouveaux critères de gestion fut donc le deuxième temps de la réflexion au début des années 1980. Comment adopter des critères de gestion socialistes ?
Comment construire de nouveaux indicateurs, notamment pour définir un mode de financement de la sécurité sociale qui soit favorable à l'emploi et la formation ? L'expérience tourna court avec l'ouverture de la parenthèse de 1983.
Par la suite, l'idée d'une monnaie commune ne distinguait pas clairement, aux yeux des militants, les propositions du PC de celle d'une monnaie unique. De même, alors qu'une opposition grandissante à la « pensée unique » se faisait jour pour un assouplissement des politiques monétaires face à la politique monétariste des banques centrales européennes, obsédée par l'inflation et la spéculation des marchés contre l'euro en 1993, Boccara militait-il à la marge pour un crédit sélectif (distinguant le financement des entreprises qui spéculent de celles qui investissent). Enfin, l'idée d'une sécurité emploi-formation, face à la précarité qui se développerait malgré l'adoption de nouveaux critères de gestion micro et macroéconomique vint parachever ce cheminement que le PCF, ainsi que la CGT tentèrent de saisir et de suivre tant bien que mal. La CGT a depuis rendu un hommage inaperçu à Boccara en adoptant officiellement la proposition d'une "sécurité sociale professionnelle".
» Université Paris I - Panthéon-Sorbonne MATISSE - CNRS, UMR 85 95 Liêm Hoang-Ngoc et Bruno Tinel
LA RÉGULATION DU « NOUVEAU CAPITALISME » ANALYSES POSITIVES ET RECOMMANDATIONS NORMATIVES COMPARÉES, Communication pour le Forum de la Régulation 9 et 10 octobre 2003

* 26 juin 

La revendication de « sécurité sociale professionnelle » 
Deux articles versés au dossier :

- « Sécurité sociale professionnelle » : l'UMP et le PS se disputent le concept (Les Echos, 26/06/06) ce qui ne manque pas de sel pour cette idée reprise à un économiste du PCF, mais justement, les camarades, le même jour :
- Des assises pour la sécurité de l'emploi et la formation. Appel  (L'Humanité, 26/06/06)

Les conflits du travail ont été plus nombreux en 2005 LE MONDE | 26.06.06 | 16h00 Article paru dans l'édition du 27.06.06

* 25 juin

EXPLOITATION... Précarisation, flexibilité, ajouté à ces rubriques :

- Incidence des mesures assurant la flexibilité du marché du travail sur la construction mécanique, la construction électrique et l'industrie électronique, OIT 2000
- Une illustration des différentes formes d'organisation du travail : le nouveau visage du taylorisme chez Pizza Hut
- Le travail précaire agricole dans quelques pays de l'Europe du Nord, Sissel BRODAL et Dieter BEHR, Forum Civique Européen, 2002
- Flexibilité du travail en agriculture : méthodes d'observation et évolutions en cours, Patrick MUNDLER et Catherine LAURENT

JAZZ et PROBLEMES des HOMMES, 2002 : Sommaire reconstruit, toutes parties en accès direct. Bibliographie remise en page.

Marx-Engels // Ellington-Strayhorn : un beau parallèle proposé par Dialogus Marx en réponse à la question « Mais qui a donc écrit le Manifeste ? »

Extrait : « Grâce à la documentation vingtiémiste mise à ma disposition lors de mon entente éditoriale avec DIALOGUS, j'ai accès à de nombreuses facettes de votre vie intellectuelle et culturelle. L'une d'entre elles est cette extraordinaire musique nommée Jazz. Un important compositeur de Jazz, du nom d'Edward Kennedy ELLINGTON, parle dans son autobiographie de son ami et arrangeur Billy STRAYHORN. Quand les deux compagnons faisaient face à un problème particulier de composition, il se passait la chose suivante : « I would turn to Billy Strayhorn. We would talk, and then the whole world would turn into focus. The steady hand of his good judgement pointed to the clear way that was most fitting for us. He was not, as he was often referred to by many, my alter ego. Billy Strayhorn was my right arm, my left arm, all the eyes in the back of my head, my brainwaves in his head, and his in mine. »*

Quand je lis ces lignes, c'est à Friedrich Engels que je pense. Cela se quantifie mal, mais compte pour beaucoup.

Respectueusement, Karl Marx »

*[Je me tournais vers Billy Strayhorn. Nous parlions, et soudain le monde entier se focalisait. Le bras assuré de son bon jugement pointait la direction qui nous convenait le mieux à tous les deux. Il ne fut pas, comme maint le prétendirent, mon alter ego. Billy Strayhorn fut ma main droite, ma main gauche, mes yeux tout le tour de la tête, mes ondes cérébrales dans sa tête, et les miennes dans la sienne]. Extrait de Duke Ellington, Music is my Mistress, Da Capo Press, p. 156. Monsieur Marx cite depuis l'édition originale de 1973. La traduction du fragment est de nous (note de l'éditeur).

En écho (of Harlem...) je retrouve cette citation de Billy Strayhorn, que j'avais traduite de Down Beat :

« Je suis certain que Duke m’a influencé. Il dit que je l’ai influencé, mais je ne sais pas (...) J’ai toujours écrit ce que je voulais comme je voulais pour Duke. Parfois je chamboulais tout ; d’autres fois nous nous réunissions. Nous nous faisions sans arrêt des reproches. Quelquefois il avait le dessus, d’autres fois c’était moi. » Billy STRAYHORN (1915-1967), comp/arg/p, Down Beat, mai 1956, TrA Source, JAZZ et PROBLEMES DES HOMMES  : II1.4 la hiérarchie dans le groupe, le rôle de leader, d’arrangeur 

Restructuration... du site ( dans A-COMMUNISME > RESSOURCES CRITIQUES CLASSÉES) :

Mise à jour consécutive du PLAN DU SITE, où certaines sous-rubriques sont masquées pour plus de lisibilité

* 24 juin

Populisme et démocratisme radical (revu, corrigé et complété), avec deux documents :

Populisme, un concept sans théorie, antiélitisme et républicanisme populaire, Alexandre DORNA, 13 mars 2006

« En France, depuis des années, nous traversons une situation potentiellement néo-populiste : Bové, Tapie, De Villiers, sans oublier M. Saint-Josse. Ce sont les visages les plus visibles, mais d'autres restent dans les coulisses : Borloo, Kouchner et, au coeur de la mouvance islamiste française, les frères Ramadan, et de plus en plus M. Sarkozi. » 

Regain du populisme latino-américain, par Paulo A. PARANAGUA, LE MONDE | 23.06. 06

« Contrairement à l'Europe, où le terme populisme est souvent associé à des mouvements à droite de l'échiquier politique, en Amérique latine le phénomène a toujours été ambivalent. / Ainsi, au Pérou, M. Humala prétend n'être "ni de droite ni de gauche, mais d'en bas" »

Conclusion provisoire

Comme on le voit, le pourrissement de la caste politique, la confusion tendant à l'effacement des catégories de droite et gauche qui ont structuré l’histoire politique de la France; un opportunisme électoraliste sans frontières; l'utopie capitaliste de l'antilibéralisme alternatif, tout ceci alimente plus ou moins volontairement la forme politique du populisme, autour de l'"anti-corruption" et d'une "saine" représentation démocratique... Tout ceci correspond bel et bien, au niveau de l’Etat comme dans « la société civile », et dans leur unité, à l'embarquement du populisme dans l’idéologie démocrate radicale, critique interne du capital (il est difficile de parler de réformisme, la mise en place de réformes "de gauche" paraissant compromise dans les termes de l'économie politique actuelle, sauf de façon très instable et sans résultat "positif" tangible = caducité définitive du néo-keynésianisme et irréellité de tout "New-Deal").

On pourrait alors formuler une hypothèse : l'extension mondiale du populisme comme forme politique de discours et de gouvernement pourrait correspondre à l'impossibilité d'une solution politique (Etat, programme, lois...) aux contradictions actuelles du capitalisme. Il est probable, ce qu'annonceraient les traversées actuelles du personnel politique et de leurs propositions, que solutions de droite et de gauche vont tendre à devenir indiscernables au niveau de l'action réelle de l'Etat, correspondant pour la gauche, extrême comprise, à l'impossibilité de l'alternative radicale "anticapitaliste", à son irréalisme, à son caractère d'utopie du capital.

Cela rendrait visible, par ailleurs, que la contradiction de classes ne peut plus s'exprimer comme enjeu politique, comme opposition politique même démocratique, mais à travers des affrontements qui se développeront, désormais, contre la politique, et contre la démocratie en tant qu'idéal de société du capital. C'est l'absence de possibilité de transition au communisme et la nécessité, qui devrait alors s'imposer, de mesures directes d'abolition du mode de production capitaliste, des classes sociales et de l'Etat.

Dans quel monde voulons nous vivre ? En relation avec « le temps et l'exploitation », Christian LENIVELLEUR m'envoie ce texte. 

* 23 juin

Le temps et l'exploitation

« La machine-clé de l'âge industriel moderne, ce n'est pas la machine à vapeur, c'est l'horloge », de l'historien américain des techniques, Lewis MUMFORD, cité par Thierry PAQUOT, in L'art de la sieste (Zulma, 1998).

* 21 juin

BELLEVILLE, 22 heures, v'la la DÉFAITE DE LA MUSIQUE populaire

Les "ploucs" des couches moyennes (Debord), les bobos qui se la jouent populo dans les quartiers 'populaires' de Paris (le viol in situ des chansons de Bruant et du Temps des Cerises célébrant les exploits communards), sont les artisans 'petits-bourgeois' qui tissent la nouvelle toile des rapports sociaux, et de leur violence annoncée.

Quelques dizaines de gosses (noirs) animaient les hauts de Belleville en compagnie d'un orchestre africain, et le peuple des hauts de Paris se rassemblaient devant la télé pour un drame mondial : la Coupe du monde de foot-ball. Tout y était, présent à son absence (populaire, pour le coup), absent à sa présence : le kitch, le fac-similé de la chanteuse de rue, qui n'en pouvait mais, se produisant à partir de 22 heures devant un public de gras retraités et de branchouilles fringuées à quatre fois ce que gagne en un mois, ou pas, le prolo du coin au bar du même bistro.

Vous avez dit Belleville, Commune de Paris, Canon fraternité ? Gerbé j'ai.

LES MATINS DIFFICILES, Sonnet d'un réveil

REVUE DE PRESSE

Création d'un « congé de mobilité » pour aider les salariés à anticiper une restructuration, LES ÉCHOS, 21 juin 2006

Des milliers d'étudiants chinois manifestent violemment dans la province du Henan LE MONDE | 20.06.06 | 14h05

Que cache la vague populiste ? LE MONDE | 21.06.06 | 13h39 Document

Cet article, une critique libérale du populisme, n'est pas une fiction. Toute ressemblance avec des événements ou personnages réels ne saurait être pure coïncidence.

Extrait : « L'Europe centrale fait figure de capitale de ce nouveau populisme. Il est au pouvoir en Pologne, l'a emporté en Slovaquie dans sa version de gauche, et fait une percée en Bulgarie. De fait, le style populiste triomphe dans la plupart des autres pays post-communistes. La recette de ce succès n'est pas un secret : elle est faite de colère, de haine des élites, de flou politique, de désir égalitariste, de conservatisme culturel, d'euroscepticisme doublé d'anticapitalisme, de nationalisme déclaré, de xénophobie latente, et d'autant de rhétorique anticorruption que possible. C'est la version électorale du cocktail Molotov. » L'article entier

* 20 juin

Polémiques contre le démocratisme radical : nouvelle entrée

* 19 juin

Des « communistes français », 150 ans plus tard...

« D'un autre côté, on voit bien aussi la puérilité des socialistes (notamment les socialistes français, qui veulent prouver que le socialisme est la réalisation des idées de la société bourgeoise exprimées par la Révolution française), qui démontrent que l'échange et la valeur d'échange sont originellement ou selon leur concept un système de liberté et d'égalité pour tous, mais qu'ils ont été faussés par l'argent, le capital, etc. Ou encore que l'histoire a fait présent des tentatives manquées pour les accomplir de la façon qui correspond à leur vérité, et qu'ils ont maintenant, par exemple Proudhon, trouvé le vrai Jacob qui fournira l'histoire véritable de ces rapports en remplacement de la fausse. Voici ce qu'il faut leur répondre : la valeur d'échange ou, plus près de nous, le système de l'argent est en fait le système de l'égalité et de la liberté, et si quelque chose vient perturber celle-ci dans le développement plus détaillé du système, ce sont là des perturbations immanentes, c'est justement là l'effectuation de l'égalité et de la liberté, qui se font connaître en se manifestant comme inégalité et absence de liberté. C'est un voeu tout aussi pieux que sot de demander que la valeur d'échange ne se développe pas en capital, ou que le travail productif de la valeur d'échange ne se développe pas en travail salarié. Ce qui distingue ces messieurs [et dames] des apologètes bourgeois, c'est, d'un côté, le sentiment qu'ils ont des contradictions que comporte le système; de l'autre, l'utopisme, le fait qu'ils ne saisissent pas la différence nécessaire entre la figure réelle et la figure idéale de la société bourgeoise, et veulent donc entreprendre cette tâche inutile qui consiste à vouloir redonner réalité à l'expression idéale elle-même, alors qu'elle n'est en fait que l'image projetée de cette réalité [...]» Marx, Grundrisse, 1857, ES p. 188-189

* 18 juin

Sur "la dictature du prolétariat" et son "abandon" : du dogme contre-révolutionnaire d'une religion prolétariste du capital à l'abandon du communisme comme rupture avec lui

Critique de l'économie politique, nouvelles entrées : Ainsi va l'économie (dans les termes des capitalistes) et Précarisation, flexibilité...

Voir aussi l'intéressante interview de Gary BECKER, prix Nobel d'économie 1992, dans Les Echos du 31 mars, à propos de "Capital humain" > Exploitation, en relation avec l'article d'Alain BIHR "Capital humain" (la novlangue néolibérale) 6 mars 2006. On y prend la mesure, dans la géo-économie politique du capital, des questions démographiques, auxquelles Marx attachait une grande importance. Voir le dossier : Les mouvements de population à l'heure de la mondialisation  [Les Echos 23/01/06]

* 16 juin

Bidonvilles etc.

« Regarde là, ma ville.
Elle s'appelle Bidon,
Bidon, Bidon, Bidonville.
Me tailler d'ici, à quoi bon ?
»

Claude NOUGARO, Bidonville (1966, Berimbau, musique de Baden Powell)

1,4 milliard de personnes habiteront dans des bidonvilles en 2020 LEMONDE.FR | 16.06.06 | 11h27 * Mis à jour le 16.06.06 | 12h54

Je ne sais pas sur quelles bases une telle projection est obtenue, mais rien ne dit qu'elle ne soit pas sous-estimée, tout dépendant de la vitesse d'arrivée d'une crise majeure de reproduction. Celle-ci multiplierait les foyers de création de (nouveaux) bidonvilles, à commencer où ils ont disparu dans les années 60, particulièrement en France. Il va sans dire qu'alors, politiques sarkoziennes ou royalistes happant toute la "classe politique", l'Etat ne fera plus que ça, mettre l'armée aux frontières de l'intérieur et de l'extérieur. Cocos nationaux et gauchistes internationalistes pourront alors jurer leurs grands dieux du bonheur keynésien de la "société mixte" (sic, voir ci-dessous), il n'y pourront rien, que la même chose, dont ils donnent déjà un aperçu typique des trouilles petites bourgeoises au nom du peuple (le grand tourment d'Olivier, Marie-Georges, et José, en concurrence électorale avec les populistes d'extrême-droite). Une situation révolutionnaire ne sera pas construite par la conscience (sic, concernant la leur-re), mais serait alors produite comme nécessité, critique en armes de l'économie et de l'Etat. On voit aujourd'hui comment ceux qui ont un petit quelque chose le protègent dans les termes du bourgeois effrayé de jadis.

D'un prétendu "marxiste moderne" : « Sachant que la société française si elle doit être viable, sera de type mixte, avec un large secteur de l'économie restant aux mains du "privé", et tout un pan déprivatisé pour cause de besoin d'intérêt général à satisfaire, il faut éclairer sur deux points fondamentaux :
Quels contours de ce secteur public, et quelles maitrises démocratiques de l'ensemble (public et privé) pour que nulle part, ce soit la loi du profit pour le profit qui prime si l'on entend construire une Société de dimension humaine ?
Quel ensemble cohérent de droits d'intervention citoyenne dans l'entreprise le quartier, la ville, les istitutions locales, le parlement pour rompre avec les formes monarchiques de pouvoirs qui nous mettent hors jeu de toutes les décisions qui engagent notre avenir et celui de nos enfants ?
[...] avec cet ensemble de défis à mettre sur la table, ya pas de quoi à tricoter de l'Alternative anticapitaliste (que X et moi appelons Communisme) que faut il? Encore faudrait-il que partis et organisations qui se réclament du changement accompagnent cette démarche révolutionnaire (parce qu'accoucheuse de NOUVEAU) [...] »

Rien d'inventé, ce chef-d'oeuvre concentré de crétinerie militante n'est pas un gag, mais d'un gaga "plus anticapitaliste que moi tu meurs" : « société mixte », «maîtrise démocratique du public et du privé » « intérêt général » etc. la pure idéologie bourgeoise de l'Etat et de la société civile, que décrivait Marx, transformée en 'alternative communiste' : un siècle et demi de "marxisme" pour en arriver là. Il fallait le faire, de la part de quelqu'un qui n'a pas de mots assez forts contre "la social-démocratie" ! Voilà les nouveaux curés de la religion du temps : l'alternative radicale "anticapitaliste" vantant les mérites de la société indépassable du capital, au nom du communisme.

J'ouvre ce 16 juin 2006 une sous-rubrique à "Exploitation", pour en illustrer un aspect spécifique à la restructuration du capital : le fait que celui-ci n'a plus intérêt, comme à l'époque fordiste ou keynésienne, à garantir, par l'Etat (providence = Welfare State) et dans le "compromis historique" passé avec le mouvement ouvrier organisant sa montée en puissance, la reproduction de toute la force de travail existante. Il n'empêche que celle qui est rejetée du travail est déterminée, comme exploitable a priori dans son rapport au capital-monde, comme prolétariat.

La thématique des "bidonvilles", par laquelle j'alimente cette ouverture, et qui tient lieu de titre provisoire en est plus qu'une illustration, une exécution. Elle fut évoquée lors d'une récente discussion publique de Meeting.

Je recommande par ailleurs la lecture du livre La cité de dieu, du Brésilien Paolo Lins.

* 15 juin

Épitaphe à Raymond DEVOS
suivie d'une dérive sur la mise en coupe du monde par le foot-ball

De mots rêvons
Aimons vraiment
Vos mondes Ô démons
Par la mort dévorés
De votre dévoué
Dévot Raymond

RER A, 12h04

Les plus lourds calembours sont tels les petits pois pas toujours les moins fins, mais dont on a besoin chez soi. Rapporté au poids, Devos n'est pas le gros qu'on croit. Il pourrait ouvrir une raffinerie verbale. Elle ne manquerait pas de sel. Entre sens et non-sens, il danse. Il en joue comme seul sait un musicien (il l'est aussi). Devos a une capacité d'improvisation qui sur scène déborde ses textes travaillés à l'extrême, dans une registre élitiste pour tous.

On dit « jeux de mots » et l'on veut croire qu'il ne s'agit que de cela, sans voir que de ces jeux la différence est entre ceux qui produisent et ceux non, dans l'étreinte entre "signifié" et "signifiant", des affects ou du sens dont le non-sens n'est que l'écrin. A jeux de mots donc il faudrait préférer jeux de langage ou, à tout prendre mots d'esprit (Freud est tu, là), comme on dit faire de l'esprit, quel comble, au fond, de non-sens concernant le langage, cette matière, entre autres dont la violence, de la relation humaine.

Devos brille dans la constellation de ceux qui, écrivains, poètes, chanteurs, humoristes, et tous producteurs de langage parlé avec un nom ou non, font avec les mots de la musique (en quoi je ne suivrais pas Meschonnic).

J'en citerai sept, en forme de pléiade, répondant à l'appel : DAC Pierre, DUFRÊNE François, GAINSBOURG Serge, LAPOINTE Bobby, LEIRIS Michel, LUBAT Bernard, NOUGARO Claude.*

DEVOS Raymond serait donc un huitième. Mais, quand les mots d'un poète volent comme les balles d'un jongleur, c'est un peu comme les épées des mousquetaires : on n'arrive plus à les compter. Du bretteur au rhéteur, de la parade à la rhétorique, il n'y a qu'un pas. D'un bond il touche, et d'un mauvais il meurt : Raymond DEVOS luit, et vivant.

* De Pierre DAC, concernant la relation sens--non-sens, moult fois cité : « Pour quelle raison mystérieuse et inconnue tout ce qui ne veut rien dire s'obstine-t-il à le dire opiniâtrement et mordicusement ? », de François DUFRÊNE, la Cantate des mots camés, de Serge GAINSBOURG plutôt les premières chansons, de Michel LEIRIS le plus lisible dans Langage tangage. Il faudrait encore distinguer ceux qui font rire sans éclats, sourire sans les yeux, et tous entre-deux, dimensions du plaisir qui ne sont pas, contrairement à ce qu'en pensent les sots du 'haut' comme du 'bas' sur la même base en miroir (le bas anti-haut et réciproquement, fondement du populisme et non de la lutte de classes), des degrés socio-culturels...

... On sait trop que se passionnent pour la Coupe du monde de foot-ball même de très éloignés de la cause du peuple, parce que, dans l'idéologie qui en est partagée toutes tendances politiques confondues et confondantes, comme le capital, elle coupe le monde et justifie sa coupure en prétendant l'unifier : c'est pur fantasme de considérer que le sport de compétition pourrait être porteur d'un dépassement, de soi comme individu  singulier, et de la séparation capitaliste d'individus s'identifiant à leurs particularités, alors qu'elle a produit historiquement le formatage des individualité à son image, et que celles-ci ne font en cela qu'exprimer ceci, qu'elles sont dans le capital, sa critique surdéterminée par son idéologie. Admettons qu'en matière d'humour et de sensibilité - à la forme comme contenu - le problème soit ailleurs. Cela nous mène un peu plus loin que la sociologie critique du sport par Jean-Marie Brohm, critique non du capital mais de la marchandisation, qui relève du démocratisme radical, dans le sillage du Bourdieu de La distinction*, et provoque les débats confinés et stériles que l'on sait. Je ne serais pas le dernier à jouir du geste génial d'un passeur de balle, ce n'est pas pour autant que j'y verrais un "enjeu politique".

* Voir Eléments pour une grille de lecture du démocratisme radical, par Denis (de la critique du sport par J-M BROHM à BOURDIEU idéologue, en passant par Louis ALTHUSSER)

* 14 juin

A propos d'un texte de Bifo L'insurrection europrécaire

Flexisécurité et revenu garanti universel : deux variantes réformistes justifiant l'adaptation à la restructuration et à la globalisation du rapport d'exploitation et de la force de travail (lire la suite)

György LIGETI Sans foi ni loi

N'étant ni un connaisseur ni un amateur de musiques savantes (dites 'classique' ou 'contemporaine') il y a fort peu de compositeurs qui me touchent. LIGETI, dans le sillage de Bela BARTOK, était de ces rares. Pour leur rapport au jazz, peut-être, mais alors plus dans le fond que dans la forme, ou plus précisément en ceci que la forme chez eux laisse la place à ce qui fait le jazz. Le premier aura inspiré nombre de musiciens de jazz (cf la fameuse "gamme de Bartok"*). Ou alors c'est pour un caractère hongrois, puisque je constate également mon admiration pour Franz LISZT et Zoltan KODALY. Je n'avais pas manqué de citer Ligeti parmi ceux qui ont su écouter le jazz (in JAZZ ET COMMUNISME, 2003), ce que renforce une interview donnée à JazzMagazine il y a quelques années (que je ne retrouve malheureusement pas). Dans certaines pièces il évoque Bill EVANS et Thelonious MONK. Comme quoi, mon monde est petit...

« Ligeti’s influences go beyond past and present classical composers and the traditional musics of Africa and Indonesia: he has also revealed his interest in American jazz, singling out for special praise the pianists Thelonius Monk and Bill Evans. Monk’s eccentric, angular style of improvisation can be heard distilled in the opening melody of his tune Epistrophy. Ligeti’s étude no. 4, Fanfares, has passages where first the right hand, and then the left, play Monk-like short, zany improvisatory fragments while the other hand accompanies with a series of eight quirky running notes that repeat in a short loop much in the nature of a “vamp” figure in jazz.

The jazz pianist Bill Evans’ luminous, dense chords, heard here in his version of “Young and Foolish,” is mirrored in Ligeti’s fifth étude, Arc-en-ciel (Rainbow). The chords developed by Evans have been dubbed “rootless,” as they frequently omit the fundamental root note of the chord, thereby creating a lighter floating, suspended feeling. A jazzy rhythmic “swing” feel is called for by Ligeti in the performance notes to his eighth étude, Fém, a Hungarian word indicating a bright metal.» Source Ligeti And His Influences.

* "Gamme de Bartok" : construite sur le 4ème degré d'une échelle mineure mélodique, c'est le mode Lydien dominant, Lydien b7; le plus stable sur un accord de 7ème. Son renversement sur le 7ème degré donne le mode ton/diminué, aux altérations produisant un maximum de tensions et d'instabilité (tout ceci dans un contexte harmonique, ce qui nous éloigne de Ligeti).

* 13 juin

Appel aux tendances ni cpe ni cne ni lec ni cdi, à Toulouse, les 17 et 18 juin

«La CGT signe plus de flexibilité à Euro Disney», in La revendication de « sécurité sociale professionnelle »

Sur les "émeutes de novembre" rubrique complétée > Révoltes en France novembre 2005

* 12 juin

Quelques échanges autour d'un entretien de Michel HENRY avec Philippe Corcuff (1997) : « Un Marx méconnu : la subjectivité individuelle au cœur de la critique de l’économie politique »

* 7 juin

Meeting

> retours sur le mouvement antiCPE : plusieurs 'articles'
> sur l'exploitation : le débat continue d'un 'meeting permanent' (in 'messages') 

Réseau international de discussion

"Le site du réseau vient d'être mis à jour avec les principaux messages et textes qui ont circulé sur le mouvement anti-CPE. Pour cela, il a été créée une nouvelle rubrique intitulée" : Luttes de classe 'Mouvement anti-CPE' 

* 6 juin

Quelques forums militants

Nationalisme, populisme et démocratisme radical

Je reviendrai ultérieurement sur le rapport entre populisme, nationalisme et démocratisme radical, en relation avec la forme de l'Etat dans la restructuration du capital, qui transcende les catégories modernes de 'démocratie socialiste', 'démocratie bourgeoise', 'démocratie chrétienne', 'dictature' et 'fascisme', et qui par conséquent traverse celles de 'gauche' et de 'droite'. S'inscrivant dans cette problématique, la série B comme Bistro (de l'origine gitane de -) est déplacée à la rubrique Nationalisme / National-bolchévisme-communisme, national-socialisme...

Lire en relation, sur le populisme nationaliste aujourd'hui :

> M. Le Pen et la disparition de l'identité ouvrière, Roland SIMON, Juillet 2002

> Chronique d'une excrétion, Jacques GUIGOU et Jacques WAJNSZTEJN, Temps critiques, mai 2002, dont pour clore cette polémique je retiens la chute : 

« Car, plus de 70 ans plus tard et bien qu'énoncée dans de toutes autres conditions historiques, il nous venait aux oreilles cette parole d'Horkheimer : " Celui qui ne veut pas parler du capitalisme, qu'il se taise à propos du fascisme "

L'exploitation capitaliste : ouverture d'une rubrique dans Ressources critiques classées

> "Ouvriers" aujourd'hui, trois articles : Ouvriers déboulonnés / Ouvrier, un mot répulsif pour les jeunes / « On est des pions »

> Argentine Travail d'esclave et surexploitation, Verónica GAGO

* 5 juin

Tresses africaines, Sciences et Traditions : Mon arrière grand-mère était mathématicienne

Communisme : ceci pourrait être une discussion 'passionnante'

Reçu de Ferney-Voltaire, un poème

Bistro un jour, bistro toujours : Agamben s'en mêle
du gite en lequel ça se corse, en différé par un « enculeur de mouche gitane »

* 4 juin

La Chine intensifie sa cour aux pays arabes, La Tribune, 2 juin

* 3 juin

« le sport peut servir l’émancipation humaine » : comme en attestent les vertueuses déclarations en ce sens des vedettes millionnaires du foot sur les canettes de Coca-Cola ?

« J’ai choisi comme image du siècle cette photo de l’équipe du Brésil lors de la Coupe du monde de football en Suède en 1958. Pour la première fois dans l’histoire de ce pays, cette équipe - et quelle équipe puisqu’elle devint championne du monde emmenée par un certain Pelé ! - est véritablement représentative de la population brésilienne. Le football a joué un rôle primordial dans l’affirmation de la négritude au sein de cette nation. Cet exemple parmi tant d’autres prouve que le sport peut servir l’émancipation humaine. ». Pour le sport et l’émancipation humaine  par Alain HAYOT, sociologue

Prenant l'exemple de la négritude, Alain HAYOT ne prouve qu'une chose : qu'elle relève, en matière d'émancipation humaine, d'une idéologie qui nie l'existence de la contradiction de classe, en enfermant ses tenants dans une identité racisée (la négritude est un "nationalisme noir" comme il fut dit à l'époque, dont hérite l'afro-centricité actuelle, Dieudonné ou plus largement les Indigènes de la république). Selon son approche, l'individu au sein de la communauté humaine n'y est vu qu'à travers la somme de ses particularités, et non comme individu particulier en tant que membre d'une classe (capitaliste ou prolétarienne) ou de la communauté humaine (pour Temps critiques). La lutte pour l'émancipation est alors conçue comme l'ajout des résistances aux dominations de divers ordres : race, religion (d'où la lutte contre l'antisémitisme), origine ethnique (d'où l'idéologie de l'antiracisme), pouvoir politique (d'où l'idéologie de l'antifascisme), genre (d'où la lutte contre le patriarcat), etc.

Concernant l'exemple de la négritude (ou le multiculturalisme vs la créolisation), je suis intervenu sur ce thème plus bas, le 9 mai :  Femmes, races, classes... vous avez dit "perdu de vue" ? (en réponse à l'inévitable Charlotte, qui n'en rate pas une, son sujet étant celui de la psychanalyse, l'individu séparé des rapports sociaux qui le constituent : opposition frontale à la sixième thèse sur Feuerbach - l'essence humaine comme ensemble des rapports sociaux - et même aux thèses de Lucien Sève dans Marxisme et théorie de la personnalité, 1969).

Individu particulier, émancipation vs révolution

Concernant le rapport entre individu et émancipations, j'y étais intervenu dans Politique du sujet, en 2004, dans des termes sur lesquels il conviendrait que je revienne, à la lumière des thèses de :

Temps critiques (1998 L'individu et la communauté humaine, 2 La tension individu-communauté 1 Situation actuelle de l'individu - L'individu démocratique ou le miroir tragique du salariat, De l'individu à la singularité du tout autre, Cette liberté qui nous subjugue, Servitude volontaire ou mystification démocratique 2 Sur la subjectivité, L'individu, le sujet, la subjectivité, la fabrication de la subjectivité féminine, De la construction à la destruction de la subjectivité féminine, La plaisir capitalisé 3 Les rapports individu-communauté Communauté humaine et communautés de référence, Le temps des confusions, Cité grecque et communisme) et de

Théorie communiste (2002 Fondements...  Chapitre 6 S1 D2 L'oppression / L'individu et le monde / la pratique de l'individu isolé / De l'individu isolé à l'individu particulier S2 L'individu particulier -individu isolé, classe, communauté D1 La particularité de l'individu / Individu-société : leur unité, élément central de la particularité / La particularité de l'individu, son appartenance de classe a) L'homme est toujours individu et communauté b) La totalité comme point de départ, c'est la communauté des classes antagoniques c) Prolétariat et communauté, la particularité sociale comme présupposition).

On a vu que ces deux approches s'opposent sur la révolution "à titre humain" ou "à titre prolétarien", mais contrairement à l'alternativisme radical, l'individu particulier n'y est pas rapporté, pour faire la révolution (qui n'est plus alors émancipation*) à la somme de ses déterminations particulières. Pour Temps critique est essentielle la 'tension individu-communauté humaine', pour Théorie communiste, la contradiction de l'exploitation entre les classes. * Cf Marx, la Question juive, cité plus bas, 31 mai, Le comble du citoyennisme, ou son essence ?

Ma position tente de dépasser cette opposition (> Quelle part d'humanisme (théorique) dans l'activité de crise ouvrant la communisation ?).

* 2 juin

bistro, le retour : les linguistes ont fait le tour... d'une origine gitane inconnue

...comme ils ont fait sans doute, des bistros où l'on rencontre des Gitans, le tour sans y entrer.

Une incertain PROVIS, encore un transsexuel virtuel, a commis une « mise au point pour France-Inter », sur l'origine du mot bistro. Sa conclusion est sans appel : « Les linguistes sérieux, français ou étrangers, s’accordent donc à reconnaître que bistro a une origine purement française, quoique obscure, et rejettent unanimement l’origine russe [sic sic sic Houra l'Oural !] » Source : Bistro, d'où viens-tu ?  30 mai

Il avait averti : « au moins on ne pourra pas m'accuser d'avoir traité le sujet par-dessus la jambe !! ». Non, tout au contraire, on peut le remercier d'apporter, bien qu'involontairement nous l'allons voir, de l'eau au moulin de la thèse : bistro vient du gitan (Voir sur le même sujet Passages du temps  13, 17 et 19 mars).

Car Charlotte, qui « se lève de bonheur », ne s'en tient pas là. En praticienne de l'inconscient, elle reste prudente : « La recherche continue donc, pour bistrô (t) ».

Notre expert improvisé ayant vérifié la traçabilité de bistro dans les dictionnaires,  il lui répond doctement : « Je ne pense pas... [on apprécie la suspension mise en points]  les linguistes ont fait le tour de la question : formation purement française à partir d'éléments d'origine inconnue, mais qui tournent autour de bistraud, bistringue, bistouille, bistingo... » 

On comprend mal en quoi « l'origine » pourrait être « purement française, quoique obscure », et la « formation à partir d'éléments inconnus ». Il doit confondre avec la langue de boeuf. Ou alors, il est de ceux qui parlent de « purs français... depuis quatre générations »... Mais on ne s'étonne de rien, dans ce bouge national-populaire (de gôche) « interdit aux Fafs » : et aux Gitans ? Ah ces bâtards, obscurs mais néanmoins purement français !

On comprend mieux en vérifiant son texte. Il emprunte à Eva Buchi (in “Bolchevik, mazout, toundra et les autres : dictionnaire des emprunts au russe dans les langues romanes” 2003) cette « formation purement française à partir d’éléments d’origine inconnue », qu'il déforme ensuite en « origine purement française, quoique obscure ». De l'un à l'autre il se trompe doublement. Il remplace d'abord formation par origine qui porte sur les éléments et non sur le mot bistro lui-même. Il commet ensuite une erreur de logique, puisque son affirmation est une contradiction dans les termes (vs une tautologie). La formation peut s'être produite en France (d'où purement française) à partir d'éléments d'origine étrangère, ce qui n'en fait pas une origine purement française, même obscure. Comme quoi on ne s'imPROVISe pas « linguiste sérieux ».

C'est donc ainsi qu'il glisse, pour bistro, d'origine non russe à origine purement française. Bien qu'ayant « préféré [s']en remettre à de plus anciens et de plus savants que [lui..]», il n'a su ni les comprendre, ni les recopier.

Charlotte  s'empresse néanmoins de le trouver « super, cet article ! On en attendait pas moins de la voyante extra-lucide des 'quartiers difficiles', où rien, décidément rien, n'est facile (sauf les copiés-collés auxquels il lui a pourtant été conseillé de se limiter strictement. Stan, elle ne t'écoute jamais, c'est désespérant).

Mais voyons de plus près ces « éléments d'origine inconnue », et suivons pour cela cet incertain Provis improvisant :

De la "mise au point pour France-Inter" [sic] « Le travail de Gaston Esnault, célèbre argotologue français (eh oui, ça existe !), est désigné par Heien comme la contribution la plus importante à l’étude de bistrot. En 1951, Esnault publie une étymologie documentée dans le journal Le Français Moderne. En particulier, il cite la première apparition du mot sous forme écrite, en 1884, dans le sens ‘propriétaire d’un petit café’ : « Elle mange chez le bistro… » (Abbé Moreau, Souvenirs de la Petite et de la Grande Roquette, t. 2, p. 3). Le mot est repéré également en 1885 dans Le Mirliton (Bruant) : « D’temps en temps, un’ pauv’ muffée au Caveau ou chez les bistros de la Révolte ». À ce moment de sa recherche, Esnault est persuadé que bistrot est inséparable de bistingo, ‘mauvais cabaret’, attesté dès 1845, équivalent de bustingue, ‘hôtel où couchent les bohémiens’. Il actualise sa recherche en 1954 (Généalogie de bistro, Vie et Langue, 1954) et discute les relations de bistro avec les mots apparentés bustingue, bastringue, bistringue (variante franco-canadienne du précédent), bistrinque. Le Dictionnaire historique des argots français qu’il publie en 1965 donne le mot sous les deux sens de cabaret et cabaretier, avec pour étymon bistringue. [...] »

On a déjà vu que Provis ne savait pas recopier. Plus inquiétant, il ne sait pas lire ce qu'il écrit, puisqu'il ne remarque pas que sa propre citation recoupe la thèse d'Alice Becker-Ho : « Esnault est persuadé que bistrot est inséparable de bistingo, ‘mauvais cabaret’, attesté dès 1845, équivalent de bustingue, ‘hôtel où couchent les bohémiens’ ». C'est dommage que ce Provis ne couche pas avec les bohémiens; il aurait pu leur trouver un air gitan purement français.

Provis ne cite pas, sans parler de la discuter, une étude évoquée plus haut établissant la probable origine gitane du mot. Elle n'a pu lui échapper : « votre discussion de bistro(t) m'a beaucoup intéressée ». Notre dicotologue tient-il pour pas sérieuse, ou pas linguiste, son auteur, une apatride ayant vécu en France, en Italie, en Espagne... ?

Voilà donc de quoi apprécier l'honnête rigueur de sa méthode, comme le sérieux de sa conclusion. Mais comme il dit : « les conneries et les rumeurs ont souvent la vie dure ! ». C'est vrai : les Gitans ne sont-ils pas des voleurs ? Alors les mots qu'on leur prête... et ce qu'ils en rendent.

A propos donc de cette « pure obscurité française tournant autour de bistraud », un rappel, puisqu'on oublie, ce n'est pas un bis trop :

« BISTRE, BISTRO(T), BISTRAL, BISTROQUET : débit de boisson (certains lui donnent pour origine la brève occupation russe de 1814; mais le mot n'est attesté que soixante-dix ans plus tard)
[mots gitans]
bistr°, bistrau : oublier / bistarben : oubli, distraction »

Alice BECKER-HO, LES PRINCES DU JARGON. Un facteur négligé aux origines de l'argot des classes dangereuses [1992] . Édition augmentée, 160 pages sous couv. ill., 108 x 178 mm. Collection Folio essais (No 263) (1995), Gallimard -etu. ISBN 2070328481. 4,70 € Résumé : Une étude comparée des argots des classes dangereuses à travers une dizaine de pays d'Europe et d'Amérique met en lumière les influences communes qui, voilà déjà plus de cinq siècles, avaient favorisé leur formation. S'y trouvent ainsi établies l'étymologie et la véritable signification de mots devenus aussi courants qu'arnaque, cave, came, toc, tapin, boudin, micheton, thune, dèche, rousse, poulaille, vache, tabasser, mouton, mais aussi bistrot, flamenco, fado, cocu, racket, tchao, mafia, chicane, pagaille, rôdeur ou camarade... 

Charlotte ayant dû exceptionnellement se lever de malheur, à celle des argots, trouve plus d'intérêt  à l'« analyse comparative avec les autres dicos »... excepté celui de Becker-Ho, qu'elle n'ignore pas, puisqu'en grasse compagnie franco-française nationale populaire (de gôche), elle moque quelques lignes plus haut la femme Debord. Effacez ce Gitan que vous ne sauriez voir ! Retour du refoulé pour tous (Charlotte Alain Provis...) :

Becker-Ho, Préface à la deuxième édition (novembre 1992) :

« Dans ces milieux spécialisés [A B-H ne précise pas s'il s'agit des « argotologues » ou des « linguistes sérieux »], une autre particularité est la facilité avec laquelle on peut se renier. Dans son - remarquable à bien des égards - Dictionnaire historique des argots français (ED Larousse, 1965), Gaston Esnault [que cite Provis, notre dicotologue] admet finalement, entre autres, l'« Etym. Romani » de MISTO, MICHTO, après l'avoir hautement rejetée dans un article qu'il consacrait aux « Ciganismes en français et gallicismes cigains » paru en 1935 dans le Journal of the Gypsy Lore Society : faisant, dans les deux cas, autorité en la matière. Les bénéficiaires de son héritage ne l'en traiteront pas mieux pour autant. Entre tous les dictionnaires d'argot que l'on réédite à présent, reste épuisé « notamment le plus fiable, celui de Gaston Esnault que le Larousse de l'argot vient aujourd'hui remplacer », annonce cyniquement Denise François-Geiger dans l'introduction de ce dernier ouvrage (Paris, 1990). [...]

Les Princes du jargon a paru en septembre 1990. J'y ai prouvé que la venue des Gitans dans l'Europe du XVe siècle, qui coïncidait avec la formation d'un argot spécifique des classes dangereuses organisées, n'était pas restée sans influence sur ce phénomène. J'ai montré qu'un tel langage secret, volontairement travesti, avait été forgé d'abord à l'aide de la langue parlée par les Gitans; au lieu de dériver, comme on l'avait longtemps soutenu, de différents patois nationaux. Dans cet argot qui est attesté en France depuis plus de cinq siècles, n'étaient réellement admises qu'une vingtaine d'étymologies romani. J'en ai fait apparaître plus de cent autres, pour trois ou quatre d'entre elles, tout au plus, une autre origine est possible.[...]

M. Courthiade exprime, pour finir, sa plus authentique déception : « L'absence de bibliographie est une des lacunes de cette étude ». Et voilà bien ce qui gène. La fastidieuse bibliographie en fin d'ouvrage, augmentée de l'inévitable index, prouve aujourd'hui, à elle seule, chez les universitaires ou ceux qui veulent s'en donner le genre, le « métier » d'un auteur. Ceux qui donnent des bibliographies n'ont généralement pas lu les livres, et ces bibliographies sont là à l'usage de ceux qui ne les liront pas davantage. Elles prouvent tout au plus que l'ordinateur a été massivement informé; elles sont la caution obligée de toute recherche pour paraître sérieuse. Or, dans tous les ouvrages traitant d'un même sujet, à partir des mêmes sources, on retrouve inlassablement, et plus ou moins bien paraphrasées, les mêmes informations, souvent avec les mêmes mots répercutés à l'infini. Ce qui a été établi par d'autres, sournoisement admis, réapparaît comme autant de trouvailles, sans guillements ni références, et le plus souvent sans faire avancer les connaissances sur le sujet. Mais cela permet d'étendre quantitativement, à très peu de frais, sans se risquer à juger la valeur qualitative de chaque élément évoqué, ni la pertinence de l'usage qui en est fait dans l'ouvrage propre de son «inventeur ».

Mes sources, au contraire, sont clairement citées, sans donc qu'il puisse y avoir là aucune ambiguïté; et j'ai même choisi de composer directement à partir des citations originelles, dont tout le monde pourra ainsi connaître les auteurs. Et je conserverai cette forme sur tous les points où je n'aurai pas apporté d'élément particulièrement nouveau aux plans historiques ou linguistiques. Quant à la méthode, ceux qui pourraient la comprendre ne penseront certainement pas à aller la chercher dans une bibliographie.

Les véritables prédécesseurs de cet ouvrage sont Georges Guieysse et Marcel Schwob, dont on a fini par admettre, mais avec beaucoup de mauvaise grâce et de retard, les découvertes définitives et incontestées : d'une part sur les procédés artificiels dans la formation de l'argot et, d'autre part, sur le jargon des Coquillards.[...]

Je n'ai traité que du langage effectivement utilisé par les classes dangereuses, même si celui-ci, pour des raisons sociales évidentes, est en partie passé dans le langage populaire, à Paris tout particulièrement, embelli des métaphores que l'on sait.

Dans la présente édition, le lexique est enrichi de trente mots nouveaux; mais surtout mon étude se voit étendue et confirmée par une observation internationale. L'observation se trouve forcément limitée aux langues étrangères que je peux connaître. Mais déjà ces preuves supplémentaires devraient mettre fin à toute discussion. »

Pour le moins, il est conseillé à l'auteur de cette besogneuse dissertation truffée d'erreurs, de lire Alice, au pays des Gitans (4,70 €). Sinon, c'est pas grave, il peut être assuré d'une chose : A. Becker-Bo ne fera pas de mise au point pour France Inter, et encore moins pour le bistro des -modéré- où il se compromet avec tant d'ardeur nationaliste et aussi peu de sérieux linguistique... sauf pour Charlotte : « Je pense que Provis devrait publier son article dans un journal, c'est dommage que d'autres que nous n'en profitent pas » (moi si, et même je publie ce dommage dans mon journal intime).

Aux deux je déconseille « De la langue française : Essai sur une clarté obscure », ce livre est écrit par un impur linguiste français au nom difficile à écrire : Meschonnic, d'origine russe, entre autres...

Et comme c'est bizarre, ces plumitifs qui se ressemblent... dit mon petit doigt d'or, concernant ce réglement de compte inavouable et doublement masqué. Mais c'est vrai, quoiqu'obscur, notre expert en pures origines françaises n'écrit pas dans l'Humanité, où l'on est plus -modéré- et fort peu rancunier, quand il s'agit d'oublier. En gitan : bistrau.

* 31 mai

Les "difficultés" de la gauche de la gauche : une caution à l'idéologie démocrate radicale sur la base du programmatisme ouvrier

La presse rend compte des « difficultés » de « la gauche de la gauche » à se mettre d'accord sur des candidatures communes aux élections, en particulier aux présidentielles. Celles-ci ne sont pas compréhensibles sur le seul plan politique, par des raisons de querelles d'appareils et le choix du meilleur candidat commun. Elles ne sont pas compréhensibles du seul fait de la personnalisation de la vie politique, ou des seuls intérêts de partis concurrents.

Les différences entre ces partis, si elles ne sont pas négligeables, notamment sur la question de soutenir ou de participer ou non à un gouvernement commun avec le Parti socialiste, ont une cause plus profonde de caractère idéologique.

Elles doivent être interprétées comme des oppositions de fractions au sein de l'alternative radicale, visant à éviter une déperdition de clientèle interne (adhérents) ou externe (électeurs), avec un même objectif : laisser entendre qu'il n'y a pas d'autre voie que l'antibéralisme et la participation gouvernementale pour s'en prendre au capitalisme. Le masque de l'anticapitalisme de la LCR ou de tendances dans et autour du PCF ne sert qu'à préserver leur virginité gauchisante relativement à l'ensemble : c'est la difficulté d'assumer le discours du démocratisme radical avec des restes de programmatisme ouvrier, alors qu'ils sont majoritaires, par ailleurs, à Lutte Ouvrière.

Il convient donc que les débats soient strictement limités à des aspects internes à cette problématique, et pour les militants de tous ces partis ou fractions, sans le savoir ni le comprendre : se montrer le plus radical ou le moins électoraliste, et exclure toute discussion qui sortirait la lutte de classe de ce champ idéologique, qui est leur fond de commerce commun.

Le comble du citoyennisme, ou son essence ?

« Toute émancipation n’est que la réduction, du monde humain, des rapports, à l'homme lui-même.
L'émancipation politique, c'est
la réduction de l'homme d'une part au membre de la société bourgeoise, à l'individu égoïste et indépendant, et d'autre part au citoyen, à la personne morale.
L'émancipation humaine n'est réalisée que lorsque l'homme a reconnu et organisé ses forces propres comme forces sociales et ne sépare donc plus de lui la force sociale sous la forme de la force politique. » Karl MARX, La question juive, 1843

« Pour une saisine citoyenne du Conseil Constitutionnel  »

Ce texte a le mérite de dévoiler l'essence du citoyennisme, qui n'existe que par l'Etat. Le citoyen, figure démocratique de la société civile, se ligote lui-même en proclamant l'utilité de son impuissance : « Cependant, nous pensons que cette action est fondamentale. Cela permet de montrer aux politiciens et au Conseil Constitutionnel, notamment s’il est saisi par des parlementaires, qu’une partie de la société est fermement opposée à la loi contre l’immigration et plus généralement au projet de société qu’elle augure et aux politiques menées actuellement. C’est montrer que nous résistons. » Il ne s'agit effectivement que de (se) montrer, pour démontrer quoi ? « notre volonté de contribuer à la construction d’un véritable Etat de droit ». Bien sûr, tous les discours citoyennistes ne sont pas aussi transparents, mais tous sont fondés sur la même idéologie : la neutralité de l'Etat relativement au capital, une nature de l'Etat au-dessus des classes et la possibilité de l'utiliser alternativement pour les intérêts de l'une ou l'autre. Le lien entre Etat et capital n'est affaire ni de bonne constitution, ni d'intervention citoyenne, celle-ci ne pouvant que refléter l'essence sociale, c'est-à-dire capitaliste, de l'Etat. Voir ÉTAT (critique de l'-), Contribution à une critique du citoyennisme, et Critiquer le «citoyennisme», élaborer la théorie de la communisation Avec quelques réserves, pour de bonnes citations de Marx : Hegel, Marx et la « société civile »

« La société est bien gouvernée quand les citoyens obéissent aux magistrats et les magistrats aux lois. » SOLON, Législateur et poète athénien (-640/-558)

Si les citoyens n'obéissent plus aux lois, c'est qu'ils refusent l'Etat de droit. Ils n'agissent plus alors en tant que citoyens : ils ne sont plus des citoyens, mais des insurgés, à moins de demander d'autres lois, pour les respecter, redevenir des citoyens, etc. Aller plus loin, c'est refuser en tant que classe contre le capital tout Etat de droit, c'est-à-dire faire la révolution pour abolir les deux.

* 30 mai

Quelques interventions

Quelle part d’humanisme [théorique] dans « l’activité de crise » vers la communisation ?

« Provocateurs ? », 18 et 22 mai

* 29 mai

Ignatius ou La conjuration des imbéciles 

« un personnage tellement hors norme, un gros qui fout la merde partout, agressif, un révolutionnaire, avec une mère épuisante, une amie bien folle, mais efficiente, l'affirmation qu'il y a eu un pic de culture, puis une dégénérescence [la suite] »

* 28 mai

Le capitalisme n’a comme perspective à offrir que la relance de la précarité, complément à l'article :

CPE, flexsécurité, Sécurité sociale professionnelle : des mesures d’accompagnement de la précarité

Lire aussi dans la même rubrique La revendication de « sécurité sociale professionnelle »  : La grande convergence... Cgt-Cfdt-Sarkozy pour un « nouveau statut du travail salarié »

A cette occasion je remonte, dans l'arborescence du site, cette rubrique ouverte le 25 mars, en plein « mouvement anti-CPE ». Elle en situait alors en toile de fond quelques enjeux, qui ressortent plus clairement depuis. Cette rubrique sort donc de « Printemps 2006 ».

Anecdote démocratique : le message où j'introduisais le thème de la flexisécurité dans les bla-bla du Forum politique des Marxistes Révolutionnaires (Amis de la LCR), thème qui en était absent (jusqu'à la prochaine déclaration fracassante de Besancenot à la télé ?), a été supprimé. Sans commentaire. Un critère d'appréciation du sérieux "révolutionnaire" est, sur quelques points dont celui-là, qu'on peut en parler (ou pas !), sauf s'il ne s'agit que de sauver les apparences : « Les vérités scientifiques sont toujours paradoxales lorsqu'on les soumet au contrôle de l'expérience de tous les jours qui ne saisit que l'apparence trompeuse des choses » Marx, Salaire, prix, et profit

Cherche mouvement social, disparu entre le 4 et le 11 Avril 2006..., Robin Goodfellow, 22 Mai 2006, transmis par Réseau international de discussion

Commentaires rapides : je fais écho à ce texte, qui participe du débat communiste, avec en bonne logique toutes réserves quant à ses fondements théoriques, certains points clés de l'analyse et des conclusions liées en conséquences  : une description soucieuse des faits et des remarques que je partage (dynamique formelle du mouvement vers sa fin par le jeu du syndicalisme...), mais le caractère global de la restructuration du capital et de l'exploitation du travail n'est pas évoqué; l'analyse s'appesantit sur la place sociologique, dans le mouvement, des couches moyennes « qui ont du mal à s’inscrire dans la durée dans la mesure où ils n’ont ni la tradition historique ni le projet révolutionnaire qui caractérisent le mouvement prolétarien »; la jonction avec les travailleurs d'entreprises est attendue, de même qu'un « germe » pour le développement d’« un mouvement prolétarien généralisé, que l’on sent à chaque fois en toile de fond, sans que les conditions soient mûres pour qu’il s’exprime pleinement » dans ce qui est perçu comme une « trajectoire [qui] ne peut être qu’ascendante ». On ne sort ni du programmatisme ouvrier ni de l'idée de transcroissance des luttes revendicatives vers la révolution.

Meeting : questions à propos du «tract»  Le grondement de la bataille et la plainte des pleureuses [tract]

« Affaire Clearstream » : la dérive des incontinents... confondus

ÉTAT (critique de l'-), rubrique ajoutée à RESSOURCES CRITIQUES CLASSÉES

Lettre ouverte aux participants à Meeting, Réseau international de discussion...  quelques modifications

* 27 mai

La maladie infantile au coeur du petit capital !

Gaucho : la société Syngenta Seeds mise en examen

PARIS (AP) vendredi 26 mai 2006, 16h56 - La société agro-industrielle Syngenta Seeds a été mise en examen mercredi pour avoir fait détruire illégalement des semences périmées, enrobées de Gaucho, produit interdit depuis 1999, par un agriculteur du Lot-et-Garonne entre 1999 et 2002, a-t-on appris vendredi de sources judiciaires.
Filiale du groupe Syngenta (7,3 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2004), Syngenta Seeds aurait rémunéré contractuellement un agriculteur de Villeneuve-sur-Lot, également mis en examen, pour qu'il détruise ces stocks de graines non germinatives et donc non commercialisables.
La législation prévoit que les semences périmées soient incinérées [on brûle le Gaucho comme Jeanne d'Arc et Giordano Bruno]. Or, cet agriculteur les épandait sur ses parcelles ce qui aurait provoqué non seulement une pollution des sols  [il s'agit donc bien d'une maladie du capital foncier, pénétré en profondeur par le Gaucho] mais aurait eu également des effets nocifs sur les abeilles des apiculteurs situés en bordure de cette exploitation agricole.
L'enrobage de graines de tournesol au Gaucho a été interdit par décision ministérielle du 22 janvier 1999 au nom du principe de précaution. Une mesure similaire a été prise pour l'enrobage des graines de maïs en 2004.
Les apiculteurs affirment que l'utilisation du Gaucho a décimé leurs abeilles et provoqué une baisse de la production. Les expertises scientifiques sur les effets du Gaucho sont contradictoires [c'est le moins qu'on puisse dire, et les experts ne sont pas au bout de leurs peines]
"Il faut espérer que ce dossier permette d'assainir le marché des produits phytosanitaires et qu'il s'agisse également d'un signal de redémarrage de l'instruction sur le Gaucho", a déclaré vendredi Me Bernard Fau, l'avocat de l'Union nationale de l'apiculture française, partie civile dans ce dossier.
Un porte-parole de Syngenta Seeds a confirmé vendredi la mise en examen de la société, mais s'est refusé à tout commentaire. AP

Bref, retenez que détruire le Gaucho assainit le marché, et que détruire le marché rassérène le gaucho. C'est Philippe Herzog qui va être jaloux, au coeur du grand capital financier !

* 25 mai

À mes chères soeurs, à elles
à mes chers frères et autre a-Consuel
jeudi ascensionnel
léger je dis plaisir consensuel

Philippe Herzog, du Parti communiste au coeur du grand capitalLe Monde, 25.05.06, 14h22
A consumer sans modération, et comme si le capital n'y était pas, au coeur du petit Parti communiste...

Lettre ouverte aux participants à Meeting, au Réseau de discussion international, et à quelques autres plus ou moins loin...

Pour une éventuelle discussion sur le versant public : « on peut en parler (ou pas !)  », précisément, au Meeting permanent, dont le site réunit sous cette rubrique les textes non destinés à la publication dans la revue en papier (c'est ainsi que je l'entendais pour le mien)

Jazz, communisme, et improvisation : retour sur un parallèle, de la relation théorie-expérience-action dans les pratiques "révolutionnaires", et de l'improvisation vs 'improvisation simulée', dans le jazz. Version provisoire. Texte entier ici.

Je reviens ici sur le parallèle de l'improvisation et de l'action révolutionnaire, déjà abordée dans mes écrits de 2002-2003 (Jazzitude, De la créativité révolutionnaire individuelle et collective, Jazz et communisme).

J'y reviens parce que malgré l'empreinte dans ces textes d'un vitalisme mâtiné de situationnisme de basse intensité à la Vaneigem, qui était alors, en quelque sorte, une  projection idéologique dans la formalisation d'une intuition quant à la puissance de cette analogie, je persiste à penser que ce parallèle est éclairant, qu'il possède une vertu didactique. Les limites sont celles propres à toute démarche analogique, à filer la métaphore sans un minimum de précautions méthodologiques, dans des champs différents. Ce parallèle, je l'avais certes réinvesti fin 2004, mais avec des à-peu-près fortement subjectifs, dans des échanges sur le site (fermé il y a quelques semaines) anticapitalisme.net, d'Isabelle Stengers et Claude Pignarre (politique comme art, communisme comme praxis poétique, oeuvre-sujet, septembre 2004). S'il demeure pour moi pertinent, c'est pour le fond du rapport établi, dans une situation de création en temps réel, entre d'une part ce qui est l'acquis théorique, technique ou expérimental, et d'autre part ce qui se présente de nouveau, d'imprévisible, et qui tient à la réalité de toute action réactive au présent. Il s'agirait par conséquent de valider ce parallèle relativement à l'évolution à ce jour de mes repères dans la théorie communiste. Je tente ici de le reconstruire en ce sens. [...] Lire la suite

* 22 mai

Flexisécurité, suite... 
La grande convergence... Cgt-Cfdt-Sarkozy pour un « nouveau statut du travail salarié », Nouveaux droits sociaux (Partisan mai 2006)

Pour en finir avec les illusions sur un Etat anticapitaliste
L'Etat / démocratie et fascisme / Nouveau cycle de luttes et recomposition de la gauche et de l'extrême-gauche, Théorie communiste n°13, 1996

A l'heure où ça commence à phosphorer fort pour préparer la présidentielle comme étape de "l'alternative radicale", où l'on se déchire à la LCR, au PCF, et alentours, pour savoir s'il faut ou non des "candidatures unitaires", ça fait pas de mal de se mettre un peu de plomb théorique dans la tête (ouh la la : roulette russe ?!). Et quitte à se prendre le chou, mieux vaut avoir quelque chose dedans, non ?

* 21 mai

L'état libéral, à quelque chose près... de chez nous : Patrick MIGNARD 

Rollins : Une discussion chez CitizenJazz  Une autre, peut-être, chez JazzBreak 

Le grondement de la bataille et la plainte des pleureuses, Brutes ouvrières, 5 avril 2006 (transmis par Christian Lenivelleur)  

Le rap et la loi, Christian BETHUNE, du même :  Violence et réalisme, 2000 Le rap, une esthétique hors la loi, Le jazz comme oralité seconde (L'Homme), Charlie Mingus, Sidney Bechet (Livres)...

Meeting : une discussion... « Le capital et l'Etat ne seront détruits qu'en détruisant la gauche  » ? Voire !

* 20 mai

Les mauvais jours brûleront , considérations sur les récents événements en France, et sur le brillant avenir qu'ils annoncent, traduit de l'espagnol par Brice M., novembre 2005

Texte que me signale Christian Leniveleur et que j'ajoute à ma 'collection' : Révoltes en France novembre 2005

* 19 mai

Dit d'une longue fidélité / Sonny Rollins, une leçon de présence, un monument d'histoire vivante, à propos du concert à l'Olympia, le 18 mai

* 18 mai

Sonny ROLLINS

Le point d’explosion de la revendication (suite de Le point de rupture de la revendication), Louis MARTIN 

* 16 mai

Alternatives, émancipations, communisme  L'alternative radicale des "marxistes" selon Espaces-Marx

18 mai Je signale ces journées d'études, où l'on trouve dans le programme, les contributions, et la liste des intervenants, tout ce qui traduit la vaine tentative de présenter l'alternative radicale dans la perspective du communisme, et de lui donner une substance théorique. C'est en quelque sorte une relance des Etats-généraux du communisme dans le troisième des champs qu'ils définissaient en juin 2002 (les radicalités, la gauche, le communisme). On y retrouve tous les participants à divers titres (dirigeants politiques, sociologues ou philosophes, politiciens de réseaux, élus...) gravitant, autour du PCF et de la LCR, au sommet de cette idéologie et de cette politique. "Sommet" qui n'en atteint pas, en tout cas sur le plan théorique, en matière de critique du capital et de l'Etat. La pauvreté des textes n'est pas relevée par les rengaines de Bidet et Sève sur la question...

Des fois, une bonne (re)lecture de l'Idéologie allemande ou du Capital, ça vous remet les pieds sur terre, dans son tango avec le capitalisme.

Cette concentration de textes (et de personnes) est néanmoins intéressante pour qui s'intéresse à la critique relevant des approches théoriques dans lesquelles j'inscris mes interventions.

Appel à une coordination nationale des collectifs à tendance « ni CPE ni CDI »

* 15 mai

Lettre ouverte aux participants à Meeting, au Réseau de discussion international, et à quelques autres plus ou moins loin

* 14 mai

Négociations sur la flexisécurité : c'est parti !

« Emploi : le MEDEF rencontre les syndicats lundi PARIS (AP) dimanche 14 mai 2006, 14h00 - Le MEDEF recevra les syndicats à partir de lundi pour des discussions sur les "enseignements" à tirer de la crise du CPE en matière d'emploi et de précarité. La présidente de la première organisation patronale de France, Laurence Parisot, avait indiqué en avril qu'elle souhaitait notamment discuter avec les confédérations de "toutes les flexibilités". [...]» Lire la suite

Comme il fut dit plus bas (10 mai : Après la tempête), le mouvement anti-CPE, revendicatif de pur refus, a débouché sur la "victoire" du mot d'ordre  « Retrait du CPE », sans sortie par une négociation à chaud sur la sécurité sociale professionnelle que les syndicats ont été contraints de ne porter que fort discrètement dans le mouvement, mais que celui-ci n'a pas soutenue. « Passé le traumatisme des "vaincus" et rangés les verres de mousseux des "victorieux" » la négociation peut donc s'ouvrir, à froid, avec des partenaires sociaux relégitimés et aux mains libres, jusqu'à preuve du contraire, pour signer... Triste Grenelle en perspective.

Quel sens à mes interventions politiques ?

Il n'est pas aisé de suivre mes interventions, en relation avec leurs présupposés théoriques et les questions qu'ils me posent (cf. 3) POUR LE "COMMUNISME" Interventions 2006) relativement au dit « courant communisateur ». Pour simplifier, elles s'inscrivent encore néanmoins, et grosso-modo, dans la perspective ouverte par l'éditorial de Théorie communiste n°13, en décembre 1996, sous le titre La révolution est redevenue un sujet polémique, et les débats suscités depuis dans les luttes, ou autour de la revue Meeting.

On n'aura pas manqué de vérifier, au fur et à mesure que les luttes en contenus comme en formes donnaient à ces concepts une présence nouvelle, la lucidité de cette phrase de dix ans [je souligne] :

« Il est bon d’être attaqué par ses ennemis ; nous avions envisagé dans un premier temps que le démocratisme radical, contrairement au programmatisme pouvait nous permettre une intervention critique positive. Nous savons maintenant qu’il s’agira aussi, outre cette intervention, d’une polémique très dure.[...] »

Dans leurs aspects plus politiques que théoriques, mes interventions relèvent de cette démarche, qui pour l'essentiel me semble validée par ce qui s'est produit depuis, avec la confirmation de la structuration du discours des organisations porteuses de l'idéologie démocrate radicale  :

« La polémique doit s’exercer contre :

1°: Les attaques destinées à exclure du champ les positions de rupture révolutionnaire sous les prétextes les plus divers : élitisme, division du front "antifasciste", maximalisme, théoricisme, archaïsme, purisme..., cela en exposant les véritables enjeux du conflit : alternative ou révolution.

2°: Contre les stratégies de rattachement de tout ce courant à l’électoralisme suivant la double équation :

- les "petites gauches" unies équilibrent le P.C.F
- les "petites gauches"+ le P.C.F équilibrent le P.S.

Sur ces axes polémiques, il est possible de s’adresser à ceux pour qui l’alternative n’est pas un grignotage du mode de production capitaliste, ne subsume pas, ne résoud pas la contradiction entre les classes au fur et à mesure de ses progrès, n’est pas un petit morceau de monde libéré, mais n’est que revendication de l’autonomie de la classe (vouée maintenant à l’échec --ce qui ne l’empêche pas d’exister et de se renouveler--), et qui font de celle-ci leur combat. »

A cet égard, mon tort aura été j'en conviens de m'adresser, au delà du possible, « à ceux pour qui l’alternative n’est qu'un grignotage du mode de production capitaliste... » et par conséquent de me perdre en polémiques certes dures, mais vaines.

* 13 mai

Les habits fripés de l'antilibéralisme, Patrick MIGNARD

Bellaciao : la liberté de s'exprimer et celle de censurer, assorti de considérations sur ma conception du débat politique

« Soutenez Bellaciao et la liberté d’expression : Vendredi 12 mai 2006 à 14H , Bellaciao a été convoqué par un juge d’instruction au Tribunal de Grande Instance de Saint Nazaire. Roberto Ferrario est assigné en justice en tant que témoin assisté en vue d’une éventuelle mise en examen [...]»

« Rien n'est sacré, tout peut se dire », Raoul VANEIGEM

Il est fort déplorable, et condamnable, que BELLACIAO soit la cible d'une attaque en justice. Il n'en demeure pas moins que son site ne publie que ce qu'il veut bien et ne met en exergue que ce qui alimente l'idéologie antibérale, le "démocratisme radical", le citoyennisme et ses traductions politiciennes, dont il est un vecteur médiatique virtuel. N'étant pas en apparence lié à telle organisation, il n'apparaît jamais comme "sectaire".

Parmi la centaine d'interventions soutenant Bellaciao, je n'en ai vu aucune témoignant de ses pratiques de censure pure et simple, alors même que son credo est la démocratie... Contradiction dont j'ai dit et répété ce qu'elle recouvrait.

C'est ainsi que plusieurs de mes textes, comme d'autres dont ceux de Patrick MIGNARD (qui publie désormais sur L'en dehors), ont pu être supprimés sitôt que mis en ligne selon le principe, affiché comme fonctionnement du site, de la libre publication.

C'est ainsi que durant le "mouvement anti-CPE" chacun a pu constater, à travers des polémiques sur Indymédia, de quelles interventions Bellaciao se faisait le relai privilégié et quelles autres il évacuait.

Bellaciao est "citoyenniste" profil bas, et "démocratiste radical" favorisant la mise en ligne des organisations politiques, syndicales et associatives porteuses, et des intervenants qui les servent par leurs polémiques internes, pas moins alignés idéologiquement que n'importe quel adhérent dit "stalinien" et "sectaire" : c'est le noeud psycho-social de cette idéologie de donner le change en radicalisant la démocratie, et c'est précisément ce que porte cet appel à "soutenir Bellaciao et la liberté d'expression".

Tout cela n'a rien que de normal. Tout milieu "engagé" se structure autour d'un centre de gravité, un noyau dur idéologique, accueille avec d'autant moins de faveur ce qui gravite plus loin de ce centre d'attraction, d'autant plus de ferveur ce qui l'alimente. Aucun site, blog, forum... n'échappe à cette régle : vous avez dit "spectacle" ? N'existerait que ce dont on parle, en singeant en petit la télé ?

C'est pourquoi je juge inutile, à l'expérience, de protester contre la censure qui me fut imposée ici ou là, et qu'il est idiot de considérer que j'y intervenais uniquement afin de la dénoncer : les imbéciles s'imaginent à tord que l'on pense et agit comme eux. J'en ai pris acte et tiré mes conclusions, j'ai refusé les explications qu'on me donnait : "insultes" (à agent ?), "non respect de la charte" (dont certaines furent adaptées sur mesure à mon cas), « vos idées ne nous intéressent pas » (le cerbère de Multitudes), etc. Morceau de choix : « bon, répondre aux conneries de pat lotch, c'est lui faire trop d'honneur.... pour ceux qui viendraient ici depuis pas longtemps, pat lotch est un "parasite des forums" viré succéssivement de tous les forums possibles et imaginables ! meme le forum sur le jazz ! » (source : Avanti ! Les bulletins) signé de l'ineffable LCR = Louis Christian René, tireur de ficelles et manipulateur de haut vol du forum FMR, où l'on a vu des débats passionnés autour de textes ou expressions dont plus personne ne pouvait se faire la moindre idée... procédé (trotskiste ?) comparable aux recompositions, effacements, réapparitions, gommages, collages... photographiques ou textuels du stalinisme; procédés dont use et abuse pas moins le site Bellaciao : Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages ! Le si sollicité "populaire" dit encore : « C'est l'hôpital qui se fout de la charité »

Je ne suis ni maso, ni chrétien, ni athée *, et moins que tous un ange. Je ne pose pas au Monsieur Loyal. Je n'exige par conséquent rien de cet ordre, moral, de la part des autres. Je hais le mensonge, la mauvaise foi, la dissimulation, la déformation. Mais quitte à combattre l'incompréhension de quelque excès "pédagogique", je suis tout sauf naïf, en dernière instance.

Alors donc, pourquoi signerais-je un soutien à mes censeurs ? Pourquoi soutiendrais-je un idéologie que je combats, au nom de « Quand les blés sont sous la grêle / Fou qui fait le délicat » (Aragon dans La rose et le réséda, poème promouvant dans la Résistance française l'alliance entre staliniens et chrétiens), quand ceux-là s'opposent de toutes leurs forces à l'idée que je me fais et que j'assume, de la liberté de paroles et d'actions ? Quand ceux-là, au pouvoir dont ils rêvent, useraient des mêmes méthodes, puisqu'ils en usent déjà en protestant du contraire, s'auto-promouvant en champions de la « liberté d'expression » ? C'est comme le nègre qui me faucha un jour 100 balles au nom de l'antiracisme, n'est-ce pas ?

Quand les dénonciateurs du supposé « pire » utilisent la morale mais les mêmes procédés qu'ils prétendent condamner, alors qu'ils ne vont pas au fond de la critique, ni en théorie ni en pratique, et censurent ceux qui s'y collent, je ne tends pas l'autre joue, je les sors à coups de pieds au cul, ce que plus d'un aura expérimenté physiquement. S'ils sont trop forts sur un terrain de mauvaise augure, je me casse (Sun Tzu in L'art de la guerre, ou Henri Laborit dans Eloge de la fuite, si conspué par les staliniens). D'autres que je n'ai pas eu le désagrément de rencontrer n'auront eu à se plaindre et prétexter que de mes insultes ("Patlotch m'a traité" etc.). Aucun ne m'a donné, ne serait-ce que d'un mot, l'occasion de le regretter : et quoi encore ? Le pardon ? Les saints sacrements démocratiques ? Je les rassure : c'est simplement que l'occasion ne s'est pas présentée, je ne la cherche pas, de leur foutre mon poing dans la gueule.

Je n'ai personnellement aucune raison de censurer quiconque, ni de déformer des idées pour les combattre. Ce qui m'intéresse c'est de combattre ce qui est tel que c'est. Je ne prétends pas que l'observation ni l'interprétation soient neutres, qu'elles ne projettent pas leurs présupposés avec les risques de ce qu'est la pensée, dans la représentation qui fonde la critique (artefacts, illusions de laboratoires etc.). Mais cela même je fais effort de le distancier, de multiplier et croiser les points de vue et focales, et de repérer mes propres points aveugles.

En somme, une différence passe entre ceux qui ont besoin de connaître la réalité pour la transformer, et d'autres celui de ne pas la (faire) connaître pour ne pas avoir à la transformer. Cela s'explique par leur idéalisme foncier, puisqu'ils croient que les idées décident de la réalité sociale, et non la réalité sociale des idées. Il en découle qu'ils espèrent changer les choses en supprimant certaines idées, ou en donnant aux leurs plus de poids qu'elles n'en ont. Manque de bol, si elle n'est pas imperméable à toute stratégie, la lutte des classes ne se réduit pas à un pocker menteur. Comme disent les musicos confrontés aux réalités sonores de l'improvisation collective : « rendez-vous au tas de sable »

Certains de mes amis, théoriciens communistes, considèrent comme inutile ou erroné de polémiquer directement avec ceux qui portent les objets de notre critique, ou même qu'on a toujours à voir avec elles, quand on le fait. Certes. Quand cela aboutit à ne rien dire, si ce n'est ne rien faire, je ne les suis plus, à tord ou à raison. Je préfère gesticuler en vain que crever d'isolement. Je cherche pour ma part un genre qui me convienne. Je polémique indirectement : je ne proposerai donc pas ce texte à Bellaciao, comme certains vont jouer les mouches du coche à la Fête de l'Huma, « parce qu'il y a du monde ». Quand on ne peut opposer qu'un prétendu « élitisme antipopulaire » à son propre populisme et à sa démagogie, il y a du souci à se faire, pour "le peuple".

Le démocratisme radical a beaucoup plus à voir avec l'Etat, y compris stalinien, qu'il n'affiche de le dire.

Au nom de son accroche dans la vitrine « Se rebeller est juste, désobéir est un devoir, agir est nécessaire ! », à Bellaciao, je dis merde ! et j'ajoute, avec Pasolini : « Mieux vaut être un ennemi du peuple qu’un ennemi de la réalité »

* 12 mai

Le leurre et les gens du leurre, de haut en bas

« Les hommes ont toujours été et seront toujours en politique les dupes naïves des autres et d'eux-mêmes, tant qu'ils n'auront pas appris, derrière les phrases, les déclarations et les promesses morales, religieuses, politiques et sociales, à discerner les intérêts de telles ou telles classes. » LENINE

A propos de l'appel Pour un rassemblement antilibéral de gauche et des candidatures communes : il y a urgence, Patlotch fait de la politique fiction

Le leurre des gens...

Voilà donc une péripétie de plus dans le slalom spécial de la gauche anti-libérale, en marges du slalom géant pour la présidentielle.

Les coulisses de cet appel ne sont guère plus transparentes que celles de "l'affaire Clearstream", puisque toute la politique n'est par définition qu'une vaste "affaire d'Etat", dans laquelle les "citoyens" ne sont qu'une base de manoeuvre, plus ou moins dupe et participative. Le maître-mot en est un traitre mot : démocratie. La différence est ici qu'il faut sauver les apparences démocratiques, et même en rajouter radicalement, pour apparaître comme beaucoup moins politicien que ceux que l'on critique et répondre aux supposées aspirations de sa prétendue base populaire. D'où la forte composante moraliste qui compense l'absence de concret de leur "projet", toujours repoussé à plus tard du fait de son irréalisme consubstanciel, de sa nature idéologique comme produit de l'effondrement du mouvement ouvrier et de ses organisations syndicales et politiques, que ne maintient que leur institutionnalisation spectaculaire. Mais politicien, comme en atteste la carrière syndicale ou politique des leaders à l'initiative de cet appel, on l'est par nature de ce qu'est devenue la politique dans le capitalisme spectaculaire : aucun homme d'Etat* quel que soit son talent de marionnettiste, n'y échappe, ni aucun militant défendant ces couleurs. Politicien d'en haut, politicien d'en bas, même combat. * femme d'Etat serait délicieusement féministe mais est logiquement peu revendiqué

Quel leurre ?

L'impossibilité d'un programme alternatif antilibéral n'est pas due essentiellement aux obstacles, de nature politique, pour réaliser l'unité adéquate entre les organisations supposées le promouvoir en France à l'occasion des échéances électorales. Elle est fondamentalement liée à l'état du capitalisme globalisé, à son évolution prévisible et à ses particularités en France, notamment avec la montée en puissance de l'hyper-capitalisme chinois et d'autres états émergents, dans le système concurrentiel appuyé sur les Etats-nations ou zones régionales plus ou moins (con)fédérées. Celles-ci ne sont que l'élargissement géographique permettant à la structure étatique d'atteindre le seuil de puissance qui pèse dans la mondialisation : que l'on construise telle ou telle Europe n'y changera rien que de variantes transitoires.

Le démocratisme radical est l'opium de ses militants

Bien que hautement improbable, l'éventualité d'un gouvernement de la gauche anti-libérale ne peut déboucher sur la mise en oeuvre d'un programme susceptible d'enrayer la marche du capital mondial vers sa crise de reproduction systémique : un tel programme est introuvable car il n'a aucune base sérieuse dans les conditions de l'économie politique réelle. Ce qui est improbable politiquement est donc de surcroît une supercherie économique. Le leurre sera d'autant plus durable que l'objectif n'est qu'une utopie d'aménagement du capital, la fuite en avant d'une illusion, entretenue par le besoin de la foi et la peur d'en assumer la perte tant qu'on n'y est pas contraint.

Un sarkozysme de gauche ?

En réalité, il n'y a qu'une politique qui pourrait préserver "le peuple français" des conséquences de la globalisation capitaliste, celle-ci ne relevant pas en dernière analyse de décisions politiques, mais du cours de l'économie et des contradictions du capital. Ce serait une politique protectionniste dans un champ national-français ou européen, et liant son sort plus étroitement à celui des USA. Elle consisterait en mesures contraires au discours traditionnellement ouvert, universaliste voire internationaliste de la gauche, qui ne pourrait gouverner qu'en se piégeant sur le terrain de la culture politique qui la définit comme "gauche", et contre sa base sociologique "populaire" de plus en plus clivée dans ses conditions matérielles de vie. Ce serait une politique qui peu ou prou ne pourrait, en prétendant favoriser "son" peuple, qu'en opposer le sort à celui d'autres, et conduire ni plus ni moins qu'une autre à la prochaine guerre mondiale, portée comme l'orage... Cette politique serait amenée à court terme à faire du sarkozysme sans le dire, ce que recoupe et rend prévisible le succès dans les sondages des mesures préconisées par l'Iznogoud original, y compris dans la clientèle de la gauche, en matière d'immigration par exemple. Les dirigeants socialistes le savent et restent prudents derrière leur gesticulation d'opposition. La nature des régimes actuels et futurs est un mixte de démocratie-dictature qui n'a rien à voir avec chacune de ces formes opposées précédemment dans l'histoire moderne. Il ne faut pas se tromper d'époque, et Sarkozy n'est pas Le Pen, qui n'a jamais été une possibilité politique réelle. Sarkozy n'est que l'homme de cette situation -il est perçu comme tel plus que comme "homme providentiel", espèce historique en voie de disparition- avec l'avantage sur tous les autres du discours le plus en relation avec ses actes, et des actes les plus prosaïquement en phase avec les besoins du capital. En d'autres termes il n'y a plus de politique gouvernementale possible à gauche, au sens de ses valeurs traditionnellement admises par opposition à celles de droite : la gauche en est réduite à faire de la morale en paroles et le contraire en actes, non par trahison, mais faute de choix, ce qu'annonçait la personnalité d'un Jospin et que profilent les propos d'une Royal, au degré zéro de leur contenu politique qui est la condition de sa popularité et en fait la fragilité. Il n'existe pas d'alternative "de gauche" et la "vraie gauche" est un mirage d'opposition.

Le capital fait la politique, non l'inverse

L'idée est fumeuse selon laquelle le capitalisme serait un produit de la politique et de l'Etat, quand l'inverse s'est vérifié partout depuis l'apparition de ce mode de production, dès lors qu'on observe son évolution sur des périodes de temps dépassant la conjoncture de circonstances institutionnelles (du type mandat présidentiel pour la France...) pour atteindre le temps moyen des cycles du capital et de la lutte de classes. Cette évolution historique n'aura pas été déterminée par la nature de gauche ou de droite du gouvernement, comme le montrent abondamment ses similitudes dans des Etats-nations à des stades comparables de développement sous des régimes différents, de gauche ou de droite, démocratiques ou dictatoriaux. Les régimes durs ne furent pas les plus mauvais en matière sociale, et le prolétariat l'a su, en dehors des périodes de guerre. En réalité, il n'y avait dans les pays du capitalisme avancé que la gauche social-démocrate alliée ou non aux bolchéviques qui pouvaient à certains moments clés prendre en charge l'adaptation de l'Etat et des lois aux exigences d'évolution du capital boostées par la lutte de classes, la puissance et les objectifs du mouvement ouvrier (passage en subsomption réelle dans la première moitié du siècle pour les pays avancés du capital, avant la période de restructuration mondiale depuis trente ans). Le bolchévisme au pouvoir ne fit pas autre chose dans les pays du "socialisme réel".

Matérialisme nous voilà

Il en va de même aujourd'hui : les nécessités de l'économie politique du capital sont incontournables et ne dépendent pas de bons ou mauvais sentiments. Elles ne sont pas amendables par la morale ni par des mesurettes au niveau d'une nation ou même d'un continent. La concurrence et la répartition géographique ou sociologique des fonctions capitalistes se chargent de rétablir les équilibres repoussant les échéances critiques : c'est le côté très "naturel" du fonctionnement de l'économie politique, telle que Marx en a fondé la critique dans le Capital. Ce que tel "peuple" gagnerait d'un côté avec la gauche, il le perdrait d'un autre. D'ailleurs, les clivages du futur sont moins entre peuples nationaux qu'entre parties entières du prolétariat plus ou moins encore "protégées", et ils traversent les frontières même les plus étanches, puisque cette question apparaît comme cruciale au sein des pays les plus développés économiquement (ce fut clair en France avec les "émeutes de novembre" et "le mouvement anti-CPE").

... et les gens du leurre, de haut en bas

C'est pourquoi les "alternatifs anti-libéraux" sont des charlatans qui ne trouveront jamais aucun fondement économique ni aucune base "populaire" à la réalisation de leurs fantasmes et tricheries relatives à la démocratie participative ou directe. Ceux qui s'en font "du bas" les porteurs les plus sincères ne sont que les dupes de cette utopie du capital, et au-delà de leur intégrité, ils en deviennent de fait les instruments idéologiques. C'est pourquoi ils sont, pour ceux qui savent qu'on n'évitera pas de faire la révolution pour abolir le capitalisme, des adversaires politiques.

La nécessité révolutionnaire sera vitale, quand devant elle les prolétaires seront nus; autrement dit quand ils n'auront réellement que toutes leurs chaînes à perdre. Alors ils le sauront. Ou l'apprendront d'eux-mêmes par leurs luttes.

* 11 mai

Commentaires sur la société du clearstream 

On plaint ceux qui n'ont, pour comprendre et rêver de changer ce monde, que la presse à commenter ou Giesbert à recommander. Il n'y comprendront ni n'en tireront rien. Mais bon, ils garderont pour eux d'avoir été : plus populistes que "populaires", c'est toujours autant de partagé avec Sarkozy, sur le terrain où ils se situent comme à la fate boule, au pied sifflés comme des chiens... Je préfère la pétanque !

Last poets ou "When the revolution comes"

[comme je n'ai pas manqué de l'épingler, je rends acte à Francis Marmande de réveiller notre commune mémoire, à toutes fins utiles; et comme Le Monde n'a pas l'élégance de la gratuité de ses archives comme l'Huma, je recopie le texte avant qu'il ne soit payant. Sur Last Poets je reviendrai, on trouve textes et musiques en ligne : gratuits ici ici ici etc . Parenthèse, la semaine prochaine, Sonny ROLLINS est à Paris, après Toulouse : il n'y a personne de comparable à Sonny ROLLINS, politiquement. Il fut là avant toutes vedettes, il nous est là depuis, immortel : il soufflait dès 1949 aux côtés de Bud POWELL, Charlie PARKER, Miles DAVIS, Thelonious MONK... et il souffle encore, pour qui sait entendre, comme un dieu qui n'a jamais payé que de sa personne]

« Derniers poètes, premiers rappeurs », par Francis MARMANDE, Le Monde du 11 mai

« Jalal Nuriddin est en ville (jeudi 11 mai à 20 h 30, à la Fondation Cartier, 261, boulevard Raspail). Jalal Nuriddin, cofondateur d'un collectif de sept poètes (The Last Poets, 1968), débarque donc, avec verbe et révolte pour tout flingue. "Etre nègre aux Etats-Unis, c'est être en colère tous les jours", murmurait James Baldwin. Dévalant des toboggans de percussions, les Last Poets assènent leur rage d'être en rimes et en rythmes. Les pouvoirs auront usé autant de temps à interdire leurs albums qu'ils en mettaient, eux, à les scander. Rien n'a pu freiner leur rayonnement de parole. Niggers are scared of Revolution ("les Négros ont la trouille de la révolution"), New York, New York, restent des classiques de la poésie au XXe siècle.

A l'égal des Black Panthers (assassinés, exilés, déglingués), ce n'étaient pas des saints. Les saints non plus. Le FBI les décora du titred' "ennemis de l'Amérique". Le FBI devrait les remercier d'avoir tenté, une dernière fois, comme les poètes blancs, jaunes ou bleus à pois roses, de sauver la langue d'Amérique. Le FBI ne peut empêcher un Noir de se sentir autre à l'écoute de James Brown, I'm Black and I'm Proud.

Un membre des Poets, Abiodune, prend vingt ans pour avoir cambriolé une armurerie. Ce n'étaient pas des exemples, c'étaient des poètes : "On ne voulait pas d'une nation de Nègres. On utilisait le mot "Nègre'' en espérant que ça disparaisse, mais c'est l'inverse qui est arrivé." Répertoire intact : faim, rue, défonce, crimes, familles cassées, chômage héréditaire, gosses jetés de l'école. Art poétique parfait sous nos cieux, à l'heure où un cheptel irréfléchi ânonne, sans s'en faire, l'abjecte distinction entre "immigration choisie" et "immigration subie". La poésie force à entendre les mots. Abiodune enseigne la littérature à la Columbia University.

La question n'est pas là. La poésie rend simplement la vie plus forte que la poésie. La poésie n'utilise pas la langue : elle la précède et l'invente.

La question, la voici : méconnus, honnis, les Last Poets comptent leurs albums parmi les plus samplés de la planète. Ils descendent du "scat", langue sophistiquée des musiciens afro-américains, et inspirent en aval tous les rappeurs actuels : pas seulement ceux de La Rumeur (Elancourt-Perpignan), tous. Autant dire qu'ils suscitent des groupies imprévus.

Avec son bon génie de la communication, une des soixante candidates à la candidature suprême (casaque Poitou-Charentes), nettement moins NTM que BCBG, vient de déclarer sa foi dans le rap : "Si l'on avait prêté un peu plus d'attention aux paroles des rappeurs, on aurait mieux compris les banlieues en novembre 2005." Exact.

Par une étrange coïncidence, elle partage avec son hypothétique adversaire (actuelle ministre de la défense) les mêmes goûts musicaux, les mêmes souvenirs, les mêmes rocks, les mêmes scènes. Leur tube fondateur est, divine surprise ! le même : Rock Around the Clock de Bill Haley (1954). Pas vraiment rap, pour le coup, ni slam, encore moins scat, mais plutôt scout et sympa. 1954 : pour mémoire, c'est l'année où Xenakis mélange composition et "computer", Klossowski publie Roberte ce soir, Monk, Fats Domino, Rollins, Clifford Brown sont à leur zénith...

C'est vrai que Bill Haley, ça dégage : twist blanc limé avant l'heure, hymne pendant vingt ans de mille surboums et "rallyes" où se concoctent les mariages de la haute. Des polytechniciens en tenue dansaient le "3-3-2", rock and roll façon menuet, visiblement chorégraphié par un ours slovène. Ne cherchez plus : l'hystérique promotion de Paloma, l'ourse des Pyrénées, vient de là. Cette histoire d'ours, de surboums, de gosses exclus des écoles et de derniers poètes : le drame réel du pays en "3-3-2". Le professeur Nuriddin est très explicite sur la question. » Francis Marmande »

* 10 mai

Après la tempête

(rebond sur une intervention de Bernard LYON : De la révolte des cités aux mouvements étudiants et lycéens / Un mouvement vainqueur sans victoire

Il faut sans doute distinguer ce qu'on peut dire dans le faire, à chaud, et ce qu'on peut en dire après. De ce point de vue, je n'ai rien à redire à cette synthèse analytique d'une remarquable densité, et c'est peut-être ce qu'elle ne dit pas, mais qu'elle suppose, qui me poserait plus de problèmes : les présupposés projetés dans l'analyse (la grille de lecture et d'interprétation), qui ne sont évidemment pas ceux de Temps critiques. Autrement dit, cet épisode est aussi l'occasion de vérifier quelle est la théorie la plus pertinente, et je ne vois pas qu'ici on puisse éviter le dialogue sur ces aspects, sauf à penser qu'il a lieu ailleurs, en coulisses (coups lisses).

Par ailleurs, ce n'est pas pareil d'adopter une focale analytique sur le mouvement « dans son ensemble » et de participer à ce qui est « marginal » comme il est dit ici à juste titre. Et ce n'est pas pareil pendant et après. Car on n'imagine pas les "communisateurs" participant autrement que marginalement, ou pas. On ne les voit pas être de plein pied dans la revendication négative « Retrait du CPE », et ne rien dire d'autre...

A titre d'exemples :

- Louis MARTIN a pris un risque en exposant un point de vue théorique distancié dans le cours de la lutte (Le point de rupture de la revendication), qui m'a personnellement beaucoup aidé à m'y situer, quand d'autres ont préféré demeurer plus discrets voire muets, ou parler d'autre chose supposé plus important à terme sur le plan théorique, ou si subtilement en relation avec ce qui se passait que cela ne fut accessible et audible qu'aux spécialistes de « l'ensemble »

- d'autres (ou les mêmes) ont pris des risques plus physiques en participant aux actions les plus « offensives et les moins encadrées » tout en ayant sur « l'ensemble » une vue comparable à celle de BL ou plus « aveuglée ». C'est peut-être fumeux, mais on est fondé à se demander si avoir une telle vision de « l'ensemble » n'est pas un frein à ce qui participe du plus « marginal » ou à créer « les conditions de la victoire »...

En résumé mon problème, c'est que cela invite à éclaircir la relation entre théorie, pratique théorique et pratique politique (le genre de questions posées par C. Charrier > De la pratique théorique, de la théorie...), qui sont, dans cette discussion, mélangées, ce qui suppose à chaque lecture de mettre au point, au sens photographique, pour articuler ces différentes focales, du télé-objectif de l'expérience singulière et située au grand angle de l'ensemble, et leurs rapports. Cela posera un jour ou l'autre des questions de réactivité, de tactique, de stratégie...

Il est indéniable que pris dans le mouvement, si on n'est pas passionné par ses limites (retrait du CPE...), et si on participe à les pousser le plus loin possible (vers l'abolition du salariat... sans quoi il n'y aurait pas des « marginaux » et peut-être beaucoup moins d'« offensifs non encadrés »), on n'a pas envie de désespérer les orphelins de Billancourt : on en est ou pas (Hemingway). La question est ici à quel moment peut-on savoir qu'on « s'aveugle » ou pas, et ma réponse est la nécessité de l'expression théorique dans le cours des événements.

***

Cela dit, personnellement, à froid, je trouve plus de pertinence à la synthèse analytique de BL qu'aux analyses fondées sur une surestimation de l'expression « marginale » ou sur les potentialités "communisatrices" de « l'offensif non encadré ». Elle me semble éviter les élans théorico-romantiques sur l'écart.

Quelques remarques à partir du "caractère revendicatif négatif" :

- il est remarquable, dans cette lutte centrée sur l'évolution du travail salarié (il faut quand même le dire, relativement aux questions des dominations diverses), qu'elle n'a pas débouché sur une négociation entre les syndicats et le gouvernement et/ou le patronat. Celle-ci viendra sans doute, passé le traumatisme des "vaincus" et rangés les verres de mousseux des "victorieux", mais elle n'a pas été produite directement comme sortie de cette lutte et condition de cette sortie, comme dans les luttes précédentes (1995, 2003). Je ne sais pas s'il y a des précédents mais cela me semble rajouter à ce que dit BL : les syndicats n'ont jamais été en position d'avancer positivement la "solution" de la sécurité sociale professionnelle. Ô temps suspends ton vol !

- dit autrement : les syndicats, unité et remise en selle légitimée de la représentation obligent, n'ont pu relayer que le refus. C'est-à-dire qu'en toute rigueur et à ce jour, ils n'ont pas pu assumer au grand jour leur être de représentant du prolétariat dans le capital négociant la valeur de la force de travail (déplacement du curseur de l'exploitation globale) : jusqu'à quel point peut-on parler de crise de l'identité syndicale, dont on avait déjà eu une idée dans l'usage qui en est fait par les luttes non encadrées (ou auto-organisées, mais BL a évité le concept qui fâche...)

- On est comme entre deux, ce que prolonge la conjoncture politique (Clearstream, présidentielles etc.). De même la gauche politique (PS ou gauche de la gauche) n'a rien proposé à voix haute en dehors de son exploitation politicienne de l'embarras de la droite, et même aujourd'hui, elle ne le fait pas (voir le vide de la lettre de Bové à Olivier, Marie-Georges et autres gentils anti..., et l'arlésienne du programme alternatif de gouvernement depuis trois ans, un programme de gauche n'étant jamais conçu que comme somme de revendications à satisfaire par des mesures gouvernementales). Le démocratisme tourne en rond sur lui-même, réduit à sa définition, être radicalement démocratique, devoir rompre avec le programmatisme tout en poursuivant son ombre projetée comme absence.

- revenu garanti... je ne mesure pas la présence de cette revendication dans les luttes, j'ai seulement vu que Moulier-Boutang et ses Multitudes remettaient la gomme là-dessus. Je me demande, relativement à celle plus classique du parcours sécurisé de travail, quel peut être son destin... si elle peut resurgir massivement plus tard, dans l'épuisement de la solution des syndicats de salariés...

Un peu en vrac, comme d'hab'

* 9 mai

Femmes, races, classes... vous avez dit "perdu de vue" ?

Cette intervention fait suite aux échanges du 28 avril plus bas : "Morpion blanc" : racisme ou racisation ? dominations ou exploitation ? et à une réaction de la même personne :

« Il s'agissait dans ce que j'ai écrit là d'une réaction à une citation faite par Patlotch de Salas-Moulin. Dans le débat qui m'oppose à Patlotch [débat évoqué] : Je reviendrai sur un point. Citation : « 2) que Plumelle Uribe ne « revendique [pas] la primauté du génocide noir sur le génocide juif », mais leur explication et leur relation dans l'histoire occidentale, et que de ce point de vue son livre participe, sans être une analyse critique du capital à visée communiste, mais par la mise à jour de faits historiques précis, au dévoilement de l'idéologie conjointe que masquent l'anti-antisémitisme, l'antifascisme et l'antiracisme construits après guerre, dans les termes qui ont assuré la réussite de la démocratie capitaliste avec la complicité active des staliniens.»

Patlotch semble avoir perdu de vue dans ces débats d'après guerre "l'anti-colonialisme" et l'influence de Jean-Paul Sartre dans la connaissance de l'oeuvre de Frantz Fanon: ( Cf. La Préface des Damnés de la terre). L'influence réciproque de l'un sur l'autre (Fanon avait lu Réflexions sur la question juive) a été constante. Cet" anticolonialisme" là, est très loin de l'antiracisme dilué et lessivé par le "Potisme" cher aux années de Tontonmania (et pour cause ! Celui-ci ne pouvait que vouloir le silence sur l'Algérie). C'est pourquoi dire que seul ce discours prévalait après guerre, c'est participer au refoulement des années où le débat a été aussi virulent sinon plus qu'aujourd'hui dans des revues comme Les Temps Modernes ou Esprit, dans lesquelles des thèses contraires s'affrontaient. Je n'ai pas lu Plumelle-Uribe, mais remettons son livre dans une perspective historique. L'influence de Fanon est parvenue aux US, tandis que son oeuvre et les prises de positions qu'elle avait engendrées en France ont sombré dans l'oubli ici, et c'est par le biais des intellectuels américains (travaillés par leur propre relecture) que l'histoire de la colonisation nous revient aujourd'hui. Etrangement (à ma connaissance) l'importance de Fanon semble s'être estompée, pourtant celui-ci a articulé le racisme (et son effet dépersonnalisant sur le corps du colonisé) et la domination occidentale. Relire Fanon, donc dans le texte original et pas seulement dans les traces qui nous reviennent (traces retravaillées par l'histoire des mouvements Noirs Américains et leurs propres clivages).

Relire Fanon qui lui, refuse l'Européocentrisme. (Juger, comme on le fait aujourd'hui, à l'aune de l'extermination des juifs tous les faits historiques, avec une espèce de concurence victimaire, me parait d'une part biaiser le débat et d'autre part rabattre la singularité ou la diversité d'une conscientisation des luttes sur l'histoire européenne. ) Relire aussi Sartre et sa préface, toute la violence de celle-ci sans concession à l'égard de l'Occident. Extraits de la préface de Jean-Paul Sartre au livre de Frantz Fanon, «Les Damnés de la Terre»  »

Réaction à chaud, et de mémoire quant aux références.

Non je n'ai pas oublié... ni « perdu de vue ces débats d'après guerre "l'anti-colonialisme" et l'influence de Jean-Paul Sartre dans la connaissance de l'oeuvre de Frantz Fanon ». Et pour cause : loin que j'en sois un spécialiste je n'aurais pas pu écrire ce que j'ai écrit sur le jazz sans avoir une idée de ces débats par les textes, et non par le biais de Sartre (dont par contre mes critiques favoris dans mes années de formation au jazz, les 70, étaient des connaisseurs, à commencer par Alain GERBER qui en marque les Cahiers du Jazz des années 60). Cf  les chapitres, où si je ne cite pas Sartre, je me réfère abondamment à Michel Leiris, à Aimé Césaire, Léopold Senghor, chantres de la Négritude, et à d'autres figures marquantes du  Nationalisme noir plus proches de mon sujet (Leroi Jones...), mais moins connus en Europe (Césaire est, comme eux, plus symboliquement "nègre" que Senghor n'est réellement africain, et les textes politiques du social-démocrate ami de Pompidou sont quelque part plus "marxistes" que ceux du député communiste des Antilles, comme quoi...). Dans les Temps modernes écrivait aussi au début des années cinquante Lucien MALSON dont j'épingle néanmoins l'eurocentrisme, comme celui d'André HODEIR et de la critique de Jazz ultérieurement la mieux marxistiquement intentionnée (CARLES-COMOLLI, Free-Jazz Black Power). Sartre comme Leiris soutiennent ou participent à la création de la revue Présence africaine, avec Alioune Diop, Senghor etc. J'ai souligné "l'avance anticolonialiste" de Leiris relativement à cet eurocentrisme, et le ratage paradoxal de la critique de jazz à ce égard, le nez sur le formalisme musicologique (Leiris, en substance : « Ce que m'a appris le jazz, c'est la négritude »). On peut en dire autant, en moins "branché Négritude", de Sartre. Je cite également, dans le prolongement de Leiris, Sophie Bessis (l'Occident et les autres), et si je ne cite pas Plumelle-Uribe dans cette logique (je n'ai pas vérifié si "La férocité blanche" figure dans la bibliographie de Jazz et problèmes des hommes), c'est parce que son livre venait de paraître, et que je ne l'avais pas encore lu, ou intégré à ma rédaction.

Cela dit, la question de fond, c'est toujours l'articulation entre critique de la domination raciale et critique du capital, même si historiquement, elle prend des formes différentes et se traduit différemment dans les luttes comme idéologiquement, respectivement dans la période coloniale, dans la décolonisation, chez les Européens anti-colonialistes et chez les "Noirs", qu'ils soient des Africains, des Caribéens/Antillais ou Africains-Américains*, puis dans le "post-colonialisme" ou l'altermondialisme. * Les premiers concernés, aux USA, se sont eux-mêmes reconnus et désignés successivement comme Nigers, puis Blacks ou Colored People, puis Afro-American et jusqu'à preuve de changement African-American, dont Africain-Américain n'est pas une figure de style maniérée, mais la traduction littérale, n'en déplaise aux Laurent-Lévystes.

C'est tellement la question de fond que Césaire, qui s'était distingué avant cette époque comme un des inventeurs de la Négritude (dès les années trente, le concept, si ce n'est le néologisme, étant repris à l'avant-garde new-yorkaise des années vingt, la Harlem Renaissance), et par son célèbre "discours sur le colonialisme" (1950, avant donc Les damnés de la terre de Fanon, de 1961) et par sa sortie du PCF sur ce thème vue le nationalisme du PCF et ses ambiguités anti-coloniales ("Lettre à Maurice Thorez", 1956) revient aujourd'hui sur le devant de la scène, avec son livre "Nègre je suis, Nègre je resterai", présenté par la revue Afrikara comme potentiel Prix Nobel de la paix 2006, comme par hasard dans le prolongement de son come back médiatique face à Sarkozy, à propos de la mémoire de la colonisation dans les livres d'histoire : pour éviter le feu, la prochaine fois ?

Or qu'est-ce que la Négritude, relativement à l'anti-colonialisme, sinon une ligne d'affrontement identitaire produite idéologiquement par les réalités du monde d'alors, comme l'est aujourd'hui le multiculturalisme dans la mondialisation : un anti-racisme en tant que racisé ? On voit donc tout l'intérêt aujourd'hui de redonner des couleurs à cet héritage pour alimenter les postures identitaires dans le 'démocratisme radical' idéologique, comme le font les Indigènes de la République, Christiane Taubira et peu ou prou dans la concurrence tous ceux qui s'intéressent aux voies de couleurs dans les urnes... Quant à notre landerneau virtuel, cf les grands écarts théoriques de l'expert en "marxisme" Laurent Levy, ou les approximations d'un "Oudiste" fustigeant chez Marx le ver dans le fruit du racisme dans les organisations ouvrières...

Autant dire, par conséquent, que ma critique ratisse large, profond, de manière conséquente et cohérente, et  a minima informée. Si je dois reconnaître une évolution, c'est d'avoir repositionné centralement la question de classe dans mon approche des dominations (dont celles entretenant, créant ou instrumentalisant le racisme), et réciproquement, avec les questions ouvertes que cela me pose du point de vue théorique : c'est le pendant, sur ces questions, de mon évolution entre "Carrefours des émancipations" et prise de partie pour la révolution communiste comme immédiateté, et non un simple retour au "marxisme" (classique, vulgaire, ou orthodoxe comme on voudra), plus aveugle à ces questions que Marx lui-même.

De même, il y a logiquement, dans "Jazz et problèmes des hommes" (dont le titre n'est pas pour rien un détournement de celui d'André Hodeir en 54 "Hommes et problèmes du jazz") des passages que je n'écrirais pas aujourd'hui de la même manière, notamment ceux où j'emprunte le concept de Multitudes de Toni Negri/ Mickael Hardt sans m'appesantir sur sa connotation relativement à une détermination de classes (d'où le texte "Jazzitude, éthique... pour la Multitude"). Cela ne changerait pas au fond le sens de ce travail, qui échappe à toute politisation de par sa structure même (faire parler ceux qui ont produit cette musique dans leur histoire), mais cela en clarifierait les tenants et aboutissants théorico-éthico-politiques : je le précise ici puisque l'occasion m'en est donnée. C'est d'ailleurs pour des raisons tenant à cette évolution en cours, et pour éviter cette instrumentalisation au profit des thèses d'Empire&Cie, que j'ai refusé à Yann Moulier Boutang la parution d'un résumé (cf Jazz et communisme) que sa revue Multitudes m'avait demandé et demandé de corriger, revue qui ne trouvait alors à citer dans son dossier "post-colonialisme" que des Blancs, à l'exception remarquable justement de Franz Fanon, avec quarante ans de décalage. Edouard GLISSANT semblait être alors pour eux un inconnu ("revue transnationale" culte cognitif de tête bien pleine oblige, mais qui pue l'intello franco-français), que je pense au demeurant leur avoir fait connaître, si j'en crois leur tentative alors de récupération du thème de la créolisation. A cet égard, et si je me réfère depuis des années au concept de créolisation de Glissant, plutôt qu'à celui de "créolité" des Antillais (Confiant, Chamoiseau...), qui sont opposés depuis une quinzaine d'années, c'est précisément parce que la créolisation s'oppose, mais pas la créolité, à toute approche identitaire, communautariste ou multi-culturaliste. Même remarque que pour Plumelle-Uribe donc : il y a, non comme historien mais comme théoricien du langage et de l'oralité (plus que de la littérature bien qu'il soit un merveilleux écrivain et poète : à quand le prix Nobel ?) une compatibilité des travaux de Glissant avec ma conception de la critique du capital mondialisé et des dominations aujourd'hui. Seulement voilà, aujourd'hui Glissant n'est pas démocratiquement récupérable en ce sens, Césaire oui. Qui ne se souvient il y a trois ou quatre ans des quolibêtes et méchants d'une poignée d'imbéciles, dès que je référais Glissant, ou Meschonnic ? Mais passons, puisqu'à ceux-ci il eût fallu savoir lire, et qu'il leur faut encore l'apprendre.

Autrement dit, le reproche d'avoir "perdu de vu etc" m'est fait à contre-sens et d'une façon que je n'attendais pas en bonne logique de son auteuse (autrice ? autiste ? Ô triste ?) Je l'avais précisé pour cette raison dans le passage qu'elle cite : une chose est le travail de Sala-Molins, Plumelle-Uribe, Françoise Vergès et d'autres, et que je puisse m'y référer comme à tout travail sérieusement informé et source de connaissances factuelles, une autre est le point de vue idéologique de leurs auteurs, que d'une certaine façon et pour simplifier, je ne partage pas, comme tout ce qui "identifie" une résistance au nom d'une identité séparée, en la considérant comme plus déterminante que "l'identité" prolétarienne dans le capital : Indigènes de la République, communautarismes divers, sites identitaires comme Afrikara et Africamaat, etc. en ce qui concerne les "Blacks", sans parler des Autres racisés, Arabo et/ou Musulmans, ou a fortiori "Juifs", qui ne représentent même pas une "race" comme ethnie d'origine géo-biologique. A cet égard, je suis souvent très gêné pour renvoyer sur ces sites à des articles fourmillant de faits peu connus, parce que je ne partage pas leur façon d'en parler, et qu'il me faudrait en permanence prendre mes distances ou faire des commentaires critiques.

Il y a néanmoins un point de principe sur lequel je ne transige pas : ceux qui vivent une situation sont a priori les mieux placés pour en parler. Alors, en matière de racisme, qui mieux que ses victimes, quand elles évitent de s'enfermer dans l'identité construite par l'exploitation qui en est faite ?

Quant au marxisme de Sartre en la matière (l'articulation "classes-races"), il ne peut aujourd'hui apporter rien de nouveau, que du confus, du fait qu'il passe complètement à côté de la critique de l'économie politique (le Capital), pour s'enferrer dans un héritage "humaniste théorique" particulièrement daté du so called "Jeune Marx", par Lukacs (comme Debord) qu'il complète, en l'occurrence, même pas via Benjamin ou Adorno, mais Heidegger... Du point de vue du lien théorico-pratique, en matière de racisme, on a pu mieux faire...

Par conséquent, je ne nie pas une différence de qualité entre l'anticolonialisme et l'anti-eurocentrisme des pères fondateurs (en langue française), par rapport à la vulgate antiraciste née dans les années 80 (le "potisme" mitterandien) et qui perdure adaptée à l'altermondialisme multiculturaliste, mais je considère qu'ils sont idéologiquement de la même eau identitaire, dans l'antiraciste dominant à son corps défendant... (je pèse mes mots) ses couleurs, comme dans le racisme de droite supposé ou réel (il nous manque une bonne analyse comparative du langage politique de la droite et de la gauche, mais au fond leurs préoccupations sont les mêmes, et cela ne manquent jamais son petit "retour du refoulé", non pas raciste, mais évacuant la question de classe en termes d'exploitation capitaliste, ce qui fait leur paradigme idéologique commun : contre-révolutionnaire). C'est donc pour cette raison que l'on peut parler d'antiracisme sur le terrain de l'adversaire de classe, et participant de l'idéologie dominante, au même titre que l'antifascisme comme nec plus ultra et supposée référence incontournable de l'anticapitalisme (on a vu le résultat démocratique).

Concernant Fanon, le fait qu'il dénonce l'eurocentrisme ne change pas le point de vue selon lequel il le fait. Il me faudrait le relire pour m'en refaire une idée, mais je ne crois pas que son influence par Sartre nous sorte du débat tel que je crois bon de le poser aujourd'hui, avec ou sans lui comme jalon du côté de la psychologie noire des profondeurs.

Je concluerai en évoquant James BALDWIN, dont j'avais cité pendant les 'Emeutes de novembre' "La prochaine fois le feu", et dont je lis en ce moment le magnifique roman Harlem Quartet, dont je reparlerai. Je me souviens qu'assez tôt, il eut le souci, comme d'autres écrivains Africains-Américains, de ne pas être reconnu comme "écrivain noir", mais simplement comme écrivain. De ce point de vue, il n'aura pas voulu, comme Césaire, "rester nègre"*. Mais Baldwin est mort sans le prix Nobel de littérature, qui fut décerné pour la première fois à "un Noir américain" dont l'écriture lui doit beaucoup : Toni MORRISON.

* Anecdote plaisante, le forum des Marxistes révolutionnaires amis de la LCR, dans sa modération immodérée, censura sous ma plume d'Alegora, le titre de Césaire "Nègre je suis, Nègre je resterai" ce qui donna, après modération : "-modéré- je suis, -modéré- je resterai" (source Lumpen Proletariat, Jan 12 2006, 10:23 PM la discussion y porte en partie sur le fait qu'on puisse parler d'idéologie antiraciste...) On ne saurait censurer avec autant de parcimonie ni à si bon escient...

A propos de « Nous voulons détruire la gauche » (Intervention postée dans la discussion de Meeting Chronique de la lutte anti-CPE)

Sans dénier toute vertu à cette déclaration d'intention provocante, je pense qu'elle porte des ambiguïtés, parce qu'elle sous-tend une question plus pertinente qu'elle tend à masquer : « Nous voulons détruire le capital ». Elle s'inscrit dans une dénonciation de l'idéologie démocratique dans ses variantes qui se présentent sous le label de gauche. Elle est un peu l'équivalent de « Nous voulons détruire la démocratie » ou « Nous voulons détruire l'Etat ». Elle dénonce les formes politiciennes, la représentation, la tradition républicaine, les formes d'organisation héritées du mouvement ouvrier et reformulées dans le "spectacle" y compris de façon "libertaire"; mais elle dénonce ces formes sans dire de quoi elles sont le contenu, c'est-à-dire, pour faire simple, la politique et l'Etat, la société civile et l'idéologie, en tant qu'elles sont produites comme adéquates au capital comme société. C'est pourquoi elle dénonce ces formes comme idéologie dans un combat d'idées, sans voir que ce combat ne sera gagné que matériellement, contre le capital et ses caractéristiques, et non en tant que combat d'idées, sur le terrain de la lutte contre l'idéologie comme reflet.

Cette discussion pourrait inviter à un questionnement plus approfondi, à condition de sortir de la question formulée, d'une part donc sur les liens qui précèdent entre contenus du capital et formes politiques, d'autre part sur les labels d'"extrême-gauche révolutionnaire" et d'"ultra-gauche", qui distingueraient la gauche qu'il faut détruire de celle qu'il faudrait préserver.

Je ne suis pas qualifié comme historien de la gauche, mais il me semble que le concept est né en France dans celui de république à l'occasion de la révolution bourgeoise de 1789. Autrement dit, la critique de la gauche devrait être faite fondamentalement comme celle des concepts liés à cette période historique comme naissance du capitalisme, avec le succès et les échecs des combats du prolétariat pour la démocratie, le prolétariat utilisant pour son propre compte les méthodes et principes de la démocratie bourgeoise, dans l'idée d'une transition social-démocrate ou socialiste : prendre démocratiquement le pouvoir d'Etat pour s'en servir comme outil d'abolition du capital.

Il me semble que c'est relativement à la caducité de cette stratégie 'programmatiste' du mouvement ouvrier que la séparation, en politique, de la gauche et de la droite n'a plus de vertu révolutionnaire, c'est-à-dire de vertu pour abolir le capital. Être de gauche, c'est autant qu'être de droite appeler l'Etat, y compris dans les formes les plus radicalement démocratiques; et appeler l'Etat, c'est conserver le capital.

On ne fait pas l'économie de la critique théorique pour comprendre la nature de ce problème, et c'est bien la vertu des formes de luttes actuelles que d'inviter à y refonder cette critique.

En résumé, le problème est dans la question, qui ne peut qu'enfermer les réponses... La gauche, comme la démocratie et la politique qui l'ont inventée, seront détruites par les luttes de classes en tant qu'affrontement
matériel dans le capital, et non sur le terrain des idées, du moins si celles-ci ne trouvent pas dans ces luttes les ingrédients de la théorie révolutionnaire.

* 8 mai

Le CPE, une goutte d'eau dans un lac de rage  Quelques remarques sur la violence, l'illégalité et l'orientation des luttes sociales (Grenoble, 20 avril 2006)

Communisme : rupture ou transition ? & Le nombril du démocrate démocratisé (la guerre de la démocratie à l'individu)

« [...] si le courant communisateur peut être combatu (personnellement je n'ai pas cette ambition) ceux qui le descendent en flamme (dans l'article cité [Beaucoup de bruit pour rien. Le courant « communisateur » ?! … Un nouveau réformisme]) avancent un argument qui, pour moi mérite qu'on débatte. Je lis : « pour les deux tendances, il n’y a plus de phase transitoire entre le capitalisme et le communisme, comme si la bourgeoisie allait disparaître sans réagir ni sans se battre » Je prétends et j'y reviendrai que si les notions de "phases" sont entendues comme autant "d'étapes", elles sont la négation du Communisme. Contrairement aux concepts de "processus" et à la notion de "dépassement" (du Capitalisme). Bien entendu à condition de ne pas confondre ce processus de rupture/ construction (tel que L. Sève notamment me semble l'avoir éclairé) avec les contorsions des derniers Congrès du PCF sur cette question fondamentale. » "Alain", in communisateur communisé

Apprécions à sa juste valeur : « personnellement je n'ai pas cette ambition [de] combattre le courant communisateur » de la part de ce modeste qui des mois durant, confronté à leurs textes, n'aura pas raté une occasion de manifester son ironie et de cracher son mépris et ses méprises sur les théoriciens en cause. Je ne suis pas surpris, l'ayant envisagé la veille, que lui en particulier « s'éclabousse comme à son habitude en mettant ses gros sabots dans ce plat indigeste », à savoir dans le cas présent en extrayant une question vaguement pertinente d'une critique incohérente et malhonnête, mais sans prendre la moinde distance avec cette provocation relayant mensonges et déformations. Le témoin passe, pour ainsi dire, d'un calvaire à un autre : chemins de croire. Cela dit, admettons la question.

Ce qui est "incohérent et malhonnête", c'est de reprocher aux "communisateurs" le contraire de ce qui fait leur thèse essentielle : si pour eux la "communisation" est révolution communiste sans transition, c'est parce qu'elle est rupture d'emblée avec les caractéristiques sur lesquelles est fondé (en essence) le capitalisme. S'il y a un processus ("dépassement") c'est commençant par des mesures prises contre ces caractéristiques (salariat, argent, Etat, échanges, valeur, travail, mode de production...). S'il y a transition, c'est comme période de luttes se fixant ("pas de révolution sans théorie") directement cet objectif, "tout sauf un dîner de gala", comme disait Marx. Cela distingue des réformistes tous les révolutionnaires dont les "communisateurs", qui ne laissent entendre nulle part que « la bourgeoisie [va] disparaître sans réagir ni sans se battre ». Le provocateur Jojo-MX, qui relaie cette critique comme "essentielle" est donc soit un ignorant qui reproduit le même contre-sens, soit un falsificateur qui saisit l'occasion de régler ses comptes... à bon compte. Vous avez dit arroseur arrosé ?

En résumé : pour les "communisateurs" la révolution est dépassement, transition dans la rupture engagée, communisme comme "mouvement abolissant l'état actuel..."; pour Lucien Sève, le communisme "commencé par ses fins" est une transition au sein du capitalisme, dépassement progressif, devant aboutir à la rupture (on ne sait pas comment ni avec quoi), mouvement commençant sans abolir rien de déterminant pour le capitalisme comme mode de production. Autrement dit c'est à Sève et épigones, non aux "communisateurs", que cette critique, émise par le texte en question, aurait dû être adressée : « comme nous le disait déjà Rosa Luxembourg, on retrouve dans la question de la négation de la période de transition, une vision réformiste qui aboutit à des "modifications superficielles" de "l’ancienne société". Ce courant baigne parfaitement dans les mêmes concepts que l’ancien "réformisme" » "Amitié" oblige, notre modeste aura préféré protéger ce pauvre Jojo-MX du "malsain" Patlotch. Mais à quoi bon vouloir épargner à ses adversaires leur ridicule ?

Car il faut être naïf et peu regardant pour considérer que Lucien Sève serait en contradiction avec la politique actuelle du PCF, ou l'inverse. Le philosophe n'a fait que formuler théoriquement ce que le parti met en oeuvre comme traduction politique, dans des conditions nécessairement moins "pures", et au rythme des possibles que ne détermine pas en dernière analyse la politique. C'est la tendance "refondatrice", dont il fut à l'origine il y a une vingtaine d'années, qui a comme Zarka, Martelli, Bertho, Cours-Sallies... le savent bien, fondamentalement gagné en dynamique de repositionnement les derniers congrès, les tendances d'opposition à la direction restant scotchées au programmatisme à base bolcho-nationale (comme le provocateur Jojo-MX et cet Alain selon les jours tant il varie) avec les variantes intermédiaires, comme à la LCR, plus formellement internationaliste vue son histoire et sa composition sociologique.

La conception de Sève, d'un "communisme commençé par les fins", n'est qu'une des formulations du "démocratisme radical" parmi celles qui se disent encore communistes. L'honnêteté intellectuelle de Sève n'étant pas en cause, elle a pour destinée, pour valeur d'usage, de conférer à cette idéologie démocratique sa caution théorique, le vernis communiste qui sauve le sigle de son parti aux yeux des rares qui s'en préoccupent encore au PCF, ou de ceux qui gravitent autour en pure perte. D'autres représentants "marxistes" en sont Daniel Bensaïd, Antoine Artous et Philippe Corcuff pour la LCR, Pierre Cours-Salies et Alain Bertho ou Michel Vakaloulis pour la Convergence alternative depuis la disparition de Jean-Pierre Vincent, Husson et Harribey pour ATTAC, et Alain Bihr dans une approche plus libertaire. Ce dernier avait d'ailleurs fait une apparition dans les débats sur les Etats-généraux du communisme, opération politicienne centrée sur les héritiers du bolchévisme du PCF et de la LCR, passés à l'alternative radicalement antilibérale (ou anti-capitaliste pour la surenchère en paroles), et visant, au-delà des enjeux politiciens et des polémiques subalternes interminables, ce repositionnement idéologique d'ampleur historique, dans le passage du programmatisme au démocratisme radical. Autant dire que les polémiques entre eux ne sont qu'anecdotiques, dupes de ce qu'elles portent et masquent, et que dans les lieux où elles se développent, on préfère ceux qui les alimentent (dont cet Alain) à ceux qui les dénoncent (dont moi, un peu vainement). Pour cette raison, ceux-ci n'ont pas le choix de se montrer respectueux d'une charte de forums sur mesure, mais de la censure réelle qui s'y exerce quelles qu'en soient les formes. Avec ou sans pseudo, on ne couillonne ici que d'être couillonné là.

Lucien Sève est le dernier philosophe qui pouvait, dans les conditions spécifiques du PCF et pour ses militants, donner des bases théoriques à ce basculement idéologique. Il l'aura accompli sur vingt ans puis passé le relai, comme d'autres ailleurs dans d'autres conditions et pour une clientèle politique à l'héritage sensiblement différent (Manifeste de la LCR évacuant le programmatisme de "la dictature du prolétariat" et modernisant "le programme de transition" de Trotsky, vers le concept de "social-démocratie libertaire"). Ils l'auront fait en parallèle, à travers anecdotes historiques et handicaps conjoncturels du temps court, mais dans une convergence idéologique fondamentale accompagnant l'évolution historique du capital et les luttes de classes en France dans cette période des trente honteuses. Ceci, encore une fois, sous conditions d'une analyse non pas événementielle, à travers les bras de fer de la représentation par les organisations politiques, à la surface des choses, mais en profondeur, dans l'évolution des rapports sociaux, dans l'implication réciproque des classes et la restructuration du capital mondial : c'est précisément l'intérêt de la théorie communiste, et pas seulement de sa variante "communisatrice", d'avoir pour cette analyse forgé les outils et concepts les plus pertinents aujourd'hui, avec une méthode comparable à celle que Marx utilisait pour comprendre son temps (ex. Luttes de classes en France, 18 brumaire..., Sur la commune...).

Cette position "le cul entre deux choses" (vouloir que ce qui abandonne le communisme y conduise) est intenable théoriquement et politiquement. Pour en sortir, il faut abandonner les habitudes de pensée et les croyances idéologiques du "marxisme vulgaire" à la française, comme de son renversement démocratiste "anti-stalinien", et pour cela faire l'effort de connaissances indispensables pour l'examen des pratiques sociales, afin de dépasser les déchirures que cela provoque à l'entrejambe entre cerveaux gauche et droit : chacun son In girum...

Pour revenir à la question « ça dépend de ce qu'on entend par phases » je réponds non, et pour la transition, de deux choses l'une, l'autre c'est le soleil (la révolution communiste) : la phase socialisme-dictature du prolétariat renvoie au "programmatisme du mouvement ouvrier" dont les fondements sociaux sont effondrés depuis trente ans; le dépassement progressif selon Sève relève de l'idéologie actuelle du "démocratisme radical". Même chose pour toutes les tentatives intermédiaires de mixage.

"Disparition du prolétariat"

Autre ânerie professée par la critique de la "communisation" via sa lecture par Calvaire : les "communisateurs" partageraient l'idée de la disparition du prolétariat. C'est absolument faux et confondu avec leur thèse et le constat qu'il n'y a plus, depuis la fin des années 60, d'affirmation possible du prolétariat dans une autonomie de classe contre le capital, donc plus de base à son unité constituée et organisée en parti pour faire la révolution, comme le prétendent les tenants ("programmatistes") de la dictature du prolétariat ou de toute forme étatique de pouvoir assurant une transition (des purs bordiguistes et du CCI à Mouvement communiste, en passant par LO et les néo-staliniens et bolcho-nationalistes gravitant autour du PCF dont ce Jojo-MX). C'est passer à côté de la conception "communisatrice" (entre autres révolutionnaires), héritée de Marx, de la contradiction entre capital et prolétariat comme lutte de classe, implication réciproque, unité dialectique, praxis... C'est passer à côté de l'idée que le prolétariat n'existe qu'en tant que classe du capital et que l'abolition de celui-ci ne peut être sa victoire, sa prise de pouvoir comme prolétariat sur le capital, ni d'ailleurs sa défaite, mais son auto-abolition dans la lutte que suppose cette implication réciproque, jusqu'au bout, dans le processus de rupture du capitalisme au communisme. Mais comme on touche ici à ce qui me distingue des "communisateurs" et notamment de Théorie communiste, je renvoie à mes interventions précédentes, en attendant d'y revenir ultérieurement.

Le nombril du démocrate démocratisé

« Que ceux qui veulent vivre seuls en se regardant leur nombril s'installent des miroirs sur les murs au plafond et au plancher chez eux pour se retrouver "plusieurs"». id. comme idiot

Il faut donc, pour sortir de cette position intenable entre autres du point de vue théorique, lire des livres de papier ou pas, dans lesquels, eh bien oui, leurs auteurs sont amenés à dire "je" [titre d'un ouvrage de Lucien Sève sur l'individualité...] sans la moindre ambiguité : c'est toujours à travers une perception individuelle, subjective, qu'une expérience sociale s'exprime théoriquement, et la question est précisément de l'assumer avec justesse, dans la distanciation théorique et psychologique, sans les faux semblants de l'expression impersonnelle ou prétendue collective, descendue de nulle part dans la pureté d'une lumière divine. Pour les collectivistes qui comprennent cette nécessité-là comme narcissisme, que faire ?

Le genre "modeste" comme cet ancien "responsable à la culture et aux intellectuels" dans le PCF, et dont on imagine qu'il aime les livres bien qu'il n'en cite aucun, est-il capable de comprendre que je ne parle pas à la première personne pour que l'on s'intéresse à moi en tant que personne ? Ceux qui lisent mon site dans cet esprit n'ont rien compris ni à ce que je dis, ni à ce que je suis. Si l'auteur de cette idiotie supplémentaire assumait le fond, il éviterait d'attacher à ma personne plus d'importance que je ne le fais moi-même en la matière. N'est-ce pas de rater ce fond qu'il a besoin de polémiques personnelles, évacuant les questions embarrassantes, jurant sur ses grands dieux qu'il n'a pas dit ce qu'il a dit, projetant sur d'autres l'amour-propre qu'il met à se tirer de l'embarras où il se place tout seul si souvent, par sa bouffonnerie, sa mauvaise foi et son manque de sérieux ?

Le communisme selon la passion démocratique ne peut aboutir qu'à l'effacement hypocrite des capacités personnelles et diverses de chacun, à la plus plate des médiocrités revendiquée pour tous, comme on le voit dans le populisme militant et la pêche aux bulletins de vote. Juger de l'intérêt d'une idée au nombre de ceux qui la partagent, cela conduit toujours à adapter ses idées pour que le plus grand nombre les adoptent, en vain, puisque la lutte des classes réelle se fout essentiellement des idées. Flattant démocratiquement "le bas", on tire vers le bas une fantasmatique et fantômatique "transition" : la fin d'un communisme qui ne commencera jamais, car aucune majorité ne produira jamais démocratiquement la moindre rupture avec le capital. Si l'ère des révolutions socialistes est caduque, c'est qu'il n'y aura plus personne pour faire les choses à moitié, par étapes, parce qu'il n'y a plus, en termes de rapports sociaux, d'intermédiaire historiquement possible, fondé sur l'économie des échanges de valeurs produites par le travail salarié, entre capitalisme et communisme. Non parce que le prolétariat aurait disparu, autre thèse absurde prêtée aux "communisateurs" par le texte "essentiel" selon Jojo-MX (voir plus bas). Pas de demi-mesure, mais seulement le capitalisme comme société ou son abolition par des mesures qu'on les appelle "communisatrices" ou pas : « La révolution sera communiste ou ne sera pas ». Cela suppose une guerre sociale engagée sur ces enjeux, quelle que soit sa durée. Un grand soir peut durer cent ans. Il ne commencera ni par une messe proportionnelle un dimanche matin électoral, ni la semaine prochaine par l'activisme des meilleurs autonomistes du monde possibles.

Qu'on trouve, sur les questions que j'aborde, un site où l'on ait davantage le souci scrupuleux de donner les moyens de comprendre, de se faire une idée par soi-même (pas forcément la même que moi, mais en toutes connaissances des éléments sur lesquels j'ai fondé une position ou un changement de positions). Car ce dont je parle, ce n'est pas de moi comme individu séparé dans les miroirs (aux alouettes et Charlotte) de la psychanalyse, mais, même quand cela prend la forme de l'introspection 'à la Leiris', d'une situation sociale à travers ce que j'en vis et comprends. Je ne connais pas, à l'expérience, d'autre façon de le faire au plus juste. Je ne suis d'ailleurs pas le seul, ou alors il faut brûler tous les livres écrits à la première personne du sujet, avec ce toupet égocentriste de leurs auteurs de ne pas y inclure les réactions de leurs lecteurs. Effectivement, quel défaut d'écoute, quelle fermeture à l'autre, quel narcissisme, et quel manque absolu de démocratie participative !

C'est ainsi que dans la démocratie comme idéologie du capital, la chasse aux non-démocrates vient à s'en prendre nécessairement aux idées révolutionnaires. La démocratie prend le relai du bolchévisme, stalinien ou pas, dans la guerre contre les individus qui ont ici le mauvais goût de ne pas se vautrer dans le bavardage sur internet comme preuve d'un prétendu débat, dont on aura pris soin au préalable et par tous les moyens d'évacuer ces idées révolutionnaires, dans le miroir grégaire de feuilletons en feuilletés de mensonges où brille le nombril  du démocrate... démocratisé.

PS : Je comprends, mais ne m'y résouds pas, que l'on préfère ne pas répondre à des critiques idiotes formulées par des idiots. Non que j'aies espoir ou intention de les convaincre, mais parce que ce sont en général les idées idiotes qui s'emparent des masses pour devenir forces matérielles : les religions, les partis, les élections, la démocratie... En général, c'est-à-dire sauf exception : les révolutions, qui sont des forces matérielles que ne produisent pas des idées, mais des rapports sociaux entrés en ébullition. L'idée de révolution en tire donc un statut très spécial... Voir aussi l'idéologie chez les indécrottables, selon Bonzaï et, dans L'ultra-gauche dans le monde, l'intervention "Communisation" une provocation essentiellement dérisoire, de Omnibus = Balivor = Patlotch interdit de séjour chez les "marxistes révolutionnaires".

* 2 mai

Whisper not (pas de messe basse ?)

Ce qui m'a le plus touché, dans le film de Debord IN GIRUM IMUS NOCTE ET CONSUMIMUR IGNI, c'est d'y retrouver WHISPER NOT et les Jazz Messengers d'Art BLAKEY au Club Saint-Germain en 1958, avec le solo poignant du compositeur et saxophoniste Benny GOLSON. Ce disque, je me l'étais offert à l'automne 70, alors qu'il était pour la nième fois réédité. J'avais dix-neuf ans et je n'aimais pas le rock'n roll, "musique de Blancs", rythmiquement raide comme un coup de trique. Il coûtait onze francs cinquante, c'est-à-dire beaucoup moins que le prix moyen des 33 tours. Avec l'énigme de cette photo de Kenny CLARKE, au dos de la pochette, parmi les membres du quintette à la place d'Art BLAKEY... Cette composition, Whisper not, est une de mes préférées, comme d'autres de Golson, dont le magnifique I remember Clifford*, en hommage au trompettiste Clifford BROWN mort à 26 ans d'un accident de voiture, en 1956. De lui encore cette Blues March for Europe 1, qui devient l'indicatif de l'émission de Ténot et Filipacchi Pour ceux qui aiment le jazz (un Blakey certes lourdement militaire sur ce thème).

De J.L., qui chroniquait cette réédition pour un mensuel de jazz, et qui attribuait à ce disque la note 8/10 (sic), et dont j'avais comme à mon habitude collé le texte sur la pochette : « il faut écouter et faire écouter ces oeuvres qui témoignent d'une époque où les artistes communiquaient toujours avec ceux qui étaient venus les entendre », et c'est vrai, ça s'entend, ça n'a pas été effacé comme si souvent comme desservant la musique, s'il est une présence manifeste dans ces enregistrements, c'est celle du public du Club Saint-Germain, frappant des mains ou reprenant les riffs, et le pianiste Bobby Timmons ou Blakey réagissant par quelque ponctuation déclenchant des rires complices... Public dans lequel on se plaît à penser que figuraient Debord et ses amis, entrés là sans payer, par hasard objectif, au bout de quelque dérive, avec ou sans amour...

* On peut entendre un extrait de ce thème à l'ouverture du site officiel de Benny GOLSON « [I remember Clifford] That's the one tune I wish I'd never written. It's obvious why. If he had not been killed, I wouldn't have written the tune. It was a sad thing for me to write that tune, and it was the longest amount of time I've ever spent on any tune I've ever written, whereas I wrote "Whisper not" in twenty minutes. "I Remember Clifford" took two full weeks. Usually, I write a tune in two or three days at the most.» Interview de Benny GOLSON Jazz Hot 616, déc. 2004 Un exposé du thème par le saxophoniste

« Hanches doubles, si sensuelles de cette anche simple, Un saxophone ténor que l’on imagine terni, matité D’un alliage mature, Selmer, seule mère en ces temps-là Cygne de cuivre et de cuir, souffle de signes / Benny Golson : « Moanin’ », « Whisper not »,  « Along came Betty », « I remember Clifford », « Blues March, »  « Killer Joe » Titres qui sonnent comme des noms communs, Le compositeur et le saxophoniste, celui dont se revendiquait John Coltrane (Que dire de plus !) / Un son de tête de veau ravigote, ce moelleux, Cette extase des papilles, le sentiment d’être à l’intérieur… Benny Golson c’est le liquide amniotique, L’animalité revendiquée, le ventre et le ciel. / Rien d’autre… Whisper not… » Philippe CHARPENTIER

En 1978, quand Debord fait ce film, Benny GOLSON est revenu au jazz après une éclipse d'une douzaine d'années, confronté comme la plupart des musiciens de cette génération à la baisse d'intérêt des années rock et pop' et à la disparition des lieux de musique vivante. La nostalgie n'est plus ce qu'elle était, et bientôt ceux-là et de plus anciens seront convoqués au come back, petits maîtres adulés après la disparition des 'grands' (Coltrane, Monk, Mingus, Miles Davis, Blakey...), à la manière des édentés du New-Orleans Revival d'après-guerre, mais en plus correct markettés dans les festivals sponsorisés par les marques de tabac, gagnant leur retraite en surfant sur la vague du jazz néo-classifié par la bande à Marsalis le trompéteux virtuose propre sur lui... Gilles Mouëllic pourra ranger le jazz comme « esthétique du 20ème siècle », Michel-Claude Jalard s'interroger « Le jazz est-il encore possible ? », l'ex-sartrien Alain Gerber en écrire les romances en trempant sa plume dans la soupe, Philippe Carles diriger un Jazz Magazine en couleurs et sur papier glacé, Francis Marmande laisser la chronique du Monde à un autre pour, de loin en loin, évoquer Debord comme erreur de jeunesse... Le jazz demeure marginal, mais du spectacle comme jamais. Benny Golson, pour ce que j'en ai entendu il y a quelques années au New Morning, n'est plus que l'ombre du souffleur qui porta de sa fougue un des plus textes les plus forts que ce siècle ait donné à voir, entendre, et lire.

Mais qui d'autre que ce saxophoniste, le plus fluide entre Lester Young et Coltrane, ce ciseleur des harmonies bluesy les plus mélancoliques du jazz moderne, pour ces images d'eau de Paris à Venise, en ces chorus enregistrés au coeur du quartier général de la jeunesse de Guy Debord poète de son temps ?

A y penser, je me demande quelle musique aurait pu mieux coller à ce texte, au point qu'on ne sait qui accompagne qui, de celui qui joue ici sans paraître jamais reprendre son souffle (« sans le saxophone, je serais mort »), ou de celui affirmant d'une voix monocorde, avant de 'conclure' « à reprendre depuis le début » : « la sagesse ne viendra jamais ». Mais quelle sagesse pourrait jamais venir, avec cette musique ?

Quelqu'un a-t-il remarqué que cet enregistrement datait de décembre 58, alors que l'IS éditait à Copenhague les Mémoires de Guy Debord. Une autre façon de boucler In Girum...

On peut écouter quelques mesures du thème de Whisper not par les Jazz Messengers dans la même formation, mais à l'Olympia quelques semaines plus tôt, en novembre 1958.

Une version par Anita O'DAY & the Three Sounds

Le trio de Keith JARRET donne de Whisper not  une version splendide dans le disque qui porte ce titre, enregistrement d'un concert parisien en 1999. Une critique

Pour les musiciens : La grille harmonique en partition, la grille harmonique jouée au piano / Les CD-partitions d'accompagnement de thèmes de Golson chez Jamey Aebersold ou Hal Leonard

Benny Golson MP3 Downloads

* 1er mai

Les phrases qui tuent, des amies de trente ans (sur lesquelles il faut incessamment revenir)

 « Il n'est pas si naturel qu'on voudrait bien le croire aujourd'hui, d'attendre de n'importe qui, parmi ceux dont le métier est d'avoir la parole dans les conditions présentes, qu'il apporte ici ou là des nouveautés révolutionnaires. Une telle capacité n'appartient évidemment qu'à celui qui a rencontré partout l'hostilité et la persécution ; et non point les crédits de l'Etat. Et même, plus profondément, quelle que soit la complicité générale pour faire le silence là-dessus, on peut affirmer avec certitude qu'aucune réelle contestation ne saurait être portée par des individus qui, en l'exhibant, sont devenus quelque peu plus élevés socialement qu'ils ne l'auraient été en s'en abstenant*. Tout cela ne fait qu'imiter l'exemple bien connu de ce florissant personnel syndical et politique, toujours prêt à prolonger d'un millénaire la plainte du prolétaire, à seule fin de lui conserver un défenseur.» Guy DEBORD

* [Note de l'édition critique, 1990] : « Cette loi historique ne souffre aucune exception. En elle réside la difficulté centrale des révolutions anti-capitalistes, comme le montrait dès 1912 Robert MICHELS dans son ouvrage : Approches d'une sociologie du parti dans la démocratie moderne (recherche sur les tendances oligarchiques de la vie de groupe).» [on pourrait y ajouter les considérations de Georges PALANTE, que Debord ne semble pas avoir connu, mais que Michel ONFRAY aura trop inventées pour en jouir vraiment) 

(source IN GIRUM IMUS NOCTE ET CONSUMIMUR IGNI (Palindrome -se lisant à rebours identique- signifiant : De nuit, nous tournons en rond et nous sommes consumés par le feu), 1978/ Edition critique 1990, in Guy DEBORD, Oeuvres, p. 1768, Gallimard, avril 2006.) A télécharger 'comme au cinéma' : Debord vivant (c'est un peu plus long qu'annoncé, mais au rythme où nous avançons, bof... N'est-il pas ?)

Ultra-dégauche, blues du bavelourd

"Ba-Lue Bolivar Ba-Lues-Are (Bolivar* Blues)" *nom d'un hôtel dans lequel Monk habitait (noter dans cet extrait sonore que, comme dans l'apparent simplissime Blue Monk, une phrase plus longue que la mesure la déconstruit, dont le début se décale du temps faible au temps fort, créant une balancement rythmique surajouté à celui du 4/4 de base, et au swing ternaire lourdement appuyé -la phrase se reproduit comme rythmiquement "à l'envers"-. Type de procédés avec lesquels Monk, Mingus -rotary perception-, et d'autres, ouvriront la voie aux recherches plus avancées du 'binaire-ternaire' -Tony Williams, Jack Dejohnette chez Miles Davis...- puis aux polyrythmes de Steve Coleman...)  

Un fil semblant ouvert - où à tord on adore consensualement les amateuses espagnolades de fate boule * -  pour informer sur l'« ultra-gauche », j'y fis la ci-dessous publicité sous le fringant mais transparent pseudonyme de Balivor (> Patlotch) qui, bien que les hôtes n'aient pas cette fois stalinisé mon unique message, fut immédiatement exclus de ce haut-lieu de la culture besancenoesque libertaire--social-démocrate, comme il se doigte à regarder la lune trop kitch :

Belle intention de Molinier, mais pour bien faire, encore un effort : considérer que l'ultra-gauche a vécu, et que les courants qui en sont issus (de la gauche germano-hollandaise ou du bordiguisme, du 'situationisme') en ont fait la critique à travers les ruptures dans la théorie communiste des années 70, c'est-à-dire, excusez du peu, depuis 30 ans. Le tout à historiser donc, et à considérer ce qui en reste, d'actif et pertinent, du point de vue révolutionnaire.

En approche "grand-public" :
Communisme de conseil

"+" : "ULTRA-GAUCHE", CONSEILLISME, "BORDIGUISME",... (héritage et critique de --)

A part ça, présenter 'Théorie communiste' comme 'conseilliste' (ou pire 'operaïste', dont la branche neo est Negri-Moulier-Boutang) est une "injure" à leur faire, puisque toute leur théorie aboutit à la caducité de l'autonomie prolétarienne y compris dans la forme conseilliste, dont l'ultime avancée théorique fut celle des situationnistes. Ils ont abandonné le 'conseillisme' depuis 30 ans, ce que je me suis évertué à signaler au site wikipedia, qui n'en a tiré comme conclusion que de me virer de leurs références...

Ajouter, par conséquent la liste de sites que je donne en références, à trier selon les catégories qui vous amusent, mais qui en gros ont en commun de considérer la révolution communiste comme une affaire non classée (si j'ose dire) :
Ressources critiques classées

Amical'
 
* Carramba !!! quel féminin à fat : un ou deux "t" ? Doute à m'ôter ! Un carambar au lecteur, une sucette à la lectrice, qui de ce mauvais pas me sortira.

Que faire du 1er mai ?

Le GCI (Groupe communiste international), certes pas ma tasse de thé vert, ni de vertu, ni d'ouvertures, ni d'agence Tass, propage « un tract élaboré et diffusé par des camarades sud-américains contre les célébrations bourgeoises du premier mai », que voici :

L’utopie du communisme trouve toute la vigueur historique pour un monde nouveau à construire dans les mots de Manuel Gonzales Prada prononcés le 1er mai 1908, [qu’il décrit comme le] jour où « les prolétaires, éparpillés de par le monde, voient dans le 1er mai le jour symbolique où les opprimés et les exploités se rassemblent pour se compter, unifier leurs aspirations et se préparer à l’action destructrice et définitive » de l’Etat et du Capital, « et non pas l’ironie de commémorer la fête du travail ».

Le 1er mai commémore la journée internationale du prolétariat, journée qui rappelle l’assassinat légal de quatre militants anarchistes de Chicago perpétré par l’Etat yankee en 1887. Il y en a qui, en ce jour, tente de concilier les contradictions de classe, vociférant que le 1er mai est la fête du travail ou le jour du travail, paroles si pathétiques qu’elles ne peuvent venir ni plus ni moins que des agents contre-révolutionnaires (gauchistes de tous bords) qui se mêlent à nous et s’approprient nos drapeaux pour nous faire prendre le chemin du pacifisme de la démocratie, c’est-à-dire de la dictature légale du capital. Les anarchistes de Chicago ne sont pas morts pour cela, ils sont morts pour un monde nouveau à gagner, sans Etat ni démocratie ni capital.

Renforçant la ligne historique de la Révolution, dont font partie Marx, Bakounine, Flores Magon, Gonzales Prada et tous ceux qui sont parvenus à identifier l’Etat, la démocratie et le capital comme les ennemis suprêmes qui nient notre humanité, nous continuerons de clamer que le 1er mai est « la journée internationale de la lutte prolétarienne », et que ce n’est PAS la fête du travail. Fêter le travail c’est fêter l’exploitation, c’est fêter l’action permanente de vendre jour après jour notre force de travail pour de l’argent, c’est fêter et lancer des vivats à la putain de « Communauté de l’argent » de l’Etat bourgeois. C’est pour cela que de l’ONU qui est l’Organisation Internationale du Capitalisme (où sont représentées toutes les dictatures démocratiques) émanent les harangues à la fête du travail afin que nous fêtions l’inhumanité de vivre heureux au sein de l’exploitation de l’Etat et du Capital.

Dans ces périodes de réaction généralisée du capital, le 1er mai, doit être le jour où «la ligne historique de la révolution» recommence à prendre vie, tranchant les positions et démystifiant l’opportunisme bourgeois radical peint en rouge représenté par toutes les gauches (la fraction intellectuelle de la petite bourgeoisie radicale) léninistes, stalinistes, trotskistes, maoïstes, guevaristes, castristes, mariatéguistes, apristes [APRA, Action Populaire Révolutionnaire Américaine, parti populiste fondé par Haja de la Torre; note du GCI] etc., etc., qui, partout dans le monde, nous inculque qu’il faut célébrer le travail, continuer le raisonnement réactionnaire de la gestion du capital par les ouvriers et le recyclage de la démocratie Populaire et de la libération nationale, par lesquels on boycotte la constitution du prolétariat en classe révolutionnaire et la détourne continuellement vers les canaux de la mentalité capitaliste.

Entre gauche et droite il n’y a pas d’opposition, ni idéologique ni pratique, toutes deux sont des lignes démocratiques et donc soeurs capitalistes se différenciant uniquement par les modèles économiques de gestion du capital aux mains de l’Etat. Ainsi, au sein de la démocratie dans laquelle jouent les gauchistes et les droitistes, il n’y a pas d’opposition, il y a uniformité dans le cloaque de la gestion du capital et du travail, générant toutes leurs tares: marchandise, accumulation et commerce; patries et guerres; frontières, exploitation et misère; démocratie et esclaves salariés. Pour cela et pour toujours, en nous rappelant Gonzales Prada, célébrer le 1er mai comme la fête du travail c’est jouer le rôle des ingénus, des malheureux et des inconscients défendant la misère et le rôle d’esclave salarié, c’est jouer le rôle des dindons qui se réjouissent sur la table du festin de Pâques. Le prolétariat conscient célèbre dans le 1er mai le jour de la révolution.

« Pour la constitution du prolétariat en classe révolutionnaire »

!! Vive le 1er Mai !!

Ce tract est disponible en espagnol, en anglais, en tchèque, et en portugais > Contra los festejos del Primero de Mayo

Hormis le caractère programmatique fossilisé de leur vision de la révolution communiste, on peut considérer qu'une bonne question est posée : que faire du 1er mai ? Qu'on ne me compte pas de ceux qui fêtent « la victoire du retrait du CPE »...

* 30 avril

Sakura !

« Le tourisme a joué un certain rôle. Le tourisme venant s'habituer sur place à la misère des marchandises que l'on avait justement polluées pour lui. (Le touriste est celui qui est traité partout aussi mal que chez lui : c'est l'électeur en déplacement.) » Guy DEBORD, Abat-faim, Texte en version initiale réécrit par l'Encyclopédie des nuances, novembre 1985, in Oeuvres, p. 1587, Gallimard, avril 2006.

Du Japon, nous connaissons les cerisiers (sakura) mais sans imaginer leur importance culturelle, quotidienne venue la saison dans la vie des Japonais, ni la magie de leur beauté féérique. Leur floraison ne dure pas plus de trois semaines et se situe généralement entre fin mars et début avril (cela varie en fonction des régions et selon les années). Elle est pour les Japonais le signe que le printemps est vraiment là, cause de réjouissances et prétexte de nombreuses fêtes. La tradition est de se réunir et d'aller voir les cerisiers en fleurs. Cela s'appelle hanami.

pour s'en faire une idée (prendre le temps d'agrandir les vues)

une galerie japonaise Sakura Mankai, kezako ? cherry blossoms terragaleria cherry blossoms JapanGuide Hanami à Yokohama Hanami de jour, Hanami de nuit overdose de Sakuras une vision française  une autre le parc de Ueno le journal de Shiromi Georgiana Kwan Yu Chan Reggie Thompson's Japan in Spring  les sites et arbres les plus célèbres du Japon un "catalogue" d'images

à Kyoto

Un tour d'horizon un autre  Totani  Frantisek Straud Tetsugaku-no-michi (Chemin de la philosophie) et Arashiyama Kiyomizu Temple

exemples de sites en japonais

Un calendrier un autre un guide de visites

(qu'on se rassure, la photo de mon fils, en page d'accueil, fut prise dans un cerisier français)

* 29 avril

A écouter/danser : La rumba congolaise El Congo Brazza Kin

« Enregistré à Kinshasa [en 2002], cet album rend hommage à l'une des plus belles musiques née sur le Continent africain, à l'aube des independances.
Les deux grandes figures historiques de la Rumba (Wendo Kolosoy, l'enfant de Kinshasa et Antoine Mondanda, celui de Brazzaville sur l'autre rive du fleuve Congo), le Victoria Bakolo Miziki et le Rumbanella Band (composé de jeunes musiciens) se livrent à une relecture passionnée et émouvante du patrimoine culturel d'Afrique Centrale.
Voix suaves, guitares élégantes, mélodies sensuelles, swing discret, la Rumba est à l'Afrique ce que le Son est à Cuba : un miracle d'équilibre
.[...] » >

A lire : Le swing du caméléon, Musiques et chansons africaines 1950-2000, Frank TENAILLE, Actes Sud 2001

Les enlumineurs du précariat

(source Multitudes) 

Résistible New Deal en Europe. Sur la crise du CPE en France, Yann MOULIER BOUTANG, 13 avril
Une génération à durée déterminée, Carlo VERCELLONE, 18 avril 
Et maintenant, le précariat... Robert CASTEL, 29 avril

« Le statut de sans réserve est ainsi le noyau dur de la définition du prolétariat »
Bruno ASTARIAN, Division du travail, division de la propriété et valeur, 2005

Partant du même constat que Roland SIMON : « Un renversement historique, le chômage définit le travail salarié » (premier chapitre de Théorie du communisme, vol 1, Théorie du communisme, Fondements critiques d'une théorie de la révolution, Senonevero, 2001), ces auteurs préconisent la négociation d'un "nouveau compromis social entre mobilité et sécurité" (Castel) ou "la revendication d’un revenu social garanti indépendant de l’emploi" (Moulier Boutang et Vercellone).

On peut leur reconnaître plus de sérieux et de réalisme (les données de ces textes sont intéressantes) que les partisans, à gauche de la gauche, de « l'abolition du chômage » (Pierre COURS-SALIES), et noter la variante que les deux premiers ont introduit de longue date par rapport aux économistes "marxistes" qui inspirent le PCF et la LCR (Paul BOCCARA, Antoine ARTOUS...) qui sont plus attachés au statut salarié* et préconisent des formes d'alternances travail-formation plus proches de ce que les Confédérations syndicales ont dans leur carton, en attendant l'heure des futures négociations, une fois apaisé le traumatisme du retrait du CPE (voir le dossier de Gérard BIGEARD sur La revendication de « sécurité sociale professionnelle »)

* Artous développe cette controverse dans Travail et émancipation sociale : Marx et le travail (Syllepse, 2003)

Je ne résiste pas à citer la chute de l'article de MOULIER BOUTANG, véritable morceau de bravoure bourgeoise de ce théoricien néo-opéraïste qui n'en finit pas de vieillir, dans le sillage de son maître Toni NEGRI, au point de se figer en statue du commandeur de l'avant-garde réformiste :

« C’est à cette seule condition [un revenu d’existence élevé, inconditionnel, cumulable avec une activité] que le troisième capitalisme qui s’est emparé des commandes de l’économie-monde depuis 1975-1991 ne se verra pas confondu avec la barbarie. Sinon les émeutes pourrait toucher bien plus que les banlieues au centre. À gauche, l’idée chemine encore timidement : L’UNEF a ressorti sa vieille revendication d’allocation étudiante. Martine Aubry a avancé l’EVA dans un silence plutôt embarrassé de ses commensaux au PS. Jacques Attali a également franchi le pas. Yves Cochet a décidé d’en faire un axe essentiel de sa candidature à la présence des Verts dans la présidentielle de 2007 À droite, aussi l’idée progresse, même si le niveau envisagé par Yoland Bresson est encore si bas qu’on retombe dans une moderne « politique des pauvres ». Le New Deal est résistible, mais il est inévitable. Peut-être faudra-t-il que la France soit au bord de l’émeute générale pour qu’il s’impose. La lutte massive des précaires qui vient de se dérouler et qui vient de tuer le CPE, après avoir tué le CIP en 1994, douze ans auparavant, nous rapproche de cette échéance.»

L'avenir dira laquelle de ces deux voies l'emportera. Une chose est certaine : ce n'est pas en empruntant l'une ou l'autre que la classe ouvrière ira au paradis. Et nous persisterons à penser que la révolution communiste est un sujet non moins sérieux, à ceci près que nous n'y serons pas du même bord.

« Sur les "casseurs de manifestants" »

« Ne pas rire, ne pas mépriser, ne pas détester mais connaître » - réflexions sur ceux qu’on appelle des « casseurs de manifestants ». Les agressions, les vols commis l’année dernière contre les manifestants lycéens, et cette année contre les manifestants « anti-CPE » ont jeté un froid, et c’est le moins qu’on puisse dire. Pourquoi des jeunes, victimes du système que nous dénonçons, ne sont-ils pas dans notre camp ? Pourquoi eux s’attaquent-ils à nous ? [...] »

« Du caractère artistique des tags des facs en lutte... » par Non Art

« Analyse du caractère artistique des inscriptions murales des facs en lutte dans le cadre du mouvement anti-précarité, anti-pouvoir, anti-libéralisme... de ces dernières semaine. 

Avertissement : Ce texte est une pure provocation à l'adresse des artistes-auteurs et autres amateurs d'art étatique ! Il n'en est pas moins sérieux voire sincère… Il est volontairement pensé pour permettre une mise en danger de la vision de "spécialiste" de l'art contemporain.[...] »

* 28 avril

"Morpion blanc" : racisme ou racisation ? dominations ou exploitation ?

Mon intervention du 27 avril (Les mains blanches du Nouvel Obs), et plus précisément mes citations d'une auteure noire me valent ce doux qualificatif de "morpion blanc", de la part de quelqu'un qui se préoccupe de ma "crédibilité" plus que de la sienne : à chacun ses "présupposés", sous réserve de vérifier ce qu'ils sont :

"Le livre rouge de Yahvé" de Sala-Moulins (rédacteur pressenti par Dieudonné pour son film Le Code Noir, film dont, dans sa structure paranoiaque délirante ce dernier accuse les juifs d'empêcher la réalisation) est à la réflexion ce que "le Traité d'Athéologie" d'Onfray est à la philosophie.  [...] Chacun ses références... Les miennes sont Meschonnic.
[...]
Le problème c'est que lorque les présupposés sont un torche-cul le reste perd sa crédibilité ! Il y a bien d'autres historiens qui ne remontent pas à "Canaan" comme source de l'esclavage des noirs ! Et pas besoin de s'appuyer sur des confidences sur l'oreiller d'Hitler et ses prétendus alliés sionistes pour revendiquer la primauté du génocide noir sur le génocide des juifs ! ça c'est de la crapulerie de morpions blancs !»

Je précise par conséquent :

1) que mon intervention ne vaut pas approbation de tout ce qu'écrit Sala-Molins, ni même Plumelle-Uribe, pour la simple raison, hors même que je n'ai pas tout lu, que leur point de vue n'est pas le mien : nos constats et nos motivations peuvent se recouper sans plus que nos conclusions se confondre. Elle n'est pas non plus une prise de partie dans un bras de fer entre approches racisant les problèmes. 

2) que Plumelle Uribe ne  « revendique [pas] la primauté du génocide noir sur le génocide juif », mais leur explication et leur relation dans l'histoire occidentale, et que de ce point de vue son livre participe, sans être une analyse critique du capital à visée communiste, mais par la mise à jour de faits historiques précis, au dévoilement de l'idéologie conjointe que masquent l'anti-antisémitisme, l'antifascisme et l'antiracisme construits après guerre, dans les termes qui ont assuré la réussite de la démocratie capitaliste avec la complicité active des staliniens.

3) qu'il y a désaccord dans la mesure où l'antiracisme, l'anti-antisémitisme et l'antifascisme ne sont pas reconnus dans leur fonction idéologique, faisant écran à la nature de la démocratie capitaliste, avec laquelle l'auteure de ce mot doux n'a jamais pris la moindre distance, puisqu'elle inscrit ses interventions dans l'idéologie démocratiste en se prenant les pieds dans ses explications freudiennes de réalités historico-économiques. C'est pourquoi j'ai renvoyé au texte de 1996 de Théorie communiste (qui n'a jamais été mêlé à cet épisode) expliquant sur quelle base théorique une poignée d'ultra-gauche avaient pu frayer avec le négationnisme > L'ultra-gauche, le négationnisme et le démocratisme radical

4) que mon texte comportait :

- une erreur de frappe qui rendait un passage incompréhensible : anti-antisémitisme et non antisémitisme, participant de cette idéologie, et je partage à ce sujet les passages relatifs à ces questions du texte de Bernard LYON "Nous ne sommes pas anti"

- une imprécision que je corrige : l'antiracisme ne peut mettre en cause la racisation, parce qu'il tend à juger des choses du point de vue de la race (ou de l'origine religieuse racialisée), bien qu'elle soit supposée ne pas exister pour lui, c'est-à-dire sur la même base identitaire que le font, bien au-delà des sionistes juifs ou noirs, dans le hard un Dieudonné ou le site Africamaat, dans le soft les Indigènes de la République ou le site Afrikara, ce qui au demeurant ne les amène pas systématiquement à frayer avec l'antisémitisme : celui de Dieudonné permet d'évacuer la question idéologique de fond. Mais ce qu'ils en disent ne peut faire que ce dont ils parlent n'existe pas ou soit entièrement faux, en quoi il s'agit de faits historiques et non de « présupposés », comme le prétend à partir des siens celle qui pratique allègrement un amalgame par glissement d'auteurs (ceux dont se revendique Dieudonné ne sont pas tous comptables de ses errements et plus d'un s'en est défendu), ce qui lui permet de botter en touche l'essentiel : « le reste perd sa crédibilité ». C'est pourquoi leur fille est sourde...

Je n'ai personnellement aucune origine à défendre, pas plus religieuse qu'ethnique ou nationale, et je n'entends participer du sauvetage mémorial d'aucune en faisant mon show ah ah ah... Meschonnic, parlons-en « Pour en finir avec le mot Shoah  ».

Je ne choisis pas une racisation contre une autre, pas plus qu'en général une domination comme plus condamnable qu'une autre, ce dont témoignent tous mes écrits et la problématique ouverte qu'ils portent, de l'articulation entre exploitation et subordination au capital par la médiation des dominations qu'il produit ou reformule historiquement, et qui s'entretiennent en boucle.

L'arrière-plan évident de mon intervention, c'est la critique de l'antiracisme et de la lutte contre l'antisémitisme coupés d'une compréhension historisée et de classe, chez ceux qu'ils conduisent à entériner plus qu'à combattre la racisation des questions sociales, parfois contre leurs intentions, quand ils s'essayent à un collage entre marxisme et critique des dominations, sans avoir au préalable critiquer un nationalisme à géométrie variant selon les circonstances, d'où leur affolement neuronal quand il s'agit de comprendre que des nazis aient pu soutenir tant des sionistes juifs israéliens que des bourgeois nationalistes palestiniens, ou d'expliquer les Révoltes de novembre devant les chiffres sur la composition ethnique des émeutiers arrêtés (c'est pourquoi j'ai parlé d'explications en miroir de celles de Sarkozy, car elles ont en commun, sous couvert de racisme dénié ou d'antiracisme central, le besoin électoral du mensonge par la racisation). C'est en ce sens que j'avais critiqué les élucubrations jésuitesques de deux grands rhétoriqueurs devant l'éternité virtuelle : l'indigène "juif athée marxiste" (sic) Laurent Lévy, et l'oudiste pourfendeur de prétendues racines théoriques chez Marx des dérives racistes d'extrême-gauche.

Si j'ai cité Hitler via Plumelle-Uribe, c'est parce qu'il explique lui-même la différence entre racisme et racisation, c'est-à-dire l'instrumentation politique du racisme : « je sais aussi bien que tous vos intellectuels qu'il n'y a pas de races au sens scientifique du mot. Mais [...] moi, qui suis un homme politique, j'ai besoin d'une notion qui me permette de dissoudre l'ordre établi dans le monde et de lui substituer un nouvel ordre ». 

Autrement dit, Hitler nous explique en substance que son action n'est qu'une des variations historiques sur le thème du racisme, qui change historiquement en fonction des nécessités de telle exploitation (esclavage, servage, salariat) et de telles circonstances qui s'y prêtent (la situation des Juifs en Europe dans ces années-là, celle des Arabes et Musulmans aujourd'hui) : le racisme est une idéologie fondée sur l'utilisation d'une différence d'apparence physique ou d'identité revendiquée, pour justifier des inégalités sociales et économiques extérieures à cette caractéristique, et donc des actes visant à la domination par appropriation de territoires et de ressources naturelles ou humaines (sic), ou pour satisfaire un besoin d'exploitation extérieur à cette différence; alors que l'appartenance de classe, trouvant son fondement dans les rapports sociaux historiques et matériels, est consubstantielle à l'exploitation qui en est définitoire, et traverse les différences sujettes à d'autres dominations que celles du capital et de l'Etat pour exploiter le travail (Il faut espérer qu'on changera ces rapports sans exiger une créolisation de l'humanité en gris moyen, mais c'est pour des raisons esthétiques que je voudrais être noir à l'extérieur, sans cesser d'être rouge en dedans : black is beautiful !).

Considérer symétriquement l'exploitation, qui est le but pour et par ses résultats matériels, et les dominations au prétexte de la race, la religion, etc. qui en sont les prétextes de moyens physiques, politiques, psychologiques, idéologiques, est d'abord une erreur de logique, qui relève in fine de l'idéalisme. Aucune domination ne contient son but en elle-même, mais par la jouissance 'économique' qu'elle permet de se procurer ou de faciliter, y compris sous le masque psychologique (dans la domination masculine, l'enjeu n'est pas que la femelle souffre mais que, prolétaire du prolétaire comme disait Flora TRISTAN, elle fasse la cuisine pour le mâle, dans une division familiale du travail créant l'inégalité et la dépendance). 

C'est pourquoi l'antiracisme est en lui-même impuissant tant que l'exploitation n'est pas mise en cause. Il ne considère que les aspects moraux de la question, et l'on ne change pas le monde avec des bonnes intentions, fussent-elles exprimées en manifestations de masse. Si même l'esclavage et le servage furent abolis par la lutte des esclaves d'abord, c'est aussi parce qu'ils étaient des obstacles à la généralisation du salariat, et ces progrès ne furent possibles qu'en tant qu'ils favorisaient la montée du capitalisme, motivation première des leaders blancs abolitionnistes du Nord, ce qui explique la Guerre de sécession : en France commémorer Schoelcher ou Toussaint sont deux points de vue de classe opposés dont l'un signifie 'en demeurer à l'idéal bourgeois républicain', ce qu'au moins avait vu Césaire, avant de vouloir « rester négre ».

Parenthèse et parallèle : les 35 heures, ou la sécurité sociale professionnelle répondent aujourd'hui à un besoin de flexibilité pour le capital produit par la lutte de classes, mais ne constituent en rien un pas vers  son abolition. Crier "victoire" au retrait du CPE fait peu de cas du sort des exploités par le travail, clientèle sans laquelle le syndicalisme n'a pas de raison d'être : c'est donc bel et bien une victoire du syndicalisme et de la représentation plus que des travailleurs, parce que leurs intérêts face au capital divergent par définition de leur fonction, et non par trahison. L'abolition de l'exploitation du travail ne sera pas plus que celle de l'esclavage produite par une négociation dans un rapport de force, mais par la suppression des exploiteurs en tant que tels, c'est-à-dire la destruction des forces en présence, de leur existence sociale : patrons, Etat, voire conseils auto-organisant l'exploitation, et in fine, prolétaires, qui ne le seront pas plus qu'un esclave affranchi n'est encore un esclave. Il serait vain d'user de la métaphore "le travail est un esclavage" si c'était pour considérer l'abolition de l'un plus utopique que celle de l'autre, et ce rêve authentiquement radical est plus réaliste que les fantasmes d'alternative sans racines : roots !

Combattre la racisation des questions sociales, par contre, porte le fer sur les motivations qui entretiennent le racisme, et participe donc de la lutte contre l'exploitation. Cela ne peut se faire d'un point de vue identitaire de race ou de communauté vécue comme telle selon le critère de l'origine, de la religion ou de la nation, mais seulement en se reconnaissant comme exploité*, comme prolétaire.

* je prends ici une liberté avec la détermination comme exploité au sens strict de travailleur productif. Cf Astarian, "Division du travail, division de la propriété et valeur" et mon intervention du 26 avril.

Et ce n'est pas parce que le terrain est glissant qu'on m'y fera glisser, ni taire en laissant supposer qu'il vaudrait mieux être discret sur ces questions : il m'y faudrait moins de patience, et moins de courage.

Pour conclure, ce poème alors écrit à chaud, auquel je n'enlève rien (> SORTIE DES CLASSES, février 2005)

HOMME DONNÉ, DIEUX VOLÉS, CLASSE PERDUE 

A Roland et Rosa Amélia 

Un valet noir sous un roi blanc a jeté son joker
Nègre bravant bradant le sort d'une boule de suif
Aux faces de colons promus de vendre au nom des Juifs
La mémoire deux fois sur le marché de Nüremberg

Nos prêtres démocrates chantent la messe de l'Homme 
Multicolore au monde fou de sa flemme olympique
Le vrai semblable est un moment du faux culte atlantique 
En tous genres lancé des vers accouchés dans la pomme 

D'Adam et Eve on a idée des choses ingénue 
Faut-il en rire ou en pleurer se donner tant de mal 
Pour ignorer ce que l'on est sous ce bon capital
Croire en ce que l'on n'est jamais qu'à s'en retrouver nu

Le conte démocratique se paiera de sa haine
Du réel et fera la guerre au prix de son mensonge
Choisir c'est renoncer sortir de classe est plus qu'un songe
Les prolétaires pour la perdre ont assez de leurs chaînes

Cachan, 22 février 2005

« Il ne s'est rien passé ! » : un monde de sens à gagner

Une correspondante réagit à mes considérations du 25 avril (les oeillères ou la révolution). Extraits :

« Mais dans ton analyse je dirai que tu négliges quelque chose d'important selon moi...
C'est la première fois qu'un gouvernement promulgue une loi avec le 49-3, fait confirmer sa validité par le Conseil d'Etat et dit ensuite qu'il ne l'appliquera pas...
ça n'a l'air de rien pour un marxiste mais pour le commun du peuple qui "croit" en la Démocratie et en la force de la loi, de son efficacité, un gouvernement pond une loi qu'il bafoue !!!
A partir de là, il porte atteinte à l'efficacité symbolique de la loi qu'il a lui même fait... en quelque sorte il se désacralise lui-même !!!
C'est la porte ouverte à la désacralisation par les masses... de sa fonction mais surtout des lois !»

Je ne dis pas quelque chose de si différent en considérant qu'en l'absence de résultat plus tangible qu'un retrait d'une loi pas encore appliquée, c'est la subjectivité, la perception des choses qui a fait un bond en avant dans la lutte : cet épisode où la France se découvre, à son rythme paradoxal, pénétrée du monde capitaliste globalisé, cet épisode comme révélateur (au sens photographique). Cet épisode invite soit à prendre acte de sa levée d'écran, soit à remettre le voile sur les choses et c'est à quoi s'applique toute l'institution spectaculaire, extrême-gauche comprise. Cet épisode appelle un changement de lunettes et de focale dans l'analyse, d'où ce titre : Spatials changes.

Simplement je ne le rapporte pas étroitement à ces considérations juridico-légalistes sur la démocratie, dont le peuple n'a que faire depuis belle lurette [...] Un sondage indique que 40 % du "peuple" pense que ni la gauche ni la droite n'ont de solutions (ce qui est la réalité), alors que 16% ne se prononcent pas : cela laisse peu, dans les urnes, à se partager pour ceux qui croient réellement au sens de leur bulletin de vote (choisir untel pour qu'il fasse telle chose).

Ce qui va s'effondrant, c'est la croyance en la démocratie politique comme force de changement : quand et où dans l'histoire la démocratie a-t-elle produit le moindre changement décisif ? La démocratie ne fait qu'installer et gérer ce qu'impose la force, qui n'en procède pas. Voilà qui a fait prendre un coup de vieux aussi bien à Besancenot qu'à Villepin. Il n'y a qu'à voir comment la gauche de la gauche n'a strictement rien à dire de nouveau parce que strictement rien compris ni à Novembre 2005 ni aux causes de Mars-Avril 2006 en ce qu'elles sont produites par la restructuration du capital mondial, et non pas la seule volonté politique d'un gouvernement ou d'un autre, ces virgules de l'histoire. Ce sont des idéalistes. Il suffit de voir que leurs textes, articles, rencontres... ne font que rabâcher le même discours idéologique (magnifique défense des capacités du capitalisme à être réformé, "justification des limites" comme disent les théoriciens) comme si justement "rien ne s'était passé", ou rien qu'ils ne puissent "récupérer" pour "prolonger politiquement le mouvement social" (Besancenot invitant à sa "bouffe à quatre" Arlette, Marie-Georges et José dans Le Monde, Thibault impérial au congrès de la CGT etc.). Contrairement à beaucoup dont tu es, je n'ai plus rien à leur demander, plus rien, de mon "bas", à exiger d'eux qu'ils fassent, puisqu'il est désormais dans la nature de leur existence de s'opposer à la perspective révolutionnaire. Je ne les critique donc pas pour les faire changer, mais comme éléments adverses du conflit de classes. Toutefois, et contrairement à d'autres plus proches de moi, je considère néanmoins indispensable l'intervention théorique et pratique, "militante", contre eux, et je me réjouis qu'elle ait surgi comme jamais au sein de ces luttes du printemps : ce n'est qu'en situation concrète que la confrontation peut être fructueuse, productive de changements pour la compréhension des choses dans le mouvement des formes d'interventions que l'on engage.

Ce changement subjectif générationnel, on ne peut mesurer comment il pèsera à l'avenir, mais sûrement pas vers une politisation redonnant du souffle aux partis ou aux syndicats, ou seulement de façon passagère et très instable. La CGT est, comme dit une belle formule, entrée dans "le troisième âge du syndicalisme", une défense encore plus explicite du système, y compris en s'organisant contre ceux qui veulent en finir avec le capital, contre ceux qui voudront le détruire. Mais ceux-ci seront de plus en plus nombreux, et d'autant plus décidés que ce sera sur la base de ce qu'ils vivent, de leurs intérêts de plus en plus immédiats, bref, qu'ils n'auront que leurs chaînes à perdre et un monde à gagner...

Voilà cependant qui ne relève pas, massivement, de la subjectivité serait-elle révolutionnaire (comme dans l'extrême minorité de ceux qui s'expriment, en l'absence de situation qui s'y prête, de façon plus théorique que politique), mais d'abord de considérations à bases matérielles, qui s'imposeront quantitativement dans la crise de reproduction du capital quels que soient les choix étatiques, à un rythme qui n'est pas programmable : voilà une illusion qui ne sera "désacralisée" que dans les luttes nouvelles en contenus et en formes auxquelles pousseront de plus en plus les réalités vécues, et non le fantasme de solutions politiques à travers un projet serait-il communiste, avec une stratégie, un programme, une propagande adressée à la conscience... idées avec lesquelles j'ai rompu, mais qui étaient encore miennes aux lendemains de 2002 (cf mes textes de l'époque : LA TENTATION ALTERNATIVE Interventions 2002-2004). Ce qui justifiait que je consacre mon temps à certains échanges dans certains milieux s'est effondré pour moi, subjectivement, sur quoi je fonde la conviction qu'il puisse en aller de même pour d'autres, à condition qu'ils préfèrent, au bavardage stérile avec un appareillage conceptuel désuet, l'examen sérieux des réalités et des enjeux avec les armes de l'attention sensible et d'une théorie en prise, qui ne soit pas une recette préalable aux luttes dont elle émane par l'analyse.

Quoi qu'il en soit, et quoi qu'il se fasse politiquement, nous vivrons de plus en plus mal, en sursis d'un développement mondial de la crise, et les couches moyennes le seront de moins en moins, contraintes de se reconnaître massivement comme prolétaires (propriétaires de rien, selon l'origine romaine), de considérer que "tout est à eux, rien n'est à nous", ce qui viendra sur la base de leur vie matérielle réelle, plus vite qu'on ne pense, et à travers des conflits qui interdiront le genre 'convergent unitaire' vers la reconstitution d'un 'prolétariat uni' et de son 'organisation', ce dont on a pu se faire une idée en novembre comme en avril, et dont ont rendu compte les plus attentifs.

Au fond tout ça se mesure au trouillomètre qui rend plus ou moins lucide : je n'ai jamais dit que je n'avais pas peur, mais ça ne m'empêche pas de regarder les choses en face, car j'ai toujours mis un point d'honneur à ne pas être dupe de moi-même (l'évolution à laquelle cela m'a conduit m'interdisant d'ailleurs, quoi qu'on ait pu en dire par contresens, de donner des leçons).

Je n'ai pas rien à perdre matériellement, mais j'ai un monde de sens à gagner. Et qu'ai-je à perdre matériellement, que la merde qui m'est échangée pour en vivre ? Comment pourrais-je ne pas y porter le regard du serf sur les chaînes qu'il se forge en travaillant pour un salaire et des loisirs à consommer, et que propose encore de me vendre au prix de ma chair et de mon âme toute perspective non immédiatement communiste ? Voilà ce que ne peuvent comprendre ceux qui aiment cette société beaucoup plus qu'ils n'affichent de vouloir en changer, parce qu'ils n'ont pas encore saisi qu'elle est entièrement capital, ni ce qu'il est dans son essence, et que nous n'en sommes que les particules élémentaires. Ils ne perdent pour attendre que d'y être confrontés dans leurs corps, jusqu'à plus soif et comme tant d'autres qui, de ce fait, ne se fabriquent pas les mêmes illusions ni ne se battent pour les mêmes choses.

En résumé, il y aura de plus en plus ceux qui veulent sauver cette société, parce qu'ils y auront ou penseront encore y avoir quelque intérêt, et les autres. Ceux qui ne sont pas encore confrontés matériellement à l'absence de choix ont néanmoins le loisir de "choisir leur camp", et c'est ce que j'ai fait, n'ayant plus aucun goût à fréquenter ceux qui font en relative connaissance de cause le choix opposé, et ceci quelles qu'aient pu être nos relations antérieures, ou quelles que soient présentement mes obligations sociales de survie.

* 27 avril

Les mains blanches du Nouvel Obs

Courrier de Louis Sala-Molins au Nouvel Observateur, à propos de l’article "Nous, les Noirs de France", concernant les calomnies à l’encontre de l’ouvrage de Rosa Amelia Plumelle Uribe, "La Férocité Blanche - Des Non-Blancs aux Non-Aryens - Génocides occultés de 1492 à nos jours" (Édition Albin Michel, 2001)

*

Monsieur,

Rentrant d’un séjour à l’étranger, je lis avec retard le Nouvel Obs du 13 au 19 avril.

Éditeur du "Code Noir ou le calvaire de Canaan" et préfacier de "La férocité blanche" de Rosa-Amelia Plumelle-Uribe, je lis avec l’attention et l’intérêt que vous devinez votre long article "Nous, les Noirs de France". Tout naturellement, je me trouve parfois en accord, parfois en désaccord avec vos pondérations, estimations et commentaires. C’est la loi du genre.

Mais je dois vous faire part de mon indignation à propos, non pas d’une pondération subjective, mais d’une faute grave de journalisme et de tenue politique lorsque vous avez le front - ou la légèreté ? - d’écrire : "mais aussi Rosa-Amelia Plumelle-Uribe, auteur d’un livre-brûlot, ’la Férocité blanche’ (Albin Michel), où elle soutient que la furie nazie était de petit calibre comparée à la haine anti-noire". Je vous mets au défi de trouver dans cette excellente étude, que mon ami Thierry Pfister, responsable des éditions Albin Michel et moi-même avons lu, avant édition, avec la méticulosité que vous pouvez imaginer, un passage qui puisse ressembler de près ou de loin à votre fallacieux résumé. Madame Plumelle-Uribe dit, et prouve, que les propédeutiques de la "solution" appliquée aux "non ariens" sont bien en place, bien longtemps avant le nazisme, dans le traitement des "non-Blancs". Avez-vous au moins remarqué le sous-titre de ce livre ? Et c’est avec des mensonges (furie nazie, petit calibre comparée à...) de ce style, cher Monsieur, que, par le temps qui courent, on stigmatise d’anti-sémitisme, d’anti-judaïsme tels et tels chercheurs qui se lancent à revisiter l’histoire des "non Blancs" dans les pages de magazines qui, comme le vôtre, jurent la main sur le cœur de livrer en toute honnêteté et en toute rigueur le bon combat et le bon seulement. Je ne résiste pas à vous informer par ailleurs que si le livre de Plumelle-Uribe a été systématiquement ignoré par la presse de gauche française, sa version allemande, publiée il y a deux ans, a fait l’objet de très nombreux compte-rendus, études, rencontres en Allemagne et que nulle part, personne là-bas n’a jugé nécessaire d’en parler comme vous venez de le faire.

Veuillez croire, monsieur, à l’expression de mes sentiments attristés et vigilants.

Le 22 avril 2006,

Louis Sala-Molins

Je me suis plus d'une fois référé à ce livre, non pour alimenter un discours antiraciste convenu, mais pour en citer notamment l'implacable démonstration quant au compromis des puissances occidentales capitalistes, dans l'après-guerre et de façon durable, sur le dos de leurs colonisés de l'extérieur (France, Angleterre) comme de l'intérieur (USA), dans la caractérisation des crimes contre l'humanité et la fabrication, dans les termes et débats du Procès de Nuremberg, de l'écran de l'anti-antisémitisme idéologique, dont témoigneront assez, plus de trente ans durant, les complaisances envers l'Israël complice des Nazis sud-africains. C'est pourquoi je juge bon, à titre exceptionnel vu ce qu'il y aurait à dénoncer dans ce registre, de me faire l'écho de ce qui n'est qu'une saloperie de plus sur un tas de merde idéologique, que le communisme stalinien aura largement contribué à accumuler au nom de l'antifascisme et de la lutte contre l'antisémitisme, dans le même temps où il aveuglait sur la démocratie capitaliste comme sur la dictature stalinienne. J'ai à ces occasions expérimenté le fait que les milieux d'extrême-gauche se satisfont allègrement, sur la base de leur héritage des Lumières et de la révolution bourgeoise de 1789, des confusions entre antifascisme et anticapitalisme communiste, ce qui les amène naturellement à refouler comme incompréhensible, par exemple, la  réalité des rapports du nazisme allemand avec certains dignitaires sionistes comme aujourd'hui des rapports entre nationalistes européens et palestiniens, c'est-à-dire à ne pas historiser la fonction du racisme. A confondre racisme et racisation.

« Hitler lui-même savait parfaitement que la race n'existe pas. Il n'empêche qu'il s'en ai bien servi : « Naturellement, je sais aussi bien que tous vos intellectuels qu'il n'y a pas de races au sens scientifique du mot. Mais vous, qui êtes un agriculteur et un éleveur, vous êtes bien obligé de vous en tenir à la notion de race, sans laquelle tout élevage serait impossible. Eh bien moi, qui suis un homme politique, j'ai besoin d'une notion qui me permette de dissoudre l'ordre établi dans le monde et de lui substituer un nouvel ordre. » Ces confidences, faite par Hitler à son camarade et compagnon de route Herman Rauschning, n'étaient pas destinées au grand public. En 1934, celui-ci quitta le parti national-socialiste et, par la suite, après avoir quitté l'Allemagne, il publia le recueil sous le titre Hitler m'a dit, ouvrage bien plus important pour la compréhension du nazisme que le très officiel Mein Kampf.» Plumelle Uribe, ouvrage cité, p. 304 (la dernière)

Esprit de l'escalier : avant de soupçonner de négationnisme quiconque fait référence à l'héritage l'ultra-gauche*, il y a lieu de s'informer sur l'histoire, de façon à éviter aussi la racisation par antiracisme dont le complément logique est l'oubli des contradictions de classe (par exemple chez les Indigènes de la République, en miroir de Sarkozy et Finkelkraut). Je saisis pas conséquent l'occasion pour recommander une fois de plus le livre sérieux de Rosa Amelia PLUMELLE URIBE, qui n'est ni Dieudonné, ni Quadrupanni aux heures noires de La Banquise* (ni le fouille-merde Daennincks).

* Sur cette question, lire L'ultra-gauche, le négationnisme et le démocratisme radical

Extraits et commentaires :

- La Férocité Blanche / massacres, exterminations, esclavage et colonisation / Africamaat

Pierre PRECHE, Afrikara

- Henriette SARRASECA, RFI

* 26 avril

"Division du travail, division de la propriété et valeur"

Rappel pour un texte récent (décembre 2005) et important de Bruno ASTARIAN (auteur de "Le travail et son dépassement"), que Christian CHARRIER a mis en ligne sur son site La Matérielle, et dont j'avais donné un premier extrait le 6 avril.

« On se propose ici de tenter une analyse systématique du rapport entre le travail, son développement, et le concept de valeur. La nécessité d’une telle tentative s’inscrit dans le prolongement de notre réflexion sur le travail et son dépassement. La définition du travail, et en particulier son débouché immédiat sur la notion d’exploitation et de classes, permet en effet de remettre en perspective les analyses marxiennes de la question, de voir leurs insuffisances et de résoudre certaines anomalies. L’approche proposée pour analyser le concept de valeur se place dans le prolongement de celle utilisée pour le travail, et développe l’idée selon laquelle le travail est l’activité qui permet au sujet de socialiser son rapport à la nature, étape préalable à l’établissement d’un rapport non contradictoire de l’homme à soi.

La raison d’être de cette réflexion, apparemment très éloignée des problèmes quotidiens de la lutte des classes, est de rétablir la théorie de la valeur-travail dans sa position centrale de la théorie communiste face aux tendances qui veulent réduire la valeur à une question de symboles ou de représentation. Ici, l’étude critique de Marx nous permet au contraire d’affirmer la matérialité de la valeur. En débouchant sur la question du travail productif et du travail improductif, notre réflexion permet aussi de définir le rapport entre exploitation du travail et prolétariat. Enfin, si cette recherche permet en effet de mieux définir la valeur, elle doit aussi permettre de mieux définir son abolition.» Tout le texte en PDF

Ce texte participe des écrits théoriques qui montrent entre autres pourquoi le communisme ne peut plus être défini, comme dans la période programmatique du mouvement ouvrier, comme l'appropriation collective des moyens de productions et d'échanges. L'abolition du capital suppose celle du salariat et de la valeur. Bruno ASTARIAN, qui propose une nouvelle définition de l'origine et de la substance de la valeur en corrigeant des « imperfections de la théorie de la valeur chez Marx », rappelle que « lorsque, comme dans le premier chapitre du Capital, la valeur était essentiellement appréhendée au niveau de l'échange et du marché, on pouvait assimiler son abolition à la suppression du marché, et surtout de ses aléas ». C'est la thèse sur laquelle sera fondée, dans le mouvement ouvrier, le socialisme comme étape du communisme, la planification du programme prolétarien.  Mais, poursuit B. Astarian, « pour que la valeur soit réellement abolie, il faut que la séparation entre l'activité productive de chacun et la reproduction sociale d'ensemble soit supprimée. La planification croyait réaliser cette suppression en réunissant dans un seul centre de décision toutes les décisions moléculaires du marché. Il faut en fait que l'unification de la production des individus et de la société se fasse au niveau des individus. Pour cela, il faut que la production cesse d'être une fonction séparée, et a fortiori prioritaire, de la reproduction sociale. Et de même que de nos jours, on peut trouver dans le travail d'autres fonctions que la production sensu stricto (p. ex. le salaire, ou la camaraderie), de même dans le communisme, la production ne sera que l'un des contenus des multiples rapports que les individus noueront entre eux sans avoir besoin d'une justification en terme de produit réalisé. Sur cette base, la production sera aléatoire et fractionnée, sans unité imposée du dehors sur la vie sociale des individus. »

Un intérêt complémentaire de ce texte est de soutenir que « les imperfections de la théorie de la valeur chez Marx ne justifient nullement de renoncer à l'affirmation que l'activité sociale fondamentale, celle autour de laquelle se structure toutes les sociétés jusqu'au communisme (exclu) est bel et bien le travail. De plus en confirmant la matérialité de la valeur produite par le travail, on affirme que le travail est l'activité fondamentale à cause de son exploitation. L'exploitation n'est pas une notion symbolique. Elle n'est pas un rapport d'autorité, une domination idéologique, une hiérarchie injuste : c'est le mécanisme matériel de la constitution du surproduit, et donc des classes, et donc le coeur même de la création du rapport social. Et il ne dépend pas des représentations que les classes se font de la société et du rôle qu'elles y jouent que ce rapport social soit contradictoire ou pas. Il l'est de façon aussi concrète que la valeur produite est matérielle et doit être répartie entre les classes au détriment l'une de l'autre. Aucune propagande, aucune manipulation idéologique n'enlèvera jamais au rapport social sa nature contradictoire. »

L'originalité de la position d'Astarian est par conséquent de « sauver la théorie de la valeur » mais sur une base renouvellant l'approche marxiste classique, y compris celle des théoriciens contemporains proches de la LCR ou d'ATTAC (Michel HUSSON, Antoine ARTOUS, Jean-Marie HARRIBEY...) qui justifie le glissement du "programmatisme" au "démocratisme radical" remplaçant le vieux réformisme social-démocrate en donnant une teinte libertaire au programme de transition de Trostky (la "social-démocratie libertaire" de Besancenot/Corcuff/Artous). Il est aussi de s'opposer autrement que ne le font ceux-ci aux thèses des néo-opéraïstes (Toni NEGRI, Yann MOULIER-BOUTANG) sur le capital cognitif, la valeur créée immatériellement hors de la sphère de production, et la caducité de la loi de la valeur travail, comme à celles sur « l'évanescence de la valeur » de Temps critiques (Jacques WAJNSZTEJN & Jacques GUIGOU, 2004).

En d'autres termes, ce texte apporte de l'eau au moulin des thèses révolutionnaires soutenant que la production du communisme est un processus d'abolition sans transition du capitalisme.

Mais il se distingue des thèses de Théorie communiste sur les formes possibles de l'abolition et de la "communisation". En effet, B. Astarian explique que « si l'exploitation du travail productif est le coeur même de la reproduction sociale capitaliste, le prolétariat se définit de façon plus large, par la contrainte que la classe de la propriété exerce sur la classe du travail afin de la forcer à travailler - et à travailler toujours plus - pour elle. Marx parle alors de subordination du travail au capital, et la première forme de cette subordination tient dans le fait que la classe de la propriété capitaliste a le monopole, de sorte que la classe du travail n'a d'autre moyen de se reproduire que de travailler pour le capitaliste aux conditions que celui-ci impose. Le statut de sans-réserve est ainsi le noyau dur de la définition du prolétariat [ici BA rejoint Roland SIMON pour qui « le chômage définit le travail salarié », avec tout l'intérêt de cette thèse pour la compréhension des luttes actuelles, et particulièrement celles de mars-avril en France, sur le thème de la précarité]. Tout le reste - le travail, la misère, mais aussi la révolte - en découle. Le monopole capitaliste sur les moyens de production vaut dans le secteur productif comme dans le secteur improductif, et la pression sur les salaires est aussi impérative pour le capital productif que pour le capital improductif. C'est pourquoi, si l'on définit l'exploitation de la façon stricte que nous avons envisagée, on dira que la lutte contre l'exploitation est médiée par la lutte contre la subordination, entendant par là l'ensemble des moyens de contrainte dont dispose la classe capitaliste : outre le monopole de la propriété des moyens de production, il s'agit des bas salaires, de la précarité, des rythmes et conditions de travail, du prix des subsistances, etc. »  C'est cette médiation de la lutte contre l'exploitation par la lutte contre la subordination qui sépare la conception de la révolution communiste qui en découle de celle de Théorie communiste comme, à l'inverse, de celles de Temps critiques. Sans abandonner la centralité de l'exploitation du travail salarié comme dans la production (théorique) du communisme à titre humain par Temps critiques, cette approche ouvre une autre perspective par l'articulation qu'elle produit entre exploitation et dominations étatico-capitalistes. Elle rejoint par conséquent le souci que j'exprimais quant à cette articulation dans mes dernières interventions sur la question révolutionnaire (Ceci pourrait être un voeu de bonne santé).

* 25 avril

Les oeillères ou la révolution ?

« Ô vertu subjective-radicale, tu n'es qu'un mot ! » Guy DEBORD, Foutre ! 1976

(notes d'un retour à l'anormale française)

Du fait que le 'situationnisme' fut, en tant que théorie communiste, l'ultime possibilité d'une critique adéquate à son temps dans les limites du programmatisme ouvrier (thèse de Théorie communiste que je retiens fondamentalement, cf THÉORIE DU COMMUNISME, Roland Simon, volume 1, Chapitre 5), on peut se faire une bonne idée dans le rapport que Debord entretint en 1974-75 avec la "Révolution des oeillets" au Portugal, du moins si l'on se réfère à sa correspondance dans ces années-là. On peut mesurer aujourd'hui  le décalage incroyable de la perception révolutionnaire des années soixante-dix, quelles qu'aient été ses formulations (parallèlement aux lendemains français de 70, les années de plomb italiennes, et la question de l'autonomie ouvrière ou la montée de l'opéraïsme négriste, alors que la théorie communiste s'élaborait à nouveaux frais de manière plus discrète...). On mesure ce décalage dans les luttes du présent, à l'aune du critère de l'identité de classe du prolétariat. Quelle fantastique désillusion attendait alors ceux qui misaient encore sur la constitution du prolétariat en classe révolutionnaire autonome contre le capital ! Je n'ai pas vérifié si ces textes (lettres parues dans la Correspondance de Debord, volume 5, janvier 73-décembre 1978) sont repris dans la compilation d'Oeuvres de Debord (Gallimard Quarto avril 2006, 1901 pages, 31 €), événement éditorial dont je n'ai pas suivi la réception dans la tempête, étant alors ailleurs trop loin. 

On peut noter, au titre de ce changement en trente ans, qu'une caractéristique essentielle des luttes "anti-CPE" fut l'absence du prolétariat salarié dans la dynamique, si ce n'est comme gage de la "victoire" en tant que base de manoeuvre de l'opération institutionnelle de masquage des enjeux réels de cette lutte dans l'affrontement de classes  : les salariés ne furent pas absents des manifestations de masses co-organisées par les confédérations syndicales et les diverses représentations étudiantes et lycéennes, mais présents dans la perspective du masquage idéologique des enjeux sous-jacents à terme, que relevèrent les théoriciens communistes, y compris à travers la matière polémique de leurs débats. A cet égard et comme en novembre 2005, ils furent les seuls à respecter la nature de classe de l'affrontement quels qu'en soient les formes, les seuls à ne pas fantasmer un prolongement 'politique' au demeurant impuissant, ou à rejeter ce "lumpen-prolétariat allié objectif du capital". De ceci témoigne le feuilleton que j'en ai tenu et les références que j'ai données : Printemps 2006. Ce débat a marqué les AG prolongeant le mouvement après le retrait du CPE, comme les échanges sur les listes et forums de la diaspora du communisme théorique (cf notamment le choix de textes retenus sur le site Meeting, qui a trouvé ici l'occasion de mettre à disposition de quoi alimenter la suite, tout en diversifiant la palette des expressions jusque-là centrées sur les positions de Théorie communiste).

Ici et maintenant tout est visible à qui veut voir. Rien comme avant. Le monde du capital-société s'invite en tous lieux même les plus préservés jusque-là. La France, qui croit toujours rajeunir en vieillissant, sous les coups de sa jeunesse prend un coup de vieux : elle tend à perdre, sinon son pucelage politique, ce génie historique déjà relevé par Marx, son décalage mondial. Le phénomène ira grandissant de cette France qui ne se reconnaîtra plus dans ses constantes, car toutes les luttes sont appelées à prendre désormais les caractéristiques de ce que nous venons de vivre, des contradictions de l'auto-organisation aux formes nécessairement non démocratiques de la lutte, en passant par la résistance concertée de l'establissement, comme a su si bien le nommer Le Pen. Il faudrait faire mentir le slogan "résister, c'est créer", tout entier investi par la défense des acquis irrémédiablement perdus comme points d'appui d'un changement radical, qui fait écran au fait majeur que parler de révolution n'a plus aux yeux de beaucoup le ridicule lié à la perte symbolique du "grand soir" programmatique : quoi de plus pathétique, au sein de ce surgissement massif de la nouvelle donne de la lutte de classes en France, que "l'Appel des résistants" (dont Georges SEGUY, héros des trains pris à l'arrêt en 68, sic), révélant le caractère à côté de la plaque (d'identité) de toute la gauche dite "communiste" ?

La "victoire" contre le CPE masque la réelle défaite partagée de tous ceux qui "font" que la France officielle n'est qu'un petit morceau de la société du capital  : contrairement aux apparences, à travers Villepin, c'est toute solution par le politique qui a perdu une grande part de son potentiel de leurre, la gauche comme la droite, plus que jamais, n'existent
qu'idéologiquement, par l'appareil étatique et médiatique participant des nécessités (économiques) de la restructuration capitaliste mondiale pour répondre à la crise de la valorisation. Si "les gens ne croient plus à la politique", donnons leur raison d'un réalisme que n'ont pas les militants objectivistes des utopies du capital, de la droite à l'extrême-gauche : pour gouverner, aucun n'aura d'autres choix que ceux que proposent, dans l'outrance, Le Pen, ce qui fait de Sarkozy non un idéologue, mais la personnalité politique la plus adéquate à la situation, la plus "sincère", contre laquelle tout discours politicien ne peut que cyniquement polémiquer et pédaler dans la choucroute électorale, car tous, au "pouvoir", en viendraient, en viendront, aux mêmes "solutions" face aux dégradations sociales que connaîtront les populations actuellement les plus protégées. Mais qui pourrait reconnaître que le "fascisme" est désormais intégré concrètement au régime démocratique, dans un nouveau syncrétisme, une nouvelle culture politique qui s'est emparé de ses professionnels comme de ses bénévoles, avec des pratiques qui ne sont pas sans évoquer les mafias ? Si, au lendemain de cette "victoire", un sondage donne 15% à la gauche de la gauche (PC, Extrême-gauche, Verts, Alternatifs...), c'est-à-dire pas plus qu'en 2002, c'est bien qu'il n'y a plus que ses partisans de toujours pour croire au monde possible d'une utopie capitaliste anti-libérale, aux petits pas de la démocratie jusqu'au bout, mais sans autre bout que l'impossible retour au paradis perdu de leurs illusions. Voilà qui prolonge les illusions incantatoires autour des perspectives ouvertes par le Non du 29 mai.

Jusqu'où la donne est-elle changée, dans ce qu'aura vécu la jeunesse française en quelques semaines, et de quel poids sera à l'avenir ce changement générationnel dans les luttes qui compteront dorénavant pour sortir de l'impasse démocrate radicale ? C'est un enjeu majeur, à terme, du point de vue de la subjectivité révolutionnaire. C'est en ce sens que j'ai pu écrire "rien ne sera plus comme avant" (23 mars), en ce sens qu'il y a rupture dans la continuité ou dans la définition du "démocratisme radical" comme "cycle de luttes".

Je formule une hypothèse et un besoin, une exigence, c'est de considérer le printemps précoce de 2006 comme un événement mondial, au sens où Roland SIMON écrivait en incipit de Ballade en Novembre " Du monde au quartier : un même modèle / La révolte des banlieues françaises est un événement mondial", c'est-à-dire déterminé par ses causes mondiales plus que déterminant en eux-mêmes et à eux seuls l'évolution mondiale des choses : singularité d'une situation dans la communauté de devenir-monde de l'humanité dans la crise de reproduction du capital. Et formulant cette hypothèse, je souhaite qu'elle soit prise au sérieux, relativement aux tâches immédiates de la théorie communiste, qui ne peut plus continuer son bricolage d'amateurs plus ou moins géniaux.

Les événements français constituent une rupture dans la continuité du "démocratisme radical" en ceci que la question révolutionnaire est redevenue concrètement un sujet polémique à une échelle quantitativement nouvelle qui en change la portée qualitative : ceci n'oblige pas à interpréter l'événement au sens strict de l'écart selon Théorie communiste. La France tient une place particulière au sein des enjeux mondiaux de classes, non comme le prétendent les démocrates par les points d'appui que constituerait son modèle démocratique d'Etat providence (service public comme ferment communiste etc.), mais comme pointe avancée, d'une part, de la formulation idéologique et d'autre part de la modélisation politique des tentatives d'adaptation du système capitaliste (cf les avatars durables des théorisations du "post-modernisme" dont les bases intellectuelle furent posées en France dans les années 60-70), du fait même de la nature singulière de ses organisations ouvrières (cf les contorsions post-staliniennes du PCF et le recentrage au long cours de la CGT dont témoigne de façon ultime son actuel Congrès).

On peut tout aussi bien considérer qu'il ne s'est objectivement rien passé, car en définitive, le retrait d'un texte non encore appliqué ne mord pas sur ce qui était déjà en place, et ouvre la perspective, dans le contexte de la "victoire" (Thibault) "sans vaincus" (Chirac) à d'autres solutions par déports des problèmes du capitalisme français ailleurs que sur le territoire national, ou, triste Grenelle rejoué en farce de l'histoire, par un nouveau compromis historique autour de la flexisécurité (cf dossier La revendication de « sécurité sociale professionnelle ») ou du nouveau New Deal relancé par les néo-opéraïstes français (site Multitudes : Obtenir un Revenu Social Garanti en tant que contrepartie à la précarité), toutes solutions qui ne feront qu'alimenter la montée vers la crise de reproduction. Il serait tout à fait naïf de penser qu'on a évité le pire en enrayant quoi que ce soit : le retrait du CPE n'est qu'une victoire à la Pyrrhus* (la pire ruse, la pire russe...) : le moral remonte mais ne rend pas l'histoire morale.

* "Pyrrhus (319-272 avant JC), roi d'Épire de -295 à –272, remporta sur les romains les victoires d'Héraclée en -280 et d'Ausculum en -279. Ces batailles lui coûtèrent de telles pertes qu'il s'écria : « Encore une autre victoire comme celle-là et je rentrerais seul en Épire ! ». C'est de là que vient l'expression de victoire à la Pyrrhus." Ici, la perte accompagnant la "victoire" pourrait être davantage idéologique, d'où la nécessité de l'intervention théorique militante à un niveau qui pose de sérieux problèmes d'organisation à ceux qui l'élaborent et la diffusent.

Il ne s'est donc rien passé, mais ce rien est déterminant subjectivement, et ça, tous l'ont compris, même si c'est pour projeter sur l'événement l'analyse pré-mâchée de leurs obsessions politiques, ou, si cela devait être, théoriques. Chacun s'évertue à s'afficher dans ses orientations inchangées, et ne voit le plus souvent dans l'événement que ce qu'il y projette idéologiquement. Il est toujours difficile de se laisser surprendre par le réel au point d'en bousculer ses certitudes (qui ne sont pourtant supposées, pour la théorie, n'être que des hypothèses).

A mon sens, cette étape spatiale de la restructuration du capital constitue un tournant sans possibilité de retour, au niveau des formes et enjeux de l'affrontement de classes. Si rien n'a basculé dans la réalité, si jamais la situation ne fut pré-révolutionnaire ni la question révolutionnaire posée en actes ailleurs que dans la fantasmagorie de l'activisme immédiatiste, la question de la révolution fut bel et bien posée en termes nouveaux comme ouverture d'une perspective à un degré jusque-là confiné dans des cercles restreints sortant à grand peine de la clandestinité : les voilà rattrapés par le mouvement des choses.

De tout ceci, il devrait normalement découler une reformulation des tâches théoriques et de leur (auto-)organisation conséquente.

La révolution se fera sans oeillères en pondant ses oeufs Yeah !

* A lire en contrepoint : Les mouvements de travailleurs en Chine

* A écouter : David S. WARE, The liberator, 1994

David S. Ware est né le 7 novembre 1949 à Scotch Plains (New Jersey). Son père, amateur de jazz, collectionne les disques et son grand père est diacre dans une église baptiste. La maison familiale où il vit toujours, jouxte un lieu de culte appartenant à l’église “holly and sanctified” « J’ai entendu cela toute mon enfance, les chants accompagnés de percussions, clochettes, gongs et tambourins, j’en suis imprégné » . Il commence à étudier la musique à l’âge de 9 ans, jouant d’abord de la flûte, puis des saxophones alto et baryton. (ainsi que la contrebasse et la batterie) dans les divers orchestres (parade, danse et concert) de son lycée. Il prend des cours particulier et travaille seul le ténor. Le premier disque qu'il achète : The Bridge de Sonny Rollins.

A partir de 64 il passe ses week-ends au Five Spot, au Village Vanguard, au Village Gate. Il y entend Coltrane, Ornette Coleman, Rahsaan Roland Kirk, Charles Lloyd et surtout Rollins « En 64 j'ai commencé à fréquenter les clubs de jazz, c'est là que j'ai rencontré Rollins ... il savait ce que cela signifiait parce qu'il avait lui-même aimé Hawk (Coleman Hawkins) de cette façon-là, lui aussi l'attendait à la sortie. Les années 1960 ont constitué une époque particulière faite d'exploration et de liberté. Une atmosphère fantastique régnait dans la musique. C'est cette tradition que je cherche à perpétuer.»
De la geste inquiète et flamboyante du Rollins de cette époque, la musique de David S. Ware retiendra l'art rugueux des ballades, l'intensité qui fond et réduit les scories, équilibrant le discours de cette nécessité ; la richesse des textures, le travail sur le timbre : « Je suis toujours allé vers l'intérieur du son du saxophone. Tous les saxophonistes que j'apprécie font cela, ils ont tous un son. Je crois avoir trouvé le mien. »

1970 études à Boston, il rencontre Michael Brecker, joue avec Stanton Davis, Cedric Lawson, Art Lande. Il forme son premier groupe The Third World puis Apogee avec Marc Edwards à la batterie et Gene Ashton au piano.
1973 retour à New York, où il joue (souvent au studio Rivbea) et enregistre avec le meilleur de l'avant-garde de l'époque : Andrew Cyrille et Maono, le grand orchestre et le sextette de Cecil Taylor (rencontre avec William Parker) l'ensemble de Milford Graves ainsi qu'avec Beaver Harris et Rashied Ali, également avec David Murray, Don Pullen, Dave Burrel, Cecil Mc Bee, Hamiett Bluiett, Ricky Ford, Bill Dixon, Thurman Barker. . .et avec son propre trio (Cooper More alias Gene Ashton au piano et Marc Edwards à la batterie) il enregistre Birth of a Being en 1977 pour le label suisse Hat Hut.

Pendant cette période il rencontre régulièrement Sonny Rollins qui vivait alors à Brooklyn :
« J'allais chez lui, je jouais et il m'écoutait. Puis nous pratiquions parfois plusieurs jours de suite. Il m'apprenait surtout à prendre de l’assurance, à être à l'aise avec moi-même. Il m'a même invité à jouer avec mon groupe pour un set, au cours d'un concert qu'il donnait au Village Vanguard en 1973. Mais lorsque nous pratiquions ensemble, nous nous contentions de jouer. Pas de thèmes ni de compositions. Il ne jouait jamais rien qui ressemblât de près ou de loin à des mélodies. Et si je le faisais, il se mettait à souffler tout simplement».
Autre influence tout aussi marquante, Cecil Taylor l’engage au sein de son grand orchestre pour un concert à Carnegie Hall en 1974 puis dans le Cecil Taylor Unit (dont font alors partie William Parker, Beaver Harris, Jimmy Lyons) avec lequel il participera à d’importantes tournées européennes en 76 et 77.
« Je voulais jouer avec Cecil, il m’a appris à respecter et à travailler la forme, à étudier, explorer la structure et le matériau des compositions pour être vraiment capable d’improviser avec et à partir de ce matériau au lieu de se contenter de ‘surfer’ dessus comme j’avais alors tendance à le faire. A l’époque je débordais d’énergie, je voulais souffler comme un malade. Cecil ne me disait jamais rien, c’est par Beaver qu’il faisait passer le message. »

La deuxième moitié des années 80 le révèle instrumentiste accompli, maître en son univers, riche - sans que jamais quoi que ce soit de littéral y soit convoqué des formes et styles du passé - de toutes les traditions de la musique noire américaine, toujours creusant au plus profond le sillon de douleur et d'allégresse où s'accomplit avant lui la transfiguration des plus grands : Coleman Hawkins, Sonny Rollins, John Coltrane, Albert Ayler. En 88, il forme un quartet comprenant William Parker, Matthew Shipp et Marc Edwards qui enregistre pour Silkheart (Passage to Music, Great Bliss vol 1 et 2, Oblations and Blessings), DIW (Flight of I, Third Ear Recitation, Earthquation, Godspelized) Homestead (Dao, Cryptology), Aum Fidelity (Wisdom of Uncertainty).
La remarquable stabilité de ce quartet - seuls les batteurs vont changer : Whit Dickey remplace Marc Edwards en 93, Susie Ibarra lui succède en 97 ; en 99 arrivée de Guillermo E. Brown - marque la volonté de David d’en faire le laboratoire exclusif de sa musique.

Entre 1998 et 2000 David S. Ware enregistre deux albums Go See the World et Surrendered pour la firme Columbia grâce à la détermination du nouveau directeur artistique jazz Branford Marsalis : « Branford nous a entendu à Vienne – France en 95, il est venu nous voir après le concert, il était enthousiaste et avait bien perçu ce que nous faisons. Lorsqu’il m’a appelé en août 97 dès qu’il a été nommé chez Columbia, j’ai été à la fois très surpris et très heureux de sa proposition que j’ai tout de suite accepté. Columbia représentait beaucoup à cause des grands musiciens de jazz qu’ils avaient enregistré par le passé. ». Branford Marsalis quitte son poste en 2000 et le contrat prend fin. Aum Fidelity prend la relève pour enregistrer en 2001 Corridors and Parallels où Matthew Shipp, à la demande de David S. Ware, exploite les possibilités du synthétiseur.
Le label italien Splasc(h) publie en 2001 son premier concert solo ‘live’ enregistré en 1997 aux Pays-Bas Live in the Netherland.

En 2002, le festival de San Francisco demande à David S. Ware de présenter sa version de la “Freedom Suite” dans le cadre d’une série de concerts consacrés à Sonny Rollins, confirmant sans ambiguité son appartenance à la communauté des grands musiciens contemporains qui font du jazz une musique toujours vivante et en développement. Une version sera enregistrée en studio par le label Aum Fidelity et publiée en juillet 2002.

Depuis ses premiers enregistrements, le David S. Ware quartet, de plus en plus présent sur les scènes européennes et américaines, est parvenu à une reconnaissance qui le place au premier plan de l’actualité. A ses côtés, la maturation de Matthew Shipp, pianiste et compositeur parmi les plus neufs, soliste, leader de plusieurs formations dont le String Trio avec Mat Maneri au violon et William Parker à la contrebasse ; directeur artistique des “blue series” (département jazz du label rock Thirstyear), ainsi que la présence de William Parker autre grand maître, compositeur, leader et figure emblématique de la scène new yorkaise, instigateur du désormais incontournable Vision Festival, achève d’en faire un des groupes phares du jazz contemporain.

IndexBESSIS Sophie (historienne, journaliste) ; BETHUNE Christian (philosophe, critique jazz) ; BORDIGA Amedeo ; CASTEL Robert ; CÉSAIRE Aimé (poète, écrivain, politique) ; GENETTE Gérard (esthéticien, littérature) ; GERBER Alain (écrivain, critique jazz) ; HODEIR André (compositeur, musicologue, écrivain) ; LEIRIS Michel (écrivain, ethnologue) ; LIGETI György ; MALSON Lucien (sociologue, critique jazz) ; MORA Ernesto ; MOULIER BOUTANG Yann ; ONFRAY Michel (philosophe) ; PALANTE Georges (philosophe) ; PLUMELLE URIBE Rosa Amelia ; SARTRE Jean-Paul (écrivain, philosophe) ; SENGHOR Leopold Sedar (écrivain, poète, politique) ; VERCELLONE Carlo ; WARE David S. (saxophoniste, comp, lead)
PLAN DU SITE INDEX