PASSAGES DU TEMPS mars-avril 2006
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« Les villes portent les stigmates des passages du temps, occasionnellement les promesses d'époques futures.»
Marguerite YOURCENAR

Suite de NEW ANGE, VIERGE LANDE... cette rubrique, intégrant les brèves de FUMEROLLES, est le lieu d'interventions à-contrejours et le point de passage vers ce qui change sur ce site ou vers des productions extérieures. Passage aussi entre a-COMMUNISME et a-POÉTIQUE. Je chante pour passer le temps.

7319 visites en mars, le double des mois précédents. 60% de France. 236 par jour. 44 430 depuis un an. Que lectrices et lecteurs en repartent stimulés

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APPEL DE L’ASSEMBLÉE DU 4 AVRIL 2006

 tenue à l’annexe occupée de la Bourse du Travail rue de Turbigo

L’assemblée, réunie ce jour, constituée de lycéens, étudiants, précaires, chômeurs, travailleurs et ex-travailleurs, appelle à la grève générale illimitée et au blocage des moyens de production et des axes de circulation.

L’assemblée appelle aussi à ne pas suivre les consignes syndicales qui proclameraient la fin du mouvement et le début de la négociation. Elle invite à poursuivre la formation de collectifs dans les quartiers, les lieux d’étude, les lieux de travail, et à leur coordination.

Bien au-delà du CPE et de la loi sur l’égalité des chances, cette lutte ne se limite pas à la demande de garanties supplémentaires face à la précarité croissante et constitutive de ce système. Elle remet en question les bases mêmes de sa légitimité. Notre situation dans le capitalisme ne peut de toutes façons aller qu’en s’empirant.

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Printemps 2006

« Que crèvent la cogestion, le dialogue social et le "consensus"! »
MEEWAD, étudiant

* 6 avril

Devoir * de vacance **

* Petit Robert 2, 2 : Ce que l'on doit faire; obligation morale particulière, définie par le système moral que l'on accepte, par les loi, les convenances, les circonstances...

** Petit Robert II, 3 : Littéraire et rare. Caractère de ce qui est vacant, disponible...

> Le point de rupture de la revendication, Louis MARTIN

« Rupture dans la généralisation officielle

Un mouvement revendicatif se renforce dans sa généralisation. Comme mouvement revendicatif, la lutte anti-CPE doit chercher sa généralisation. Dans le cas présent, sa généralisation est paradoxalement la condition de son étouffement. Au début de la semaine du 20 mars, on pouvait déjà envisager la "sortie de crise" sur le mode de 1995 : la grande concertation générale sur tous les problèmes concernant l’emploi et la précarité des jeunes. On discute de tout, donc, sous-entendu, du CPE. Puisqu’on discute de tout, le CPE est virtuellement "retiré" ou en sommeil et la "table ronde" peut être "vendue" comme un "retrait" du CPE. Jeudi 23, Villepin fait sa lettre aux confédérations, le vendredi toutes se précipitent à Matignon (déjà le retrait n’est plus un préalable aux discussions, mais devient "la première revendication"). Il y a cependant un hic, malgré la manifestation du 18 mars, le "front de luttes" n’échappe pas aux syndicats, il leur est pour l’instant étranger, les syndicats ne sont pas encore des représentants susceptibles d’être reconnus du mouvement, ils doivent le devenir. C’est le rôle de l’immense manifestation et journée de grèves du 28 mars dont tout le monde, syndicats et gouvernement, souhaite la réussite. Seule une grande journée de grèves et de manifestations placera les Confédérations en situation de représentantes du mouvement lui ayant donné toute son ampleur, à partir de là tout ce qui pourra se faire sans elles apparaîtra dans la tête de ses acteurs et dans sa réalité du mouvement revendicatif comme une décroissance, comme un recul. Le seul risque de dérapage du scénario est infime : que l’ampleur de la journée donne lieu, dans des entreprises où existent déjà des conflits, à une extension de ceux-ci sous des formes peu contrôlées. A ce moment là, le mouvement bascule.» Louis MARTIN, 27 mars

> CPE, flexsécurité, Sécurité sociale professionnelle : des mesures d’accompagnement de la précarité, Gérard BAD. Voir aussi les documents  On trouve là de quoi comprendre la suite "normale" et logique des événements, en termes de négociations entre les Centrales syndicales, le patronat et le gouvernement de droite, ou d'intégration à un futur programme de la gauche urnie « tous adjectifs confondus », comme dit l'auteur de l'article. Mais la logique et la normale, dans la lutte...

« J'avais recommandé de ne pas proposer le CPE. [...] La France rentre enfin dans le débat de la flexibilité. Au fil des confrontations, le grand public commence à comprendre le lien entre le chômage élevé et les rigidités du code du travail. [...] Réfléchissons aux motifs de rupture, à la période d'essai et plus généralement à la séparabilité de l'entreprise et de l'employé [...] Les syndicats veulent d'abord régler le conflit qu'ils disent avoir avec le gouvernement. Attendons la sortie de crise et mettons-nous aussitôt autour de la table pour discuter ensemble, comme je l'ai proposé, de toutes les précarités et de toutes les flexibilités. [...] Le Medef souhaite faire avec les syndicats la cartographie de toutes les flexibilités pour faire bien fonctionner le marché du travail, et de toutes les précarités pour combattre celles qui doivent disparaître. C'est dans ce cadre que pourrait intervenir la mise à plat de l'assurance-chômage en tant qu'elle est un élément du contrat de travail.[...] Il faut comprendre que la facilité de licencier et la facilité d'embaucher sont articulées l'une à l'autre. Les experts le savent depuis longtemps. C'est la première fois que le débat public s'empare de cette question. Et c'est bien ! [Les syndicats] aussi comprennent qu'il faut faire évoluer les choses. Mais, pour les convaincre, nous devons leur donner les éléments de cette pédagogie économique. Au bout du compte, la seule question qui vaille, c'est de décider collectivement si nous voulons faire baisser le chômage. Si la réponse est oui, il s'agit d'admettre que le chômage n'est pas tant une conséquence de la mondialisation qu'un effet de la rigidité du marché du travail.[...]» Florence PARISOT, Medef, Le Figaro, 5 avril

> Urgence aux urnes, citoyens ! 

«[...] Finalement, une fois tous les rats rassemblés, le joueur de flûte se dirigea vers la rivière, les petites bêtes de plus en plus sous le charme le suivirent, l'homme entra dans l'eau jusqu'au cou et les rats le suivaient toujours, les yeux fermés, fascinés et confiants. Il s'arrêta au milieu du courant tout en continuant à jouer. Les rats, épuisés par leur nage forcée, engourdis par la musique dont ils ne pouvaient s'arracher, se noyèrent jusqu'au dernier.[...]» Le joueur de flûte d'Hamelin

Un appel à la gauche pro-capitaliste anti-libérale Belle performance de mars pour l'avant-garde politicienne de la convergence électoraliste, et formidable retraite de la CFDT "en lutte" pour le leader professionnel Debons : tous ensemble, plouf !
Voir aussi Textes de l'alternative citoyenne et 
Alternative Unitaire 2007-2008, ou les exploits du Professeur Cours-Salies et de ses amis, dont le mot d'ordre radical est « Abolir le chômage ! »

> Après les flûtes, l'Arlésienne des baisés, nouvel Opéra de 4 € : Imposer le Revenu Social Garanti comme contrepartie à la flexibilité (après le Ramuleau, le Moulier-boutoir)

« Notre thèse est simple : la longue fuite des salariés, leur exode continuel hors du contrôle capitaliste, a mis en crise le fordisme. De cette crise ouverte dans les années 1950-1975 par la scolarisation de masse, par l’inflation et par l’indiscipline ouvrière est née la "désalarisation" formelle, la production flexible, le précariat, mais aussi la production de connaissances au moyen du travail vivant et de l’intelligence collective des cerveaux. Le travail dépendant prolétarisé et salarié n’est plus la forme qui permet de stabiliser un nouveau régime de capitalisme. Le travail salarié connaît une crise constitutionnelle, une crise de régime. De même que la conquête de la liberté fut la condition de passage au deuxième capitalisme industriel, le revenu universel a toute chance de constituer le levier macro-économique décisif pour la possibilité même du passage à un régime de capitalisme cognitif. Le revenu universel ne libère pas du capitalisme, ni du salariat et du travail dépendant, pas plus que le salariat libre n’a libéré les Noirs, mais de même qu’il les a libéré du système des plantations et d’une domination insupportable, il rendra le travail moins infernal. Il ne s’agit pas là de " soulager " les pauvres, mais d’élargir les espaces de liberté dont ont besoin les multitudes de salariés, reconnus comme tels ou non, de producteurs d’intelligence et de savoir.» L’autre globalisation : le revenu d’existence inconditionnel, individuel et substantiel, avril 2002, Yann MOUILIER-BOUTANG

> Division du travail, division de la propriété, et valeur, Bruno ASTARIAN, décembre 2005, La Matérielle 

« Il faut donc préciser que, si l'exploitation du travail productif est le coeur même de la reproduction sociale capitaliste, le prolétariat se définit de façon plus large, par la contrainte que la classe de la propriété exerce sur la classe du travail afin de la forcer à travailler - et à travailler toujours plus - pour elle. Marx parle alors de subordination du travail au capital, et la première forme de cette subordination tient dans le fait que la classe de la propriété capitaliste a le monopole, de sorte que la classe du travail n'a d'autre moyen de se reproduire que de travailler pour le capitaliste aux conditions que celui-ci impose. Le statut de sans-réserve est ainsi le noyau dur de la définition du prolétariat. Tout le reste - le travail, la misère, mais aussi la révolte - en découle. Le monopole capitaliste sur les moyens de production vaut dans le secteur productif comme dans le secteur improductif, et la pression sur les salaires est aussi impérative pour le capital productif que pour le capital improductif. C'est pourquoi, si l'on définit l'exploitation de la façon stricte que nopus avons envisagée, On dira que la lutte contre l'exploitation est médiée par la lutte contre la subordination, entendant par là l'ensemble des moyens de contrainte dont dispose la classe capitaliste : outre le monopole de la propriété des moyens de prodduction, il s'agit des bas salaires, de la précarité, des rythmes et conditions de travail, du prix des subsistances, etc. Et de ce point de vue, le prolétaire se soucie peu de savoir s'il est productif ou non - de même d'ailleurs que le capitaliste. » p. 18

> Ce que nous voulons : rien, à propos des émeutes dites de banlieues, Troploin

« Or, de révolution, ou de mouvement tant soit peu conséquent qui y tendrait, on n'en voit pas (p. 17) // Où est ce nouveau cycle de lutte dont parle TC [Théorie communiste], et s'il existe, où y intervient le courant communisateur qui donne à Meeting sa raison d'être ? (p.27) » Lettre de TropLoin, février 2006

> Courant alternatif Avril, OCL

« Les AG qui abordent le fond du problème s’avèrent plus productives. Aussi, tout un tas de gens tente d’ouvrir un lieu de rassemblement, de débat, pour coordonner des actions plus offensives sur la ville. [...] L’idée était aussi de créer un espace de croisement entre étudiants, salariés, chômeurs… “Tous précaires, tous solidaires” [...]
Or, les blocages ont justement permis à la mobilisation de s’amplifier puisqu’il ne se pose plus le problème des cours pour participer aux actions, manif, AG… En général, sur les sites de petites tailles (souvent les annexes), cela permet de créer de l’animation [...] En tout cas, les blocages lancent de nombreux débats, notamment avec les “anti blocages” qui s’organisent plus ou moins [...] En tout cas cela fait venir en AG, encourage de nombreuses discutions sur les questions de la violence, de la démocratie, de la légitimité de ce que font les étudiants, d’être syndiqué ou non, des diplômes (sur le fait du passage des examens),… Cependant le débat autour de la question du travail est difficile à impulser. C’est pourtant un enjeu important de cette grève que de dépasser la question du CPE, pour réfléchir sur le salariat. Toute fois, des discussions ont lieu, beaucoup de textes circulent. On a aussi vu apparaître de magnifiques banderoles : “travail, précaire ou garanti, non merci !”, “CPE, CDI, c’est toujours le STO !” et des graffitis sur la question lors de diverses occupations.» PARIS BRÛLE-T-IL ?

* 4 avril

Rupture dans la théorisation (suite égotiste)

où l'arme attend larme est latente, et dans l'attente le plaisir

Il y a quelques jours, le 30 mars, j'ai écrit une grosse bêtise, et mes amis ont eu la délicatesse de ne pas réagir (je ne retire rien du maigre au cocochon, ma bêtise est en gras)

Haut les coeurs, camarades, parce que, quand même, c'est pas une tragédie que nous vivons, à preuve, l'histoire en direct, par ses célibataires même, et transparente :

Le grand matin
OUF ! Nous voilà rassurés. L'alternative alternante, conjuguée à l'alternance alternative, de gôche comme elles se doigtent, tenaces et opiniântres (gris bonnet-bonnet gris), se réunissssssssss demain matin, TOUS ENSEMBLE (OUAIS !) [...] Du trône faisons peuple : Chers et Chères citoyenn-E-s, la démocratie vous attend ! La France est impayable. Mais gratuite. Car au bon vent mauvais, "révolution" oblige, il est inutile d'aller au cinéma, valeur usée, ruse valorisée  : Debord en direct a perdu son secret.
Charlot 52, Charlety 68... de Grand Charles en petits charlots, l'histoire en farce ne perd rien de son charme : c'est un plaisir qu'ils ne nous prendront pas, en ces dix jours qui ébranlèrent, de la théorie communiste, la mélancolie.

En quoi le gras est bête ? En la différence entre les perceptions intellectuelles, psychologiques, et vécues, physiquement, corporellement, matériellement, du tragique. En la séparation du désir de révolution, chez les 'révolutionnaires', et la nécessité de la révolution pour ceux qui la feront, n'ayant plus à choisir.  Dans l'attente de leur rencontre, de leur conjonction le moment venu, en situation, je ne puis n'étant jeune que souhaiter rendre compte de la tension, telle que je la ressens en raison, en observateur trop peu participant, mais néanmoins en moi singulièrement vivant le bonheur déchiré du présent, mon présent enfin fait par tous, non par moi. Bête en ce qu'ici, je n'ai pu manifesté qu'une sorte de solidarité théorique où d'autres n'ont pas de choix pratique, ou font ('activistes' etc.) le choix d'abord de la pratique.  Deux alertes de ma bêtise en deux textes de natures différentes et complémentaires, mais non contradictoires :

« Faire aboutir la revendication par son élargissement sabote la revendication. Qui peut croire à la jonction avec les émeutiers de novembre sur la base d’un CDI pour tous ? Qu’il le veuille ou non cette jonction est d’une part objectivement inscrite dans le code génétique du mouvement et, d’autre part, cette nécessité même de la jonction induit un amour / haine interne au mouvement, tout aussi objectif. Le marasme de l’action revendicative s’élève au niveau de la tragédie.» Louis MARTIN, Le point de rupture dans la revendication

- [...]  je tiens à tous vous mettre en garde.
Une génération de banlieusards se trouve désoeuvrée car on leur à toujours dit que les études leurs permettront de s’en sortir. Cette génération a eu accès au savoir et à la culture politique. C’est cette génération qui tente d’étouffer sa rage en espérant des jours meilleurs. Mais un jour ou l’autre elle est confrontée aux discriminations et à l’injustice.
Cette rage, un jour, explosera.
Ne vous attendez pas à un mouvement soft car ce qui est contenu durant 20 ou 30 ans ne saurait être controlable. Ne vous attendez pas non plus à des émeutes car nous avons compris que les premières victimes, c’est nous.. Les actions seront organisées, ciblées, calculées et légitimmées par des argumentations politiques et je vous assure qu’elles prendront vite une tournure violente. Que vous le vouliez ou non, vous serez concerné car ce mouvement ne se cantonneras pas qu’aux cités.
Tant que tout le monde fait la sourde oreille et nous fait comprendre que l’on est toujours les brebis galeuses de cette société, notre rage s’en trouve que grandie. L’issue ne peut être que tragique.
Tant que les revendications étudiantes ne préciserons pas la libération et le retrour en France des émeutiers, j’ai du mal à me sentir concerné puisque je le répète, CPE ou non, cela ne changera rien pour nous.
Lorsque nous nous reveillerons, nous, étudiants venant de cités, vous pourrez nous traiter de tous les noms : racailles, délinquants, casseurs, terroristes et j’en passe. Mais, en mon âme et conscience, j’en aurais plus rien à foutre.

On nous laisse guère le choix... »  Une pensée pour les émeutiers

Ma bêtise est d'avoir confondu la nécessité de la révolution en théorie et en pratiques. Elle s'explique par le fait que je partage individuellement la première sans être confronté personnellement à la seconde. D'où résulte que je ne puisse ressentir qu'intellectuellement le tragique des ruptures, et ne puisse m'en réjouir que subjectivement, en ce qu'avance le schmilblick de la lutte des classes dans le miroir de la théorie. Confusion que ne font pas les théoriciens sérieux, dans la gravité de leurs travaux, gravité qui trouve sa source et son centre par effets dans les faits. Ce qui est tragique ne peut être comique que génialement : dont acte. Le clownisme, le cynisme, la dérision, la distanciation... trouvent leurs limites, en ce qu'ils ne sont que dire et spectulariser, si ce n'est la défaite, la dé-fête, une im-puissance, alors que nous voilà par les pratiques mêmes convoqués au-delà (« je préfère le vin d'ici à l'eau de là », Francis BLANCHE)

« L'intérêt de cette attitude est évident. Elle permet de préserver une praxis radicale, à défaut d'être révolutionnaire, et elle permet donc au «révolutionnaire» ou plus précisément au «révolté» de le rester. La capacité du monde moderne à s'approprier la critique justifie cette position. La seule façon d'apparaître en opposition est de défendre des positions indéfendables. [...] Il ne s'agit plus de choquer les bourgeois mais les gens de gauche, nouveau groupe dominant dans l'intellitgensia.[...] Jean-Louis ROCCA, Lettre inédite à Temps critiques, oct. 1991,  L'individu et la communauté humaine, p. 345).

Ici, pour illustrer cette tension entre penser la révolution et la vivre, je cherche quelques termes des échanges entre Jean-Louis ROCCA, Loïc DEBRAY, Jacques GUIGOU et Jacques WAJNSZTEJN (dans Temps critiques 1991-92. Ils sont promis au recopié-collé.

* 3 avril

Droit / démocratie / Etat / morale : je ne demande ni n'exige un droit (au travail, aux loisirs, à l'expression...) parce que c'est vouloir un devoir (de travailler, de me reconstituer, de me taire...). Il y a belle lurette que je ne veux plus d'un temps de loisirs, envers consommateur de mon salaire, et complément de mon temps de travail  dans l'"l'horreur économique". La grève permet d'augmenter le temps de la lutte, en ajoutant au temps de loisirs le temps de travail. Le communisme ne sera pas une extension des droits, ni des devoirs, mais une suppression des deux, la fin de la morale, dont est garant l'Etat (d'où la tension dans le monde de l'argent, et le recours à l'Etat, au service public qui est échange moraliste par excellence : l'Etat doit redevenir moral). L'Etat de droit est toujours un Etat d'exception. L'auto-organisation de l'activité humaine immédiate n'est pas démocratique. La démocratie, populairement définie par "est autorisé tout ce qui n'est pas interdit", se mélange à la dictature, où "est interdit tout ce qui n'est pas autorisé". L'Etat français qui ne peut pas choisir glisse vers un mixte, ce qui tend néanmoins à détruire l'illusion citoyenne. Le temps de la démocratie pour le capital est achevé, et hors du capital il n'en est pas besoin : nous sommes dans une période entre deux, c'est la transition, qui n'aura rien de très socialiste. La démocratie devrait logiquement sortir de l'histoire. Ce qui choque dans le CPE, c'est qu'il interdit le recours (à la justice, donc au droit, à l'Etat). Demander son retrait sans aller plus loin n'a aucune vertu sociale, mais surtout morale : voilà qui distingue les positionnements dans la lutte. Incroyable le nombre de protestations de nature juridiste : la naïveté de la confiance en la justice, en l'Etat, est encore très étendue. Dans ce mouvement, est apparu que les partis qui font, dans l'opposition, de la démocratie participative leur fond de commerce, n'en sont pas plus les garants que les autres au pouvoir. En ce sens, ils ne sont pas démocrates, mais démagogues et populistes de haut en bas. C'est une sornette de considérer que seuls Le Pen, ou Sarkozy, sont populistes, seuls leurs arguments sont différents, et leurs cibles. Populiste et démagogue, toute la fonction politique l'est devenue. Leur démocratie, c'est la manipulation. Mais c'est encore la morale qui exige la vraie démocratie. L'objectif de la lutte communiste n'est pas d'étendre, mais de supprimer le droit. Du moins est-ce un objectif pour les révolutionnaires sans révolution. Dans la révolution (dans l'insurrection), les objectifs sont plus matériels : ils donnent le moral, ne font pas la morale.

Appels : Une lecture des événements consisterait à distinguer ceux qui "appellent les autres à...", et ceux qui font en n'y étant appelés que par eux-mêmes, individuellement ou en groupes. Appel à la responsabilité du Chef de l'Etat par les partis d'opposition et les syndicats, et du Chef de l'Etat à celle de tous distribuant bons et mauvais points; appels d'organisations à manifester ou à faire grève; appels aux dirigeants syndicaux à appeler à la grève (générale)... Appels donc au nom d'une autorité hiérarchique ou symbolique, qui tombent de plus en plus à plat devant l'auto-organisation, y compris émanant d'auto-organisateurs professionnels (anarchistes supposés). Ceux qui sont déterminants sont ceux qui font, le rendant sans appel, performatif, y compris dans des actes exemplaires violents ou non, mais souvent minoritaires, et dans ce cas non susceptibles d'être approuvés démocratiquement. Sans eux, le mouvement ne serait rien. Valeur de l'exemplarité. C'est le premier pas qui coûte, le deuxième y goûte. Inutilité de gestes minoritaires qui ne sont pas exemplaires.

Terreur : le pouvoir d'Etat veut la mettre en branle, notamment par l'arrestation de personnes "qui n'avaient rien fait", pariant sur la peur communiquée aux autres pour les dissuader d'en être, y compris en ne faisant rien, y donnant de la valeur et légitimant en retour les actions inoffensives : stratégie consensuelle de la remise en selle de la représentation. La criminalisation de la lutte trouve ainsi un objet aussi indirect que direct : d'ailleurs, le pouvoir n'est pas menacé par un rapport de force militaire et l'emploi de la force a plus de vertus psychologiques et idéologiques que physiques, d'où jusque-là la relative modération policière (on cogne mais ne tire pas à balles comme en Chine ou en Turquie, on emploie des flash-ball, des canons à eau... Il n'y a pas encore eu de morts...).

Critique : le saut dans la critique se fait entre aménager et refuser la règle du jeu, d'intégration au système, mais ici sur la base du refus d'une loi d'intégration dégradée, supposant une meilleure possible. C'est la boucle paradoxale dans laquelle est pris ce mouvement.

* 2 avril

> Une pensée pour les émeutiers, chronique  de Meeting, chronique de la segmentation et des ruptures...

> Appel au blocage de l'économie (Nantes)

> Je suis mort, je n’ai plus de jambes...  No Pasaran 

* 32 mars

> Pour tuer l'argent, brûlons tous les diplômes Tract diffusé à partir du 10 mars

> Le 4 avril, le "non au CPE" est nu : tous ensemble ? Mouais...

> JE, Patlotch

> Rupture dans le théâtre patlotchien de la cruauté

N'en jetez plus, la cour est pleine... Depuis des mois, et particulièrement depuis novembre 2005, par les discussions autour de moi, avec mes amis, mes collègues de travail, dans le RER, dans les couches moyennes sécurisées par le travail mais souhaitant « changer la société », désireuses avides d'« un autre monde possible », je sentais monter le désarroi, l'effroi de la réalité sociale française.

Je le sentais dans les discussions virtuelles chez les plus « politiquement engagés », à défaut souvent d'être enragés et d'admettre qu'on en vienne à s'insurger, notamment physiquement. Il leur fallait guérir cette anormalité du langage du corps, du corps social, par des mots, encore des mots, les mots impuissants de la politique, de la démocratie. Des mots transformés aujourd'hui en « coups de pied au cul », au nom de la Loi du Père.  Les mots de ceux qui planquent leur propre trouille sécuritaire derrière leur désaccord... avec qui ? Qui « pour applaudir la violence de ceux qui tabassent des filles et des garçons » ? Qui ? Mystère ou désastre de la socio-psychologie ?

Je sentais qu'ils ne pouvaient pas regarder les choses en face, qu'il leur fallait à tous prix se protéger, comme disait Isabelle STENGERS dans La sorcellerie capitaliste : mais avec quoi pourraient se protéger ceux qui, n'ayant plus aucune protection sociale au présent ni en perspective, n'ont que leurs chaînes à perdre ? Ne s'agirait-il pas plutôt de protéger des acquis dont tant sont à jamais "exclus" ?

Je sentais qu'il leur fallait trouver des repères et qu'ils ne pouvaient être rassurés qu'au passé de leurs illusions, qui furent aussi les miennes : le service public à défendre, l'alternative politique à promouvoir par le bas, la nécessité d'une transition d'un pouvoir démocratisé... tous repères construits dans et par cette société en tant que produit de la lutte de classes dans sa dynamique historique, et par conséquent dans des formes changeantes, mais devenues caduques. 

Je sentais qu'il leur fallait absolument conjurer la peur, y croire encore, se battre pour une intelligence administrée par l'Etat... D'où les résistances, au sens des psy, le refoulement, et ceci malgré tout l'intérêt qu'ils montraient d'en discuter avec moi, peu ou prou considéré comme se masturbant sur son nuage théorique et poétique.

Je sens bien là que quelque chose s'est rompu.

Plus d'un, sincèrement progressiste, se découvre réac' "à l'insu de son plein gré", comme pris soudain d'un coup de vieux, complètement déstabilisé en ce qu'il se tenait pour radical mais,  réaliste, gravissant avec sagesse les chemins escarpés du changement de société.

Ce qui s'est rompu subjectivement, psychologiquement, c'est dans l'écart entre affirmer vouloir changer la société, et vouloir conserver ou retrouver ce qu'on y croit acquis, comme base du changement, quand les luttes vous doublent sur votre gauche et vous abandonnent à vos fantasmes les plus subjectivement gauchisants, les plus "gauchistes" en paroles.

La différence est entre conserver ou abolir cette société, et c'est celle de ce mouvement relativement aux précédents, de 68, 95, 2003, de l'exprimer massivement.

La différence est que cette question est posée par les luttes, en d'autres termes que la démocratie, la politique, la paix sociale... ou que le communisme comme dépassement sans rupture du capitalisme, car on voit bien qu'il n'est pas près de « commencer par les fins ».

La différence, c'est que « la révolution est redevenue un sujet polémique » (Théorie Communiste 13 février 1997), et que cette polémique en France en mars 2006 s'est emparée des masses, par la jeunesse en lutte contre sa situation dans la société, le capital, la « société capitalisée » (Temps critiques). L'utopie a changé de camp. La révolution est topique. Topo-logique. Située. Ici si ce n'est maintenant.

Il s'agit d'une rupture dans le "démocratisme radical", ce qui interroge, non le fait que nous soyons depuis une décennie entrés dans un nouveau "cycle de luttes", mais sa définition et celle de la dynamique autour de ce que « nous devons repérer et désigner [:] tous ces points de rupture de la revendication comme étant des dynamiques de lutte qui sont nôtres, des lieux d’activité théorique (militante) ».(LM)

Mais j'ai aussi, dans les faiblesses des autres, assez de reconnaître les miennes.

Devant l'effroi que cause cette rupture psychologique, c'est promis, je vais être compatissant, mais pas encore gentil. N'ai-je pas, depuis le 1er avril dernier, changé de chapitre ? Ce n'est pas pour y perdre ma voix, notre voie révolutionnaire. 

> Rupture par démission dans la représentation ?

Démission de Bruno Julliard, à 12h sur Europe 1

Aujourd'hui à 12 heures 55 sur Europe 1, Bruno Julliard a annoncé sa démission de l'ex-syndicat majoritaire UNEF-ID au cours d'une interview. "L'UNEF est totalement dépassée par la crise actuelle", a-t-il dit, "Les manifestations spontanées, la volonté d'auto-organisation qui émane de la base, l'émergence des luttes radicales qui ont égrainé le mouvement anti-cpe me donnent envie de changer de cap". Il ajoute : "quand je vois l'état du monde actuel, je me sens plus l'âme d'un faucheur d'OGM ou d'un anti-nucléaire ; je me demande parfois si la politique traditionnelle n'est pas complètement obsolète, notamment les bureaucraties syndicales qui semblent n'avoir aucun égard pour l'initiative individuelle et découragent les révoltes plus qu'elles ne les épaulent". Il a ensuite évoqué la crise des banlieues, fustigeant la "complaisance sans clairvoyance de la Gauche" qui "continue de croire à l'intégration et à l'Ecole républicaine quand il suffit d'ouvrir les yeux pour voir que la pire des choses serait bien que les jeunes aient envie de s'adapter à ce monde-ci, au lieu de le changer de part en part." Il déclare pour finir : "J'ai envie de réapprendre à vivre de façon politique, c'est-à-dire désapprendre la politique. Lire de la philosophie, aller vivre à la campagne et ne plus s'occuper de rien, c'est tout ce qu'un syndicaliste devrait faire en 2006.» [...] »

Brillant poisson d'avril, alors qu'on pourrait saluer un tel geste comme symptomatique des ruptures cernées par Louis MARTIN et des tensions existencielles extrêmes qu'elles provoquent chez les individus à tous niveaux, tout en souhaitant à personne de devenir philosophe, ou théoricien enlisé en vase close, à l'heure où la théorie s'embarque dans les luttes. Mais il est vrai qu'un privilège de la jeunesse, c'est de savoir rompre (voir Du désir de rompre, 12 février).

 
> En passant par le Père Lachaise
 
Ayant établi, à l'époque où j'écrivais LIVREDEL, un relevé systématique des dates de décès au cimetière du Père Lachaise, pour les 31 mars, 1er avril, et 2 avril... j'ai acquis la certitude d'un mensonge massif et d'une extrême pudeur en la matière : comme il n'est pas sérieux de mourir un 1er avril, le décès officiel est préférable la veille ou le lendemain, et l'on y meurt moins que les jours alentours.
 

« Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat » ARAGON

Au bistro, paradigue matée* de la fixette pécéhantée, on ne fait plus les délicat-E-s pour un oui ou un non. Rien des "ruptures" de ce mouvement n'y peut être discuté, puisque leur grille de lecture en programme le refoulé,  sans retour possible, sauf à rompre. Reste la simplicité du mensonge par omission ou déformation, la censure des arguments, voire la politique de l'autruche : ne pas se mettre en danger de penser le communisme comme production révolutionnaire, et mieux, un appel explicite au « Circulez, ya rien à voir ». Quitte à partager tel de mes arguments, il faut laisser entendre que j'ai dit le contraire. Les faits doivent être occultés, présentés uniquement dans ce qu'en dit la presse : Le Monde, Libé, l'Huma. Les textes rapportés ici, du Cercle de Paris, du Réseau de discussion international, de Meeting, de Temps critiques, divers tracts... sont écrits par des « cocus », « à côté de la plaque ». Pensez donc, des amis de Patlotch ! Il faut ne pas les lire : « Danger, théorie communiste  ! ».

* Mater : 1. Regarder sans être vu 2. Comprimer, refouler pour rendre un joint étanche. Homonyme : mâter [sic]

C'est parmi tant d'autres, une petite trace des "ruptures" dont parle Louis MARTIN : « dans la revendication, dans la généralisation comme rupture dans la dynamique**, dans la démocratie, dans la société »

** Dit autrement, la contradiction entre qualité et quantité dans ce mouvement, qui conduit à ce que sa signification nécessite d'être tue pour qu'il s'élargisse : « En tant que mouvement revendicatif, le mouvement des étudiants ne peut se comprendre lui-même qu’en devenant le mouvement général des précaires, mais alors soit il se saborde lui-même dans sa spécificité, soit il ne peut qu’être amené à se heurter plus ou moins violemment à tous ceux qui, dans les émeutes de novembre 2005, ont montré qu’ils refusaient de servir de masse de manœuvre. Faire aboutir la revendication par son élargissement sabote la revendication. Qui peut croire à la jonction avec les émeutiers de novembre sur la base d’un CDI pour tous ? Qu’il le veuille ou non cette jonction est d’une part objectivement inscrite dans le code génétique du mouvement et, d’autre part, cette nécessité même de la jonction induit un amour / haine interne au mouvement, tout aussi objectif. Le marasme de l’action revendicative s’élève au niveau de la tragédieLe point de rupture de la revendication
La réalité fait peur
 
Ceci est à prendre comme témoignage du fait que l'idéologie, en l'absence de sa compréhension comme produite par le réel concret, et non comme idée mauvaise, agit comme refoulement de la théorie et des pratiques à partir desquelles elle s'élabore. La réalité fait peur***. Comme dit encore Louis MARTIN :
« C’est parce que nous ne considérons pas le développement du capital comme une affaire de choix que nous ne sommes pas démocrates, et que ce mouvement doit se résoudre à ne pas l’être, il y est contraint par l’impasse de son contenu revendicatif. C’est parce qu’une lutte, dès qu’elle a débuté, doit se reconnaître et s’imposer, parmi ses participants, comme ne pouvant pas ne pas être, que nous ne sommes pas démocrates. C’est parce que nous refusons, dans une lutte, le renversement de l’être conscient en conscience régissant l’action que nous ne sommes pas démocrates. Rupture interne dans le cours du mouvement et rupture entre ses participants.» Id.
 
*** Qu'on me permette ce parallèle audacieux. Incidemment, me revient cette phrase d'Alain CHOUKROUN, qualifié en reproduction sonore, dans un dialogue avec le pianiste Michel PETRUCCIANI : « Le réalisme fait peur ». Il parlait de la différence entre la hi-fi de salon, qui déforme les sons  pour les rendre admissibles (surprésence des graves et des aigus alors que la matière sonore est définie essentiellement dans les médium et que les vrais graves sont moins volumineux, les aigus moins agressifs et plus finement ciselés : écouter le piano de Keith JARRET dans l'écrin de Dave HOLLAND à la contrebasse et des cymbales de Jack DEJOHNETTE à la batterie, un trio il est vrai d'instruments acoustiques), différence donc, avec des systèmes de même coût de production mais reproduisant mieux la réalité du son direct, des instruments de musique, tel qu'on peut l'entendre en concert (encore que les sonos procèdent le plus souvent aux mêmes déformations),  ou tel que le connaissent bien les musiciens. A vrai dire, c'est toute la chaîne depuis le studio d'enregistrement qui déforme le son devenu marchandise idéologique. La contradiction, évidemment, est que beaucoup, pour diverses raisons n'allant pas au concert, n'ont pas de référent du réel sonore des instruments de musique : la musique a quitté la vie et réciproquement (cf Bernard LUBAT : « La musique n'est pas une marchandise »). Sans parler que la plupart, même disposant des moyens, n'ont pas envie d'avoir un orchestre dans leur salon, car la musique, il ne s'agit pas de l'écouter mais qu'elle fasse ambiance, feutrée ou assourdissante, reproduisant la société : idéologie musicale, ou musique idéologique. Aujourd'hui, les mêmes considérations peuvent être étendues au son de la radio (bataille des professionnels du son contre le "tout numérique" à France Culture) et à l'image avec la télévision et le "Home cinéma". Et à la politique spectacularisée, marchandisée de haut en bas, et, mais jusqu'où, de bas en haut.

* 1er avril

Rupture dans la société du virtuel

« Chaque premier avril m'est il est vrai l'occasion de grandes décisions... » LIVREDEL II 4, 1990

La vie est redevenue historique. Le réel s'est emparé du virtuel, comme réciproquement. Le poisson théorique nage dans les eaux chaudes et claires des luttes pour le communisme. Comme annoncé par anticipation, je change de chapitre, pour ne pas perdre la voie. Merde aux défenseurs pluriels de cette société ! Au revoir à mes chers lectrices et lecteurs !

Le plus récent dans Propos en luttes, MES DÉ-BUTS,  Anciennes pages d'accueil

* 31 mars 

> Ruptures dans la théorisation ?  Considérations méta sur l'enlisement de la théorie et l'embarquement de la critique

La discussion sur les "casseurs" et l'intervention des SO avec un article « excellent » de l'Humanité... Vive l'union sacrée du syndicalisme et du service public de la police ! Les amalgames sont insupportables, quand il s'agit d'opposer en vrac les « insurgés encagoulés » et les  « casseurs de manifestants ». Les SO « ont bien raison » de remettre le tout à la police de Sarkozy, qui ne fait pas de détail d'autant que les gentils l'y encouragent... Manque de bol, les gentils sont parfois arrêtés alors qu'« ils n'ont rien fait » [sic]. Le panneau du pouvoir est grand ouvert dans lequel tombent des gentils qui finissent par tenir les mêmes propos que Chirac et sa police, pour l'ordre public et le grand jeu institutionnel de la gentille négociation et du gentil gouvernement. Les gentils ne sont pas au bout de leurs tourments dialectiques en matière de "provocation", pour y comprendre quelque chose et choisir leur camp.

> Emeutes dans le sud-est de la Turquie: le bilan passe à sept morts, ou d'une autre singularité de la globalisation du capital... la France est entrée dans ce monde

« Du monde au quartier : un même modèle

La révolte des banlieues françaises est un événement mondial. Jamais, depuis l’accumulation primitive du capital, il n’y eut, comme maintenant, une telle conformité et une telle intrication entre l’organisation de la violence et l’économie, jusqu’à effacer la distinction entre guerre et paix, entre opérations de police et guerres. Dans les favelas du Brésil, les prisons des Etats-Unis, les banlieues des grandes métropoles (et des petites villes), les zones franches de Chine, les contours pétroliers de la Caspienne, la Cisjordanie et Gaza, la guerre policière est devenue la régulation sociale, démographique, géographique, de la gestion, de la reproduction et de l’exploitation de la force de travail [...]» Ballade en novembre, Roland SIMON, 23 nov 2005

> Retour sans baston de Bastille

« Bastille ça tourne. Là-haut, sur sa boule, le pantin doré 89 montre son cul à l'Opéra. Il est nu. Son or brûle au soleil. » LIVREDEL II 6, 1990

Deux mille peut-être, bloquant le passage depuis Gare de Lyon vers La Roquette et Saint-Antoine. Retransmise en direct par une sono, dans une ambiance d'écoute surprenante, la promulgation par le vieillard indigne déclenche une explosion de « Chirac en prison ». Quelques prises de paroles. Ma plus belle gitane chante d'un oeil brûlant. Le génie reste souverain. Bastille, ça tourne. 

* 30 mars

> Le point de rupture de la revendication, Louis MARTIN

> De l'ami Meewad, quelque part étudiant   / Deux réponses à François Lonchampt, réaction dudit,+ la mienne

> Le silence des a-news

Symptomatique, en ces temps tourmentés, que les lieux virtuels de la radicalité démocrato-cococufiante soient moins diserts (et plus déserts) qu'en période plate, propice au blabla extra-terrestre. S'y serrent les gloses en commentaires de copiés-collés du Monde, Libé, l'Humanité, quand nous trouverions, à défaut de situations spectaculaires (ou pas), plus d'encouRAGEments communistes à feuilleter Le Figaro ou Les Echos : écho... coco... Charlot-te, n'entends-tu rien venir ?

Mais il est vrai, contrairement à moi, qu'ils sont "sur le terrain", payant de leur personne autorisée par La Loi : « Je souhaite si les lascars se pointent dans la manif Mardi, que le SO de la CGT leur foute la branlée de leur vie. Rien de mieux qu'une bonne raclée par ceux qui savent ce qu'est le travail manuel et l'exploitation patronale. La loi du père ça rentre dans la tête avec des coups de pieds au cul ! » (Voilà un avis que La Loi n'aura pas refoulé : bis'trot c'est trop, au galop !)

C'est le reflet virtuel de la réalité des AG et lieux du conflit de classes, qu'ils ne peuvent plus contrôler, leurs discours y tombant à plat plus que leurs coups musclés : toute une génération de militants prend un coup de vieux, as been. La page les tournera qu'ils n'auront pas su lire (sous ses lectures, la page).

Il est néanmoins à prévoir que ce qu'ils ont conchié des années et des mois durant, ils s'en servent opportunément, commerce commode dans le vent qui l'annonce comme mode, à la façon dont ici-même fut lu par mon ami (depuis) Christian CHARRIER, il y a un an : « Un certain Potlach [sic] a même ouvert un site entièrement dédié à la gloire de la communisation » > La communisation... point d'orgue ! Des news ?

> Le grand matin (courriel au Réseau international de discussion)

Haut les coeurs, camarades, parce que, quand même, c'est pas une tragédie que nous vivons, à preuve, l'histoire en direct, par ses célibataires même, et transparente :

OUF ! Nous voilà rassurés. L'alternative alternante, conjuguée à l'alternance alternative, de gôche comme elles se doigtent, tenaces et opiniântres (gris bonnet-bonnet gris), se réunissssssssss demain matin, TOUS ENSEMBLE (OUAIS !)
Nous n'y croyions plus, depuis les déboires pour un OUI pour un NON, mais non, mais oui, si si, les (re)voilà pour notre compte réuniEs, en attendant l'interpellé par eux-mêmes suprême. De volaille, de poulets, comme l'amour programmé, vendredi soir à la télé. Poil au nez. Poil en berne. Le rasoir aux bernés.
Yaura même Giorgio marie des pôvres et Krivinotsky à l'aine rafraîchie, en l'absence du Facteur par hasard objectif en réserve de la poste et de la République, à réchauffer plus tard.
Du trône faisons peuple :
Chers et Chères citoyenn-E-s, la démocratie vous attend !
La France est impayable. Mais gratuite. Car au bon vent mauvais, "révolution" oblige, il est inutile d'aller au cinéma, valeur usée, ruse valorisée  : Debord en direct a perdu son secret.
Charlot 52, Charlety 68... de Grand Charles en petits charlots, l'histoire en farce ne perd rien de son charme : c'est un plaisir qu'ils ne nous prendront pas, en ces dix jours qui ébranlèrent, de la théorie communiste, la mélancolie.

> Au CP euh... mon fils a dessiné une taupe qui creuse, une jeune ! (c'est vrai)

> CARTE ROUGE ? CARTE BLEUE ? CAILLERA, ÇA IRA...

> Quittons leur utopie, Le Printemps français 

* 29 mars

> Commune insurrection : sur un air de "dépassement produit" ?

> Lettre de François Lonchampt au journal "Le Monde" - courrier des lecteurs (reçu après le texte Total Debriefing ci-dessous, rencontre de hasard purement subjectif)

> Passant la main à mes camarades théoriciens pour dire les choses sérieusement, n'étant pas personnellement en situation d'occuper ni un lycée, ni une fac, ni mon administration centrale d'Etat de Perben ex-Robien ex-ex-Gayssot, je m'accorde un répit sans repli ni réplique, puisqu'aussi bien me voilà nationalement et syndicalement convoqué, entre manifestations si manifestement grandiôses, à attendre.

1) Sondage sans opinion

D'une enquête ouvrière objective au coeur du mouvement social, il ressort, à la question "Il va falloir attendre... quoi ?", les réponses possibles (rayer les mentions inutiles) :

- la décision attendue du Conseil constitutionnel
- le discours attendu
 du Président
- la manifestation tendue du 4 avril
- les élections attendues en 2007

ou trop loin :

- la crise de reproduction du capital
- l'anti-capitalisme à titre prolétarien
- le communisme à titre humain

En attendant, que faire ?

Puissance de la multitude et de l'exemplarité populaire, les hommes faisant l'histoire dans des conditions déterminées, le climat psycho-social a profondément changé en quelques jours. A preuve, est survenu aujourd'hui dans mon travail un changement capital : mon chef est venu en jean's !

2) Total debriefing (impro)

Nous vivons une époque formidable où il est apprécié d'avoir des idées sur tout. C'est une époque pour les gens comme moi, qui en formule à propos de rien.

Notre impuissance, à nosostros bien compris, est notre boulet, notre en-commun, par lesquels même nous sommes embarqués. Qui, parfois les mêmes, théorisent en vase clos, défilent en pépés, tapent sur des flics ou sur de si inqualifiables qu'il ne manque pas de mots pour les qualifier, ou, plus modestement... sur la table. Notre impuissance est prolétarienne. Putain de destins ! Putain de séparations ! Mais séparations vraies sous les empires du faux.

Ce mouvement, si singulièrement français dans sa signification si parfaitement mondiale, nous fait tourner en bourriques, parce qu'il nous tape sur le système. Le système de notre, de nos idéologies, si parfaitement capitalistes jusqu'en leurs plus radicales remises en cause. Nos systèmes de représentation, dont Marx, comme l'a montré Isabelle GARO, fut un théoricien premier.

« Il ne faudrait pas partager cette conception bornée que la petite-bourgeoisie a pour principe de vouloir faire triompher un intérêt égoïste de classe.
Elle croit au contraire que les conditions particulières de sa libération sont les conditions générales en dehors desquelles la société moderne ne peut être sauvée et la lutte des classes évitée.
Il ne faudrait pas non plus s'imaginer que les représentants démocrates sont tous des shopkeepers (boutiquiers) ou qu'ils s'enthousiasment pour ces derniers.
Ils peuvent, par leur culture et leur situation personelle, être séparés d'eux par un abîme.
Ce qui en fait les représentants de la petite-bourgeoisie, c'est que leur cerveau ne peut dépasser les limites que le petit-bourgeois ne dépasse pas lui-même dans sa vie, et que par conséquent, ils sont théoriquement poussés aux mêmes problèmes et aux mêmes solutions auxquelles leur intérêt matériel et leur situation sociale poussent pratiquement les petits-bourgeois.
Tel est, d'une façon générale, le rapport qui existe entre les représentants politiques et littéraires d'une classe et la classe qu'ils représentent.
 » (Karl MARX, Le 18 Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte) Source
Le mouvement anti-CPE passé sous le contrôle des syndicats 

Nous vivons, à l'évidence, un moment fort où les contradictions de classes percent la croute idéologique, l'épaisseur du spectacle, où le vrai se révèle pour ce qu'il est... *

* Sur "le vrai" et "le faux", je ne partage pas totalement la critique de Debord par ceux qui ne veulent voir dans le concept de spectacle qu'une dénonciation du mensonge, de l'idéologie, et une plate édulcoration du Marx mature par le Marx feuerbachien : tout dépend de ce qu'on met dans "le vrai" des contradictions de classe, et Debord y mettait plus que le jeune Marx, à commencer par le capitalisme comme société totale, totalitaire, subordination réelle accomplie qui est plus que la subsomption du travail sous le capital, que définit Marx dans les Grundrisse.

Dans ce que nous vivons présentement, "le vrai" se laisse voir, à qui accepte de le regarder en face, comme moment du vrai dans le faux. Cela est si vrai que des lunettes tombent quand tombent les masques, ô puissance et magie de la lutte des classes.

Le cas du PCF est réglé depuis longtemps, on ne peut rien pour ceux qui s'y accrochent. Celui des gauches radicales prétendues "non mouillées" est plus tordu, particulièrement celui de la LCR, dont la spécialité historique est l'opportunisme, recyclé de l'anti-stalinisme et de l'entrisme honteux au post-modernisme attrape-tout démocrato-républico-libertaro-etcétaré, le gauchisme sage du spectacle dont le facteur n'est que le facteur.

Il est intéressant d'observer, depuis les 'émeutes de novembre' et les affrontements physiques des manifestations récentes, les tourments de ces "marxistes révolutionnaires". Ils sont, comme dit l'autre, « sous la table ». Autant que tous les "petits bourges", comme on disait dans ma jeunesse (ça n'a aucune prétention théorique), je considère qu'ils manquent à la première pudeur prolétarienne vis-à-vis de ceux qui, n'ayant plus rien à perdre, et à qui personne n'offre rien à gagner, cassent cette société qui leur interdit toute "humanité".

J'ai déjà eu l'occasion, en novembre, de dire que je me considérais comme une racaille intellectuelle. Je ne suis pas particulièrement audacieux physiquement, j'ai vite le vertige, je ne prends guère de risques qu'en amour, je ne fais pas de ski, je préfère la pétanque au rugby, etc. Je n'ai aucun goût pour la violence physique et guère eu l'occasion d'y recourir.  Je n'en suis capable que pour défendre les miens. Lesquels ? that is the question, en nature, extension, et contradictions.

Une chose dont je suis certain, si j'avais été confronté à cette situation du 28 mars à Paris dont on n'a pas fini de parler, c'est que mon sang n'aurait fait qu'un tour, et que j'aurais tapé sur ceux, de SO syndicaux, qui ont donné à la police de Sarkozy toutes sortes de personnes qui n'entraient pas dans l'idée qu'ils se font de l'ordre : l'ordre du capital, l'ordre de l'Etat, l'ordre syndical, l'ordre et le désordre d'une classe qui a perdu, de part et d'autre, ses repères de classe.

Ne pas choisir, c'est renoncer.

« Quelle est la position des communistes par rapport à l'ensemble des prolétaires ?
Les communistes ne forment pas un parti distinct opposé aux autres partis ouvriers.
Ils n'ont point d'intérêts qui les séparent de l'ensemble du prolétariat.
Ils n'établissent pas de principes particuliers sur lesquels ils voudraient modeler le mouvement ouvrier.
Les communistes ne se distinguent des autres partis ouvriers que sur deux points : 1. Dans les différentes luttes nationales des prolétaires, ils mettent en avant et font valoir les intérêts indépendants de la nationalité et communs à tout le prolétariat. 2. Dans les différentes phases que traverse la lutte entre prolétaires et bourgeois, ils représentent toujours les intérêts du mouvement dans sa totalité.
Pratiquement, les communistes sont donc la fraction la plus résolue des partis ouvriers de tous les pays, la fraction qui stimule toutes les autres; théoriquement, ils ont sur le reste du prolétariat l'avantage d'une intelligence claire des conditions, de la marche et des fins générales du mouvement prolétarien.
[...]
Les conceptions théoriques des communistes ne reposent nullement sur des idées, des principes inventés ou découverts par tel ou tel réformateur du monde.
Elles ne sont que l'expression générale des conditions réelles d'une lutte de classes existante, d'un mouvement historique qui s'opère sous nos yeux.
»
Le manifeste du Parti communiste, II. Prolétaires et communistes, K. Marx - F. Engels

Autant dire que je ne cherche ni pureté théorique, ni pureté pratique, mais que je n'ai pas envie de crever couché.

* 28 mars

> Aujourd'hui, il a fait jour, mais la suspension du CPE pourrait sonner une retraite massive / l'intransigeance de Villepin : refaire une santé négociatrice aux syndicats ?

Pour Le Monde « un record pour la période contemporaine »
Pour La Police, plus qu'en 1995 : « Un million cinquante cinq mille personnes ont manifesté [...] ces chiffres [de la Direction générale de la police nationale] dépassent au niveau national ceux communiqués lors des grosses manifestations de 1995 contre le plan Juppé de réforme de la Sécurité sociale.» AP 22h16 

Avec la journée d'aujourd'hui, le mouvement se confirme comme "tournant historique" des luttes de classes en France depuis 68 et 95 [voir plus bas 23 mars], avec ses limites, quant à la quantité et la qualité et, selon ce qu'ils voudraient faire de la suite, le jeu des acteurs : les syndicats et partis ne "trahissent" pas, les premiers réalisent leur nature revendicative, les seconds leur nature politique, démocratique, ensemble pour contenir les luttes dans les limites du capital, qu'ils justifient.

« Viennent ensuite les cortèges syndicaux, plus politiques. » Reuters, 19h41

C'est aussi l'intransigeance gouvernementale qui favorise la montée quantitative du mouvement dans l'unité revendicative (défensive). Celle-ci tire qualitativement vers le bas et prépare la relève politique, qui fait écran à une compréhension des enjeux, avec le tandem syndicats-partis = syndicalisme-politique. Les directions syndicales, sous la pression du nombre et des formes de luttes, s'adaptent, car elles jouent leur avenir comme institutions de la négociation dans l'Etat et de la défaite de classe face au capital. La force du nombre, pour l'heure, ne s'accompagne pas d'un niveau d'exigence élevé, sauf de façon sporadique. La durée est un facteur important, par le mouvement des blocages, des occupations etc. pour des discussions de fond => Prenons la parole !

> Recréons les actualités cinématographiques en salles (mais les nôtres)  Une initiative intéressante ! A l'heure où les Oeuvres cinématographiques complètes de Debord sont commercialisées, tous cinéastes situationnistes ?

> Prix Patlotch de l'ennui : « il y a des limites supportables à la révolte » Aliocha, Ehess - Songes

> Marre d'être de la chair à patrons  (tract GARAS-Marseille, 28 mars 2006)

> « Comme la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne en proie aux grèves » AFP, 14h57

« plus d'un million de fonctionnaires des administrations locales britanniques étaient en grève mardi pour défendre leurs retraites Ce mouvement de 24 heures, le plus important du pays depuis la grève générale de 1926 selon les syndicats, était très suivi d'après les premières estimations, qui chiffraient jusqu'à 1,5 million le nombre de grévistes. [...] Depuis huit semaines, les services publics des communes du Bade-Wurtemberg (sud-ouest de l'Allemagne) sont touchés par un mouvement de grève. Ce conflit, le plus dur depuis 14 ans dans le secteur public, porte sur l'allongement de la durée du temps de travail

> Quelle "jonction" ?

Le 8 février, sur le site Meeting (Ballade en février, dans le fil Ballade en novembre), je posais cette question :

Peut-on considérer que les protestations contre le CPE témoignent d’un tournant subjectif relativement à cette considération théorique : "Le chômage définit le travail salarié" (RS > FONDEMENTS CRITIQUES D’UNE THÉORIE DE LA RÉVOLUTION, chap. 1 Un renversement théorique) ? Tournant très relatif, dans le cours du "démocratisme radical", mais annonce d’une jonction du prolétariat entre salariés réels et potentiels, ’possédés’ du capital ? Tout ça dans l’instabilité générale et les fractures internes au prolétariat tels que les annoncent les révoltes de novembre ?

Sur cette question d' « une sorte de jonction mythique étudiants - ouvriers, classes dangereuse - classe ouvrière » (Echanges, 27 mars > Textes entiers), les approches théoriques nous apportent, à partir des luttes actuelles et de leurs formes dans le contexte, des réponses utiles pour la suite. De ce point de vue, voir les textes d'analyse à chaud, in Textes en ligne.

* 27 mars

> Blocages et embauchages : mise en perspective du CPE (version longue) Temps critiques

> De la révolte des cités aux mouvements étudiants et lycéens  Tract rédigé par des camarades d'Echanges à destination de camarades étrangers

> D'Argentine, on veut vous faire arriver cette lettre... Cette lettre me plaît en ce qu'elle nous situe dans une communauté de destins...

> 'T'ENVOLÉE  / SUR LES PAVÉS LA RAGE   Sonnet toujours ?

Les limites annoncées sur le terrain politico-syndical *

* particulièrement pour les illétrés pécégétéfixés qui ironisent à propos de textes qu'ils n'ont pas lu, ou pas compris, et qu'ils déforment en dénigrant toute théorisation communiste : je compatis à leur problème pratique dans ce mouvement, en tant qu'ils se disent "communistes"

« c'est bien le RETRAIT du CPE qui fait l'union, qui mobilise et rend intenable la morgue et les faux fuyants du Pouvoir. C'est sur ce mot d'ordre simple, que Villepin peut aujourd'hui céder »

Entre le jeune patron de l'UNEF et la Coordination nationale étudiante (CNE, sic), les limites que j'évoquais le 22 mars (Du caractère potentiellement contre-révolutionnaire de la lutte syndicale et de la lutte politique) s'expriment en toute limpidité. Le premier, Bruno Julliard, donne des gages de "la neutralité politique du syndicalisme" : « Nous ne souhaitons pas qu'il y ait, à la fin de ces mobilisations, un vainqueur et un vaincu ». La seconde "politise" en demandant « la démission du gouvernement ». La boucle est bouclée par les leaders politiques de la gauche : M-G Buffet, D. Strauss-Kahn et L. Fabius, à la queue leu leu médiatique, en appellent à Chirac, respectivement à  sa "responsabilité", à son "rôle", à la « conception que nos concitoyens ont du chef de l'Etat ».

Chacun sa partition, donc, dans le concert démocratique syndicalo-politique, alors que la force du mouvement réside autant voire plus dans ce qui ne l'est pas. L'Etat et le capital, avec ceux-là, peuvent dormir sur leurs deux oreilles, avec ou sans relève.

Quant à l'approfondissement de la lutte, en termes d'affrontement de classe, qui consiste ici, à partir du CPE, à poser la question de la précarité et de la flexibilité du travail nécessaires à la restructuration du capital, pour saisir la possibilité de son dépassement, il est clair que ça ne les intéresse pas, au contraire. C'est pourtant, du point de vue du contenu du CPE, la meilleure des garanties pour que ne rentre pas par la fenêtre ce qui aura été sorti, si tel est le cas, par la porte. Négocier et gouverner au plus vite entérinent les limites, en retrait même des possibilités du mouvement. Il est nécessaire à tous ces pompiers du capital et de l'Etat, comme au départ à la CFDT [voir 16 mars : « un seul mot d'ordre, le retrait du CPE »], de focaliser strictement sur le retrait CPE, mot d'ordre « unitaire car simple », qui prend pour des simplets ceux qui se battent, avec le mépris politicard habituel.

Accessoirement, se confirme ce qui était apparu dès les années 80 : les coordinations ne permettent pas d'aller plus loin que le syndicalisme d'appareil.

Reste à mesurer de quoi ces "responsables" ne se font pas l'écho, dans les réunions, assemblées, discussions, formes d'actions...

« "DOUAI, Nord (Reuters) - Nicolas Sarkozy a lancé, lors d'un meeting à Douai, son slogan "une France plus juste" et a appelé de nouveau au compromis au sujet du contrat première embauche, voire à sa suspension.
Venu en homme libre, selon ses proches, le numéro deux du gouvernement a prôné une sécurité sociale professionnelle
[...] »

Bon... Sarkozy relance le super CPE pour tous : finalement, il est adroit, mais pas si brillant que ça. »

N'empêche que s'il le fait avec « le vocabulaire de nos espoirs » (voir 15 mars et La revendication de « sécurité sociale professionnelle »), c'est ptêt pas par hasard, face à la pureté de la CGT, du PCF, d'ATTAC et de Strauss-Kahn réunis...

« Car le Capital a besoin de ces coups terribles qu'il asséne tous azimuths... c'est une question de fond du à sa crise de "baisse tendancielle de taux de profit". Cette lutte contre le CPE, n'en déplaise aux marxiens purs et durs, de ce point de vue est de portée transformatrice... »

S'il existe des "marxiens purs et durs" on ne les rencontre plus que dans les rangs des sectes politico-religieuses, dont fut longtemps le PCF, encore que de pureté et de dureté très révisées, avant de bazarder le bébé dans les eaux tièdes du réformisme national-territorial. La théorie communiste présente est à Marx, en matière révolutionnaire, ce qu'en physique Prigogine est à Newton, ou Einstein. Pour le comprendre, il suffit de ne pas la lire de travers et pour la dénigrer. Quant à « la portée transformatrice de la lutte contre le CPE », rien n'est dit, mais si elle va plus loin que peuvent le craindre les intéressés, c'est qu'elle sera autre chose qu'une "lutte contre le CPE", et ce ne serait pas de votre faute. Mais sans doute ceci explique-t-il cela, et réciproquement.

Du point de vue "anti-capitaliste", on ne voit pas de franche différence entre vos positions et celles de la CFDT ou du PS. Vous nagez dans les mêmes eaux, clientélisme électoral oblige. Encore un effort pour devenir communiste ! (il y faudra plus qu'un congrès "anti-libéral" avec des simagrées basistes autour, fussent-elles agrémentées de surenchères démocrates gauchisantes)

> Lundi matin 27 mars 24ème chambre du TGI à Paris. Rapide compte-rendu d'audience (suite du 26 mars)

[...] c'est au tour de Sébastien Schiffres de comparaître. La directrice de L'EHESS, qu'il est accusé d'avoir menacé de mort, est absente. Le procès sera reporté. L'avocate de Sébastien plaide dans ce sens vu que la principale intéressée n'a rien vu ni rien entendu des menaces, les journalistes qui l'interviewent à ce moment-là non plus d'ailleurs. Le procureur requiert le maintien en détention malgré les garanties de représentation qui ne sont pas contestées, après délibéré Sébastien comparaîtra libre à son procès fixé le 10 mai à 13h30 24ème chambre du TGI de Paris.[...]

* 26 mars

> Prenons la parole !  Tout est fait pour nous empêcher de nous rencontrer / Priorité à la création partout de lieux pour nous retrouver, Cercle de Paris, 26 mars

> Critique du travail, critique de la critique...

> procès demain d’un étudiant de la sorbonne

« Sébastien Schifres comparaît finalement demain lundi 27 mars à 9 h au TGI - île de la Cité à Paris, chambre 23 ter.
La directrice de l’EHESS a déposé une plainte contre X. Lors de sa conférence de presse au 54 Bd raspail, jeudi 23 mars à 14h, une personne l’aurait menacée de mort. Une vingtaine de personnes étaient présentes, dont des journalistes. Sur la foi des seuls témoignages des deux gardes du corps de la directrice, il s’agirait de Sébastien Schifres, étudiant à la Sorbonne.
Soulignons que le dossier est totalement vide :
1/les deux gardes du corps refusent de donner leur nom à la justice, et d’autre part ils n’ont pas été amené à le reconnaître dans un commissariat.
2/on reproche aussi à Sébastien d’avoir téléphoné au domicile de la directrice en réitérant la menace. C’est impossible car au moment du coup de fil, vendredi matin, il était déjà en garde à vue.
3/des témoignages désinculpent Sébastien Schifres.
Par contre, ce qui est vrai, c’est que Sébastien était présent par hasard au moment de la conférence de presse improvisée, et qu’il a demandé au personnel de l’EHESS des balais et des seaux pour que les occupants du 105 Bd raspail puissent entretenir le lieu propre. Sa demande révèle un état d’esprit pacifique et la volonté d’établir un dialogue entre tous.
La recherche d’un bouc-émissaire s’avère régulièrement infructueuse, et provoque même souvent un effet inverse à celui attendu.
On recherche des témoignages de personnes présentes au moment de la conférence de presse, et qui pourrait attester des faits qui se sont déroulés. Si vous y étiez, alors vous pouvez contacter des proches de Sébastien Schifres

Sébastien Schifres est l'auteur d'un mémoire de maîtrise : La mouvance autonome en France de 1976 à 1984

> Un révolutionnaire objectif ?

AP 14h41 Mgr André Vingt-Trois [archevèque de Paris] a appelé dimanche les étudiants en pèlerinage à Chartres à ne pas se contenter du "petit bonheur mesurable par les sécurités du contrat social". [...] il a appelé les étudiants chrétiens à dépasser le "petit bonheur mesurable par les sécurités du contrat social, (...) le bonheur d'un CDI ou d'une profession protégée" pour atteindre "le bonheur réel et profond qui donne la joie d'être au monde et de vivre".

Non ce n'est pas Vaneigem, à preuve, la suite :

Mgr Vingt-Trois, dans une apparente allusion à certaines dérives du mouvement étudiant contre le CPE, a par ailleurs dénoncé "l'intimidation, le vote forcé, les décisions enlevées à l'arraché, la destruction des outils intellectuels, livres et instruments de travail". Et d'ajouter: "Quand on me dit que les A.G. sont manipulées et les décisions arrachées par des minorités d'influence, je me demande si on n'abandonne pas le terrain en laissant dépérir les organisations démocratiques". "Tout cela a fonctionné en Europe au XXe siècle, en Allemagne et en Russie", a-t-il noté. "Notre démocratie devrait avoir honte de voir resurgir en son sein les fantômes des totalitarismes."

> Les domestiques (par Christian Lenivelleur)

Lu dans le Journal du dimanche 26 mars 2006 page 2
 
« Chérèque très braqué contre Villepin depuis une conversation téléphonique un peu raide : "- Il faut qu'on se voie. Venez !" lui avait enjoint, le dimanche 15 janvier, le chef du gouvernement qui s'apprêtait à lancer le lendemain son cpe «- Mais je suis en Lorraine chez mes parents ! s'excuse le leader de la cfdt. - Venez quand même !» insiste Villepin qui, devant le refus de son interlocuteur sort de ses gonds. Chérèque, abasourdi est obligé de tenir son portable à bout de bras pour éloigner les décigels »
 
Ah le rôle de domestique n'est vraiment pas enviable, le patron appelle même sur votre portable personnel pendant vos congés !
 
Page 3 « il y a un avant le vendredi 24 mars 2006 et un après», affirme Frédéric Salat-Baroux (l'actuel secrétaire de l'Elysée) qui n'a pas de mots assez louangeurs à l'égard des responsables syndicaux, dont il vante le "sens de la responsabilité"
 
Déjà remerciés avant d'avoir fini le boulot, merci patron

* 25 mars

> Pour mémoire vivante du syndicalisme, lu quelque part, à propos des luttes du printemps 2003 :

« Au cours du mouvement social qui secoua la France pendant le printemps 2003, encore une fois, la question de la représentativité des syndicats s'est trouvée posée de façon particulièrement aiguë.

Ce mouvement, qui s'opposait à une réforme du régime des retraites impliquant une forte dégradation des conditions d'existence des travailleurs du secteur public, aboutit à un spectaculaire échec, malgré une puissante mobilisation qui dura des semaines, des mois pour certains secteurs. Le gouvernement salua comme il se doit sa propre victoire. Et, par la bouche du ministre des affaires sociales, dans des lieux moins publics que les journaux télévisés, il remercia, à juste titre, la contribution de certains syndicats à la défaite du mouvement. Le très "sérieux" journal Le Monde rapportait à cette occasion comment le ministre Fillon avait tenu à saluer "l'attitude responsable" et "l'opposition raisonnable" du principal syndicat français, la CGT. "Le ministre sait gré à la centrale de Montreuil de s'être évertuée à empêcher la généralisation d'un mouvement qui risquait d'échapper à son contrôle". Le ministre aurait pu aussi bien saluer l'autre grand syndicat, la CFDT, qui avait dès le départ signé l'acceptation de la réforme, ou encore les militants des organisations "d'extrême gauche", essentiellement les trotskistes, qui ont tout fait pour émasculer les "coordinations" et "collectifs" de lutte, surgis comme un effort d'auto-organisation du mouvement en dehors des syndicats, en les transformant en lobbys pour "faire pression sur les directions syndicales".»

En échos : de la lutte de classes… LUTTES DES CLASSES

> De "l'enlisement" de la théorie, et des "luttes théoriciennes" : théorie et pratique

S'il est une chose que je ne regrette pas, c'est d'avoir eu connaissance des réseaux de théoriciens communistes, et de rendre compte depuis de leurs travaux, y compris à travers mes errements. Ce qui se passe en France donne tort à ceux qui les croient dans un splendide isolement, voire qui bêtement les prétendent absents de la pratique. Ces travaux sont en prise sur les luttes qui les alimentent, la théorie est "embarquée", et pour ma part, je considère que c'est un élément nouveau, qualitatif comme quantitatif. Ce n'est qu'un début...

Hugo ou Marx ?

Quant à la nécessité de participer aux luttes, elle est évidente, mais ne donne aucune garantie pour l'analyse, qui repose sur une bonne information : il est stupide de considérer qu'il faudrait être aux premières loges pour dire quelque chose de pertinent, tout simplement parce que personne ne peut être partout, et qu'on ne voit que ce qu'on veut ou peut voir, selon les lunettes qu'on porte. Mais pour analyser en communiste, il faut vouloir le communisme, pas l'aménagement de la société-capital. Ce n'est pas un passeport pour "la vérité", mais cela préserve de la collaboration.

Marx n'a pas écrit en France Les Luttes de classes en France, mais ses écrits sur 48 ont moins vieilli que ceux de Victor Hugo, qui était pourtant sur place, il est vrai comme envoyé parlementaire pour négocier avec les insurgés, et ceci malgré les pages magnifiques sur les barricades. Choisir les insurgés de la Commune, c'est encore avec Marx contre Hugo, même si celui-ci se bat après coup pour l'amnistie. Pas plus qu'avec 68, nous ne sommes des folkloristes. De la Commune, nous ne voulons pas retenir que l'échec, et si nous honorons les morts, c'est pour ce qu'ils ont tenté et vécu.

Il est au demeurant surprenant ou significatif que ceux qui ont bâti leur prestige sur la lutte armée dans la résistance au nazisme puissent refuser de voir comment se présente la guerre sociale, ce qui devient incontournable dans les formes d'affrontements que génèrent les limites de la reproduction du capital. Serait bien naïf qui penserait que nous pourrons éviter cette question, qui n'a rien à voir avec une quelconque apologie de la violence dans laquelle s'investissent aujourd'hui ceux qui la trouvent plus "révolutionnaire", sans parler des "casseurs Sarkozy". Toujours est-il que la question d'articuler des formes multiples d'interventions est désormais posée en grand, et que ce mouvement y contribue grandement.

Que se passe-t-il ?

« L'époque ne demande plus seulement de répondre vaguement à la question "Que faire ?" [...] Il s'agit maintenant, si l'on veut rester dans le courant, de répondre, presque chaque semaine, à la question : "Que se passe-t-il ?" » Guy DEBORD, lettre à Eduardo ROTHE, 21 février 1974

Pour comprendre ce que le mouvement actuel comporte et porte de nouveau, il faut le replacer dans son contexte.

Ce contexte, c'est la restructuration du capital et la tendance du prolétariat à être défini par le précariat (par le chômage dit TC), ce qui a renversé historiquement la base conceptuelle sur laquelle était fondé le mouvement ouvrier jusqu'aux années 60-70, avec sa stratégie globalement "programmatique" (de la social-démocratie au conseillisme en passant par le bolchévisme), et le type d'organisations qu'il se donnait pour cela, avec les séparations syndicats et partis, luttes revendicatives et luttes politiques (pour l'Etat) [voir 22 mars].

La question révolutionnaire est aujourd'hui évacuée, par les mêmes qui considèrent que l'URSS fut un socialisme criminel ou un Etat ouvrier dégénéré, et non en gros un capitalisme d'Etat. Un libéral peut partager ce point de vue. Un révolutionnaire, non. Si, n'ayant pas le complexe du Grand soir ou de la dictature du prolétariat, un révolutionnaire n'est pas un démocrate, c'est parce que la démocratie ne pourra rien contre le capital, qui l'a produite comme Etat et comme idéologie économique et politique. Ce n'est pas dire que la révolution est à l'ordre du jour.

Il ne faut pas oublier, si j'ose dire, qu'en France, la précarité déjà là touche une dizaine de millions de personnes, alors que ne sont syndiqués que deux millions dans des couches salariées plus stables qui ne sont pas (encore ?) dans ce mouvement, et que ne votent plus que 60% des personnes en âge de le faire (si l'on tient compte des non-inscrits). Il est donc normal que, dans le premier mouvement massif, en France, qui s'en prend explicitement à la précarité généralisée, de nouvelles caractéristiques des luttes apparaissent ou se confirment. Encore faut-il les discerner, et nous sommes d'évidence confrontés, en théorie comme en pratique, à des difficultés que ne résoudrons pas des services d'ordres intellectuels ou physiques.

Dans ce contexte et son évolution, les grilles d'analyse qui projettent sur les faits sociaux-politiques une idéologie héritière des catégories dépassées par le capital actuel et les luttes en son sein, grilles politisées a priori par leurs présupposés démocratiques, ne permettent pas de lire dans ces événements la même chose que les analyses communistes, sans quoi la théorie révolutionnaire ne serait, comme pâle reflet de la sociologie politique, qu'otage de l'idéologie.

Poser la question de la révolution serait "utopique", mais pas les fantasmes néo-keynésiens de la relève de gauche radicale, dont le discours sur "les provocateurs" rejoint celui des flics, des politiques et des journalistes sur "les casseurs", dans un amalgame où il s'agit de condamner toutes formes illégales de luttes violentes ou pas. Il faudrait vouloir que les choses ne soient pas ce qu'elles sont, préférer qu'elles se passent autrement : démocratiquement. Voilà la grande sagesse de l'objectivisme militant : « Vous devez faire ceci et pas cela, comme ci et pas comme ça, vous vous trompez...». Contre vents et marées, les démocrates radicaux veulent nous vendre leur "stratégie", et ils nous font des prix pour leurs oeillères. Il n'est pas dit que la LCR notamment en ressorte aussi vierge qu'en 68, tant elle s'avère, sur le terrain, à côté de la plaque. Non seulement des camarades auraient tort de se battre comme ils l'entendent et y sont parfois obligés dans le déroulement de la lutte, mais la réalité du combat de classe serait fausse de n'être pas démocratique. Que certains le regrettent est une chose, sauf qu'ici (re)commence le mensonge.

Pour comprendre quelque chose à ce qui se passe, il faudrait cesser de considérer que l'essence des rapports sociaux se présente en toute pureté dans les faits. C'est Jacques Wajnsztejn, sauf erreur, qui remarquait combien les badges d'organisations sur les poitrines défilantes sont le digne reflet de la mode des marques dans la jeunesse. Voilà un rapprochement intéressant : lesquels en sont davantage, de cette société ? Et lesquels veulent ou ne veulent pas en sortir ?

Il faudra bien, un jour, comme dit François Lonchamps, ouvrir la brèche !

> Il y a casseurs et casseurs !  Le jeu du pouvoir consiste à unir ce qui est divisé pour diviser ce qui est uni... Les ennemis de nos ennemis / Un skin massacré ? Redforum

> Notes SECUPRO sécurité sociale professionnelle  : le CPE n'est qu'un maillon de la chaîne...

> Mascarade : un courrier de C.

« Deux mots sur ta dernière lettre du 24 mars 2006

OK sur le fond, la mascarade des cogestionnaires du capital, mais je te trouve un peu optimiste quand tu écris : " les salariés n'ont pas (encore) bougé". C'est sur le "encore" que cela me pose problème.

Patlotch : Je voulais surtout mettre en relation que les salariés n'ont pas bougé mais que leurs syndicats sont mis en avant comme légitimes porte-paroles d'un mouvement qu'ils ne font que suivre. Si de Villepin a voulu casser le mouvement par cette entrevue, les provocations aux Invalides et autres manipulations médiatiques, les Centrales acceptant cette rencontre y ont participé parce que tel est leur intérêt. "Encore" ? parce que rien ne sert de désespérer !

Je pense que nous vivons au sens exacte du terme la segmentation  si bien décrite par R. Simon de Théorie Communiste  de la classe des prolétaires. D'un côté une frange jeune qui n'a aucun avenir et de l'autre les plus vieux qui sont, pour l'instant, sont installés (très mal d'ailleurs) dans le système.

A preuve, les élections syndicales à la sncf qui viennent de se tenir en plein mouvement de la jeunesse et qui a vu quand même 77% de votant avec encore la cgt en tête.

Si les syndicats ont autant de facilité à gruger les salariés ce n'est pas comme dans une image d'épinal parce qu'ils bloqueraient la porte avec les prolos derrière qui pousseraient, comme se l'imaginent tous les programmatistes, mais parce que les syndicats sont les "représentants" des salariés à ce moment donné.»

Patlotch : 
Les syndicats sont les représentants des salariés là où ils existent. Et là où ils n'existent qu'en tant qu'élus aux élections professionnelles, de plus en plus décalés par l'âge, payés par l'Etat, ne participant plus qu'à la cogestion, dans la compétition corporatiste et la concurrence catégorielle, ils sont dans la même relation à leurs mandants que les élus politiques.
Je pense effectivement que les habitudes prises de cogestion, sur la base de droits conquis en 68 (comme compromis aux limites...), fonctionnent aujourd'hui à l'envers, avec des syndicats institutionnalisés, des adhérents et des salariés qui les prennent comme tels, et qui ont le plus grand mal à imaginer autre chose que cette "sécurité sociale syndicale", une consommation passive, une assurance-survie qui accompagne l'individualisation contre la lutte collective.
Si les "acquis" de la représentation (démocratique) se retournent contre les représentés, c'est aussi qu'ils étaient fait pour ça, révélant la nature du syndicalisme : dès qu'il y a lutte, c'est un encadrement, et vite, un carcan. Où je bosse, cela fait 15 ans que nous nous coltinons cette situation, où les plus remontés des syndicalistes ont fini par démissionner, tenter un autre syndicalisme, être cassés juridiquement par l'administration et les syndicats "représentatifs" associés : par le droit, la loi sur la représentation contre laquelle les cinq condéfés reçues hier n'ont rien fait et pour cause, cette loi entérine* leur appartenance à l'Etat. Ici ou là, les plus combatifs ne sont plus dans les syndicats, mais sans trouver encore partout le moyen de générer autre chose : par sa dynamique ce mouvement en produit l'occasion.
* entériner vient du latin populaire terrinus et d'utérus, qui n'est pas russe : enterrer, terrine etc.
 
Mon espoir est dans l'effet d'exemplarité et la généralisation de certaines formes d'actions pour faire sauter des blocages psychologiques : que les salariés osent, qu'ils cessent d'avoir peur, qu'ils désobéissent !
 
La "segmentation" ne doit pas empêcher une lutte plurielle, c'est cela qu'il faut gagner dans ce mouvement, se reconnaître comme prolétaires, à divers degrés et dans diverses situations, et accepter la diversité et la complémentarité des formes de luttes, voilà un enjeu. Autre chose que les bêlements démocrétinistes sur l'unité pour se ramasser tous ensemble...
 

* 24 mars

La mascarade des cogestionnaires du capital

Quel pouvait être l'objet d'une rencontre qui n'était « pas pour négocier » (les syndicats) quelque chose qui n'était « pas négociable » (Chirac) ? C'est tout simplement d'occuper la galerie, le terrain médiatique, alors que le mouvement de la jeunesse a (encore) la main, et que les centrales syndicales reçues par Villepin n'y sont pour rien en pratique. Cette mise en scène d'un commun accord (presque touchants, ces courriers, ces courbettes...) ne visait qu'à (re)légitimer ce qui ne l'est plus, pour préparer, avant même que les salariés n'entrent dans la danse, la sortie de secours des cogestionnaires d'une société qui prend l'eau de toutes parts : un gouvernement en mauvaise passe et des syndicats qui n'ont pas de prise réelle sur les luttes en cours. En un mot, le consensus social pour se refaire une santé en commun sur le dos du mouvement, et le dévoyer un peu plus tard dans une négociation dont les termes sont déjà connus et programmés.

L'exercice fut de haute voltige mais que ne peuvent arranger les médias ? Et dans quel piège ne tomberaient pas les gogos de toutes sortes, "conduits" de si belle manière par des leaders dont le souci premier est de sauver cette société, leur société, celle qu'ils gèrent ensemble ?

On comprend mieux pourquoi, encore ensemble, ils pratiquent l'amalgame autour des formes illégales de luttes, et non seulement à propos de la violence : ils ont ensemble besoin du droit. Jusqu'au droit de grève qui se transforme en interdiction de faire grève sans l'accord des syndicats officiels... les leaders syndicaux instrumentalisent un mouvement social dans lequel ils n'existent plus que grâce à l'Etat, aux institutions, aux médias, et non comme moyen efficace et reconnu de la lutte par ceux qui se battent. La bonne nouvelle de l'auto-organisation, c'est qu'on se passera un jour complètement des syndicats dont n'existera plus, en pleine lumière, vidé de toute substance prolétarienne, que le rôle pour le capital. Le mieux est de commencer tout de suite.

En 1968, Seguy pouvait encore compter, sans même faire appel aux médias gaullistes (c'était plus difficile) sur un syndicalisme puissant et largement reconnu par sa clientèle ouvrière (qui majoritairement n'avait pas encore la télé). Aujourd'hui, il faut aux leaders des syndicats le soutien de l'Etat et des talents de marionnettiste pour parvenir à occuper le terrain alors qu'en un mois, les centrales auront participé à trois ou quatre manifestations sur des dizaines de journées d'occupations, de blocages où elles ne sont pour rien, et que les salariés n'ont pas (encore) bougé. Le spectacle, quelque part, est son propre fossoyeur. Il est frappant que les "acquis de 68" en matière syndicale ne sont en rien des appuis au mouvement des luttes, au contraire, ils le freinent. Cela aussi est un signe des temps, de ce qui change dans ce pays, d'une page en train de tourner, vers des luttes où il s'agira de plus en plus de se déterminer clairement face au capital et sa légalité. Les partis et syndicats apparaîtront alors de plus en plus pour ce qu'ils sont : des co-gestionnaires du système. Toute une génération entrée dans la lutte est en train de l'apprendre en pratique. Que demande le peuple ?

* 23 mars

Rien ne sera jamais plus comme avant

On peut d'ores et déjà considérer que le mouvement actuel représente, quelle qu'en soit l'issue à court terme, un tournant historique depuis 1968, en France, de l'importance de celui de novembre 1995. Alors que celui-ci ouvrait la voie au démocratisme radical qui restera dominant, mars 2006 marque l'entrée en scène massive d'un courant de luttes qui ne se contentera plus des formes "démocratiques" du syndicalisme et de la politique, et l'apparition de nouveaux rapports internes aux luttes du prolétariat, que les émeutes de novembre 2005 avaient annoncés.

> Si tu veux aller plus loin, ne t'arrête pas en route !

A l'école de la pratique, auront fait un bon en l'air écoeurés et un pas en avant théorique les manifestants découvrant cette après-midi dans les kiosques parisiens le titre du Monde annonçant en substance que « les organisations syndicales acceptent de rencontrer le premier ministre », tournant le dos à leur engagement de ne pas le faire avant le retrait du CPE (il s'agit des cinq confédérations "représentatives"* qui jouent sur les mots en affirmant ne pas y aller pour négocier). Une dépêche d'agence de l'après-midi présentait comme déterminant le fait que puisse s'y discuter « la sécurisation professionnelle chère aux syndicats ».        * Ce qui leur confère ici le droit d'être, seules, "unitaires" pour toutes et tous, quand ce mouvement est caractérisé par l'auto-organisation partout où il porte une véritable dynamique

Autrement dit, ce que je laissais entendre en diffusant des textes relatifs à « la revendication de sécurité sociale professionnelle » arrive. Je dois avouer que je ne l'attendais pas avant le 28 au soir. N'en déplaise au cégétiste Bardet sur Bellaciao : « La question n'est pas de savoir si la CFDT trahira, mais quand », la question n'est même plus seulement « Retrait du CPE » mais : que veut-on faire de ce mouvement ? et : qui veut en faire quoi ?

Aucune contorsion devant les journalistes n'empêchera ce petit morceau d'anthologie d'entrer dans l'histoire du syndicalisme, et sûrement pas celle de Thibaud affirmant qu'il n'ira à ce rendez-vous que pour dire à Villepin « retirez le CPE » : la belle affaire ! Thibaud en 2006 meilleur que Séguy en 1968 ? 

Ceux qui veulent aller plus loin que les arguties tactiques sur « la nécessité de préserver l'unité du mouvement » n'ont plus qu'à continuer le combat autrement. Il peuvent pour cela s'inspirer de textes rassemblés ici.

Il doit bien exister un proverbe du genre : Si tu veux aller plus loin, ne t'arrête pas en route !

> "Violence", vous avez dit violence ? / "Non violence", vous avez dit violence ?

* 22 mars

> de Temps Critiques : Blocages et embauchages Jacques WAJNSZTEJN diffuse ce texte comme "Une sorte de tract facilement reproductible en attendant un texte plus long..."

> Du caractère potentiellement contre-révolutionnaire de la lutte syndicale et de la lutte politique

> Documents sur « la sécurité sociale professionnelle », en hommage personnel et spécial à Paul Boccara, économiste du PCF inventeur du « contrat emploi-formation »

* 21 mars

> « ... dénoncer la revendication de "sécurité sociale professionnelle" de la CGT et d’autres maintenant... »

> THIS TRAIN       > sâles combles     

* 20 mars

Lutte anti-CPE : Textes en lignes et Textes entiers

> Chronique(s) de la lutte contre le CPE, site Meeting / Mea Culpa !? si la théorie s'enlise... (cf 18 et 19 mars)

> PARIS GARE À LA SOCIALE

> Au bistro, Charlotte a dit « ça y est j'ai mes 15 secondes de célébrité ! ». Stan Domb a dit qu'Andy dit qu'« A l'avenir, chaque personne aura droit à son quart d'heure de gloire. » J'ai dit que Charlotte s'est rendue coupable d'un détournement, « alors que la situation n'était pas construite » a dit Patlotch qui a dit qu'à l'avenir chaque personne sera exclue sans gloire avec célérité.

signé : Internationale afro-gitaniste, section virtuelle

* 19 mars

> Ni revendicatif ni non-revendicatif, antisocial !  une intervention de Bernard LYON dans le débat de Meeting sur les révoltes de novembre 2005. Voir aussi texte et débat > Ballade en novembre, et ici la rubrique Révoltes en France novembre 2005

> Bistro : origine obscure ou refoulée ? (suite des 13 et 17 mars)

« Bon puisque la polémique enfle à l'extérieur...
Donc Dans le Lttré, édition 1881... le mot n'apparaît pas. Je dégaine mon Dauzat
"1884 Moreau ( Souvenirs de la Roquette), précédé de bistingo( 1856, Goncourt), mot obscur apparenté à bistouille.
Bistouille fin XIX°, Bruant, mot du Nord, sans doute de Bis, deux fois et touiller remuer..."
J'aime l'idée, en ces temps de sidération sur les origines, que celle-ci soit obscure, que rien ne puisse épingler et fixer ce mouvement de la langue dans une scène originaire, à jamais perdue... » (source CKOICEBISTRO? AuteurE CHARLOTte 19 mars)

C'est plus du bistouille, mais de la bidouille d'expert linguistique. A l'évidence, en matière populaire, certains préfèrent se faire une « idée » et rendre « obscure » une origine qui ne l'est plus que d'être refoulée. Une origine dans un présent de classe, ethnicisés, racisés et diabolisés. Bien que nullement "sidéré par les origines", je considère que la créolisation ne gagnera rien à évacuer des faits de langue historiques et sociaux, les réduisant à une question de vérité étymologique neutre, et je constate que cela dérange au présent. Je n'en attendais pas moins d'une experte en freudisme, qui montre par ailleurs plus d'attention pour la diaspora "juive". On a le dieu qu'on s'est donné.

Quant au diable, le Manouche Django REINHARDT n'est pas le dernier à tenter le "diabolus in musica", le triton interdit par la science musicale occidentale de l'émergence de la tonalité totalitaire à la Renaissance, à sa déconstruction au 19ème siècle, la fameuse quinte diminuée des boppers (cf II1.9 le blues et l’harmonie du jazz / hypothèses). J'écrivais en 2002 :

« Mon livre montre qu’il ne saurait y avoir de jazz « éthique » sans enracinement dans la réalité populaire historisée d’une communauté aspirant à sa libération. Mêmes les « jazz » d’authentique valeur musicale créés par des musiciens n’appartenant pas à cette communauté du jazz noir (Blancs américains, Européens, Japonais...) se sont positionnés consciemment ou non par rapport à elle. La « crise du jazz » à la fin du 20ème siècle trouve une de ses causes fondamentales dans la coupure de ce lien populaire - ce qui ne ressort pas seulement de la composition de public. Ne peut-on affirmer que tout ce qui continue à fonctionner comme « jazz » dans le respect de son éthique consubstancielle le fait en transmettant au-delà des seules racines afro-américaines la puissance de caractéristiques populaires spécifiques et différenciées (les premiers à procéder à des mélanges avec la réelle authenticité d’un enracinement populaire sont à ma connaissance les Juifs émigrés aux Etats-Unis, avec les musiques klezmer, et en France, les Manouches, autour de Django REINHARDT : sans doute certaines pistes remonteraient-elles à des origines orientales ou indiennes du Nord, ce qui ne saurait nous déplaire intellectuellement, pour la beauté de ce tour du monde spatio-temporel).» (I6 LES jazz de LA multitude)

Il est vrai que je ne parlais pas explicitement du fait que ce sont les Gitans qui ont apporté en voyageant, en les transbahutant comme dit Glissant, par les Nord européen ou africain, les modalités indiennes et orientales, d'où, comme il en est de "juives", les familles "gitanes" et leurs musiques, tziganes et flamenco.

 « Lo' Gere' por la' e'quina', Con velone' y faro' / En vo' arta sa desian, « ! Mararlo que e' calorro ! » Tona gitane d'Andalousie, flamenco "premier".
«... turn dat Niggah' round n'knock it on de haid 'Cause while folks say, «We're gonna kill dat Nigger dead !» "Pré-blues" du Sud Profond
En exergue du texte de J-L. JAMARD, dans L'HOMME 158-159 [on excusera les approximations d'accents pour l'espagnol]

On trouve dans la revue L'HOMME n°158-159 d'avril-septembre 2001 sur le thème JAZZ ET ANTHROPOLOGIE, un texte de Jean-Luc JAMARD : Pourquoi le jazz a-t-il si bien tourné ? Flamenco, blues : affinités et descendances. On n'est pas obligé de suivre la conclusion de circonstance pour la publication : « si le jazz a si bien tourné, c'est aussi parce qu'il est une sorte d'anthropologie musicale », mais le contenu alimente d'analyses musicales et textuelles, parfois de façon troublante, les rapports dynamiques de la genèse de ces musiques à la situation sociale de ceux qui les ont inventées : situation de classes, et d'origines ethniques dangereuses pour les puissants.

Miles DAVIS et Gil EVANS ne s'y sont pas trompés : SKETCHES OF SPAIN.

Miles DAVIS (à propos du disque Sketches of Spain, 1959, NDA) : L’Espagne avait été conquise par les Africains il y avait bien longtemps. En Andalousie, on sent une forte influence africaine dans la musique, dans l’architecture, dans la culture dans son ensemble, et les gens ont beaucoup de sang africain. On retrouvait donc quelque chose d’africain dans le feeling de cette musique, dans les cornemuses, les trompettes et les tambours... Solea est une forme basique de flamenco. Il a pour thèmes la solitude, le désir et la lamentation. C’est proche du feeling noir américain du blues. Ça vient d’Andalousie, d’origine africaine, donc.» (L'autobiographie, p. 208) > II1.2 le jazz et l'enracinement ethnique, africain, africain-américain On note cependant chez Miles DAVIS la tendance afrocentriste fréquente chez les Africains-Américains, comme dans l'interview de Randy WESTON (> 17 mars) et le site Afrikara en général : l'Andalousie emprunte aussi à l'Asie.

Tu veux savoir où tu vas ? Regarde d'où tu viens !

> d'une méprise sur la théorie à un "mépris des masses" qui s'ignore

(réaction à mon "18 mars", lue quelque part ailleurs) « le fossé qui sépare l'analyse et le "théoricisme" des isolés, la caricature de ce que devient une vrai question (salariat et exploitation capitaliste) quand on la manie hors du "mouvement"... C'est à dire quand, objectivement, la"Vérité"(?) cesse dêtre révolutionnaire. Car le mépris des masses qui ne sont pas "intelligentes"( certes au sens que donne à ce qualificatif son auteur), c'est tout aussi peu en prise avec la réalité de ce que ce mouvement porte que les conneries d'une Parisot ou d'un Robien devant la Chabotte de-MedefTV [...]
Quand on n'entend pas le mot "capital" c'est qu'à force de se masturber le neurone on est devenu sourd...
La jeunesse emmerde le Capital... C'est ça qui est capital...»

Il n'y a pas ce "fossé", mais une réalité de la praxis*, c'est-à-dire de la lutte de classes, dans l'état de l'implication réciproque entre l'activité du capital/Etat et celle des prolétaires, comme forme et contenu d'un rapport dialectique. Si j'ai parlé d'intelligence des prolétaires, ce n'est pas par "mépris pour les masses", c'est comme compréhension interne de la question telle que la posent en pratique les luttes : c'est le capital comme lutte de classes qui conduira celui-là à sa perte (d'où "Il reste à souhaiter que le capital rende les prolétaires intelligents"). En définitive d'une part je critique des illusions sur "ce que ce mouvement porte", parce que l'interprétation est partie prenante de la lutte de classes, comme théorisation, qu'elle soit élaborée ou non. D'autre part hâtons-nous de rendre la théorie populaire.

* C'est pourquoi j'ai conclu par "Vive la praxis !" : Voir La lutte de classes est la praxis [bien que je ne partage pas la mise exclusive de TC sur la contradiction monocausale de l'exploitation : je ne fais pas du saint-simonisme]

« La jeunesse emmerde le capital », c'est certain mais contradictoire. Dire qu'elle le fait dans des termes qui peuvent l'aider à s'en tirer ne relève pas du "mépris" : toute l'histoire du mouvement ouvrier l'a montré ("programmatisme"), et c'est aujourd'hui ce que fait le "démocratisme radical". Si nous sommes, en révolutionnaires, embarqués dans les luttes telles qu'elles sont, ce n'est pas en concurrents idéologiques, ni pour donner des leçons de la théorie à la pratique, mais sûrement pas pour faire des cadeaux à l'idéologie.

Si j'ai regretté l'absence d'expression de la théorie révolutionnaire, ce n'est pas en tant que telle, comme propagande au sein de la manif, mais dans le même sens que M. dans sa lettre (Partant des luttes anti-CPE). La théorie n'est pas la "vérité" et ne prétend pas l'être. Elle ne manque pas en elle-même de "prise sur la réalité" : l'état des contradictions est bel et bien théorisé, comme celui de l'implication réciproque, même s'il y a des désaccords entre théoriciens communistes, justement parce qu'il n'y a pas d'autonomie possible de la classe des prolétaires contre le capital : c'est le constat des limites au stade de l'affrontement actuel.

Comme disait en substance Marx, ce ne sont pas les idées qui transforment la réalité, mais la réalité, les luttes, qui transforment les idées, voilà le minimum vital matérialiste, voilà le vrai respect pour ceux qui en luttant nourrissent la compréhension de leurs luttes, pour aller plus loin. Mais c'est aussi pourquoi la réalité contradictoire des luttes ne doit pas être occultée : elle est ce qu'elle est, pas ce qu'on voudrait qu'elle soit. Les considérations sur ce qui est "objectif", au ras des pâquerettes de l'immédiateté des luttes et pour viser une alternative politique, au-delà d'un anticapitalisme de mots (un gauchisme, voir "Anticapitalisme" pour les nuls, et autres supposés savoir), relèvent de l'idéalisme militant prenant ses désirs pour des réalités. Ajouter "contre le capital" aux banderolles et mots d'ordre n'aurait pas changé la nature de la revendication. Une méprise sur la théorie peut cacher un "mépris des masses" qui s'ignore (en fait un populisme démagogique de gauche). On ne dépassera pas la "trahison" du PCF en 68 en la renversant sur sa base, bourré de la culpabilité et de la morale du pardon historique au "peuple" qui animent les ex-staliniens et autres démagogues trotsko-libertaires.

Meewad : « Patlotch pose des questions intéressantes; mais la conclusion reste la même que celle prononcée par les totos, la qualité rédactionnelle en plus : à savoir que tout le monde est "jaune", que la vraie super lutte contre le kkkapital bin elle est pas dans ce mouvement de gros cons d'étudiants aveuglés et consommateurs, qui ne réclament simplement que des chaines un peu mieux huilées [...]
En soi, je suis d'accord avec ces critiques; en réalité, il faudrait aussi être contre le Droit du Travail et les services publics... [...]
Cependant cette question du "travail", lors de chaque AG, lors de chaque discussion, on dit qu'il faut "se la poser". Mais quoi ? Une fois qu'on a dit ça ça change quoi?
Que peut-on faire de plus pour l'instant que de bloquer, de manifester, (d'affronter les CRS pour certains), et de penser en discutant à ce que l'on peut faire ensuite?
La remise en cause de la société en général, elle existe, même inconsciemment, j'en suis certain.
"les vieux dans la misère! les jeunes tous précaires! on n'en veut pas, de cette société là!"; "ils exploitent les jeunes, de 14 ans! ils sucrent les allocs', de leurs parents! ils font la loi, du patronat! à bas, à bas le gouvernement!" Ce sont également des slogans que l'on pouvait entendre, hormis les "à ceux qui veulent casser l'Code du Travail, la jeunesse répond résistance!"
En clair : il y a les choses que l'on voit, mais il y a aussi les choses que l'on ne voit pas, que l'on peut ressentir...»

Les remarques de Meewad sont davantage à l'écoute de ces réalités. Elles sont moins idéologiques, même si elles traduisent en partie les mêmes incompréhensions, avec l'idée qu'on pourrait aller plus vite que la musique, accélérer le rythme du capital global comme implication réciproque. Je n'en dis sûrement pas la même chose que les "totos", dont je ne considère pas "révolutionnaire" la vaine confrontation avec la police. De vivre une situation "chaude" peut nourrir ce genre de questions sur le "que faire ?", mais on ne peut rien "faire de plus" que ce que nous faisons dans les luttes, et la France est bien petite, n'est-ce pas ?

Enfin, pour qui s'inquiète de ma "surdité par masturbation du neurone", le courrier d'un ami qui à raison ne s'est pas senti "méprisé" : "Retour de manif avec Mémère"

« je viens de lire ta dernière réflexion. Ok avec toi sur la manif, d'ailleurs j'étais moi même accompagné de ma compagne, augmentant le côté pépère de la manif. Ok aussi avec ta précédente lettre sur le fait que c'est le premier mvt d'importance contre la précarité mais je pense que celui de 2003 sur les retraites, auquel j'ai participé, était plus "radical" dans la mesure il refusait de façon implicite le travail, du moins son allongement. Le mvt actuel reste effectivement à l'intérieur du capital donc voué à l'échec, imprégnié de démocratisme - voir les étudiants brandissants leur carte pour prouver qu'il n'y a pas d'éléments extérieurs dans les occupations de fac. Le seul intérêt c'est sur la marge, les éléments qui posent les problèmes de l'autonomie, de l'auto-organisation avec toutes les confusions.
La domestication capitalisme à de beaux jours encore [...] A un premier ministre "de temps de guerre" (Citation du JDD du 19 mars) il faut répondre par la guerre sociale.
Bon voila j'ai la rage, la haine et merde »
 
 

* 18 mars

Retour de manif francilienne*

« Il faut refuser de lutter à l'intérieur du système** pour obtenir des concessions de détail immédiatement remises en cause ou regagnées ailleurs par le capitalisme. C'est le problème de la survivance ou de la destruction de ce système qui doit être radicalement posé » Internationale lettriste, Potlatch n°4, juillet 1954 **Le problème c'est que le "système" n'a plus d'extérieur, que nous en sommes partie prenante, sans perspective d'autonomie contre lui.

* Je n'aime pas le mot laid francilien, mais comme cette manif ne m'a pas enthousiamé...

Du monde. Pas un raz de marée. "Placide", selon le mot d'un participant de Meeting rencontré par hasard subjectif. J'ajoute ennuyeux, comme on dit "c'est ennuyeux". Pèpère. Même pépé-mémé sont là. Papa-maman bras dessus-bras dessous. Bons enfants, donne-moi ta main et prends la mienne, l'école va finir et pas de boulot = no futur ! Familles recomposées en conséquence pour l'occasion, remarquable unicité des mots d'ordre, sagement rangés autour du "retrait". Quelques "grève générale !" mais sur la même base. Peu dans les marges ou au-delà. Peu de "politisation" sauf sur le thème "Villepin, Chirac, Sarkozy, dehors !" : ça pisse pas loin. Il faut dire que si j'ai parcouru tout le cortège, je n'ai pas participé au début de la manifestation et si la jeunesse n'est pas triste, je n'ai pas lu tous les tracts. Il n'empêche : ambiance plus défensive que revendicative = revenir aux acquis (code du travail, emplois, statuts, CDI, stabilité...), par conséquent à contre-courant de ce qui va se passer, quoi qu'il en soit, dans les années qui viennent, la crise s'aggravant (si ce n'est pas la pression à la baisse du taux de profit global, une crise latente de la valorisation, quoi d'autre ?). Nous n'avons pas l'initiative, certes, mais on obtient rarement ce qu'on n'a pas même idée d'imposer. On est très en-deçà d'un niveau de compréhension et d'affrontement aux limites du système, et ceux qui l'attribuent à un "manque de perspective politique alternative" ne sont pas plus avancés que le grand nombre : le politicisme comme complément de la lutte revendicative.

A mon avis, si le gouvernement "fait un geste" et si la "concertation" s'engage même partielle (CGC, CFDT... ?), ça n'ira guère plus haut, et ce mouvement en soi peut même retomber, prisonnier de ses objectifs. La quantité s'oppose aujourd'hui à la qualité : plus petit dénominateur du commun. On ne sort pas de l'idéologie. Je n'ai pas entendu de volonté déterminée de dépassement du cadre posé par le bras de fer actuel sur cette loi. Si le texte est retiré ou même seulement suspendu, il sera intéressant de voir comment se poursuivent les luttes locales, chez les précaires, les chômeurs, ou au niveau des entreprises. Ici la représentation visible de ces dernières se limitait à quelques banderolles syndicales, des cortèges peu nombreux derrière, sans surprise.

Ce dernier point participe de la tendance à l'auto-organisation : les confédérations syndicales ne font plus que de l'ingénierie organisationnelle, en attendant la défaite par la négociation, confirmant leur raison d'être. Meewad : « Bin disons que les orgas sont pas encore dans la position où ce sont elles qui peuvent conduire et orienter le mouvement... Bien entendu si cela arrive c'est que le mouvement sera mort pour moi. Mais pour l'instant les syndicats, orgas politiques etc... se contentent d'aider le mvt; même leurs autocollants sont déchirés avant d'être collés, de manière à ne laisser que la partie "slogan" et à virer la partie "affichage du nom de l'orga".» Ce témoignage montre qu'ici, ce n'est pas la nature revendicative qui change (la partie "slogan"), mais seulement la forme organisationnelle du syndicalisme ou de la politique. Cela tend à confirmer qu'en elle-même, la démocratie radicale ne porte pas de rupture : démocratisme sans rivages.

Comme témoin spectateur mais néanmoins marchant, j'ai constaté que depuis le portable, les jeunes filles ne savent plus se servir d'une cabine téléphonique, du moins pour en redescendre; que les mégalophones éteints, c'est presque le silence dans les rangs, comme si la "colère" n'était guère plus qu'un mot; qu'on travaille nombreux dans la police le samedi; que partout ailleurs en Europe on défilait contre la guerre en Irak; que j'étais sans papiers mais avec d'autres; que quelqu'un m'a manqué; qu'il y a beaucoup trop de jolies filles qui exigent du travail; que, les prostituées suivant un autre parcours, la jonction ne s'est pas faite. Que cette manif m'aurait rendu triste, sans ce mot d'ordre : "Libérez les huîtres du bassin d'Arcachon !" (Prix Patlotch du 18 mars).

Je n'ai ni lu ni entendu le mot "capital".

Tout se passe comme si, la restructuration déportant la revendication sur l'emploi, elle s'accompagnait d'une occultation du capital comme exploitation. Le travail comme alpha et oméga de la vie. Passer à une remise en cause paraît un saut immense. La gauche dans sa totalité a accompagné politiquement cette évolution économico-idéologique. Elle continue de plus belle quand cette revendication prend toute son ampleur dans l'accentuation de la logique de globalisation d'une force de travail disponible, exploitable et jetable à merci. Sans merci. Il n'y a ni à le regretter ni à lui demander autre chose. La gauche est comme ça. Elle veut l'Etat. Elle a le capital avec. Son horizon : nous faire bosser. Vouloir la gauche plutôt que la droite préserve le capital. C'est l'impuissance de la politique dans un monde qui ne jure que par elle pour "réguler l'économie" : politicisme de l'économisme, en lieu et place d'une critique de l'économie politique.

La critique théorique se manifeste par son absence. Causalité simple : moins elle parlera moins elle sera audible. Causalité complexe : à quoi servirait dans ce contexte ce qu'elle pourrait dire ? S'il est vrai comme l'affirme Roland SIMON qu'« une théorie qui ne s'enlise pas n'en est pas une », il est difficile de l'enliser dans des luttes qui ne donnent à théoriser que leur réussite dans le capital, ou leur échec face à lui. Les théoriciens ne sont donc pas plus avancés que les autres, mais à la différence des avant-gardes militantes, ils ne prétendent pas l'être. La positivité de la lutte, c'est l'expérience du négatif : embarquez !

Le grand patron Jean PEYRELEVADE qui en 1993, alors nommé au Lyonnais, voulait rendre le capitalisme "intelligent", a montré en 2005 son accord avec le concept marxien de subordination réelle, en écrivant, pour les actionnaires, "le capitalisme total". Il reste à souhaiter que celui-ci rende les prolétaires intelligents. 

Moralité : vive la praxis !

NEW A propos des luttes  (nouvelle rubrique)

Avant de partir manifester, j'ouvre une rubrique témoignant des échanges relatifs au besoin d'intervention communiste révolutionnaire, théorique, politique et pratique, à l'occasion du développement des luttes anti-CPE. Je remonte également à ce niveau la rubrique révoltes en France, novembre 2002, qui figurait dans les ressources critiques (luttes de classes)

(j'espère que ceux de mes "camarades" lecteurs qui s'inquiètent de mon splendide isolement monologoréïque ne verront pas là excès de "narcissisme" ou d'"égocentrisme". Dans le cas contraire, il ne m'en voudront pas d'être peu envieux de leur communauté de débats dans le formol réformiste, sclérosée sur les plans théorique, politique, et pratique).

> Théoriciens communistes (liste d'auteurs de références complétée)

* 17 mars

> Le Jazzman Randy WESTON parle de Cheikh Anta DIOP, de l’Afrique, de la Diaspora Africaine Américaine, 2002

> Retour de bistro : le langage, une histoire humaine de classe !

« Les gitans jugent avec raison que l'on n'a jamais à dire la vérité ailleurs que dans sa langue ;
dans celle de l'ennemi, le mensonge suffit. » Guy DEBORD

A propos de bistro, on réagit à ma publication (plus bas) du 13 mars...

(Pour information, Bistro n'est pas russe, mais gitan, petite différence qui ne pouvait qu'échapper à un coco national'nostalgique, dont les références culturelles ultimes ne peuvent être, conséquemment, que bourgeoises :

BISTRE, BISTRO(T), BISTRAL, BISTROQUET : débit de boisson (certains lui donnent pour origine la brève occupation russe de 1814; mais le mot n'est attesté que soixante-dix ans plus tard)
bistr°, bistrau : oublier [sic]
bistarben : oubli, distraction [resic]
Alice BECKER-HO, Femme Debord, Les Princes du Jargon, Gallimard, 1993 (Folio, page 61).)

... de la manière suivante (source CKOICEBISTRO?, auteur 'Coldfinger', 17 mars)

« Comme j'ai la flemme de remonter tout le fil pour voir si quelqu'un ne l'a pas déjà fait, je dépose ici ce que nous apprend le TLF (Trésor de la Langue Française, CNRS - Attention, c'est du brutal...

"1884 argot populaire bistro « cabaretier » (G. MOREAU, Souvenirs de la Petite et de la Grande Roquette, t. 2, p. 3); 1892 bistrot (TIMM.); d'où le féminin bistrote [1914 d'après ESN. sans attestation]; 1919, supra ex. 4. Origine obscure; à rattacher au poitevin bistraud « petit domestique » d'origine inconnue (cf. FEW t. 22, 2, p. 61a; v. aussi ESN., s.v. bistaud), si l'on suppose que le mot a tout d'abord désigné l'aide du marchand de vin, plutôt qu'à relier à bistingo « cabaret » 1845 (RAISSON, Une Sombre histoire, I, 40 dans Fr. mod., t. 19, 1951, p. 203), bustingue (avec coquille?) « hôtel où couchent les bohémiens » 1848 (A. PIERRE, Arg. et jargon, ibid.) et bistringue, bastringue*, tous d'origine obscure*; l'hypothèse qui voit dans le mot, l'adaptation du russe bistro « vite » remontant aux cosaques assoiffés occupant Paris en 1814 n'est pas suffisamment fondée. Le -t final qui permet le féminin bistrote (cf. supra prononciation et orthographe) est dû aux nombreux mots français en -ot à valeur affective (cf. NYROP t. 3, § 287-291).
Une hypothèse répandue est celle d'une élision de bistroquet, mais celui-ci est réputé antérieur (1926), et issu du croisement de bistro(t) et de troquet (ce dernier issu de mastroquet, plus ancien [1849] et à l'origine lui aussi obscure, éventuellement flamande [néerlandais meesterke «petit patron», flamand meisterke id.]). Cette antériorité accrédite la thèse d'une formation de bistroquet sur bistrot[t], et non l'inverse.

* (note patlotch) de "l'obscurité" de BASTRINGUE (Becker-Ho, ibid, p. 59, 4,47€  : guinguette, bal des barrières, orchestre bruyant, tapage (fin XVIIIe-XIXe siècle) / bash° : faire du bruit, jouer d'un instrument, chanter, crier, hurler / bashuga : instrument de musique (violon, guitare, accordéon, etc.) / bashreben (manouche) : musique, bruit / bajani (calo) : guitarra / banza (calao) : guitarra (Giria do seculo XVIII); banzé : gritaria / bosh-faker, -man (cant, 1850) : a violin player / bash (slang am.) : fête, «boum»; bash out a tune : tapoter un air / busk : chanter, jouer dans la rue

Bref (sous réserves de vraies recherches) : bien malin qui affirme ses certitudes sur l'origine du terme. Bien malin, ou bien con et bien arrogant. La vérité n'est ni "bourgeoise" ni "gitane" : elle est coquine, et souvent elle échappe aux sots qui croient la détenir, aussi bien qu'aux Narcisse fanés qui pérorent en son nom. Mais comme dit une de mes vieilles fréquentations, elle seule peut être révolutionnaire...»

A propos de "bistro", si j'ai cité Alice Becker-Ho, c'est en référence au livre Les princes du jargon sous-titré Un facteur négligé aux origines de l'argot des classes dangereuses, et en  relation avec ma précédente intervention : Du détournement, et de quelques-uns de ses usages plus ou moins détournés / extrait :

« je préfère le détournement visible d'éléments non "culturels" ou "artistiques", qu'auront aussi utilisé les situationnistes, quand il garde  la trace de ses constituants et d'autant plus qu'ils sont connus de tous,  qu'ils appartiennent à leur quotidien, et que le détournement le(s) détruit,  du moins symboliquement [...] Mais la poésie n'a-t-elle pas toujours été  produite [...] par le détournement qu'elle propose de leur usage courant, ou  savant [...] ? C'est bien en quoi elle révolutionne tout le langage  et invite, en retour, à entendre celui-ci d'une autre oreille, y compris et  surtout quand il ne se présente pas comme poésie [...] C'est bien pourquoi  est poétique, et politique et éthique [Meschonnic], le génie populaire du double-speak,  de l'argot des gitans* à celui des racailles, en passant par le black  english (le rap est un détournement spectaculaire de ce détournement comme «  part maudite », une amère victoire du langage des banlieues, et autres lieux mis au ban sans vergogne ni verlan). »  * Voir Alice BECKER-HO (compagne de Guy DEBORD), Du jargon... comme « part maudite » de l'histoire 

Ceux qui n'ont pas 4,47 € pour le livre d'A. Becker-Ho peuvent le voler, à la "gitane" ou autrement, ou se faire une idée de ses "vraies recherches" sur le sujet avec le lien donné. Qu'ils jugent sur pièce si ce livre soutient la comparaison, concernant l'argot, avec le genre universitaire, "Trésor de la langue française", que cite le plumitif pécéfixe, sans peur d'une allusion à un lieu commun (science bourgeoise / science prolétarienne), un rien "fané" depuis que son parti a dépassé Jdanov.

L'orthodoxe ne détourne rien. Il contourne et tourne en (rond). Il ne dérive pas, il évite. Dé-forme.

Debord et ses "femmes", s'ils n'ont pas eu "d'enfants", ont assidément freekhanté  les bistrops durant les quarante ans précédant la publication de ce livre par Lebovici ed. (1990). Est-ce au fond d'un bistro qu'ils rencontrent leur pote le gitan, à la gueule toute noire, Tony GATLIF, avant qu'il ne devienne une célébrité ? Parlant de "Rue du départ, l'histoire d'une fugue", celui-ci affirme (1985) : "Ce film, c'est un cri, un cri sur l'amitié. Je l'ai fait pour Guy Debord et Gérard Lebovici."

Ceux qui écrivent dans L'Humanité devraient mieux la lire (- "Le jeu de massacre de Tony GATLIF- "Paroles, paroles" à propos de Paroles de Gitans, recueillies par Alice Becker-Ho, collection Carnets de sagesse, Albin Michel, 59 francs.)

Enfin, bon, dans tout ça, il est vrai que je n'ai pas refait le travail d'Alice Becker-Ho. Je n'ai que lu son livre, comme la plupart de ceux dont je parle. Est-il besoin d'être un expert pour juger de son sérieux comparé à l'extrait du TLF de l'expert du CNRS, tant il est, à charge sur la question, risible. Cela ne fait qu'ajouter au sens* de ma remarque initiale, dont j'ai initialement pensé qu'elle pouvait intéresser un supposé communiste. Pourquoi ?

* sens au demeurant moins éloigné de l'introduction du bistrotier que la sortie du dissident-salarié.

Le jargon, l'argot, ont été inventés dans des conditions que peut d'autant moins connaître la recherche universitaire spécialisée et livresque, de livre en livre (comme disait Montaigne), qu'elle est ignorante des sources orales directes et ne les cherche pas (ce que démontre A. Becker-Ho). Il est assez logique, du haut de son mépris et de sa souveraineté d'Etat, que cette "science" les trouve, ces origines, d'autant plus "obscures" qu'elles viennent des classes dangereuses, qui plus est de certaines origines "ethniques". Est-ce que le PCF leur aurait rendu justice, dans les relations qu'il a entretenu et qu'il entretient encore avec elles ?

S'il est une "vérité révolutionnaire" parmi d'autres, c'est bien l'occultation de celles-ci par la bourgeoisie et ses élites culturelles dévouées. Et la cause en est bien, culture ou pas, science ou pas, de classe. D'où le rapprochement que je faisais avec le black-speach*, les parlers créoles* ou ceux des banlieues, construits historiquement, comme le jargon gitan vers l'argot français, dans les combats pour la liberté des gens d'en bas, des plus-bas, des sans-classes. Si bistro vient, à travers moult déformations, de Russie -est-ce stupide plus que le Poitou de l'expert du CNRS ?-, c'est plus probablement par "les gens du voyage" que par des Cosaques à Paris (anniversaire à fêter le 30 mars, c'est bientôt les 100 jours de... euh... La semaine sainte de... euh... de Villepin ?) ou par le général-en-chef des choeurs de l'Armée rouge sortant de Pleyel pour lever le coude avec le responsable à la culture du parti frère, dans les bistrots dont on peut visiter les vestiges du genre fréquenté par les amis de Robert Hue, à la fin du siècle dernier, aux Champs : Elysées.

* Sur ces deux sujets, un soir de 2002, de 'pensée marxiste' Bd Blanqui, et de débat avec les auteurs du n°89 des Cahiers d'histoire "Les enjeux de la mémoire Esclavage, marronnage, commémorations", j'ai résumé, concernant le jazz, mon hypothèse selon laquelle la musique afro-américaine aux USA est à la musique ce que le créole est au langage parlé, aux Antilles/Caraïbes et en Amérique latine, du fait des conditions différentes de l'exploitation esclavagiste et déjà capitaliste. Cf les références in BIBLIOGRAPHIE DE "JAZZ ET PROBLEMES DES HOMMES"  (tous livres que j'ai lus, sans parler de multiples sources internet nord-américaines, que j'ai traduites, et qui me sont revenues à la lecture de Madame Becker-Ho-Debord, dans sa manière de travailler : sérieusement). Choses bien connues aujourd'hui, qui commencent à percer en France relativement aux paroles des blues, negro-spirituals, gospels, et au détournement des paroles d'origine biblique à des fins pratiques de résistance ou de libération, que ce soit pour l'évasion des esclaves ou dans les mouvements des années 60 : double-speak... (Negro Spirituals : Langage et Codes secrets d’évasion des esclaves africains américains)... Watts, Los Angeles 1965, et retour à Debord, Le déclin et la chute de l’économie spectaculaire-marchande. Choses connues, mais d'évidence pas maîtrisées par l'Université, le CNRS, ni par les appointés du PCF...

Les raisons de ce voyage des mots chez les gens du voyage, A. Becker-Ho les éclairent justement, en jetant un pavé dans le marais de la recherche linguistique à la française, européenne, et au-delà. Mais l'on sait le respect que voue l'aristocratie du parti à la culture... qui n'est  "ni bourgeoise ni prolétarienne" : et mon cul, il est rouge ?

S'il existe une "vérité révolutionnaire", puisque la motivation de cette sortie de l'homme au doigt de glace n'est en rien l'origine du mot bistrot, c'est bien d'abord le dépit et l'aigreur d'un porte-plume du PCF devant sa propre ignorance de toute théorisation communiste. C'est pourquoi, ayant "la flemme de remonter le fil" de son histoire même, en s'appuyant sur de "vraies recherches", et ne pouvant en piper* mot, ce specimen du landerneau préfère parler d'autre chose, pour juger qui est "con", "narcissique", et "arrogant". On a l'arrogance qu'on peut. Et l'élégance avec. Poil au bec**.

* PIPER, viendrait du latin PIPARE. L'action de PIPARE = PIPATIO, est un mot d'origine osque (latin ancien) = lamentations [sic : au pied des murs, ceci n'est pas une pipe]

** BÊCHER : avoir une attitude méprisante, distante, hautaine, vaniteuse (synonyme argotique : en installer); a donné BÊCHEUR : prétentieux, aussi avocat général / besh° : être assis, en selle, établi, installé, trôner / borobeshemeskeguero (romany) : judge (great-sitting-fellow) / besti (calo) : trono, silla; bestipen : riqueza / bestiza (fourb.) : tavola / (BECKER-HO, femme Debord, id. p. 60)

Ce qui est méprisable mérite le mépris... (« brutal [...] sous réserve de vraies recherches »)

* 16 mars

Précarisé ou non, le travail, c'est l'exploitation. La politisation c'est l'enlisement.

J'ai reçu aujourd'hui un tract de la CFDT pour les manifestations de samedi, dont le titre est "Un seul mot d'ordre : retrait du CPE". Derrière l'idée qu'il serait nécessaire de créer l'unité dans l'élargissement susceptible d'aboutir "à la victoire" que traduirait ledit retrait*, on sent monter au sein du mouvement tout ce qui peut le cantonner à cette limite, avant qu'il ne puisse poser des questions plus profondes, et la préparation par les partis de la sortie de la crise politique qui menace (cf les effets d'annonce politiciens de la gauche en général et du PS en particulier, avec son recours au Conseil constitutionnel, et ses solutions de secours du même genre) : tout ça ne doit pas aller trop loin ! La gauche préfèrera voler au secours de ce gouvernement, en lui facilitant le retrait, pour se donner le temps de préparer dans le calme son retour aux affaires, et alors qu'elle n'a pas davantage de solutions "contre le chômage". Quand Monsieur de Villepin a sorti sa proposition de stages de formations payés à ceux qui seraient licenciés sur la base de ce CPE, je n'ai pu m'empêcher de penser au génie de Paul Boccara, inventeur pour le PCF du système de sécurité emploi-formation...

* On entend comme un écho annoncé de la "victoire du non" et des illusions qu'aura pu entretenir autour d'elle la gauche radicale.

Alors que nous assistons, sauf erreur, au premier mouvement massif sur le thème explicite de la précarisation du travail, contre une loi qui l'aggrave de façon plus directe, plus brutale et plus visible, que les dispositifs mis en place depuis une vingtaine d'année,  tout en garantissant aux patrons une meilleure flexibilité (la fluidité, la disponibilité et le moindre coût de la force de travail globale étant les véritables objectifs), la classe politique trouve l'occasion de relayer les syndicats dans un jeu désormais classique où chacun suit sa partition. Il leur faut ensemble canaliser le mouvement revendicatif dans son caractère limité de refus de cette mesure, et pour l'heure rien ne dit qu'ils y échoueront. On comprend mieux le positionnement apparemment remonté de Monsieur Cherèque, interpellant le gouvernement au nom de la paix sociale, comme le jeu interne des partis de droite. La CFDT, privée d'une concertation avant le vote du CPE, échaudée par ses misères internes sur la question des retraites, a le souci de ne pas paraître... en retrait.

On sent bien que le système institutionnel fonctionne globalement pour s'auto-reproduire : le syndicalisme et les partis au pouvoir ou dans l'opposition constituent ensemble, avec les médias, l'Etat contemporain. Les appels du pied surmédiatisés à l'ouverture de négociations émanant de part et d'autre sont à interpréter dans ce sens, y compris si elle n'intervient qu'au lendemain d'un retrait ou d'une suspension. La CGT semble plus soucieuse de contenir le résultat dans ces limites que d'accélérer et de faire monter le niveau qualitatif des luttes, d'où le jeu habile de sa direction pour tracer la suite à travers des initiatives ponctuelles maîtrisées, anticipant sur les risques de débordement (un pas derrière en avant, puis un pas en arrière devant). Elle a aussi retenu la leçon des mouvements précédents.

Bref, le mot d'ordre "retrait du CPE" présente,  un peu comme le "non" au référundum,  les avantages sans les inconvénients de pouvoir cacher ce qu'on défend positivement. Quand deux français sur trois le partagent, on ne court pas grand risque d'apparaître comme irresponsable.

Mais il n'empêche que la tendance générale est à l'auto-organisation de ces luttes, et dans une certaine mesure elle n'est pas maîtrisable, d'où une part d'imprévisible. Ce qui semble manifeste, c'est la confirmation de l'utilisation par ceux qui luttent des représentations syndicales tant qu'elles peuvent participer de l'organisation, et qu'au-delà, ces représentations sont de plus en plus souvent rangées dans le sac institutionnel. L'auto-organisation semble s'être installée comme nouvelle culture des luttes, ce qui ne leur confère pas en soi un contenu particulier, ni  moins revendicatif, ni plus "révolutionnaire".

Dans quelle mesure ces luttes sont-elles de nature à opérer, telles qu'on peut le souhaiter pour un succès immédiat sur cette base (du retrait), des "jonctions" entre les lycéens et étudiants, les chômeurs et les salariés plus ou moins précarisés ? Je crois que se donner comme perspective de ressouder la segmentation profonde du 'corps social', d'une part est impossible dans le contexte de la globalisation capitaliste, d'autre part conduira inévitablement à l'impasse politique, à la politique comme impasse, et ce mouvement en est paradoxalement le terrain privilégié, à la différence des émeutes de novembre qui, n'ayant pas ce caractère revendicatif, n'offraient pas la même prise à une politisation comme "débouché".

Le plus positif, c'est encore la lutte elle-même, et le gouvernement joue gros parce que l'enjeu est double, à la fois "économique" et idéologique :  il lui faut gagner pour le capital la possibilité de généraliser à tout le salariat la précarité et la flexibilité. Il n'est pas écrit que le seul "retrait du CPE" enrayerait durablement cette possibilité, y compris avec la gauche aux manettes gouvernementales, dont les marges face au capital mondialisé ne seraient pas plus larges. La lutte, particulièrement sur ce thème de la précarité/flexibilité, est l'occasion pour ceux qui y participent de comprendre ce qu'ils peuvent en faire, au-delà du retrait d'une mesure qui ne changera pas cette donne : précarisé ou non, le travail c'est l'exploitation plus ou moins efficiente en termes de profits.

Déplacer les enjeux de la lutte, pour lui donner "un prolongement politique", comme le souhaitent les démocrates radicaux, ne constituerait en rien face au capital un progrès qualitatif, au contraire : cela ne fait qu'accentuer le leurre idéologique des solutions d'Etat.

* 15 mars

> CPE : « Ils utilisent le vocabulaire de nos espoirs pour faire passer les pires saloperies » (Tract "Partisan-Voie prolétarienne"). That is the question : s'ils utilisent le "vocabulaire" d'une demande de travail, c'est peut-être qu'il s'y prête. On constate effectivement une unité de référence entre le discours gouvernemental et une certaine façon d'exprimer la revendication, un paradigme commun. C'est le clivage qui traverse en spectre ce mouvement, entre les limites dans lesquelles veulent le contenir les "démocrates radicaux" et ce qu'expriment diversement les volontés de le pousser plus loin.

> "Exploitation et révolution" :  Théorie communiste, 1979, un texte jalon de "notre histoire" (Petite bibliothèque de La matérielle)

> Existentialisme et théorie communiste, quel retour ?

* 14 mars

La joie de la révolution, Ken KNABB*, 1997

* Horrrible pro-situ américain traducteur de Debord...

Extrait : L’effervescence des situations radicales

« Une situation radicale est un réveil collectif. Cela peut aller de la simple réunion de quelques dizaines de personnes dans un quartier ou un atelier à une situation véritablement révolutionnaire qui en entraîne des millions. L’important n’est pas le nombre, mais le débat public et la participation de tous, tendant à dépasser toute limite. L’incident qui se situe à l’origine du Free Speech Movement (FSM, Mouvement pour la liberté de parole) en 1964 en est un exemple classique et particulièrement admirable. Des policiers étaient sur le point d’emmener un activiste pour les droits civiques qu’ils avaient arrêté sur le campus de l’Université à Berkeley. Quelques étudiants se sont assis devant la voiture de police. En quelques minutes des centaines d’autres ont suivi leur exemple, de sorte que la voiture fût encerclée et immobilisée. Pendant 32 heures, on a transformé le toit de la voiture en tribune pour un débat général. L’occupation de la Sorbonne en Mai 1968 a créé une situation encore plus radicale en attirant une grande partie de la population parisienne non-étudiante. Puis l’occupation des usines par les ouvriers dans tout le pays a créé une situation révolutionnaire.

Dans de telles situations, les gens s’ouvrent à de nouvelles perspectives, remettent en question leurs opinions, et commencent à y voir clair dans les escroqueries habituelles. Il arrive tous les jours que quelques personnes vivent des expériences qui les amènent à mettre en question le sens de leur vie. Mais dans une situation radicale, presque tout le monde le fait au même moment. Quand la machine s’immobilise, mêmes les rouages commencent à songer à s’interroger sur leur fonction.

Les patrons sont ridiculisés. Les ordres ne sont pas respectés. Les séparations s’effondrent. Des problèmes individuels se transforment en questions publiques, tandis que des questions publiques qui semblaient lointaines et abstraites deviennent des questions pratiques et immédiates. L’ordre ancien est analysé, critiqué, moqué. Les gens apprennent plus de choses sur la société en une semaine que pendant des années passées à étudier les “sciences sociales” à l’université ou à se faire endoctriner par des campagnes à répétition de sensibilisation progressiste. Des expériences qui ont été longtemps refoulées refont surface. Tout semble possible, et beaucoup de choses le deviennent effectivement. Les gens n’arrivent pas à croire qu’ils ont tant supporté auparavant, “en ce temps-là”. Même si l’issue finale est incertaine, ils considèrent souvent que l’expérience à elle seule vaut déjà la peine d’être vécue. “Pourvu qu’ils nous laissent le temps...” a dit un des graffitistes de Mai 1968, auquel deux autres ont répondu: “En tout cas pas de remords!” et “Déjà 10 jours de bonheur.”

Comme le travail s’arrête, la navette frénétique est remplacée par des promenades sans but, et la consommation passive par la communication active. Des étrangers entrent en conversation animée dans la rue. Les débats ne s’arrêtent jamais, des nouveaux venus remplaçant continuellement ceux qui partent pour se livrer à d’autres activités ou pour essayer de prendre un peu de sommeil, bien qu’ils soient généralement trop excités pour dormir longtemps. Tandis que certains succombent aux démagogues, d’autres commencent à faire leurs propres propositions ou à prendre leurs propres initiatives. Des spectateurs sont attirés dans le tourbillon et connaissent des transformations d’une rapidité étonnante. Un bel exemple observé en Mai 1968: lors de l’occupation de l’Odéon par des foules radicales, le directeur administratif, consterné, se retira au fond de la scène. Mais après quelques minutes de réflexion, il fit quelques pas en avant et s’écria: “Maintenant que vous l’avez pris, gardez-le, ne le rendez jamais, brûlez-le plutôt!”

Certes, tout le monde n’est pas gagné tout de suite. Certains se cachent dans l’attente du reflux du mouvement, pour reprendre leurs possessions ou leurs positions, et se venger. D’autres hésitent, tiraillés entre l’envie et la peur du changement. Une brèche de quelques jours ne suffira peut-être pas pour rompre le conditionnement hiérarchique de toute une vie. L’interruption des habitudes et des routines peut être libératrice, mais elle peut aussi désorienter. Tout se passe si vite qu’il est facile de paniquer. Même si vous avez réussi à garder votre calme, et même si ça peut paraître évident après coup, il n’est pas facile sur le moment de saisir tous les facteurs essentiels, et de les saisir assez vite pour prendre les bonnes décisions. Une des principales ambitions de ce texte est d’indiquer certains scénarios courants, pour que les gens soient prêts à reconnaître les occasions qui se présentent et à en profiter quand il en est encore temps.

Les situations radicales sont ces moments rares où le changement qualitatif devient vraiment possible. Bien loin d’être anormales, elles laissent voir à quel point nous sommes, la plupart du temps, anormalement refoulés. À la lumière de celles-ci, notre vie “normale” ressemble au somnambulisme. Pourtant, parmi les nombreux livres qui ont été écrits sur les révolutions, il y en a peu qui ont vraiment quelque chose à dire sur de tels moments. Ceux qui traitent des révoltes modernes les plus radicales se limitent généralement à la seule description. S’ils évoquent parfois ce qu’on ressent à l’occasion de telles expériences, ils n’apportent rien quant aux tactiques à adopter. La plupart des études sur les révolutions bourgeoises ou bureaucratiques ont encore moins de pertinence. Dans ces révolutions, où les “masses” n’ont joué qu’un rôle secondaire en tant que forces d’appui pour une direction ou pour une autre, on peut, dans une large mesure, analyser leur mouvements comme ceux de masses physiques, en utilisant les métaphores familières du flux et du reflux de la marée, de l’oscillation du pendule entre la radicalité et la réaction, etc. Mais une révolution antihiérarchique exige que les gens cessent d’être des masses homogènes et manipulables, qu’ils dépassent la servilité et l’inconscience qui les rendent objets de telles prévisions mécanistes. »

Du même KNABB, pour un pauvre diable de ma connaissance, Georges BRASSENS et la “renaissance” de la chanson française, et pour toussétoutes, Autres textes en français

* 13 mars

> La démocratie, ou la force ?

« Au cours de la lutte, on va progressivement abandonner les formes démocratiques non pas par nécessité idéologique (le citoyennisme démocratique est l’idéologie spontanée de la plupart des prolétaires en lutte) mais par nécessité : les formes démocratiques, le vote, la représentation sont des dispositifs puissants de pacification et leur adoption signifie la neutralisation de la lutte, c’est donc au bout d’un moment une question de survie pour la lutte que de remettre la « démocratie » en cause.» DENIS, Marseille en mars

Aurions-nous le moindre état d'âme avec ceux qui, conspuant Sarkozy, utilisent ou sont prêts, au nom de la démocratie, à utiliser les mêmes méthodes, fondées sur le même rapport entre individu et communauté -société civile-, mêmes méthodes d'Etat ou aspirant à le devenir ? L'histoire n'est que celle des rapports de forces, sociales, physiques, psychologiques... d'où le rôle qu'y tient dans ces ordres mêlés la violence. La démocratie n'est que l'habit dont se drape et la bile où se coule toute puissance réelle. Le sachant, deux questions : "Que se passe-t-il ?" "Quelle stratégie ?"

Mais que les faibles, d'"en haut" ou d'"en bas", nous épargnent la prétendue force de leur supposée démocratie.

> Fugace

Les empreintes du quotidien sont fugaces, il s'agit de les saisir à temps, tant qu'elles sont opportunément signifiantes (d'oiseaux), en situation, qu'elles laissent ou non de traces, celles-ci ne s'imposant qu'inoubliables. Ainsi en va-t-il, parfois, de choses pourtant essentielles, gravées puis noyées dans la boue, mâle au net, où nous les coulons plutôt que de vouloir les boire en face. C'est la forme en mouvement d'un contenu en continu, qui s'efface : fugace. Vous avez dit subliminal ?

Certes, foin de LA vérité, mais bien malheureux qui craint la sienne propre, quand ses petits mensonges cumulés se proposent d'interroger les signes "annonciateurs d'un grand mouvement".

Le langage nous poursuit, nous piège, le vôtre, le mien... dont on habille le rôle qu'on se donne : syntaxe, ponctuation, grasses couleurs et majuscules, orthographe, smileys, idéaux, idées basses... La plus belle espagnole ne nous fait pas danser, quand elle tombe, vulgaire, dans sa plus jolie robe (ramassée à la petite cuillère par l.c.r., loulou le petit, maître es-balayage : cher trostkiste, vous avez dit "procédés staliniens" ?). Consensus est là.

Chez les faux-culs, tous ensemble se soulagent virtuellement, en petits maîtres de la technique et par une censure toute pratique (on dit aujourd'hui pragmatique), d'oublier ce qu'ils effacent : à chacun le champ de son pouvoir = son impuissance. Qui n'a que la moraline connaît le feu de son enfer, et l'emporte de boue, en son paradis pécéleste ou LCReste, leur bout commun trop humain. Dormez bien, brèves gens. Les partis sont faits pour vous. Les rêves non.

Pour information, Bistro n'est pas russe, mais gitan, petite différence qui ne pouvait qu'échapper à un coco national'nostalgique, dont les références culturelles ultimes ne peuvent être, conséquemment, que bourgeoises :

BISTRE, BISTRO(T), BISTRAL, BISTROQUET : débit de boisson (certains lui donnent pour origine la brève occupation russe de 1814; mais le mot n'est attesté que soixante-dix ans plus tard)
bistr°, bistrau : oublier [sic]
bistarben : oubli, distraction [resic]
Alice BECKER-HO, Femme Debord, Les Princes du Jargon, Gallimard, 1993 (Folio, page 61).

> Ceci n'est pas une marchandise ?

Pour sauver Debord, d'abord, d'un potlatch à valeurs commerciale et spectaculaire ajoutées, télécharger ses Oeuvres cinématographiques complètes me paraît plus conséquemment respectueux que les acheter, pour autant qu'il soit  vrai, n'en déplaise aux tartuffes défenseurs du droit d'auteur et autre copyleft, que pour être détournée, la (contre-) culture dusse commencer par être gratuite. D'un ami donc : Debord vivant.

Amicalement à Stan, et Alice, in Wonderlands !

* 12 mars

Quelques commentaires  de Jacques WAJNSZTEJN (Temps critiques) sur l'évolution de mes positions...

* 11 mars

Sorbonnard sort cousu, Sarkozy et cocochons

Quand on juge bon d'occuper un symbole conchié, c'est qu'on pisse pas plus loin que désirer le même. Une aspirante avant-garde parisienne du mouvement anti-CPE s'y réfugie médiatiquement : voilà qui révèle, de ce mouvement, ce qu'il est et n'est pas. En réalité, la plupart veulent un bon travail, une bonne télé, et sortis de Sorbonne un bon sort. Résultat : ils auront commencé par avoir une bonne police, prenant soin des enfants pas perdus > sous le signe de la perte

Encore un effort pour ne pas répéter 68 en farce de l'histoire (pour privilèges bien moyens de classes plus que moyennes). Quant aux cocommentaires de la post-académie néo-stalinienne, ils sont savoureux dans leur décalage kitch. C'est 68 au musée d'Orsay.

Tout est à eux, la Sorbonne aussi.

* 10 mars

Black, brown and white *, ou que vaut un poète qui ne sait plus dire "non" ?

"If you was white, should be all right,
if you was brown, stick around,
but as you's black, hmm brother, get back, get back, get back"

Triste journée pour nos frères et soeurs "noir-e-s" : mieux vaut ne pas se confier au bon Dieudonné**, ni au "poète" officiel de la négritude***, Aimé Césaire, passé du rejet de Maurice Thorez à l'acceptation de "Laurent Sarkozy". A tout prendre, on peut mesurer l'écart, dans la relation du colonisé à Lafrance d'Etat, depuis les relations entre Senghor et Pompidou, le "socialiste" Sénégalais s'étant montré plus "black" (et pour cause, africaine) que le "communiste" Antillais, et en bien des écrits plus "marxiste" (lire la compilation Léopold Sédar Senghor et la revue Présence Africaine, 1996, publiée à l'occasion de ses 90 ans). Décadence symétrique de la bourgeoisie française et de ses bien-aimants colonisés.

Combien, aux Antilles, vivront cette rencontre comme une "trahison", je ne le mesure pas, tant Césaire n'y est plus qu'une icône, une figure de musée grévin créolisée sous toiles d'"a régné". Le "poète" a vieilli, rejeté de longue date par ses meilleurs héritiers (Confiant, Glissant...). La boucle est bouclée. Elle est n'est ni noire ni blanche. C'est le ruban de Moebius d'une position identitaire, la rencontre par hasard médiatique, un 10 mars 2006, de la négritude molle de classe chez son dernier prophète, sur les genoux de sa nullité en miroir chez l'amuseur public des "Nègres qui veulent le rester" (Césaire Nègre je suis, Nègre je resterai). Après tout, on ne peut s'étonner que celui qui veut rester nègre émette ce point de vue sur le petit Bonaparte de la Vème répugnante :  "On sent en lui une force, une volonté mais c'est sur cette base-là que nous le jugerons".

Nègres de tous les pays, enchaînez-vous. Indigènes de tous les pays, ramassez-vous à la pelle

* Big Bill Broonzy 79 songs  >  Black, Brown And White (Version 1)

** Nougaro sur un thème de Sonny Rollins dédié à son île, Saint-Thomas : A tes seins  / l'humoriste Dieudonné condamné ce jour pour 'antisémistisme, incitation à la haine raciale' [sic] Voir HOMME DONNÉ, DIEUX VOLÉS, CLASSE PERDUE

*** Personnellement, je n'ai jamais trouvé, dans la poésie empoulée de Césaire, ni le souffle ni le rythme africain de quelques poèmes de Senghor, et à ces deux célèbrissimes j'ai toujours préféré le troisième héros de la négritude, Léon Gontran DAMAS. Il est des nuits, 1937

Black-Label (extraits)
1
ET BLACK-LABEL
pour ne pas changer
Black-Label à boire
à quoi bon changer
SUR LA TERRE DES PARIAS
un premier homme vint
sur la Terre des Parias
un second homme vint
sur la Terre des Parias
un troisième homme vint
Depuis
Trois fleuves
trois fleuves coulent
trois fleuves coulent dans mes veines
BLACK-LABEL A BOIRE
pour ne pas changer
Black-Label à boire
à quoi bon changer
A DES MILLES ET DES MILLES 
en Paris Paris Paris
Paris -- l'Exil
mon coeur maintient en vie
le regret double
du tout premier éveil à la beauté du monde
et du premier Nègre mort à la ligne
mort sur la ligne
qui mène encore
aux Isles de l'Aventure
aux Isles à la Dérive
aux Isles de la Flibuste
aux Isles de la Boucane
aux Isles de la Tortue
aux Isles à Nègreries
aux Isles à Sucreries
aux Isles de la Mort-Vive
(...) 
 
Désires comprimés
Les cris de joie feinte
d’autres diraient de rage
que tu poussais à perdre haleine
à la toute dernière fessée reçue pour t’être
sous le regard acerbe de ta mère offusquée
et à la gêne polie de tous
farfouillé le nez
d’un doigt preste et chanceux
au goûter de Madame-La-Directrice-de-l’Ecole-des-Filles

- JE SUIS NE
disais-tu
tout au bout du Monde
LA-BAS
entre la montagne-des-tigres
et le Fort-Cépérou qui regarde la Mer dîner de soleil
de palétuviers et d’algues
à l’heure où la nuit tombe
sans crier gare au Crépuscule

* 9 mars

La peur des prolos, le choc des SO ?

Suite du 7 mars (voir Manifester : le poids des mots, ou le show des sonos ?) : un ami m'informe d'une situation toulousaine d'une autre tournure que mes vains emportements contre les mégalophones syndicaux (mon fils et moi n'étions que seuls au moment où nous protestions, ironisions, déridions et riions dans la manif parisienne... et nous n'y étions qu'ions, comme pressés de nous y sentir cons, en la circonstance. Nous avons néanmoins pu constater, en discutant alentours, que le volume des sonos en exaspérait plus d'un-e, bien que fort peu manifestassent de désaccord avec les mots d'ordre imposés à force décibels. Mon fils n'a certes rien capté encore, dedits désaccords, mais il a bien saisi en son corps l'essentiel poéticocommunisateur, "la forme comme contenu" : mon fils, comme la plupart des enfants, est un héraclito-nietzschéen, tendance Tchouang-Tseu, qui s'ignore et dont j'honore la mé-connaissance, en ce qu'elle manifeste le "geste de l'enfance" que Picasso a cherché toute sa vie à (re)trouver, un truc plus asiatique/africain qu'euro-américain)

Dans le tract de la CNT-AIT de Toulouse, que cet ami me transmet, et en relation avec le débat auto-organisation--autonomie initié par Meeting, je souligne des passages témoignant de "l'auto-organisation des luttes" (voir plus bas Marseille en mars, 7 mars). Si ses limites sont, selon Théorie communiste, celles de l'autonomie prolétarienne comme classe du capital, et donc les limites même du capital, on voit ici qu'elles sont d'abord médiées par des représentants (institutionnels ou militants) d'une partie du prolétariat, celle qui se définit encore par le travail, et non par le précariat, selon la tendance actuelle du prolétariat, théorisée par TC/R. Simon, à réaliser sa définition essentielle pour Marx : est prolétaire celui qui n'a pour vivre que vendre sa force de travail, ce qui ne définit pas le salariat, mais la disponibilité du "travailleur libre" à se faire exploiter par "l'homme aux écus" (Le capital I...). Le sans-travail aujourd'hui est prolétaire de la société comme capital objectivé, réifié* comme totalité, réelisé, raelienlissé par l'insignifiant Houellebecq (subordination réelle en tendance absolue dans ce "cycle de luttes" selon Théorie communiste, dénoncée comme spectacle par Debord/IS; pour Temps critiques la société capitalisée). Tout individu appartient au capital avant même de travailler : l'étudiant anti-CPE ou pas (on nuancera, pour la "classe de l'encadrement" d'Alain BIHR...), l'émeutier des banlieues, sont prolétaires au pied (sic) de la lettre, ni lumpen-prolo du temps de Marx - ennemi potentiel du prolétariat des travailleurs en subordination formelle - ni "petits-bourgeois" singeant mai 68. D'où des approches opposées et incompatibles, dans les luttes, pour répondre à la segmentation du salariat dans la précarisation généralisée et globalisée mondialement (cf Roland SIMON Ballade en novembre : du monde au quartier un même modèle).

* « De quoi t'occupes-tu au juste? Je ne sais pas bien, lui demande un jour Carole, visiblement séduite. - De la réification, répondit Gilles. - Je vois, observa Carole, admirative. C'est un travail sérieux, avec de gros livres et beaucoup de papiers sur une grande table. - Non, dit Gilles, je me promène. Principalement je me promène.» Michèle BERNSTEIN, Tous les chevaux du roi, 1960

La question est donc plus fondamentale que celle posée par la CNT, mettant en cause (certes ici à raison) les méchants syndicats, car ceux-ci ne font qu'aller au bout (quelle boue !) de leur existence historique comme instruments revendicatifs des salariés, dans le cadre de leur exploitation, quand l'objectif de déplacer le curseur de la plus-value est présenté comme nec plus ultra "anti-capitaliste" (voir "Anticapitalisme" pour les nuls, et autres supposés savoir)

Le syndicalisme, mais aussi la politique, étaient déjà, par nature de la démocratie bourgeoise républicaine et nationale (ver réformiste dans le fruit révolutionaire), mais sont encore plus et de façon nouvelle, dans la période ouverte, virtuellement contre-révolutionnaires (aux sens propres des mots révolution, abolition, communisme). En ce sens la CNT-Toulouse a raison d'affirmer "l'illégitimité" tendancielle des syndicats. La question vaut pour les partis, fussent-ils "anarchistes", et pour la CNT elle-même, avec tout le respect...

Dans la situation décrite à Toulouse, cette virtualité se révèle comme réalité... mais réalité seulement potentielle dans la mesure où cette situation n'est pas révolutionnaire. C'est un épisode à lire comme annonce : un prolétaire annoncé vaut l'infini de sa négation.

Dans les manifestations du 7 mars, il était audible, mais aussi visible sur les banderolles collectives et panneaux individuels, que le mot d'ordre commun "Retrait du CPE", malgré sa justesse immédiate, masquait aussi de profonds clivages quant aux motivations, aux objectifs revendicatifs ou non, et aux arrières-pensées politiques.

C'est en substance un choix, pour autant que le capital nous en laisse : abolir le chômage (la gauche radicale et le 'marxisme' du mouvement ouvrier) ou abolir le travail (Marx et les révolutionnaires).

Tract CNT-AIT : Agression de jeunes chômeurs par le SO des syndicats
A Toulouse des jeunes chômeurs et chômeuses sont violemment pris à parti parce qu'ils ne voulaient pas que le camion sono de la CGT les inonde de slogan pro-travail, et de musique plan plan. La coordination des services d'ordres de la CGT-FSU-SUD-FIDL-SO étudiants-LCR se sont fait remarquer par leur capacité à frapper des jeunes filles.
Bilan : une mère de famille agressée, une crise d'asthme d'une jeune, un homme d'une soixantaine d'année mis à terre et frappé au visage par un prof de la FSU. Depuis l'assassinat d'Isabelle Ferron par un permanent de SUD nous savons que les syndicalistes sont prêts à tout pour empêcher des précaires de s'auto-organiser, mais la nouveauté c'est que la coalition syndicale n'a jamais réussi à faire reculer ces jeunes gens trés déterminés. Le camion sono n'a jamais réussi à passer devant.
Excédés depuis le début les syndicalistes ont eu des propos contre les chômeurs et les ont traités d'inactifs ou encore leur ont interdit de manifester. Si on met en parallèle l'occupation de la mairie par des intermittents en rupture avec la CGT spectacle, et de plusieurs centaines de lycéens et étudiants refusant la représentation syndicale ; on s'aperçoit qu'un mouvement autonome spontané se met en
place. Le refus de la représentation est le préalable à un mouvement sociale de grande ampleur.
Déjà personna non grata dans les cités, les syndicats petits à petits n'ont plus aucune légitimité.»
La suite du débat sur Indymédia Toulouse.

Autant il convient d'en finir avec la critique du travail, autant tout commencera par le refus du travail.

* 8 mars

Journée des femmes

« brigitte trouve heinz repoussant, entre autre, avec son gros corps blême d'électricien, qui s'appelle également heinz. d'un autre côté, elle se réjouit, se réjouit à mort de l'avoir, parce qu'il est son avenir. et vous, vous avez un avenir ? faites une phrase complète : mon avenir s'appelle eddy. et tous ses sentiments, brigitte doit les produire seule, par sa seule force musculaire. sans assistance technique. rien d'étonnant qu'elle soit surmenée. heinz utilise sa force musculaire pour bâtir sa carrière. en plus, heinz en a là-dedans. brigitte ne croit pas sa force musculaire à même de lui bâtir une carrière, brigitte est juste capable de produire de l'amour.

je t'aime tant. qu'est-ce que mon travail à l'usine, comparé à ce sentiment d'amour ? rien ! il disparaît et seul demeure le sentiment d'amour. heinz, c'est l'amour. mes cheveux brillent au soleil comme de beaux marrons polis ; l'amour nous est tombé dessus, tout d'un coup, heinz, qui aurait pu l'imaginer ? tu t'occuperas de moi et me récompenseras, me dédommageras de mon amour n'est-ce pas heinz ? car je t'aime tant.  heinz s'amuse, brigitte pas. heinz s'amuse, bien qu'il ne comprenne pas la plaisanterie. brigitte n'en retire rien, à part un vague espoir. mais brigitte a un vagin. dont elle fait usage. avidement le vagin de brigitte happe le jeune entrepreneur. entre heinz et brigitte l'union des corps suit son cours. brigitte dit, avec toi, c'est si bien qu'on voudrait mourir. heinz est très fier de cette phrase, il la répète sans arrêt dans son cercle d'amis. » Elfriede JELINEK, Les amantes, 1975

« Mais parlons des mythes de l'amour produits par les hommes et que nous connaissons bien. Depuis des siècles l'homme s'est approprié le travail de l'amour des femmes, l'a transformé en poèmes d'amour, tandis que le prolétaire de la relation, la femme, ne disposant que du métalangage, écrit sur l'amour dans le langage-objet. Seuls les plus grands écrivains ont percé ce problème à jour (Flaubert!) et se sont catapultés dans le rôle du prolétaire de l'amour, parce que l'opprimé dit mieux la vérité que l'oppresseur. » E. JELINEK, Entretien avec Yasmin HOFFMAN, Vienne janvier 1991, dans Lust, p.279, Jacqueline Chambon, Point 1996

« Comme ils aimaient cette bonne chambre pleine de gaieté, malgré sa splendeur un peu fanée ! Ils retrouvaient toujours les meubles à leur place, et parfois des épingles à cheveux qu'elle avait oubliées, l'autre jeudi, sous le socle de la pendule. Ils déjeunaient au coin du feu, sur un petit guéridon incrusté de palissandre. Emma découpait, lui mettait les morceaux dans son assiette, en débitant toutes sortes de chatteries; et elle riait d'un rire sonore et libertin quand la mousse du vin de champagne débordait du verre léger sur les bagues de ses doigts. Ils étaient si complètement perdus en la possession d'eux-mêmes, qu'ils se croyaient là dans leur maison particulière, et devant y vivre jusqu'à la mort, comme deux éternels jeunes époux. Ils disaient « notre chambre, notre tapis, nos fauteuils », même elle disait « mes pantoufles », un cadeau de Léon, une fantaisie qu'elle avait eue. C'étaient des pantoufles en satin rose, bordée de cygnes. Quand elle s'asseyait, sa jambe, alors trop courte, pendait en l'air; et la mignarde chaussure, qui n'avait pas de quartier, tenait seulement par les orteils à son pied nu. » Madame Bovary, Gustave FLAUBERT, 1856

* 7 mars

> Marseille en mars 

Intervention de DENIS dans le cadre de la discussion organisée par Meeting sur le thème de l'auto-organisation. Indépendamment du débat de fond sur auto-organisation des luttes - auto-organisation du prolétariat comme sujet (de son autonomie face au capital), je note plusieurs points intéressants dans sa critique de l'approche de Roland SIMON (dans le texte prétexte à cette réunion) : la distinction entre l'auto-organisation aujourd'hui et la connotation de l'ultra-gauche ou de l'autonomie des années 70 ; la distinction entre pratique et forme (relativement à contenu), à partir de différenciations au sein de ce qui est auto-organisé dans les luttes actuelles ("rapport") ; enfin le démarquage par rapport à l'idée (de Théorie communiste) que cette caractéristique des luttes actuelles devrait faire plus que toute autre l'objet de la critique théorique communiste, qui rejoint une de mes remarques dans ce débat, auquel je reprochais d'être excessivement focalisé sur la problématique de Théorie communiste, comme Meeting d'une manière générale (voir mes interventions in POUR LE "COMMUNISME" Interventions 2006).

Au fond, on touche sans le dire aux critiques majeures de Christian CHARRIER dans ses derniers textes sur La Matérielle, relativement à l' "hypostase du prolétariat", c'est-à-dire à un point clef de la crise actuelle de toute théorisation communiste. On y touche en le disant, quand on met en cause le caractère "auto-référentiel", la tendance au syllogisme, de Théorie communiste. Entre ce qui est dit et ce qui ne l'est pas, il y a tout ce qui fait qu'on ne peut être à la fois dans et hors d'une modélisation théorique à tendance systémique, qui ne peut se déconstruire de l'intérieur, par bouts, selon qu'on les conserve ou non (ou alors il faut le préciser pour l'ensemble de la théorie, ce qui n'en construit pas une autre).

Cela ne justifie pas davantage à mes yeux, quittant le paradigme prolétarien de la révolution, de basculer dans le paradigme humain (Temps critiques et "la révolution à titre humain"). Je pense qu'il y a de part et d'autre un déficit dialectique d'articulation des niveaux de généralités, tel que Bertell Ollman les décrit chez Marx (cf Ceci pourrait être un voeu de bonne santé).

> Ali Farka Touré, Bluesman des sources n’est plus

Mali-Music / Discographie

> Manifestations contre le CPE

La pluie, le nombre et la jeunesse à Paris. Prix Patlotch des meilleurs mots d'ordre : Contrat Nouveaux Emmerdes, Contrat Pour Esclaves, Contrat Pour Exploiter, Contrat Première Embûche... (ce sont en quelque sorte des détournements : qui n'est pas aujourd'hui situationniste ?)

Faire grève

Aujourd'hui, l'occasion de faire grève m'est offerte, par un mot d'ordre général, mais non relayé où je travaille (la palme aux palmés locaux réunis, CGT-CFDT-FO, qui appelaient à manifester "sur dispenses syndicales", ce qui généralement aboutit à une trentaine sur trois mille, soit 10% des syndiqués). Je la saisis car ce n'est pas une grève en tant que 'fonctionnaire', ni même que 'salarié'. Bien que ce soit encore pour le demeurer, en exigeant un bon contrat d'exploitation (qu'est d'autre un contrat de travail ?), c'est un appel fondé sur la communauté de condition de prolétaires, avec ou sans travail... Je ne suis pas apologiste de la grève, ni par principe de telle ou telle pratique de luttes, mais ici, il y a clairement une différence, où l'on peut lire l'état marécageux du syndicalisme d'Etat enlisé dans le corporatisme et le catégoriel  : à tel point que leurs collègues précaires (de la Fonction publique) ne valent pas une grève des fonctionnaires ?

Manifester : le poids des mots, ou le show des sonos ?

J'ai déjà eu l'occasion de dire que je ne supportais plus les sonos surpuissantes qui privent les manifestants de toute initiative quant aux mots d'ordre, et qui se révèlent des instruments de manipulation dans les mains des porte-voix bureaucratiques de toutes obédiences en camions, y compris anarchistes*. Pas la peine de descendre dans la rue si l'on doit s'y retrouver privé de parole comme devant la télé, ou rivé à ce qui est programmé d'avance. Mon gosse (en CE pas encore P) a jugé d'emblée qu'on ne pouvait pas, à proprement parler, appeler ça "manifester", parce que pour lui, cela signifie "crier ce qu'on veut", donnant l'exemple de sa classe, quand elle manifeste contre les "grands".

Prix Patlotch du plus nul des mégalophones : Ne touchez pas à notre Droit du travail...

* 6 mars

« Je déteste le public. J'entends par public la masse en général. Quand cette masse va au théâtre, elle ne veut rien savoir de ce que je fais, elle veut seulement voir son Acteur avec un grand A. Elle ne veut ni entendre ni recevoir mes mots, mes phrases. La poésie ou la profondeur ne l'intéresse pas, et cela je le ressens très fortement. » Thomas BERNHARD, Maîtres anciens, cité par Gemma SALEM, Thomas BERNHARD et les siens, 1993

Choix de citations de Thomas BERNHARD, dont je retiens celle-ci, en écho à l'homme sans ambitions :

« [...] les voyages autour du monde, une fois qu'on les regarde de plus près, ne valent pas beaucoup plus qu'une promenade au Prater.» [Nota : à Vienne, le Prater est une sorte de parc d'attractions] Les Mange-pas-cher, trad. Claude Porcell, p.99, Gallimard/nrf, 2005

* 5 mars

> Sur la théorie, Notes de travail de Christian CHARRIER

> "Portrait de l'artiste en travailleur / Métamorphoses du capitalisme" Pierre-Michel MENGER, Seuil, 2002

Ce livre ne parle pas de l'art et assez peu des artistes, mais il est utile à qui penserait que la profession d'artiste porte (encore) la moindre vertu subversive contre le capital. L'évolution de la situation sociale des professions 'artistiques' a dépassé tout ce que pouvaient en craindre les situationnistes dans les années 50.

Texte de présentation de 4° de couverture

Le temps n'est plus aux représentations héritées du XIXe siècle, qui opposaient l'idéalisme sacrificiel de l'artiste et le matérialisme calculateur du travail, ou encore la figure du créateur, original, provocateur et insoumis, et celle du bourgeois soucieux de la stabilité des normes et des arrangements sociaux. Dans les représentations actuelles, l'artiste voisine avec une incarnation possible du travailleur du futur, avec la figure du professionnel inventif, mobile, indocile aux hiérarchies, intrinsèquement motivé, pris dans une économie de l'incertain, et plus exposé aux risques de concurrence interindividuelle et aux nouvelles insécurités des trajectoires professionnelles. Comme si, au plus près et au plus loin de la révolution permanente des rapports de production prophétisée par Marx, l'art était devenu un principe de fermentation du capitalisme. Comme si l'artiste lui-même exprimait à présent, avec toutes ses ambivalences, un idéal possible du travail qualifié à forte valeur ajoutée.

Table des matières
Introduction
Chapitre premier
Les arts et l'économie capitaliste
La création artistique : modèle ou contre-modèle ?
L'art, vérité utopique de l'homme
L'art, agent de la protestation contre le capitalisme
L'art, dissolvant du capitalisme
L'art, un continent modèle pour le principe d'innovation
Un travail spécialisé mais curieusement divisé
Créativité et progrès

Chapitre II
Les inégalités comme volonté et comme représentation
La double hélice des inégalités spectaculaires
La manufacture des inégalités légitimables
Les fondements des inégalités légitimables
La loterie professionnelle et les arguments non monétaires de la vie d'artiste
Démocratie du génie : l'individu comme capital admirable

Chapitre III
Les arts: laboratoire de la flexibilité
Flexibilité du travail, variété des talents et sous-emploi
L'apothéose du professionnel
Généralisation et fragmentation du salariat
Les habits neufs de l'indépendance et l'hybridation des statuts d'activité
Continuum des qualités et concurrence monopolistique des travailleurs qualifiés
Le nouveau monde du travail

CONCLUSION
ANNEXE
L'évolution du marché du travail dans les arts du spectacle: 1987-2000
Pierre Michel Menger est sociologue, directeur de recherche au CNRS et directeur d'études a l'EHESS. Il a notamment publié Le Paradoxe du musicien (Flammarion, 1983; réédité chez L'Harmattan, 2001), et La Profession de comédien (La Documentation française, 1998).

Lecture par Yann MOULIER-BOUTANG : des remarques intéressantes sur les limites de cette approche sociologique, mais in fine pour rabattre le problème sur les problématiques néo-opéraïstes, le revenu garanti en tête, le projet de "tirer l'Etat-providence de sa crise", etc.

* 28 février

> Dépasser Debord et ses critiques (post-)prolétariennes, 5 textes du 12 au 28 février

> CD rayé* (Robert KURZ, "Moudjahidine de la valeur, Des bombes pour défendre le fétiche de la marchandise ; la gauche éclairée au dernier stade de la raison bourgeoise", octobre 2001)

« [...] Le modèle de cette interprétation idéologique du monde partagé à la fois par la gauche éclairée et la raison démocratique officielle, modèle usé jusqu'à l'insupportable, consiste à répéter toujours à nouveau [Immer wieder renversant le slogan anti-nazi d'après-guerre Nie wieder -Plus jamais ça !], comme un CD rayé*, la constellation de la Seconde guerre mondiale. La chose est facile à expliquer. Contrairement à la Première querre mondiale, au cours de laquelle les Etats brigands de l'anticivilisaion bourgeoise se sont livrés à une effroyable concurrence dans la boucherie sanguinaire, la lutte contre le sinistre empire des nazis fut le premier et unique cas où prendre position à l'intérieur de la concurrence capitaliste eut simultanément pour effet de mettre temporairement un frein à la pulsion de mort inhérente à la socialisation par la valeur. Ce fut la seule situation où il était nécessaire de lutter avec le capitalisme afin de sauver la simple possibilité de l'émancipation.

* R. KURZ confond les effets d'un CD rayé avec ceux d'un disque noir. Le premier ne se répète pas en boucle... comme quoi il ne suffit pas de recycler le moderne détérioré pour comprendre le "post-moderne", ce que R. Kurz pratique pour des considérations de plus d'importance.

La raison bourgeoise, quant à elle, ne pouvait avoir conscience ni de cette constellation ni de sa singularité. Elle transforma idéologiquement les nazis en une monstruosité étrangère, irrationnelle et non capitaliste, ce qui fit apparaître par contraste « l'économie de marché et la démocratie » comme l'empire du bien dans la tradition des Lumières. Ce modèle a été utilisé pour légitimer tous les grands conflits ultérieurs. Dans la conscience bourgeoise l'histoire après 1945 se présente comme une farce toujours plus pitoyable après la tragédie; il ne s'agissait plus que de définir l'« Empire du Mal » extérieur à la démocratie et à la raison.

Dès lors que le bloc capitaliste d'Etat ne peut plus assurer ce rôle (puisqu'il a disparu), ce sont, dans la crise mondiale qui progresse depuis le début des années 1990, des figures toujours plus improbables qui ont endossé l'habit de Hitler pour légitimer le monde démocratique : d'abord, avec Sadam Hussein, un dictateur désarmé de la modernisation; ensuite, avec Milosevic, le potentat de crise typique d'une économie nationale en décomposition; avec Oussama Ben Laden, enfin, une figure mythifiée des structures de bandes et de sectes postpolitiques propres à la société-monde fondée, de façon purement négative, sur la valeur.

Si, dans la constellation réelle de la Seconde guerre mondiale, la pensée bourgeoise était déjà incapable de comprendre que les nazis étaient les légitimes descendants de sa propre raison, elle doit, face à des répétitions qui restent purement illusoire, comparer l'incomparable de façon toujours plus forcée et ainsi relativiser les crimes commis par le national-socialisme.

L'ethnonationalisme et le fanatisme religieux dans les régions socio-économiquement ravagées par le marché mondial ne sont pas la même chose que la vision antisémite du monde et la théorie raciale des nazis; les sociétés d'effondrement disloquées de la périphérie ne présentent pas les mêmes bases que la société mise au pas [Gleichschaltung des nazis en Allemagne] d'une puissance du centre capitaliste aspirant à la domination mondiale et ayant les moyens d'y parvenir; et les aventures militaires d'un régime ensauvagé issu d'une « modernisation de rattrapage » ratée ou même les attentats suicides de sectes religieuses et autres aberrations nés des rapports fétichistes mondiaux n'ont pas la même qualité que l'agression générale contre l'humanité menée par l'Allemagne nazie, une puissance industrielle  mondiale surarmée [...] » (extrait recopié de la brochure "Critique de la démocratie balistique / La gauche à l'épreuve des guerres d'ordre mondial", vaine pâture éditions)

On trouve des textes de Robert KURZ en allemand, anglais, espagnol... sur les sites Krisis et EXIT.

* 27 février

Des amis (Friedrich NIETZSCHE, Humain trop humain §376. 1879)

« Une bonne fois, considère donc à part toi combien sont divers les sentiments, partagées les opinions, même entre tes relations les plus proches ; combien des opinions même pareilles se trouvent avoir, dans la tête de tes amis, une orientation ou une force tout autres que dans la tienne ; combien il se présente de si différentes occasions de malentendu, de séparation dans une fuite hostile. Après quoi tu te diras : Que le sol est incertain sur lequel reposent toutes nos liaisons et amitiés, que les froides averses sont proches ou les intempéries, que tout homme est solitaire ! Quiconque se rend bien compte de cela, et puis encore que toutes les opinions, que leur genre et leur force sont, chez ses semblables, tout aussi nécessaires et irresponsables que leurs actes, qui arrive à savoir discerner cette nécessité intérieure des opinions dans l'irréductible enchevêtrement du caractère, des occupations, du talent, du milieu, - celui-là s'affranchira peut-être de cette amertume, de cette âpreté de sentiment avec laquelle le sage fameux s'écriait ; « Amis, il n'y a point d'amis ! » Voici plutôt ce qu'il s'avouera : Oui, il y a des amis, mais c'est l'erreur, c'est l'illusion sur ta personne qui te les a amenés; et il aura fallu qu'ils apprennent à garder le silence pour rester tes amis; car ce qui assied presque toujours pareilles relations humaines, c'est qu'il y a un certain nombre de choses que l'on ne dit, que l'on n'effleure même jamais ; mais ces cailloux se mettent-ils à rouler, l'amitié s'en va derrière eux et se brise. Existe-t-il des hommes capables de n'être pas blessés à mort s'ils venaient à découvrir ce que leurs amis les plus intimes savent d'eux tout au fond ? - C'est en apprenant à nous connaître nous-mêmes, à considérer notre propre être comme une sphère instable d'opinions et d'humeurs, et ainsi à le mépriser quelque peu, que nous rétablirons l'équilibre avec les autres. Nous avons, c'est vrai, de bonnes raisons de faire peu de cas de chacun de ceux que nous connaissons, quand ce serait le plus grand ; mais de tout aussi bonnes de retourner ce sentiment contre nous-mêmes. - Et ainsi, supportons-nous les uns les autres, puisque aussi bien nous nous supportons nous-mêmes ; peut-être alors l'heure de joie viendra-t-elle un jour elle aussi où chacun dira :

« Amis, il n'y a point d'amis ? » s'écriait le sage mourant ;
« Ennemis, il n'y a point d'ennemis ? » s'écrie le fou vivant que je suis. »
 

* 26 février

Une histoire de la batterie de jazz. Tome III : Elvin Jones, Tony Williams, Jack Dejohnette. Les racines de la modernité. Georges PACZYNSKI.

> Tomes 1 et 2

> Extrait du TOME 1 :

« Le mot rythme provient du latin rhytmus qui vient lui-même du grec rhuthmos. En Grèce, au IVème siècle avant J.C., le philosophe Platon en donne la première définition qui nous soit parvenue dans l’histoire de la pensée grecque. Il le relie intimement à la métaphysique par l’ordonnance du mouvement qui s’étendra jusqu’à l’Harmonie des Sphrères. Au cours du même siècle, le philosophe et musicien Aristoxène de Tarente élabore la première théorie du rythme musical. Chez les médecins de l’Antiquité, au 1er siècle avant J.C., rythmus avait pris le sens de « cadence présentée par les mouvements du sang dans les artères ». Le mot grec rhuthmos est issu du verbe rheô « je coule ». L’image aquatique témoigne de la complexité du rythme formé d’éléments d’inégale durée et n’ayant de sens que s’ils découlent régulièrement comme la bobine d’un film aux actions tantôt lentes, tantôt rapides. La racine sanskrite ri (sru, sreu, eru) confirme la racine grecque et évoque la conjugaison de l’image du fleuve et des vagues avec la notion d’un futur qui se passéifie. La nature de l’homme en correspondance avec la respiration du monde a concuru à conférer au rythme cet aspect fluide où la distinction entre le « dedans » et la « dehors » n’existait pas. L’histoire du mot rythme dans la langue française débute vers 1370. On rencontre à cette date le nom féminin rime auquel quelques traducteurs appliquent l’idée de cadence phonique. D’abord orthographié rithme en 1512 et du genre féminin, il désigne la rythmique. Vers 1550, il reçoit le genre masculin (à cette époque il arrive souvent qu’un mot change de genre). Employé au sens et à la place de rime, il [le mot rythme] rejoint aussi le mot vers ou poésie impliquant alors un mouvement musical à la phrase.

Deux rythmes fondamentaux gouvernent le monde en ce temps là. Le premier, parfait, est ternaire et masculin ; le second, imparfait, est binaire et féminin. Le rythme parfait est figuré par un cercle, représentation symbolique d’un centre qui, dans toutes les civilisations traditionnelles, revêt une perspective métaphysique. Bien plus tard, quand on écrira la mesure à quatre temps avec le signe C, il s’agira d’une mesure imparfaite car la lettre C représente un demi-cercle. »

J'ai utilisé le Tome 2 dans Jazz et problèmes des Hommes

* 25 février

Union sacrée : antiracisme ou déraison des ratés de la nation, racisation sans dératisation

* 23 février

DEVIL'S FIRE, de Charles BURNETT

> Interview C. Burnett , 22 avril 2004
>
Charles Burnett's "Warming By the Devil's Fire" by Bruce Jackson
>
Extraits
Filmographie...

Mon fils (9 ans) a regretté qu'on ne voit pas davantage le garçon, moi que les documents historiques sur les blues(wo)men et la vie dans le Sud soient si courts...

* 22 février

SÉRIEL QUI LEURRE

* 21 février

> TALKING JAZZ (Conversations au cœur du Jazz), par Ben SIDRAN, traduit de l’anglais par Christian Seguret (Night & Day / Bonsaï, 2005)

> Interview Ben SIDRAN

A dire vrai, je ne suis pas un fanatique de Ben SIDRAN chanteur, bien que je le reconnaisse comme un grand musicien-chanteur. Je l'aime comme jazzman jusqu'au bout de lui-même, et de sa présence au monde, unique dans sa simplicité. Les interviews de ce livre, je les connaissais en anglais (trouvées fin des 90' dans leurs transcriptions sur des sites américains), et je me suis servi de nombre d'entre elles pour en extraire des paroles de poids - j'ai sué à les traduire, tant bien que mal, pour JAZZ ET PROBLEMES DES HOMMES, 2002. Ben SIDRAN a fait, peut-être, ce que j'aurais aimé faire, ce dont j'ai voulu alors transmettre une quintessence, selon des critères qui ne sont que les miens, mais qui respectent la parole de ceux qui font : qui jouent, plus loin que la musique, leur vie. On compte sur les doigts d'une main les compilations de paroles de jazz en français, et elles sont aujourd'hui introuvables (je ne parle pas des discours critiques, ou du travail précieux des revues, filtrantes en fatras). "Devoir de mémoire", comme on dit pour des choses en apparence plus sérieuses.

Comme quoi on ne s'attache peut-être qu'à ce qui coûte, mais cela ne saurait justifier les considérations masochistes de philosophes tels que Schopenhauer (dont nous sauve Nietzsche, mieux que Freud), qui prétendait en substance que pour vivre heureux, il ne faudrait prendre aucun risque : c'est l'absence de malheurs et de souffrances qu'il faudrait poursuivre... (Aphorismes sur la sagesse dans la vie, Parénèses et maximes 18??).

Ce livre de Ben Sidran, comme le "jazz", comme le "blues", est un contre-Schopenhauer, car il porte une toute autre dialectique du jouir et du souffrir. C'est en quoi il est bien "au coeur du jazz". Un livre à lire en écoutant la musique de ceux qui la parlent, avec "une double paire d'oreilles" (Nietzsche) : qu'aucune ne soit stéréo-techno-musicologique.

> Schopenhauer, les "racailles", et les "voitures" 

IndexAUTHIER Denis ; BECKER-HO Alice ; BERNHARD Thomas (écrivain, dramaturge) ; BERNSTEIN Michèle ; BIHR Alain ; BURNETT Charles ; CÉSAIRE Aimé (poète, écrivain, politique) ; DAMAS Léon-Gontrand ; DEBORD Guy ; DENIS ; DIOP (Cheikh Anta) ; FLAUBERT Gustave ; GUIGOU Jacques ; HOUELLEBECQ Michel ; HUGO Victor ; JELINEK Elfriede ; KAUFMANN Vincent ; KNABB Ken ; KURZ Robert ; MARTIN Louis ; MARX Karl ; MENGER Pierre-Michel ; NIETZSCHE Friedrich (philosophe) ; PACZINSKY Georges (drums, musicologue) ; SCHIFRES Sébastien ; SENGHOR Leopold Sedar (écrivain, poète, politique) ; SIDRAN Ben ; STENGERS Isabelle ; WAJNSZTEJN Jacques ; WESTON Randy (pianiste, comp, arg, leader) ; YOURCENAR Marguerite
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