II1.2 le jazz et l'enracinement ethnique, africain, africain-américain

Tout événement important de la vie humaine, Noël, la récolte, les noces, la mort, etc., peut et doit avoir lieu seulement en liaison avec certains rites venus des temps anciens ; une partie importante et intégrante de ces rites est l'exécution des chansons correspondantes; chacun de ces événements se déroule comme un acte religieux, en suivant rigoureusement des prescriptions déterminées. Toutes ces chansons rituelles sont naturellement exécutées exclusivement en liaison avec les cérémonies correspondantes; il n'est pour ainsi dire pas à propos de chanter de telles chansons pour passer le temps. Cette coutume rigoureuse cause ici et là quelques difficultés au chercheur ; par exemple, il ne peut parfois arriver à entendre des complaintes mortuaires qu'après de longues discussions seulement, car -comme les gens disent- "on ne peut quand même pas chanter une complainte mortuaire s'il n'y a pas de cadavre"

Bela BARTOK (1881-1945), Musique populaire roumaine, 1933

 

1-2 Le jazz et l’enracinement ethnique, africain, afro-américain

(à propos du ragtime)

Notre origine, ce n’est pas ce pays, ce rythme n’a pas son origine dans ce pays. En Afrique, le rythme ! Le rythme. Des rythmes compliqués...

Eubie BLAKE (1883-1983), pian/comp, Afro-Amer Music coll., 1973, Jim Standifer, TrA

 

Je me pose la question : « Pourquoi suis-je ici en France, à Paris ? » La réponse vient immédiatement. La France est plus proche de l’Afrique que ne l’est l’Amérique. C’est une disposition de mon esprit, une atmosphère dans laquelle j’ai toujours voulu baigner. Mon grand-père représente pour moi l’Afrique. Mon grand-père c’est l’Afrique. C’était donc pour moi la première étape d’un retour aux sources et ce retour je l’avais tant souhaité.

Sidney BECHET (1897-1959), sax, La musique, c’est ma vie, 1960 cité par Christian Béthune, B2, p. 128

 

La source de notre musique est l’Afrique... Mama Rhythm is Africa ! En Afrique vous allez à tel endroit, vous entendez un rythme, et deux milles plus loin, les gars jouent complètement autre chose. Ils jouent ce qu’ils vivent. Les enfants de l’Afrique en Occident ont plusieurs façons d’exprimer leur attachement à Mama. Les Brésiliens Africains ont créé la samba, les Caraïbes le calypso, Cuba la rhumba et un tas d’autres rythmes. Mon truc à moi, c’est le blues, les spirituals. Tous ont des caractéristiques différentes. Néanmoins ils constituent un ensemble, c’est donc une chose naturelle pour moi d’être sous l’influence de ces différents rythmes.

Rapporté par Jim Cuono, African-American Baseline Essay / Music, TrA

C’est incroyable que les Blancs aient décidé de nous maintenir ainsi à l’écart des Africains et de notre patrimoine ancestral. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle vous n’entendez pas dans notre musique notre héritage africain, autant que dans celles d’autres parties du monde : ils nous ont confisqué nos tam-tams. Si vous allez au Brésil, à Bahia par exemple, où il y a une population noire importante, vous remarquerez une forte influence africaine dans la musique locale ; à Cuba aussi, vous retrouverez les traces de l’héritage, ainsi que dans les Antilles. Un jour, au Kenya, j’ai entendu jouer les musiciens du coin et je leur ai dit aussitôt : « Vous jouez le calypso comme aux Antilles, les gars ! » Et un des types m’a répondu en riant : « N’oublie pas qu’on était là avant ». 

Dizzy GILLESPIE (1917-1993), tp/voc/comp/lead, avec Al Fraser, To be or not to bop, B2 , p. 269-271

 

Le jazz est connu dans le monde entier pour être une forme musicale américaine, et c’est ce qu’il est. Pas d’Amérique, pas de jazz. J’ai vu des gens essayer de le relier avec d’autres pays, par exemple l’Afrique, mais il n’a rien à voir avec l’Afrique.(...)

Questionné sur la façon d’accorder les fûts de sa batterie :

Si je suis dans un endroit humide, j’essaye de les accorder à une certaine hauteur, à laquelle je puisse entendre le son que je veux. Je ne les accorde pas à une note définie, quelle qu’elle soit. Les Africains n’accordent pas leurs tambours, et ils en sortent des sons « d’enfer »... Un Africain utilise n’importe quel son dès lors qu’il est bon à son oreille à un moment donné.

Art BLAKEY (1919-1990), dms/comp/cond, Notes and Tones, déc. 1971, Art Taylor

 

Il y a un lien entre la musique africaine et la musique de toutes les civilisations à travers le monde, parce que l'Afrique a eu la première civilisation. Et la musique africaine est aussi vieille que l'Afrique. Où que vous alliez, la culture africaine, la musique africaine y ont été. C'est quelque chose qui s'est perdu. Il faut que les gens reconnaissent la musique africaine, son importance. Mais ce lien était là et fut transformé selon les circonstances de différents lieux, temps, personnes. Donc, oui, ce lien est important, il nous faut revenir à l'histoire ancienne, parce que c'est de là que l'on vient...

Vous voyez, les gens qui nous ont amenés en Amérique n'étaient pas très à l'aise avec notre musique, surtout les tambours. Ils savaient qu'avec les tambours, on pouvait se parler. Pour éviter cette communication, ils avaient strictement interdit les tambours. C'est pourquoi nous avons mis les rythmes que nous ne pouvions pas jouer aux tambours dans le piano, la trompette, le saxophone - les instruments européens avec lesquels nous avons dû faire. La spiritualité africaine ne pouvait être exprimée à travers les vieilles religions, ce n'était pas autorisé. Elle a trouvé un exutoire dans l’Eglise noire d'Amérique. Et c'est arrivé de différentes façons partout où étaient les Africains. Vous trouverez ce même genre de spiritualité là où nous sommes. Quand j'étais gosse, mon père me disait que je devais comprendre l'Afrique pour me comprendre moi-même. Sinon, j'aurais une tête européenne, pas africaine. L'Afrique est le foyer de l'humanité, de nous tous. J'essaie d'utiliser la musique africaine pour nous rassembler, pas nous éloigner. Un bon concert rapproche les gens, non ?

Randy WESTON (1926), pianiste, Le jazz, Tom Storer à Paris le 8 novembre 1998.

 

Mais c’est mon père qui m’a le plus appris. C’était quelqu’un....

Il était pro-Noir, à fond. A cette époque, un type comme lui, on l’appelait un « race-man ». Ce n’était vraiment pas un « Oncle tom ». Certains de ses copains de promo africains à la Lincoln University, comme le Ghanéen Nkrumah, devinrent présidents de leur pays, ou s’élevèrent très haut dans la hiérarchie gouvernementale. Et mon père avait des contacts comme ça dans toute l’Afrique. Il était plus attaché à Marcus Garvey qu’à la politique de la NAACP. Il estimait que Garvey, qui avait su rassembler les Noirs dans les années vingt, était bon pour la race noire. (p. 20)

(à propos du disque Sketches of Spain, 1959, NDA)

L’Espagne avait été conquise par les Africains il y avait bien longtemps. En Andalousie, on sent une forte influence africaine dans la musique, dans l’architecture, dans la culture dans son ensemble, et les gens ont beaucoup de sang africain. On retrouvait donc quelque chose d’africain dans le feeling de cette musique, dans les cornemuses, les trompettes et les tambours... Solea est une forme basique de flamenco. Il a pour thèmes la solitude, le désir et la lamentation. C’est proche du feeling noir américain du blues. Ça vient d’Andalousie, d’origine africaine, donc. (p. 208)

Miles DAVIS (1926-1991), trompettiste, L’autobiographie, B2

 

Je suis allé en Afrique il y a deux ans, en Guinée et au Sénégal. D'abord en Guinée, où j'ai joué avec des maîtres tambours - je crois qu'ils se réunissent chaque année - et ce que j'ai ressenti est indescriptible, j'avais l'impression d'entendre des voix dans ma tête ! C'était une expérience merveilleuse, les gens sont si gentils et tellement vivants. Vous savez, j'ai vu des gens qui étaient plus vivants que toutes les personnes que j'ai rencontré dans ma vie. Rien que les enfants, ils sont très pauvres, mais ils ont de ces sourires, ils rayonnent de vie, et ça, c'était impressionant, très impressionant.

Elvin JONES (1927), batteur, Jazzbreak, juillet 2000, Kat

 

Pour moi le jazz a ses racines dans les rythmes africains, le feeling des rythmes africains. Une manière différente. C’est pourquoi quand des musiciens de jaz lisent une phrase, et des musiciens classiques la même phrase, vous entendez des concepts différents...

Johnny GRIFFIN (1928), sax, African-American Baseline Essay, Jim Cuono, TrA

 

Qu’on appelle ça blues, rap, rock, ce que vous voulez, c’est l’expression de la muse africaine, et le monde entier l’entend. Et la suit.

Abbey LINCOLN (1930), chanteuse, JMag 488, janvier 1999, Gault/ Christian Gauffre

 

Déjà à cette époque (débuts années cinquante), je m’intéressais à l’influence des traditions Yoruba du Nigeria sur les musiques afro-américaines. Plus généralement je souhaitais militer pour une prise de conscience de notre héritage africain. Je viens d’une famille qui a toujours lutté pour notre culture et notre émancipation. Ma grand-mère était une disciple de Marcus Garvey. Il était un de mes héros, ainsi que Paul Robeson. Notre appartement était décoré d’affiches et de bannières évoquant l’Afrique. Ma Freedom Suite, c’est une réminiscence de ce background révolutionnaire.

Sonny ROLLINS (1930), saxophoniste, JMan 69, mai 2001, Gérald Arnaud

 

J’ai joué en de nombreux endroits, mais il y en a trois où j’aimerais aller. Le premier est l’Afrique ; j’ai envie d’aller dans ma patrie, parce que quelque part je suis Africain. J’aimerais aussi aller en Chine... et au Brésil.

Dewey REDMAN (1931), saxophoniste, Jazzine.com, 1999, Felix Amouroux, TrA

 

Q : ... Comment définissez-vous le « Capetown Beat » ? (Capetown, Afrique du Sud)

R : Une définition de ce beat devrait être musicale et spirituelle. Un rythme d’un genre très spécial. Si vous regardez bien, vous le trouverez tout le long de la côte africaine. Pas autant à l’intérieur. Mais si vous voyagez depuis le Maroc, vers le Sud, en contournant le Cap et en remontant jusqu’en Arabie, c’est le même type de Beat partout. Il a ses variations. C’est la même sorte qui se joue à La Nouvelle-Orléans. Il y a des liens très étroits entre La Nouvelle-Orléans et Capetown. Les carnavals sont les mêmes. Il y avait un jeune homme à l’Université de Leeds... qui écrivait sa thèse en musique... c’était son sujet... les racines du jazz. Son point de vue était que le jazz commençait à Capetown. (...) Quelque chose d’inhérent que nous comprenons. Duke et Monk avaient cette dynamique. Ça ne veut pas dire que le jazz a commencé là mais c’est la dynamique de toute la diaspora africaine. Si vous regardez la Nouvelle-Orléans et Capetown, où nous percevons la position des Africains à l’époque de la révolution industrielle et où cette révolution les a projetés, la Nouvelle Orléans et Capetown sont presque synonymes (Il y a eu des esclaves d’Angola à Capetown). A La N-O vous avez la même dynamique de mélanges : vous avez des créoles - Jelly Roll Morton - tandis qu’à Capetown on a ce qu’on appelle « colored people ». Prenez Louis Armstrong, King Oliver : des musiciens africains. Pareil à Capetown. (Alors vous voyez les gens parlent des Afro-Américains et de Sud-Africains et de leurs différences, mais il y a eu tellement de mariages. Notre bassiste Lionel Bukus vit à Capetown, mais sa famille est de la Nouvelle-Orléans. Horace Alexander, un jeune altiste de Houston, est venu avec nous à Capetown il y a deux ans ; c’était la première fois qu’il voyait sa famille. Alors pour nous pas de différence. C’est une famille !)

Et le jazz que nous connaissons aujourd’hui est la plus haute forme musicale, sur cette planète. C’est évident car tout évolue. Parce que cette dynamique est nourrie du génie noir dans le monde, il faut l’accepter telle que. C’est la musique des dernières décennies, qui entre dans le prochain siècle.

Abdullah IBRAHIM (1934), p/sax/fl/voc/comp/arg, Bâle Radiostudio DRS, été 1996, Armin Büttner, TrA

 

Q : L’improvisation est-elle l’expression d’une communauté réelle, imaginaire ou symbolique ? Pourquoi dire : « Je suis Africain » ?

R : L’improvisation n’est certainement pas l’expression d’une communauté réelle : sinon cela marcherait mieux entre musiciens ; elle se fonde sur le rêve du collectif, qui dans le contexte actuel me paraît être un mythe, parce que, tout bêtement, les conditions socio-économiques d’une part l’interdisent, et que d’autre part les gens, quoiqu’ils en disent, n’y sont pas prêts . La liberté nécessaire pour le créer n’existe pas. C’est pour cela que j’ai voulu dire : « Je suis africain ». C’est une utopie car notre société ne le permet pas.

Michel PORTAL (1935), cl/sax/comp, L’improvisation musicale, 1981, Denis Levaillant, p. 61

 

Par exemple, prenez la voix de James BROWN. Le fait qu’elle soit rugueuse, pas lisse, le fait que la musique populaire traditionnelle noire semble se soucier davantage du sens d’une oeuvre que de sa forme superficielle, etc. On retrouve cette attitude dans la musique africaine. Il y a un certain holisme dans l’âme africaine qui se retrouve chez les Africains-Américains.

Archie SHEPP (1937), saxophoniste, JMag 512, février 2001, Christian Gauffre

 

(parlant de Chico HAMILTON, batteur)

A sa manière, c’est un griot, un homme qui possède un savoir qu’il transmet oralement avec ses tambours. Un griot, vous savez, c’est quelqu’un qui transmet une tradition de génération en génération. C’est un patrimoine non écrit, l’un de ces éléments intangibles qui font que des hommes penchent vers l’ordre du minéral ou du spirituel. Des choses que les mots ne peuvent rapporter, qui sont de l’ordre du sensible, une autre forme de communication qui est universelle. C’est comme une lecture sans mots qui touche un autre domaine de l’entendement.

Andrew HILL (1937), p/comp, film de Julian Benedikt, cité par G. Paczinsky, B1, p. 365

 

Q : A quel moment les petits instruments ont-ils été introduits dans l’arsenal de l’art Ensemble de Chicago ?

R : Je suis parti d’une influence africaine... J’avais vu ce ballet africain, et je sentais que cette musique faisait partie du jazz, ce qu’on appelle jazz (...)

Q : Y avait-il à Chicago une communauté africaine conséquente, qui puisse vous enseigner ces instruments, ou était-ce un processus d’exploration personnelle ?

R : Une exploration personnelle. Rien d’autre à ce moment.

Lester BOWIE : Il y avait quelques africains, mais pas une communauté... Les seuls Africains, c’était nous.(...)

Malachi FAVORS : Don MOYE (batteur de l’Art Ensemble, NDA) était investi dans la tradition et la technique de la musique africaine. Moi c’était seulement l’esprit africain. Considérant que je suis Africain-Américain, je n’avais que les aspects spirituels de cette musique. Mais Moye connaissait les éléments techniques, il était allé en Afrique.

Malachi FAVORS (1937), contrebass, Jazzhouse, novembre 1994, Ted Panken, TrA

 

Q : Vous êtes autodidacte ?

R : J’ai grandi en apprenant tout ça dans les rues de New-York. Mon héritage est des Caraïbes (...) A la maison, nous écoutions beaucoup de Calypso (...) New-York a cette forte population de Cubains et de Portoricains. Alors nous recherchions cette culture. Nous aimions cette culture. C’est comme ça que j’ai commencé à jouer dans la rue. Avec mon frère nous jouions dans le métro pour gagner de l’argent. (...)

de l’authentique musique ethnique, de la musique folkorique d’origine africaine. Nous essayions de rentrer dans ce truc folklorique.

Don ALIAS (1939), percu/dms, DigitalInterview, septembre 1999, TrA

 

(Le studio Mapleshade est installé sur une ancienne plantation de tabac, à Marlboro)

Je marchais à travers champs et je parlais, je parlais à Dieu : S’il-te-plaît, dis-moi si ce que je fais est juste. Si je fais quoi que ce soit de mal à mon peuple, arrête-moi, donne-moi un coup, n’importe quoi. » Je suis sérieux avec ça. Je pensais à mon peuple : « Combien ont été fouettés sous ces arbres ? combien de femmes ont subi des sévices ? » Je faisais mes libations à la plantation, aux esprits du passé de Mapleshade.

(Hamiet) BLUIETT (1940), sax bar/comp, Washington Post, septembre 1995, Mary Ann French, TrA

 

Le fait est, cela doit être dit clairement, pour les milieux académiques, que le jazz n’est pas qu’une expérience américaine. C’est un continuum africain. C’est un prolongement de la culture africaine qui s’est poursuivi au 20ème siècle et dans le 21ème, avec un mélange. C’est un mixte de cultures. Il est africain. Il est européen. Son essence est une continuation de la culture africaine. On doit le référencer comme une musique africaine : une extension de la culture africaine... C’est comme ça qu’on doit le voir.

Joe CHAMBERS (1942), dms/com/arg, AllAboutJazz, février 1999, Fred Jung, TrA

 

Q : Je suis curieux de savoir, dans votre conception de la tradition musicale américaine, comment la musique africaine a influencé votre jeu, comme c’est perceptible dans « In memoriam of Jomo Kenyatta » ou dans votre collaboration avec Randy Weston : « The Healers » (les guérisseurs) ?

R : Ah oui, ce sont des chants avec lesquels j’étreignais l’Afrique à travers des Africains que je connaissais, la plupart Sud-Africains, en particulier Johnny Dyani (...) Hugn Masakela, Dodo Paquena, Magazine Facza et Louis Moholo. Je voulais embrasser l’Afrique par des conversation avec mes amis Africains, quand j’étais au langage. Je rencontrais beaucoup de personnes d’Ethiopie, du Nigeria et du Ghana. J’ai eu l’occasion d’aller au festival pan-africain du Ghana, c’était passionnant (...) J’ai pu aller sur les tombeau de W.B Dubois et Poinma Dekuma, un homme fantastique. Un des grands esprits de l’Afrique, du monde... Au Ghana, c’est le genre de pays où il a une grande culture, mais peu d’argent, parce qu’ils pris beaucoup, beaucoup d’or sur la GoldCoast. C’est une tragédie, l’Afrique a été pillée de son minerai, laissée stérile, laissée mourante, fondamentalement (...) Il y a plein de choses qui vous mettent en colère, bien sûr, tout le commerce, les trafics, et le fait que les Africains en Afrique vous considèrent avant tout comme un Noir américain avec son dollar. Mais il faut comprendre cette situation, car c’est le dollar, ou autre unité monétaire, dont ils ont besoin plus que de tout autre chose, et c’est ce qui conduit à cette obsession. Ce qu’ils ont à vendre, les seuls qui veulent l’acheter, c’est nous, les Noirs Américains ; ils comprennent la culpabilité que nous ressentons d’être devenus Américains après avoir été arrachés d’Afrique. Nous avons un certain désir de savoir d’où nous venons, alors ils jouent sur cette corde. Mais ce n’est qu’un petit aspect. Au Sénégal, j’ai écrit cette composition intitulée « Dakar Darkness », Oliver Lake a écrit un poème...Nous sommes influencés en tant qu’Africains-Américains, habitant autrefois en Afrique et transportés à travers le monde vers l’Amérique et les Iles. Nous avons ça dans nos cellules de connaissances, il y a 300 ans, la vie dans un village africain comme point de départ.

David MURRAY (1955), sax/fl/cl/comp/cond, NewJazzarchives, novembre 1995, Steve Bahcall, TrA

 

Geri Allen étudie avec JH Kwabena NKETIA, un des plus grands maîtres au monde de musique africaine : « Mon centre d’intérêt était le jazz, mais j’ai eu l’opportunité d’apprendre la musique du monde entier... » A Pitt elle rencontre les rythmes africains, brésiliens, de Cuba et des Caraïbes, qui influencent plus tard ses compositions. « C’est réellement un long continuum de culture africaine... En observant ces différentes musiques, vous pouvez voir comme elles sont reliées, et chacune néanmoins unique. »

Geri ALLEN (1957), p/comp, On a different Note, par Laura Shefler, TrA

 

Q : Quelle est l’essence d’un pianiste de jazz ?

R : Tout ce que font Monk et Bud Powell (rires). Je ne sais pas. Il est difficile de le dire avec des mots, parce que l’image que j’ai de leur jeu, c’est toujours : « Ah-ha, that’s jazz »... Quand j’écoute, peut-être qu’en un sens Monk représente quelque chose d’ultime... Quelque chose d’authentiquement trans-africain ressort de son jeu, bien qu’il soit Noir Américain. Il attaque le piano d’une façon, c’est presque comme un instrument africain...

Matthew SHIPP (1960), pianiste, AllAboutJazz, juin 1999, Fred Jung, TrA

 

Je joue le rythme mélodiquement... bien des cultures traditionnelles n’ont pas développé prioritairement cet aspect. Steve (Coleman, NDA) l’a compris quand il a travaillé avec l’orchestre cubain Afro-Cuba de Matanzas. Et même avant, quand il est allé pour la première fois en Afrique. A son retour, il m’a montré ce qu’il étudiait, ce qu’il expérimentait et découvrait : j’ai alors réalisé que le rythme avait sa propre mélodie.

L’Occident ne l’a jamais considéré ainsi. Quand j’ai travaillé avec Afro-Cuba, je me suis rendu compte que le rythme mélodique était une donnée essentielle de leur musique - c’est une affaire très savante !

Andy MILNE (1967), pianiste, JMag 504, mai 2000, François-René Simon

IndexALIAS Don (trumpet) ; ALLEN Geri (pianiste) ; BARTOK Bela (pianiste, compositeur) ; BECHET Sidney (sax soprano, clarinette, comp, lead) ; BLAKE Eubie (pianiste) ; BLAKEY Art (drums, leader) ; BLUIETT Hamiett (saxophoniste, comp, lead) ; BOWIE Lester (trumpet, comp, lead) ; BRAND Dollar (voir Abdullah IBRAHIM) ; BROWN James (vocal,comp, lead) ; CHAMBERS Joe (drums) ; DAVIS Miles (trumpet, comp, lead) ; FAVORS Malachi (contrebassiste, lead) ; GILLESPIE Dizzy (trumpet, comp, lead) ; GRIFFIN Johnny (saxophoniste) ; HAMILTON Chico (drums, comp, arg, lead) ; HILL Andrew (pianiste, comp, lead) ; IBRAHIM Abdullah (Dollar BRAND, pianiste, voc, flûte, comp, arg, lead)) ; JONES Elvin (drums, comp, lead) ; LINCOLN Abbey (vocal, comp, écrivain, actrice) ; MILNE Andy (pianiste) ; MOHOLO Louis (contrebassiste) ; MOYE Don (drums) ; MURRAY David (saxophoniste, comp, lead) ; NKETIA JH Kwabena ; PORTAL Michel (clarinettiste, sax, comp, arg, lead) ; REDMAN Dewey (saxophoniste, comp, lead) ; ROLLINS Sonny (saxophoniste, comp, lead) ; SHEPP Archie (sax ténor sop, lead, écrivain) ; SHIPP Matthew (pianist, comp, lead) ; WESTON Randy (pianiste, comp, arg, leader)
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