TRAVAILLER POÈME
Accès aux rubriques

22 janvier 2012 J'engage le projet d'un premier livre (papier) de poèmes, à l'occasion d'un prochain arrêt de travail définitif. Pour une lecture plus confortable sur écran, je conseille le zoom 125% ou 150%.

1er février 2012 La préface que j'ai rédigée est trop lourde. Elle écrase les poèmes. Pour l'heure, je la renvoie en postface. Une préface est-elle nécessaire ? Un peu contradictoire avec mon idée qu'il n'y a rien à rajouter aux poèmes, si ce n'est les situer a minima. Par ailleurs, j'envisage d'ajouter quelques éléments biographiques, relatifs à mon chemin initiatique au hasard des arts, depuis 40 ans. Je complète "Anti-travail" et communisation, bibliographie sélective, m'en tenant à des textes accessibles sur Internet.

Sommaire

TRAVAILLER POÈME est en accès Internet ici http://patlotch.free.fr/text/1e9b5431-1444.html, chaque partie de LIVREDEL ici POÈMES / Livredel etc.

Sommaire

Le travail, tout un poème, poèmes 

- Le Turbo-train, Blues, extrait de Chansons, 1983

- Livre de Catherine, extraits de LIVREDEL II, 1989
- Livre sans nom, extraits de LIVREDEL III, 1990
- Livre de Corya, extraits de LIVREDEL IV, 1990
- Livre de l'autre, extraits de LIVREDEL V, 1991

de LIVREDEL VIII, Livre du retour

- Chant du val d'aurore, de Poésie pour le faire, 2003-2004
- Allons en fans de la pas triste, id 2003-2004

- Sans promesse des sans, de Rebours à la casse des parts, janvier 2005
- Trajets dits, id
- Passe gratuite, id

- Pas sage et clandestin, de Sortie des classes, février 2005
- Dérime akadansé, de Série bée, mars 2005
- Élode du sabotage, de Chantire, avril 2005

- Noutros sclaviés, de Voyage au bout de la pouasie, mai 2005

- L'être hon, de No sigre, mai 2005
- Fauve qui peut, id mai 2005
- Plaine aux as, id mai 2005
- Valse ma paresse, id juin 2005

- Take the "A" Train, must you ? de T'aire d'accueil, septembre 2005
- Commun manche, id septembre 2005

- La défaite, de Vers gondés, octobre 2005
- Maux d'ordre, id novembre 2005
- 'Retour au calme", pas de 'quartiers', id novembre 2005
- Du chaos de gala, id novembre 2005

- Procès verbal, de Lob et gaiement, décembre 2005
- This Train, de Mes dé-buts mars 2006
- Sur les pavés la rage, id mars 2006
- Carte rouge ? Carte bleue ? Caillera, ça ira, id mars 2006
- Les matins difficiles, id juin 2006
- Commun lundi, id septembre 2006
- Lard de la prudence, id octobre 2006

de LIVREDEL IX, Livre de l'absence

- Misère du temps social, de Principe de réalité, octobre 2007
- On se ménage adroit, id mai 2007
- De la misère en milieu moyen, id juin 2008

- Triste, de Vol quand ? juin 2008
- Auf et Bing ! id juin 2008
- Comment ça va, id juin 2008

- Dernier caprice, extraits, de Agiaus, ou la muse à mort, février 2010

de LIVREDEL X, livre de la présence

- Le temps libre, Vol libre janvier 2010

- Tous pourris moi non plus, Amen ! The days before April 1 12, février 2010
- Voyage à l'oeil, id février 2010
- Tambours sur tempête, id février 2010
- Droit au retrait, id février 2010
- Derrière la vitre, id mars 2010
- Potlatch, id mars 2010
- Trafics non perturbés, id mars 2011

 - Parvis sans défense, de Crise en vers, septembre 2011
- À la rigueur, id novembre 2011
- Auguste mécène, id novembre 2011
- Le temps, plus loin, id novembre 2011
- Brise sociale, id novembre 2011
- « Qu'estce qui vous indigne », id novembre 2011
- Triple Z, id novembre 2011
- Rançon de la plus haute tour, id novembre 2011
- La rime c'est rieuse, id décembre 2011
- Bel oiseau vole a cardinella, id décembre 2011
- Salade imaginaire, id décembre 2011

- Place à justes violences, de Temps basculés janvier 2012

Gloses sur une indisposition au travail

- L'homme sans ambitions, phrases sans suite, janvier 2005
- La grande normose universelle et les serviles publics... avril 2005
- Vouloir détruire sa carrière, juin 2006
- Éloge de mon placard, novembre 2011
- L'administration de l'aliénation, janvier 2012

"Anti-travail" et communisation, bibliographie sélective

Postface / Diagonale d'un fou et de ses échecs

Le travail, tout un poème, poèmes

(quelques problèmes de mise en page à résoudre pour l'édition papier, et livre virtuel)

 CHANSONS, 1980-85 

LE TURBO TRAIN

Blues traditionnel en 12 mesures, 27 décembre 1983

Tous les matins, j'prends l'turbo train, Oh la la, Oh la la
Et dans ce train, j'me sens pas bien, Oh la la, Oh la la
Mais c'est comm'ça, tous les matins, quand j'prends le train train quotidien

Un jour j'en parle, à mon méd'cin, j'lui dis "- Dans l'train, j'me sens pas bien"
Alors i'm'dit "- Où qui va c'train ?" qu'i'm dit, "- Oh la la , Oh la la docteur,
C'est l'turbo-train, qui tous les matins, m'emmène au turbin, au turbin"

Alo' l'méd'cin i'm'dit "- Cherch' pas plus loin", moi j'le regarde "- Qu'est-ce que j'ai docteur ?"
Alo' l'méd'cin i'm'dit "- C'est pas l'mal du train, c'est l'mal du turbin - L'mal du turbin ?
- C'est pas l'turbo-train, c'est l'trop d'turbin, pas l'turbo-train, mais trop d'turbin"

(Reprise)
Tous les matins, j'prends l'turbo train, Oh la la, Oh la la
Et dans ce train, j'me sens pas bien, Oh la la, Oh la la
Mais c'est comm'ça, tous les matins, quand j'prends le train train quotidien

Mais quand le soir, j'vais à la gare, alors là, j'prends l'aut' train
J'arrive chez moi, j'prends ma guitare, ben voilà, c'est cell' là
Train du matin, chagrin, train du soir... espoir (bis)

LIVREDEL, I-VII, poème-roman, 1er avril 1988 - 1er avril 1991

II LIVRE DE CATHERINE 1989

chapitre 1

Fou d'ennui dans ces murs et d'obligés mensonges (...)

(...)

Ensemble et pas uniquement
d'être là au travail qu'ils disent
mais que savent-ils seulement
du travail pas celui qui brise

Ceux d'en-dessous d'eux ils s'en foutent
comme de leur premier mégot
après qu'ils aient sans aucun doute
bien tiré dessus trop c'est trop

Achetées comme cigarettes
à cinq mille balles par mois
des bonnes à qui l'on ne jette
en prime juste assez de quoi

Se regarder de travers comme
des chattes autour d'une arête
Le diplôme ne fait pas l'homme
certes mais il monte à la tête

Ce qui fait grimper les enchères
l'ICPC* pèse son poids
moins léger quant à la vie chère
que secrétair' ça va de soi

Et toujours c'est lui qui décide
"en chef" dites ce n'est pas rien
Moins sûr si les filles lucides
parfois un non c'est non c'est bien

Et va donc savoir à quoi sert
quand ces messieurs vont en mission
pour cause de bonnes affaires
sous les contre-révolutions

Ruse d'argent rose de guerre
qu'on est bon aux peuples qui crient
malheur d'ici ne soucie guère
nos généreux de l'industrie

(...)

* ICPC : Ingénieur en chef des Ponts-et-chaussées

Chapitre 3

(630ème nuit)

Dur le retour au turbin rompu du dimanche
et que l'Arche à tes pieds te paraît loin de douze

(...)

 III LIVRE SANS NOM 1990

Chapitre 4

(J moins 287)

MOTS DÉCOUPÉS DANS LE JOURNAL DU JOUR

(Par les mots. TOUT DE SUITE)

Il n'y a pas ici de CHAGRIN pas de MYSTERE pas d'OUBLI
Il y a du BOULOT pour TOUS
Il n'y a pas de BOULOT pour tous
Il y a pour tous du BOULOT
Pas de MYSTERE il y a un CHEMIN
Un CHEMIN de PAROLES, un CHEMIN d'ACTES de PAROLES

Il y a un CHEMIN, un BON CHEMIN avec des CHEVAUX FOUS d'AFRIQUE NOIRE, des ESPRITS CLANDESTINS, des TÉMOINS OUBLIÉS dans le NOIR, il y a du BOULOT pour TOUS

IV LIVRE DE CORYA

5 Chapitre 4, 25 août 1990

SOI-MÊME       LIBÉRÉ
CONQUÊTE       L’OR-MONTE
ET-L’EMPLOI       GUERRE
EN-PANTOUFLES       SOI-MÊME
LIBÉRÉ       CONQUÊTE
L’OR-MONTE       ET-L’EMPLOI
GUERRE       EN-PANTOUFLES

V LIVRE DE L'AUTRE 1990

6 Chapitre 1

(J moins 174)

       TRAVAILLE !
LES OMBRES AU TABLEAU TOUT N'EST PAS PER
DU C'EST L'ERE DES VACHES MAIGRES DE L'HISTOIRE
ET TOUS SES TREMBLEMENTS DE FEUILLES MORTES NUL
NE SOUFFLE SOUS LES BALLES SIMPLE OU COMPLIQUÉ
LE PEUPLE ÉLOGE DE LA VIE EN VEUX-TU EN
VOILA POUR TOUS LES COÛTS AU BORD DE L'AMER L'AS
ASPHIXIE LA CHANSON QUE TU DIFFICILE
        TRAVAILLE !

POESIE POUR LE FAIRE, 2003-2004

CHANT DU VAL D'AURORE

Le capital étale un état de sévices
Où le pauvre n’est plus qu’un dégât dangereux
L’argent des leurres loue services à ses vices
Et prive des leurs ceux qui s’arment d’être heureux

La valeur tue l’usage à la bourse aux échanges
Car sans partage humain en nature elle ment
Au potlatch s’impose un lâche firmament
De choses et de mots donnant au faux le change

Marchands de sables mous vendus d’autres couleuvres
Ravalez vos serments qui nous chient des vipères
Oyez l’histoire vraie du passé de vos œuvres
Pour n’en point avoir honte osez venger vos pères

De mensonges des tas qu’on leur fit adorer
Du parti qu’il leur prit de prendre pour bonheur
La cage aux songes qu’il plantait en pots dorés
Des graines d’une aigrie culture du malheur

Valeureux des désirs traversons nos frontières
Trahissez vos émois vous et moi désarmant
Nos étranges folies et leur folie guerrière
Empruntons le pas sage au tango des amants

ALLONS EN FANS DE LA PAS TRISTE

En l’état où tombent les statues
Se ramassent encore à l’appel
Les feuilles de routes où vertus
Se cherchent une geste pêle-mêle

Si les statuts contre l’Etat tuent
Dans l’œuf les révoltes et fort belles
Promesses qu’ils n’ont pas abattues
Aux élans vivre enfin donne zèle

Allons en fans de la pas tris-te
Multitude en Communes ate-
lées sans tabous ni laids boniments

À bâtir se prendront davantage
Qu’en abâtardies luttes en cages
Les bastilles dans leurs tremblement

REBOURS A LA CASSE DES PARTS, janvier 2005

SANS PROMESSES DES SANS
À la folie des miens et à la mienne, buvons !

Je ne suis qu'un vendu
Une pute et soumise
Perdu je gère
Sous l'État j'erre
Grimpé sans prise
En me rongeant les sangs
Effréné de vos peurs
À voile et à vapeur

Salarié sale en rien
Pitancé comme un chien
Méchant sans haine
Accroché à sa chaîne
Baveux sans faim
Bavard afin
De conjurer le sort
Enviable qui me sort
En diable par les yeux

Refait par d'autres dieux
À contretemps
Quand la vérité ment
Simple pourtant
À son amant
Sans jamais l'épouser
Juste l'épousseter
D'un souffle impur

Et d'un cœur dur
À la colère trop honnête
La mettre au net
Entre alliés née
Nez à nez liés
Tombée des cocos fiers
Fracturés du collier

Mais fou encore
Avide d'un désir
De vivre au vain plaisir
tuant la mort

Sans promesse des sans
Nous sommes tous du sang

Fosobo, 18 janvier 2005
TRAJETS DITS
rap on ratp rapt te r'tape
Debout debout
On t'a sonné on t'a sommé
On t'a tiré du sommeil assommé
Trêve ton rêve est à bout
rap on ratp rapt te r'tape
Train de ma peine où tu me mènes
rap on ratp rapt te r'tape
Sans transition t'es en transit
Un quai bondé jamais n'abolit le départ
On va te mettre en train hagard
Des plus bourrés que nul n'évite
rap on ratp rapt te r'tape
Train de ma peine où tu me mènes
rap on ratp rapt te r'tape
Debout debout
De la tête à la queue corps sans corps
Toute l'essence humaine est de viande en transports
Désincarnée touche à touche tabous
rap on ratp rapt te r'tape
Train de ma peine où tu me mènes
rap on ratp rapt te r'tape
Sang sur la voie Perturbé le traffic
Encore un mort privé sans souci du public
Chacun le sait chacun se tait
Censure la voix perdue la vérité
rap on ratp rapt te r'tape
Train de ma peine où tu me mènes
rap on ratp rapt te r'tape
Debout debout
La vie reprend son train normal
Pour vendre en transe porc c'est pas mal
Le RER ira au bout
rap on ratp rapt te r'tape
C'est plus la peine
J'ai descendu
RER A, 21 janvier 2005, 20h14
PASSE GRATUITE
Salaire sale ère
Vite opère vitupère
L'époque de vipères
Sans poings
Vies perdues à l'amer
 
Qu'on noie sous la loi comme sous la mère
À boire hic'
Sers-moi encore un verre
Vers nous l'accort accord serre
Vis sert vice et vers ça
 
Ah ça ira où ça
À la République
Service com-
Prix rendu comme on dit qu'on
Gerbe ou qu'on nique
 
Public lubrique
Démotivé comme on dit qu'on
Se couche dans le lit qu'hommes
Défaits après la fête
Dans la litière d'État de la défaite
On entasse
 
Tortues tordues sans carapace
Qui se tortillent et pensent
Qu'elles dansent
Au son bidon sous panses
Mais ne font que passer
Comme on pisse
 
Las
 
Lice en laisse
 
Mois après mois
Âpre émoi le déluge
 
Déprime pour salaire
FoSoBo, 21 janvier 2005

SORTIE DES CLASSES, février 2005

PAS SAGE ET CLANDESTIN

Apoétique du serre poings à sonnet

Si la haine mi vraie se ligue aux faux amis
Écrire entre les lignes ennemis s'impose
Fille rouge au feeling de stratégies sans pause
La plus belle inconnue en rebelle parmi

Nous pour fendre et feindre et sans finir par répandre
En rangs en plans unis agitant leurs sornettes
De vains venins divins de serpents à sonnettes
Plus loyalistes que la loi prêts à prétendre

En honnêtes anars la défendre d'arnaques
Notre règle du jeu est celle de l'anarque
Bonne et mauvaise actions sont à les enjôler

Car point souffler ne triche où règnent les énarques
Sur nos braises jetées qu'éteignent leurs matraques
Quand de nos bras étreints nos étrennes s'en jouent

RER A, 7 février 2005, 21h15

SÉRIE BÉE, mars 2005

DÉRIME AKADANSÉ 

(8 au 11 mars 2005) 

Dense la vie au vide ange des moi
le diable au corps en accords entendus
entre nous de fortune et par nos sangs mêlés
une vie passe une autre vient tendue
de folies centrifugues embellie

Bas les pattes canards domestiques
en coins coincés sans point danser
jamais sur nous et toujours au passé
simplet plus que parfaits de vérités  
gluantes morales d'outre-temps

Jusqu'où tombera le mot espoir
d'abandons en grotesques parades
paravents de panades par avance
noyé sous les hauts fonds des souamis 
à la molle voyance des ramasseurs de bonnes poires

Des rabatteurs de foire et surenchères
pour un oui pour un non contrariés
pour un rien ne sachant plus à quoi il rime
brassant leurs mots de bâteleurs en bavardages
de vieillards avant l'âge et déjà plus que morts

Incontinent de suffisance un continent
vieux comme le monde s'enfonce 
dans sa fosse d'aisances pour gens bons 
à la hausse à moëlle substantive 
de mots doux en maux durs de toc en stocks
de méga fard en métaphore hurlante
avec les louches escarpant l'Olympe

Triste très triste affaire les affaires 
des petits gars légers à grosses galéjades 
roulez galets la plage est sous la grève
c'est de bon ton rouler quand le train
traîne que la chaîne déraille 
que vaille des exploits stations que baille 
un gosse en grâce de paresse

Faut-il encore que paraisse
le signe ostentatoire d'une bataille décisive
et les faits d'armes cathodiques de tant de généreux
interchangeables d'un jour d'un siècle à l'autre
à qui vend à qui vante où tournera le vent
pour déployer les zèles des élites
sans cesse ressassant des litanies d'âneries

"Retour à la normale" à la norme à l'énorme 
et vulgaire équation quotidienne
premier degré du chagrin avec ou sans tôlier
dans l'usure de passions sans désir
pour une usurpation sans azur assurée
aux parfums délétères de l'ennui et du temps suspendu
à son vol régulier par habitude séculaire
de rêves interdits aux simples gens honnêtes

Pourtant encore
trouver le souffle
et marcher sur les braises
comme on valse au petit matin
avec la douce oiselle du printemps

CHANTIRE, avril 2005

ÉLOGE DU SABOTAGE

(à Miles Davis, Seven steps to Heaven)

Sabotons sabotons ça
Bottons sabotons ça beau 
Tout sabotons sabotons

Faisandons des couac couac quoi 
Qu'en face en disent les couards
Faisant sous couette du lard 
Donc sabotons ça beaucoup 

Ach so long il est trop tard  
Tombe une terrible fiante
Oisiveté d'outre tare
En bombe terrifiante où

Là quand tout se barre en coup
Lisse sous couenne hard pour l'art 
De vivre en soi sa beauté

FoSoBo, 24 avril, 1h06

VOYAGE AU BOUT DE LA POUASIE, avril-mai 2005

NOUTROS SCLAVIÉS

(Pouasif indégradouble)

Quel symtomar mes amigres !
nopre pouil frêlir à l'vergétaligne
corpolté all over gnasse
et c't'empoisse congluée soutre issangles

Noutos trotos sclaviés

Patripêtre scribrouillasse
normœud plain l'or et l'ail
blondave aux zioubleufs
que chabre haut la méche din'l'soup

Noutos trotos sclaviés

Ploucadir bogasse à gogotte
lente nuit d'un somne à l'ennuire
que pinçabranle à l'introcuir
en misstroupier l'argosienne de zibette

Noutos trotos sclaviés

Tel argonje me l'ensouble
tropapote mal y groinfe
pulée calotte en frocomble
et pinarche en brouillite

Noutos trotos sclaviés

Paidan lam for cheloupe
gromutus &# room us
der new SS art
Faust me sauf me soft me sauve me dangcer

Noutos trotos sclaviés

FoSoBo, 20 mai 2005, 22h30

NO SIGRE, mai-juin 2005

L'ÊTRE HON

(Hon I / réatribulation, car Hon est inconsidéré)

Hon va Hon vient toujours de quelque point à
un quelque honcque lieu
sans connaître, toujours toujours,
sa part de contrebande ou de contrefaçon, seule pour Hon comptant la faconde
Assuré d'un non-lieu
Hon ne craint pas les contredanses, Hon est au rythme de son temps, Hon est partout dans son espace chaîne-gaine

Oh, certes, Hon est bien là
rien que d'y être mal
ou mis à mal
mais pris à parti de n'en point prendre 

À tel effet qu'Hon s'absout d'être absent à soi-même, passant comme on siffle pour se défiler
col chic dans l'apprêt
comme à Mao d'autres ont prêté,
pour peu qu'ils en eussent l'âge et déjà le loisir, quand c'en était l'époque, leur bêtise infantile,

À moins qu'Hon ne se contente de croire ne ressembler à personne, Hon a besoin d'être plus con qu'un autre à prendre pour modèle et d'en faire des tics et des stocks
à vendre ou à tuer le temps, oubliant ci ou là quelque démangeance à médailler sa boutonnière intime 
À faire comme si ce qu'Hon fait, Hon ne le faisait pas
ou l'inverse après tout quelle importance, n'est-ce pas, ces nuances de ton pour Hon, puisque, principe de précaution : l'être Hon, c'est bon

Hon en est là, toujours déjà au paradis de quelque chose

Notez que Hon a la tâche inspirée : il aspire l'être Hon comme une pompe à ?¿

RER A, 4 mai, 12h31

FAUVE QUI PEUT !

(à Jacques PRÉVERT :
«
De deux choses l'une
l'autre c'est le soleil
les pauvres les travailleurs ne voient pas ces choses...» Le paysage changeur,
1949)

À la méningerie de la bonne figure
le fauve de sa peur a forgé ses barreaux
son échine assouplie policé son allure
lissé son poil fraîchi l'haleine de ses crocs

Le port de son angoisse assure ses augures
dispensé de cravate il ravale un bas rot
dans le complet festin qui remplit de pelures
la carie faite dans sa carrière en raccrocs

Choisir c'est renoncer et de deux choses l'une
l'autre c'est le sommeil entre jungle et zoo
avoir ou être too to be or not to be

À la guerre à la paix suce au sens à la Une
le soir au fond des boîtes bavant du museau 
entre l'ombre et la proie rutilant alibi

FoSoBo, 7 mai 2005, 0h07

PLAINE AUX AS

(Hon II / Hon, valet de l'arène) et à Citroën

La cité ne prend plus son pouls
sur des vaisseaux sans gains
elle est lasse de cœur

Dévalisée, la ville épate, avalée
les rois dévalués de la mélasse

Rayon des corps
Hon brade, force police
une chair rafraîchie, métropolie, traumapliée, X-bronzée...
Hon astique un décor d'époque

Stand des célébraux
Hon solde, force politesses
un neurone avachi, une poule aux potes, un polycrate, un X osé...
Hon aspire à l'épique en tics

Sous les néons falots
Hon traque l'aubaine
comme on troquait l'ébène
hélas, sur le carreau

Sur le béton banal
Hon bavasse et cueille
en cassant la dalle 
le trèfle sans feuille

Au temple en options
sous cellophane Hon vend du vent
et le vide s'emballe au marché du néant
der toc déballé des stocks : pour les masses

Rebelotte et gores lots
Hon abat son carré d'as
en deux temps quatre mouvements

Actions avant, tractions arrière
tenues à carreau, pique adore
cailler au feu, paître au milieu
coeur d'artifaux, trèfle de présentes rixes

FoSoBo, 13 mai 2005, 22h12

VALSE MA PARESSE

(à Oblomov*)

Aux heures lentes serrant les gloses
fières d'éparses identités

(À contes moraux cultes moroses
Tous ensemble noyant le bébé

Dans la vague de leurs valeurs molles
agitant global'ment le bocal)

Je surnage en bâtard asocial
citoyen ligoté et battu

Tendant mes peaux aux caresses folles 
de vents saouls érodant les statuts

Sur le lit défait où la pensée
fait l'amour à la seule maîtresse

Sans esclave et si bien reposée
qu'elle ne trompe jamais l'ennui

RER A, 30 juin 2005, 19h 33

* « Il avait été élevé à cette hauteur par la Russie de février, paresseusement révolutionnaire, qui tenait encore d'Oblomov [Gontcharov] et qui était d'une part, oh ! si candide ! et, d'autre part, ah ! si friponne !...» Lénine, Léon TROSTKY (à propos de Tchernov)

** Glossaire j'y serre mes gloses, Michel LEIRIS

T'AIRE D'ACCUEIL, août-septembre 2005

TAKE THE "A" TRAIN, MUST YOU ?
(en écoutant la musique : à Duke ELLINGTON et Billy STRAYHORN)
Loin très loin trop loin si proche ou pas assez
ce qu'il y a est sans détour
sans retour au passé
Ce qui est là est là
Compensé d'inutiles sentances
concentré de virile intendance
condensé de futile abondance
bondé comme en ce train la foule
à voix unique aspirant à l'emploi
et refoulant l'exploit
station debout tabou
Ce qui est là hélas
Ceux qui sont là à bout
vont seuls comme à vélo
en auto-immobiles
sans garde-boue
sans garde-fou
sans avant-goût
de ce qui n'est pas là
Ce qui est là est las
Le feu aux fesses
la détresse au derrière
et partout des garde-barrières
des avant-gardes de fourrières
des frontières d'avant-hier
la frenchie limite en ses mythes
d'identité identitaire
Ce qui est là et lasse
Avec son mâle dedans
le sexe entre les dents
creusées d'E majuscules
qui ne crèveront pas les abcès qu'émascule
la Gueuse

Avec sa race dedans
et ses papiers en culte
cette geste indigène en transe sans génie
transpirant la séparation
broyant son blanc noyant son noir
dans un blues faux comme un cantique usé
d'hombre porté sur son humain nombril
Ce qui est là holà
Renaître par l'autre vaincu
et par soi-même convaincu
en premier de la classe
pour en avoir ou pas
Ce qui s'en va s'en va
On pleurera mais ça ira
on sentira quand ça ira
on s'en tirera sans canons
ni trompe-êtres l'on chantera
Cuba no be coups bas non (bof !)
Ah ça ira on s'en rira
ce qui ira sans restera

Ce qui est là est là

RER A, 20 septembre, 19h33
* la Gueuse : la République
* Cubano be Cubano bop (Dizzy Gillespie)
Take the "A" Train (Billy Strayhorn)
You must take the "A" train
To go to Sugar Hill way up in Harlem
If you miss the "A" train
You'll find you missed the quickest way to Harlem
Hurry, get on, now it's coming
Listen to those rails a-thrumming
All aboard, get on the "A" train
Soon you will be on Sugar Hill in Harlem

COMMUN MANCHE

(à Stan)

Commun lundi,
j'en ai marre dis,
l'amer crédit
de l'enjeu dit :
me vendre dix
fois
, ça me dit
rien. Ferme et dis :
manche !

Ailleurs, 5 septembre 2005, 12h04

DE VERS GONDÉ, octobre et novembre 2005

LA DÉFAITE (Manifeste a-poéthique 1) 

Valse (à Guillaume APOLLINAIRE*)

Je ne regarde pas ce train n'y
monte pas ni n'en descends n'en res-
sens ni joie ni regret ému ni
nostalgie où noyer l'amer Est-ce

ainsi que le quai me jette au vi-
de ma vie de laquais démuni
du droit à la paresse ou par es-
prit de contradiction que paraisse

la mort lui donner raison Qui nie-
rait qu'à rien ne sert non plus de res-
ter comme un âne à regarder pas-

ser ces trains pour le néant à pa-
niquer branler dans le manche en di-
sant vendredi que lundi l'indif...

FoSoBo, 14 octobre 2005, 21h22

* LA VICTOIRE
« [...]
Nous n'aimons pas assez la joie
De voir les belles choses neuves
Ô mon amie hâte-toi
Crains qu'un jour un train ne t'émeuve
Plus
Regarde-le plus vite pour toi
Ces chemins de fer qui circulent
Sortiront bientôt de la vie
Ils seront beaux et ridicules
[...]»

MAUX D'ORDRE

Quand une idée s'empare des masses, elle devient force matérielle *

Après le feu l'effroi
du peuple sans armure
L'émeute est hors d'émoi
le bourge dans ses murs

Du mythe de l'Etat s'éprend
la masse promise aux casernes
La misère entre dans le rang
l'Idée l'imite en sa caverne

L'esprit tenant en force
de l'ordre rétabli
la raison tonne sous abris

Le béton coté à la hausse
se coule idéal en blockhaus
Black's back cool on rescue

Ailleurs, 15 novembre 2005, 11h23

'RETOUR AU CALME', PAS DE 'QUARTIERS' 

Rap à Toto*

Puant pays de collabos
labo de la conservation
conversation l'art des bobos
beau d'être sa dénégation

Gardez vos places, tirez la chasse

Couches moyennes mais épaisses
comme se couchent font leur lie
leur lard où gens d'argent paissent
l'ordre dur l'ordure où l'or dure

Gardez vos places, tirez la chasse

Société bonne pour les chiottes
à deux bâtons qu'elle s'importe
pour chier assis soleil levant

Gardez vos places, tirez la chasse

Seins bronzés et cul dans la soie 
par compassion ça va de soi
Prolos et bourges, tous au chaos !

Gardez vos places, tirez la chasse

* Monopole japonais de sanitaires spécialiste de WC à commande numérique et perfectionnements d'ultra-confort > La Rolls des WC est japonaise, Philippe PONS, Le Monde, 16 novembre 2005

** PARIS (AFP) - La situation était revenue à la normale jeudi partout en France après trois semaines de violences urbaines, a annoncé la police, quelques heures après l'adoption par le Parlement de la prorogation pour trois mois de l'état d'urgence...

RER A, 17 novembre 2005, 8h17

DU CHAOS DE GALA

à quelques humbles
Le chaos vient je vis je vaque pour le voir
d'un monde à prix cassés dont tout doit disparaître
le rêve est dans la main plus réel de savoir
que n'avoir rien se conjugue avec être
Souffle au coeur d'en faire notre histoire
Il vient pour déchanter ceux qui ne font que boire
jusqu'à la lie bernés au calice à promettre
le bonheur relatif en messes petits soirs
gueules de bois dans la langue des maîtres
Souffle à ton coeur qu'il en fasse l'histoire
Il vient pour aller plus loin que l'esprit des lois
la sociale est si lasse de la paix des classes
la guerre est là tu sais je t'aime hélas
Souffle à mon coeur d'en faire une autre histoire
Le chaos vient du temps où s'emporte la haine
dans le vent grand matin sur nos plaies sur nos peines
qui souffle à nos coeurs d'en faire toute une histoire
« L'abolition des classes sera tout sauf un dîner de gala » Roland SIMON, Ballade en novembre
 
« La révolution n'est pas un dîner de gala; elle ne se fait pas comme une oeuvre littéraire, un dessin ou une broderie; elle ne peut s'accomplir avec autant d'élegance, de tranquilité et de délicatesse, ou avec autant de douceur, d'amabilité, de courtoisie, de retenue, de générosité d'âme. La révolution, c'est un soulèvement, un acte de violence par lequel une classe en renverse une autre. » MAO ZEDONG, Le petit livre rouge
 
Ailleurs, 25 novembre 2005, 17h01

LOB ET GAIEMENT, décembre 2005

PROCES VERBAL

Avoir et être

La belle passée ce matin
au bord du canal Saint-Martin
avait les poches dans les yeux
le vide et le plein d'un non-lieu

L'inconnue avait pour bagage
un sourire ingénu et pas d'âge
elle était restée pour partir

Le crime parfait sans potin
s'était accordé au destin
d'une mort à titre gracieux
sans mobile ni silencieux

La belle en guise d'oraison
n'avait pas assez de raisons
pour vivre plutôt que mourir

RER A, 5 décembre 2005, 8h44

MES DÉ-BUTS, janvier à juin 2006

THIS TRAIN 

« nous ne voulons pas de la société qu'ils nous programment celle du "BOSSE et CRÈVE" » Occupants du Syndicat des entreprises de travail temporaire, 21 mars  

Class hic 'net 'Blues

Ce train emporte des visages pâles
vers nulle conquête vers nul exploit
station debout en tas ces animals
ensemble séparés vont à l'emploi

D'aucun Far West ils ne sont le bétail
gardés par des cowboys sans foi
ni loi que celle à loisir du travail
en pâture en culture dans le bois

Dont on fait la langue pour veaux aux heures
mornes où mène à la mort son troupeau
un homme en veste terne avec chapeau

Pour chauve dans la tête mais fort droit
dans ses bottes de gaucho. Ah ! l'effroi
de la chair et le prix de la viande

RER A, 21 mars 2006, 8h17

SUR LES PAVÉS LA RAGE
 
sur les pavés la rage
a fait gicler le sang
sous les coups de l'orage
au vent mauvais passant
 
les loups vont au naufrage
en meutes et par cent
noyés dans le mirage
d'un ailleurs impuissants
 
le maître ouvre la cage
l'esclave sort ses dents
mais il reste dedans
 
et mord à l'entourage
aux biens de braves gens
sans outrage à l'argent

FoSoBo, 27 mars 2006, 4h03  

CARTE ROUGE ? CARTE BLEUE ? CAILLERA, ÇA IRA...

Je suis un délinquant raté
car trop m'inculquant la morale
école parti société
m'ont tout détraqué le mental

« Tu seras pas cher appâté
lève-toi tôt court au travail
droit pour payer ton beef ton bail
non tu ne dois pas t'écarter »

Si j'aurais su, mieux fait racaille
j'aurais plutôt que m'encarter
en rouge col blanc en bleu

Devant la machine à fricaille
sous-développé durable-
ment sorti mon feu palsembleu

Ailleurs, 30 mars 2006, 16h27

LES MATINS DIFFICILES

Sonnet d'un réveil

Les matins difficiles
où la pensée oscille
entre y aller ou pas
font les petits trépas

Des rêves d'impossibles
chagrins en rien sensibles
à un travail ou pas
pour payer tes repas

Si tu crois aux miracles
ne te lève pas Toi
et ne marche pas Vois

De quels odieux oracles
où remonte la bile
se soulève la foi

Fosobo, 21 juin, 11h05

À TOUTES FAIMS, août à novembre 2006

COMMUN LUNDI

Ça va comme l'un dit
l'autre le même ne va pas

Ça va ça vient cahin caha
l'un dit « ça passera »
et l'autre est dans l'impasse

L'un l'autre casse
comme un lundi

Fosobo, 15 septembre 2006, 0h52

LARD DE LA PRUDENCE

Mutisme
autisme
mamelles
se mêlent

Sur l'isthme
aux ismes
d'i-mails
comme elles :

Prudence
latence
paresse

Jactance
urgence
ivresse

Ailleurs, 3 octobre, 17h44

AS TIME GOES BY, IX Livre de l'absence

MISÈRE DU TEMPS SOCIAL

C'est l'ami du travail,
l'ennemi de nos pas,
qu'il compte où que l'on aille,
de naissance à trépas
 
Mort à ce temps social !
à ses cadrans pour crans,
pseudos du capital,
à sa cadence en rangs
 
Alignés réguliers,
égrenés singuliers,
et sans fête commune
Que le viol de ses règles
en volant dans le vent
qu'elle souffle devant
 
        FoSoBo, 17 octobre 2007, 21h22

Qu'ils ont l'air vieux, assis,
Qu'ils ont l'air pieux, rassis,
Ravis des habitudes sans soucis,
Et si soucieux des apparences, aussi...

21 mai 2008

ON SE MÉNAGE ADROIT

On a si mal, on est si seul, sans témoins, quel tracas !
On traîne avec les siens en se disant qu'on n'en est pas,
On arbore sa solitude au milieu des confrères.
Ce qu'on a clamé haut, on en fera, bah... le contraire.

On se sent différent
En gardant ses repères,
Mieux d'être dissident
Au milieu des pépères

Qui me ressemble ? Ah la la !
En voilà un, on suit ses pas...
On vibre, on adore, c'est la nuit !
Quelle aventure ! Et sans ennuis !

On risque tout sans risquer rien,
On fréquente les lieux pour des surprises sur mesure
De l'exigent standing digne de sa littérature,
On s'apparie sûr à Paris hein !?

On calcule, poussé dans les reins,
Pour conserver tout son crédit
À la consommation sans freins
De plaisirs citoyens inédits

Mais en bon droit autorisés,
Assurant leurs frissons culturels
Hédonistes labellisés
En savoir-vivre de manuels

On a le goût de l'amoral
Tirée des romans pour praxis.
On rentre tôt dans la normale,
On arrivera vite. En taxi.

Ailleurs, 29 mai 2008, 15h37

TRISTE
 
Triste savoir, triste sapience
Triste ruine sans âme
Triste look reluqué
Triste loup refourgué
 
Triste show d'effroi d'être
Triste clown à paraître
Triste clône gaieté
Tristes enfants gâtés
 
Triste vie contestée
Triste sans, triste avec
Triste et sec, triste en bec
Triste bon, triste conne
 
Triste giron de bonne
Triste con qui se donne
Triste amour sans amour
Triste en l'absence
 
Triste en vacance
Triste rien
Triste tout
Triste madame et son toutou
 
Triste monsieur de ça ma femme
Triste femme au lit sans cieux
Triste molle, triste mâle
Triste bien, triste mal,
 
Bof...

FoSoBo, 7 juin 2008, 23h56

DE LA MISÈRE EN MILIEU MOYEN
Mal armé de ses faux désirs
Au hasard on jette ses dés
Sous les roues d'un train de loisirs
Qui vite déraille vidé

De marchandises sans plaisir
Pour celui de ne pas s'aider
Au coût d'un effort pour saisir
La règle d'un jeu bien fondée
 
Roule triste jeunesse
Mise sur ta détresse
En paris dérisoires
 
Un espoir illusoire
Au si clair résultat
Ta misère en l'état
FoSoBo, 25 juin 2008, 23h20

AUF ET BING !

Tout a changé tout à changer...
Les casseroles bien rangées
Font leur ding ding à la cuisine,
Le chagrin rend dingue à l'usine,

On y gagne ses sous pour manger
On y perd son temps, managé,
Encodé "sociale machine"
Sur la courbe de son échine,

Valeur d'ennui mis à l'ouvrage
Pour le prix de son esclavage
Et prime en sus pour la fermer...

C'est dur mais ça durera tant
Que les foules n'auront des dents
Pour briser leurs chiens et leurs chaînes

Ailleurs, 20 juin 2008, 18h16

AUF  : Allemand, particule indiquant généralement un mouvement vers le haut. AUF ! = DEBOUT !
AUFHEBUNG : En gros, abolir en conservant, dans la dialectique de HEGEL

COMMENT ÇA VA ?

À Bobby LAPOINTE, Revanche

Commun lundi l'un dit...
L'individu divise

La semaine qu'il vise
Au vain de ses non-dits
 
Lundi vide et sans vie
Mardi vide et sans vie
Mercredi et jeudi
Vendredi samedi
 
Dimanche on sort le chien
On s'ennuie à loisir
Bienheureux Parisien
Avide de plaisirs
 
À raconter lundi
En attendant dimanche
Une autre page blanche
À tourner allourdie
 
De l'épreuve du temps
Qui passe sur le corps
Effaçant les vingts ans
Et leur désir d'encores
 
D'encres à l'ancre mûre
Des écrits sur les murs
Où se taisent les cris
Qui attisaient l'esprit
 
Quand on prenait la rue
Dans les bras d'une crue
Qu'on croyait sans limites
Et qu'aujourd'hui imite
 
Sur le trottoir marchand
Le souvenir relique
Acheté en marchant
Assurance tous risques
 
Touriste à temps complet
En vie qui se complaît
À repasser les plats
Sans piment froids et plats
 
Sortis des macro-ondes
Alimentant le monde
Pour mieux tromper sa faim
En attendant la fin
 
Des haricots coco
Du riz blanc et des rouges
Rivé au statu-quo
Tirant sur tout qui bouge
 
Avec des mots qui tuent
Auxquels on s'habitue
Tout passera pardi...
Ça va comme un lundi !
FoSoBo, 23 juin 2008, 13h39
 

POÉSIE INTERNATIONALE

Vers libres

AT&T supprime 12.000 emplois
JP Morgan va supprimer 9200 postes
L'Espagne proche des 3 millions de chômeurs
GM prêt à sacrifier le tiers de ses salariés américains
Bank of America supprimerait jusqu’à 30000 postes
Telecom Italia va supprimer 4.000 emplois supplémentaires 
Toyota va se séparer de 3 000 salariés intérimaires au Japon
Fujitsu Siemens va supprimer environ 700 emplois en Allemagne
Aux USA, le secteur privé a détruit 250.000 emplois en novembre
ArcelorMittal envisage de supprimer 9.000 emplois dans le monde
Le leader mondial de la logistique va supprimer 9 500 emplois chez DHL
Le nombre des inscriptions au chômage a grimpé à 516.000 aux Etats-Unis pour la semaine close le 8 novembre

Ceci n'est pas un chapeau

4 décembre 2008

VOL LIBRE, à partir du premier avril 2009

LE TEMPS LIBRE

à James BALDWIN « Time is not money. Time is time. You made the money. We made the rhyme »

Leur temps c'est
l'argent c'est
le temps de l'argent
cadencé

Boulots boulets Cerveaux rouillés Dévots Poulets  
Patrons roués Prolos roulés
Du métro à l'enfer, RER du veau d'or 

... avant pendant après avant pendant après avant...

Point d'en dehors  
Seule horloge, l'argent

Leur temps libre c'est
Notre temps d'esclaves du temps c'est
Leur temps de maîtres du temps c'est
Le contremaître de nos loisirs cadencés
Conte à rebours, contre le temps compte la montre 
Argent du temps contre temps de l'argent

... pendant après avant pendant après avant pendant...

Aimer deux jours, aimer deux heures,  double vie trouble amour
Trouble jeu double je, rêve peau de chagrin

La marchande de sable a passé
Son tamis de mensonges
Sur la mer rouge de mes songes
Qu'elle a rangés dans son oeil poison mort

... après avant pendant après avant pendant après...

Ronge tes vers, poète d'instants éternels nourrissant ta passion d'une impuissance à vivre

Libre du temps, on a tout le temps
Le temps libre, ça n'existe pas !

L'éternité, temps mis à mort,
La mer sans horizon soleil toujours touchant

Le temps libre, c'est le temps aboli
Par mon soleil, le vent

FoSoBo, 12 janvier 2010, 20h50

TOUS POURRIS MOI NON PLUS, AMEN ! 

D'un cadavre dans le placard

«Il ne suffit pas d'être inutile, encore faut-il être nuisible...» Alphonse ALLAIS, Oui mais, à qui et quoi ?

Le bien par ton Dieu dit
Tu le feras au paradis

Au nom du père
On peut tout faire

Le mal par ton Président fait
C'est un devoir, pas un forfait

Au nom du père
On peut tout faire

Ton Directeur l'ordonne ?
Obéis, carrière se doit bonne

Au nom du père
On peut tout faire

Ton chef est un pervers ?
Fais mieux, sois exemplaire !

Au nom du père
On peut tout faire

La garantie de ton succès ?
Trouve quelqu'un à dénoncer

Au nom du père
On peut tout faire

Ne dis pas sur quel oreiller
On te l'a conseillé

Au nom de la mère
Faut pas paniquer

Le mort ne parle pas, son silence est d'argent
Le survivant dort, son silence est d'or

Au nom du fils
On doit tout taire

6 février 2010

DERNIER CAPRICE

(extraits)

- Machiavels de moquette
Vacheries de papier
Se tiennent barbichettes,
Espérant garder pied

Du mentir vrai roman
Au livre de recettes
Brûlées de vos tourments,
Buvarde et Pécouchette...

Et ma muse étant ton féal
Détourner devenait t'idéal,
Renverser l'air du temps sur l'art
D'en être en faisant le contraire...

- Chez moi, Van Velde fait carrière,
Palante pointe au cabinet,
Raoul convertit la prière,
Camille s'aime en forcenée,

Picasso me fait rigoler, 
Facile à lire Aragon l'est,
Gracian j'en use collabo (...)
Je suis la reine au vent bobo

- T'es tu vue en anarque,
À vendre tes arnaques,
Coups lisses des pouvoirs,
Nous prenant pour des poires ?

Servir la soupe, aux journaleux,
En robe verte, vertueux ?
Fourbir tes dossiers en justice
Avec ta copine à malice ?

Vue, choisir pour complice
Un con flic de service,
Et comme protecteurs
De courtauds prédateurs ?

Les leurs pour adversaires ?
Vue, pour masquer tes leurres, 
Ton talent d'avoir l'air
Salaire de ta peur ?

(...)

9-14 février 2010

VOYAGE À L'OEIL  

Derrière la vitre, au frais
climatisé de la princesse,
le bruit du monde s’interdit

Tout file le tournis

Sous les nuages
des tours Aillaud
se meurt le jour, pas un oiseau

Un laveur de carreaux
suspendu au ménage,
saltimbanque muet,
tourne un film, assourdi
des voitures en file
sur l’autoroute

au pied des murs,

la société est générale.

J’essuie sa banqueroute

18 février 2010

TAMBOURS SUR TEMPÊTES

Aux petits soldats de l'administration du désastre et de la soumission durable, de l'écologisme d'Etat et du capitalisme vert 

12 attendus

Au temps pour tous importe
         peu le vent amer
                à contretemps

Qu'une saine colère
         mette à la porte
                l'ombre d'une chimère

Quand passe sur hier
         la serpillière de l'hiver
                un propre vers printemps

Que sombre dans l'oubli
         le moment des poisons
                pipi sur la moquette

Que s'efface la trace
         de crasse et pollution
                durable de l'esprit

Et leur autorité de la dissolution
         mentale
               à l'environ dément

Que brûle en sa poubelle
         le déchet étatique
                de l'égocitoyen

Qu'on lui décerne en prix
         de sa bioconnerie
                l'écolabel démocratique

Que sa gestion du même
         crève d'indigestion
                managériale

Que gronde la raison
         quand tonne le critère
                de notre exploitation

Qu'un sens impur génial
         de la rébellion générale
                abreuve nos sillons

D'une musique nouvelle
         faites par tous non contre uns 
                avec tambours et tempêtes

19 février 2010

DROIT AU RETRAIT

Chanson à boire

« L’attitude du poëte dans une époque comme celle-ci, où il est en grève devant la société, est de mettre de côté tous les moyens viciés qui peuvent s’offrir à lui. Tout ce qu’on peut lui proposer est inférieur à sa conception et à son travail secret.» Stéphane MALLARMÉ, entretien avec Jules Huret  pour l'Écho de Paris, 1891

(Envoi)

Chacun pèse son cœur
au poids d'une chanson

Que la vedette en rie
où le rappeur en pleure

On mesure sa vie
à ses contrefaçons

Le sentiment prêt-à-porter
passe comme l'être à la poste
de vivre Savoir se comporter
le modèle en est dans le poste

En taille unique c'est moins cher
(tunique est ta propriété)
Ils sont le verbe toi la chair
à chacun sa priorité

Tu es le sang de leur argent
le prix du labeur sans l'odeur
Ils t'ont tout pris tu es Gros-Jean
comme devant faire leur beurre

Le temps à l'affaire fait tout
et tes heures sont toutes leurs
Rien n'est à toi Ils sont partout
épris surtout de tes doux leurres

Viens avec moi Viens avec nous
faire la grève de leur monde
Ne prions plus à leurs genoux
Qu'ils brûlent dans nos macro-ondes

S'ils veulent rester maquereaux
Quel est ce rien qui nous empêche
de les griller ? Ah quel bon rôt !
S'en va la peur ! On a la pêche !

En attendant la faim, du crime
dont nous serrons les assassins
Viens avec moi boire à la rime
qu'à dessein noie un dernier vers

25 février 2010

DERRIÈRE LA VITRE

Voici le titre
derrière la vitre

Le réel virtuel
le virtuel réel

De mon placard
avisé car

Penché sur ce rébus
l'ennui mis au rebut

J'ai pris rancart
avec l'écart

Planché sur mes vers
sous un plancher de verre

Écarté le hasard
du dé des arts

Loin d'un désert
pas très disert

Toujours à cran
derrière l'écran

Aux illusions
en perdition

J'interroge l'oiseau
bel oisif qui de haut

M'envoie sa chiure
comme une augure

Un avis des tempêtes
qui soufflent sur nos têtes

Avant qu'il tombe
non pas l'oiseau

Mais une bombe
sur le museau

Quel amusant
renversement

Allons nous-en
tirer envers

Et contre vents
plus forts qu'avant

Pressé d'en faire
d'enfer présent

Le dénouement
qu'un dé nous ment

Mais pas l'oiseau

4 mars 2010

POTLATCH

Contrat de non-travail

Patron, si tu préfères
m'offrir un bon salaire
pour ne point travailler

Être payé
à ne rien faire
n'est pas pour m'ennuyer

Un placard au soleil
huit heures de repos
obligé mais à l'oeil
l'écart vient à propos

Distribuer le goût
d'autres activités
l'aversion des grigous
versée à gratuité

Ailleurs, 25 mars 2011

TRAFICS NON PERTURBÉS

« C'est à l'aube que le travail commence. Mais un peu avant l'aube, nous commençons par nous reconnaître en tous ceux qui passent dans la rue » Discipline, in "Travailler fatigue", Cesare Pavese, 1936

Des transports si communs
bercent comme une vague
cette arche de nuées

Où chacun s'appareille
de ses silences lourd
d'un portable à l'oreille
son pareil à portée

Être intouchable et sourd
dans le long cri des freins...
Des mains vont sur des reins
font les sacs pour des riens...

Hier en bandoulière
demain bande Aujourd'hui
je descends à côté

RER A, 25 mars 2011

CRISE EN VERS, du 22 juillet au 31 décembre 2011

PARVIS SANS DÉFENSE

« Un parvis est l'espace ouvert devant le portail ouest d'une église. Le terme vient de « paradis », car lorsque l'on montait les marches d'une église, on s'approchait du ciel. » Wikipédia

Alors un œil aux trousses
vise le trou pour tous
non pour un. En leasing.

Crise point comme
une beauté tombée - tondue.net
par un cadre inférieur à talons hauts,
la vie carrée dans ses lunettes -
de sommeil @-@

En ce temps las
sénile est-il
ou laide à létal âge ?

Ici sur le parvis la vie se mire et glisse,
en partie fine, sans particule,
en cette mare ou pis encore,
que pisse, goutte à goutte, à péage,
un cruor inconnu

16 septembre 2011

À LA RIGUEUR

« L'un des budgets les plus rigoureux depuis 1945 » François FILLON, Premier ministre, 6 novembre 2011

On pourrait boire un coup
à la rigueur

Un coup d' jaja
à la rigueur

Au goût d' j'arnaque
Ah ! la rigueur

Jeter un dé à cou-
dre à contrecœur
avaler la liqueur

Se pendre à son licou
faire son lit
comme on secoue

Chaque heure
la bourse qu'€ur-
o ramollit

Comme Dali déjà
la montre du docteur

Il est minuit beaucoup
trop tard pour les truqueurs

Allons donc boire un coup
pour preuve de vigueur

7 novembre 2011

AUGUSTE MÉCÈNE

Voir Éloge de mon placard, dans les Gloses qui suivent les poèmes

« Caius Cilnius Mæcenas, dont le nom francisé est Mécène (v. 70 av. J-C – 8 av. J-C), est un homme politique romain et un proche de l'empereur Auguste, célèbre pour avoir consacré sa fortune et son influence à promouvoir les arts et les lettres.» Wikipedia

« Le clown blanc est le personnage sérieux, intelligent et rationnel. L'Auguste est fruste, outrancier et désordonné. Le clown blanc a un ascendant sur l'Auguste, il le domine. Mais il est en même temps son faire-valoir : c'est l'Auguste qui est la vraie vedette, celui qui déclenche le rire au final. L'Auguste peut aussi être apparenté au ça freudien (la pulsion animale et désorganisée), tandis que le clown blanc représente le surmoi (l'interdit, la loi) » Source [ce que dément mon poème]

Bosser est mon enfer
et l'art que je préfère
rime avec ne rien faire.

M'obliger ? Cogiter
sur leur « mobilité » ?
Il faudrait m'augmenter !

Qu'ils aillent se fair' voir.
Merci. Adieu Chabar.
Bye bye sans au revoir.

Ce vœu illégitime
me coût' pas un centime
mais vaut toute l'estime

Au mécène bêta
des vers que suscita
au poète l'État.

7 novembre 2011

LE TEMPS, PLUS LOIN

« Je cherche l'or du temps » André BRETON, Discours sur le peu de réalité, 1927

Avec le temps brisez l'horloge
Brûlez l'argent et l'euchologe
Tuez le temps le temps compté

Vive le foin cachez l'aiguille
Bagnes fermez Fêtez la quille
Perdez le temps à volonté

Fusez l'or du temps hors du livre
Étoilez vos yeux Enivrez-
Vous amants de rire et bon thé

Qu'attendez-vous le temps perdure
Du labeur dû l'heure s'endure
Au prix du beurre et sans bonté

10 novembre 2011

 

BRISE SOCIALE

Du genre Christine Lagarde, ministre de la phinance puis présidente du FMI, cette fable en 13 quatrains de 2 alexandrins

Merci à Stéphane MALLARMÉ, pour les embrunts à Brise marine

« Traître, insolent, trompeur, lâche, coquin, pendard, gueux, belître, fripon, maraud, voleur…! » (MOLIÈRE, Le Médecin malgré lui, acte I, scène 1)

« Il s'est formé une petite secte de théoristes de Terreur, qui n'a d'autre but que la justification des excès révolutionnaires. » (CHATEAUBRIAND, Ét. ou Disc. hist., t. 1, 1831, p. XCI)

La guerre est triste ! Hélas,
je n'ai bu tous les litres
du sang de votre classe,
et me voilà bélître,

Moi ! Banquière au chômage !?
Pour une ultime fois,
qu'on paye sur vos gages
cette crise de foi

en l'argent ! Ô mon cœur,
entends le chant du signe,
la fin d'un extorqueur
dans son bon droit, qu'assigne

la dure loi du genre
et de l'économie
perdus, ensemble... J'enr-
age, quelle anomie !

Diantre ! Grosse légume,
inconnue terminer
dans la fosse comme une
vermine éliminée !

Quel calcul égoïste
inspire les prolos ?
Secte de théoristes
ou lubie d'alcoolos ?

Fuir ! là-bas fuir ! Que faire ?
Aller me faire voir
chez les Grecs aux affaires ?
Conseiller le pouvoir ?

Sauver Rome ou la France ?
Ici, comment s'ôter
d'un doute, où trop d'outrance
fit D.S.K. sauter,

Borloo se défiler,
en queue, jusqu'à Lagarde...
Que ne puis-je enfiler
des vers de gare, hagarde,

en regardant les trains
comme une vache à lait*,
les pis dans le pétrin,
par la baie du palais ?

Que ne suis-je chinoise
née, à tout petits tétons,
pour allaiter sans noise
cent min-gongs rejetons ?

Un ennui, sans mouchoir,
croit aux profits croissants
quand les miens vont déchoir,
et moi, du noir brassant,

descendre sans ressource
de subprime en sur-crise :
Tant va l'autruche en bourse
qu'à la fin ell' se brise

14 novemvre 2011 /31 

* vache à lait : "marché en faible croissance ou récession et position dominante de l'entreprise sur ce marché" (Vocabulaire du marketing  > Matrice BCG)

« QU'EST-CE QUI VOUS INDIGNE ? »

Sur le parvis de La Défense, devant la Grande Arche, ce jour, quelques dizaines d'Indignés tiennent la place depuis deux semaines. Leur carré s'étend, mais pas leur nombre, par les dazibaos posés au sol, dont les thèmes débordent allègrement les présupposés de ce mouvement. Quelques policiers les encadrent. Ils se les gèlent ensemble. Dans les cars, les flics sont au chaud, plus nombreux que les manifestants. Ce soir, du haut de l'escalator qui descend au RER, deux militants bariolés haranguent la foule des salariés. L'un tend la main : « - Soutenez-nous ! », tandis que l'autre : « - Il y en a, des moutons, qui se soumettent, plus de moutons que de lions...» Quelques moutons y vont de leurs euros. L'histoire ne dit pas ce qu'en pense un homme âgé, un SDF qui est là, au pied de l'escalier, depuis plusieurs années...

J' suis p't-être un peu zinzin
mais pas l' genr' zindignés

Que m' semblent ces gens niais
et leurs airs policés

French'min qu'on me dise, hein,
à quoi sert ce bousin ?

Étant des indiens nés
(indigène et cousin)

Je préfèr' l'indigeste...
Poil au pâté d' bousier

15 novembre 2011 

TRIPLE Z

« Comme l’État est né du besoin de refréner des oppositions de classes, mais comme il est né, en même temps, au milieu du conflit de ces classes, il est, dans la règle, l’État de la classe la plus puissante, de celle qui domine au point de vue économique et qui, grâce à lui, devient aussi classe politiquement dominante et acquiert ainsi de nouveaux moyens pour mater et exploiter la classe opprimée. » Friedrich ENGELS, L'origine de la famille, de la propriété privée, et de l'État, 1884

- « Les temps sont durs, les États mous », nous dit Moody's
- « L'agence, hein, trop pèse ? » devisent avisées
douze élites - « Standard pauvre de vie » prédisent
dix expertises. Poète oisif, amusé,

agence en ses verts mots, avec note zéro,
ce faisant infusant un plaisir de vers zen,
des pieds prenant leurs aises et ces airs fiérots,
sans vergogne abusant de cent rimes en Z.

Fitch repassé par l'A, putois, fourrer son nez,
accourt : « La poésie française déraisonne
et de Verlaine fichtre, on se fiche, apprenez

à peser vos écrits.» Euh... L'art naît à mesure
qu'il refuse les ordres, les Césars, l'usure...
« De la musique avant toute chose » ? Qu'on ose !

15 novembre 2011

RANÇON DE LA PLUS HAUTE TOUR

Chanson de la plus haute tour, Arthur RIMBAUD, mai 1872

« - Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? - Je ne vois rien que le soleil qui poudroie, et l’herbe qui verdoie »  Charles PERRAULT, La Barbe bleue, 1697

Du haut de sa tour, banquière, sous le rouge et le noir et dans tous ses états, dame, ne me vit pas venir. Sa tour dans les nuages, elle était dans la lune.

Vues de mon placard, les tours Nuages dressaient leurs crasses sous l'orage et sur le quartier Picasso. Pas de Cartier. Pas de banquier. Personne dans la lune.

En face, aux pieds du temple général, mon pote le corbeau gobait les mouches... Soudain la pie, mon amie, qui a plus d'un tour dans le bec et dont les chants sont du plus haut bagout, m'apporta une bagouze. Que dis-je, un bijou. Pas de Cartier. De Rimbaud. Dame banquière me le fit oublier.

La dame m'a prise
Le cœur beau d'ivresse
Tombée des nues grise
Le ciel me l'envoie

Ardant la promesse
De si haute joie
Plus rien ne m'arrête
Jusqu'à la retraite

Oisive vieillesse
À rien asservie
Derrièr' la fenêtre
J'ai gagné ma vie

Qu'un sale temps craigne
Où le corps entraîne

29 novembre 2011

LA RIME C'EST RIEUSE

« Je lis mal et avec ennui les philosophes, qui sont trop longs et dont la langue m'est antipathique. » Paul VALÉRY, Cahiers, T1 p197 

Gare à toi mou ! Garde ton pou ! Laisse nous rire !
Je ne dirions plus jamais 'nous' sauf à nourrir

la belle en jambe rime, au féminin gracieuse,
à l'herbe grasse où je dormirions licencieuse

et brûlerions méthéorire en la marmite
à bouillir le réveil mutin d'une marmotte

enrougeant le monde « - Dieu qu'une travailleuse
est moche ! »
Alors je pillerions sa langue pieuse

sans répit Je roupillerions qu'un loir est cher,
gratuit impensément, heurieuse bonne chère

partout et non pour un pourri de mourriture
céleste à cerveau lent qu'enchaîne un con futur

à la chair à canon payant le prix des gerbes
et le mot 'nous' menti sur les murs en Malherbe

dans le ciment si vil d'un cimetière d'hier
où l'émeute marine a ses tics... Prières

de Valéry poète à l'avenir en lave
de Couté sans cantique à Brassens en conclave

Je n'en saurions que fair' si n'en faisions entendre
qu'à pourrir pour mourir je préférions m'en fendre

la poire entre moi-je face au mage en sa messe
hu-mi-li-tai-re-ment militée mes fils (tôt

fait l'es) poir' que desserterions la table rase
et rirerions sérieux à en mourir sans phrase

5 décembre 2011

BEL OISEAU VOLE A CARDINELLA

Deux voleurs de chardonnerets pris la main dans le sac à Furiani [...] Le chardonneret élégant (dont le nom scientifique est carduelis carduelis et le nom corse a cardellina) est une espèce qui bénéficie par arrêté interministériel d'une protection totale sur le territoire français. Malgré cela, certains le traquent pour des raisons culinaires... Corse Matin 7 12

Les Français se disent heureux dans leur travail actuel à 57% selon La grande enquête de 'La Croix'

en écoutant Tino ROSSI Tchi tchi

La poésie faite par douze est non pareille
Elle vous charma tant qu'en l'oiseau chant vola 
Ô Cardinella Catarinetta bella
Il est trop tard jamais plus ne se fera vieille

Le charlatan tôt rentré des paris
Glissait de sa planche à billets pourris
À vau-l'eau libre dévot à la baille

Bel oiseau vola sonner son glas
Au français bienheureux au travail
Qui n'aimait que sous sous matelas

Qu'il se dise en baisant l'ozeille
Si j'avais su en ce temps las
Aimer le genre dame oiselle
J'en aurai plus de tripes là

7 décembre 2011

SALADE IMAGINAIRE

« Quand le travail fait perdre la santé » Pathologie. Gestes répétés, charges lourdes, produits chimiques : l’activité professionnelle peut engendrer des problèmes de santé [...] des individus rendus malades par leur travail [...] Le service a aussi affaire à quelques malades imaginaires [...] se font démasquer [...] Ce sont des gens qui ne veulent pas travailler [...] » Le Monde pour DirectMatin, 20 décembre 2011 

Imaginaire travail imaginaire fait imaginaire perdre
Imaginaire santé imaginaire malade imaginaire travail 
Imaginaire veut imaginaire individu imaginaire perdre
Imaginaire travail imaginaire malade imaginaire travail

Imaginaire malade imaginaire veut imaginaire santé
Imaginaire individu imaginaire fait imaginaire malade
Imaginaire perdre imaginaire travail imaginaire santé
Imaginaire santé imaginaire pas imaginaire malade

Santé imaginaire fait imaginaire perdre travail 
Individu imaginaire malade imaginaire pas travail
Pas imaginaire individu imaginaire travail malade

Malade imaginaire pas imaginaire travail individu
Travail imaginaire fait imaginaire perdre individu 
Individu imaginaire fait imaginaire perdre imaginaire

20 décembre 2011

 TEMPS BASCULÉS, depuis le premier janvier 2012

PLACE À JUSTES VIOLENCES !

À la mémoire de Flora Tristan, et de son petit-fils Paul Gauguin

Après lecture du magnifique roman de Vargas Llosa 'Le Paradis - Un peu plus loin', avec un aveu : je fus tenté par le 'hasard objectif' (André Breton, Nadja) quand, élu en 1975 secrétaire d'une nouvelle cellule du PCF baptisée Flora Tristan, j'appris qu'elle avait vécu à deux pas, rue du Bac (où son mari lui tira un coup de révolver, kidnappa et viola sa fille la mère de Gauguin), et que "Madame la colère" était née, comme moi, un 7 avril (ainsi que Billie Holiday). Avant Marx, elle affirma « L’affranchissement des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. L’homme le plus opprimé peut opprimer un être, qui est sa femme. Elle est le prolétaire du prolétaire même ». Néanmoins, son 'Union ouvrière' fut naïvement pacifiste.

Nous tournerons les vents mauvais sur toutes têtes
de nœuds du lien social au bordel capital
Nous jetterons l'effroi dans la tempête

Feu sur leur droit à la violence
Sur la violence de leurs droits

Aux riches et leurs chiens Aux maîtres et leurs biens Aux mâles de leurs miennes Aux chefs et leurs miches
Aux princes de la triche Aux trombines d'écrans Aux marchands et combines Aux sages de l'usine

Feu sur leur droit à la violence
Sur la violence de leurs droits
 

Aux bureaux Aux barreaux Aux tôles et contrôles Aux caméras cachées À la came en cachets
Au gibet des guichets À la démocratie ses scies À politique et ses boutiques Au sale lot boulot
Au travail ce trafic Aux trajets des tracas Aux fracas des sujets Aux pouvoirs des avoirs
Aux affaires Aux affreux À l'horreur des horaires Au permis aux pervers Aux salauds Aux salaires

Feu sur leur droit à la violence
Sur la violence de leurs droits
 

Aux bonnes soeurs des sacrifices Aux malsains édifices d'État Aux faux seins et tas d'artifices
Aux quartiers de mollesse Aux quartiers sans noblesse Aux rentiers de la fesse Aux messes des banquiers
Aux valeurs de papiers Aux pigistes pliés aux pieds de la valeur Aux artistes pompiers
Aux pinpons des doctrines Aux doctoresses en droit Aux élueurs de gauche Aux terreurs du milieu
Et j'en oublie et j'en oublie on remplira et cætera

Feu sur leur droit à la violence
Sur la violence de leurs droits
 

Ajoutons-y ces rats aussi Ces assis scélérats sociaux et ces cocos rassis Ces curés à parade chic
Ces coincés d'appareils Leurs partis c'est pareil Les carats prés carrés Les cars de policiers
Les paras préparés par droits de l'homme à la violence Et les fistons par leurs tontons au droit de viol
Et j'en oublie et j'en oublie on remplira et cætera

Feu sur leur droit à la violence
Sur la violence de leurs droits
 

Comme ils ont mis nos vies à nu
nos malheurs au placard
nos savoirs au rancart
nos enfants à la rue
nos vieux à la poubelle
nos belles au trottoir
nos malades aux déchets
nos luttes en fichiers
nos pauvres en prison

Et compromis ce temps sans horizon 
achetant aux enchères
sur l'air à vendre leur canon
le plus cher de nos chairs

Place à justes violences !

Comme ils ont à bruit blanc
réduit les maux du monde
Soumis à l'or planqué
les mots vidés de sens 
Abruti le silence
salaire d'impuissance  
Ôté à la bonté toutes ses vérités 
et même à tout poème...

...ah ah la poésie laissez-moi rire
Un temps pour tout ! D'urgence offrir

Place à justes violences !

On gardera nos vers pour le repos guerrier
et la rime pour rir' si si soyez gais riez 
un sourire à la main pour venger la maman
d'un père l'aimant en cage
d'un fils mort désarmé

On offrira des fleurs à nos filles sauvages 
de beaux joujoux aux gosses de partout
des youyous désarmant aux fusils 
de futiles yoyos et la commune à tous
pour le temps nécessaire inutile

Encore faut-il

Faire un pas vers un choix
de vivre en liberté
entre tous inventer
                                         l'infini
contre un reflux des vagues
pour un réel allié
à folie tendre
âmes déliées

Mais sans attendre faire

Place à justes violences !

4 janvier 2012

Gloses sur une indisposition au travail

Le statut de ces textes est bâtard. Ils peuvent tenir de considérations théoriques, mais n'en ont pas la rigueur ni toujours le sérieux. Ils peuvent être drôles, avec sérieux. Ils peuvent éclairer les poèmes, en précisant quelques présupposés. J'y apporterai quelques retouches à l'occasion de cette publication.

15 janvier 2005

L'homme sans ambitions, Phrases sans suite

« Il faut savoir ne pas faire carrière » Bram VAN VELDE, Rencontres avec --, Charles Juliet, 1967

Il était une fois un homme sans ambitions. Ni goût du pouvoir. Ni de l'argent. Non qu'il fût sans faiblesses. Les siennes étaient ailleurs.

Il n'aimait pas ce monde, mais il aimait la vie. Au jeu du monde, il était un piètre stratège, mais pas un tricheur. Tout juste un bon comédien, qui avait retenu la leçon de son époque : « Il faut être acteur de sa vie », cet aveu du Spectacle sur lui-même. En attendant de le botter en touches, il lui montrait son culte.

C'est ainsi qu'en dehors de ce qu'il choisissait lui-même de faire, dans une relative liberté, l'homme sans ambitions tenait à la perfection les rôles qu'on lui avait assignés, les poussant à la caricature. Contrairement à nombre de ses contemporains, cette dérision cynique n'était à ses yeux qu'un pis-aller dans la défaite, et, pour sa gouverne, qu'un moyen de survie psychologique, un ersatz de suicide, car on ne sait jamais, la vie pourrait encore servir, même s'il ne voyait pas bien ni à quoi, ni comment.

Dépourvu d'ambitions, il vaquait dans un simple bonheur, du fait que sa propre vie n'avait pour lui-même aucun intérêt. Il ne savait pas depuis quand il en allait ainsi. Il n'avait jamais eu l'envie de devenir ceci ou cela, de réaliser le moindre projet de carrière. Il était généralement insatisfait de tout à commencer par ce qu'il faisait de mieux, mais très persuadé qu'il n'avait rien de mieux à faire que se laisser porter par ce qui viendrait s'il évitait l'ennui et trop d'ennuis. Son principe vital était simple : non pas réaliser ses désirs, mais refuser tout ce qui s'y opposait à leur réalisation. Son insatisfaction n'en devenait en toutes circonstances que plus satisfaisante. Toujours insatisfait, il n'était jamais déçu, ni par les autres, ni par lui. Il faut dire à cet égard que ce qu'il n'attendait pas de lui-même, il l'aurait encore moins exigé des autres, qui lui paraissaient encore moins bien placés pour le réaliser. Par là même, il n'était ni jaloux ni envieux des succès de tous ordres.

Il avait ainsi mis en oeuvre pour son propre compte une véritable utopie négative, dans une vie et un monde dont il n'attendait rien, sauf à titre très intime ou très universel. Il surfait sur la vague auto-agitée de son propre nihilisme.

Mais cette laborieuse philosophie personnelle n'avait rien d'un désintéressement : sans ambitions ne signifie pas sans intérêts. Cela n'aurait eu aucun sens, sans la promesse en contrepartie d'une satisfaction : n'avoir rien à perdre, hormis sur un plan strictement économique. N'avoir à perdre que ses chaînes suppose d'être enchaîné le moins possible, de n'avoir aucun engagement susceptible de brider sa pensée ou son itinéraire vital s'il devait se produire un événement matériellement décisif du point de vue de la collectivité. C'est cela qu'il avait conquis de haute lutte comme produit de son absence d'ambitions personnelles. Bien entendu, comme tout le monde sauf ceux qui accordent un peu trop d’importance à leur cas singulier, il n’avait pas manqué de s’engager dans certaines voies collectives, mais il avait payé cette erreur de jeunesse, cette précipitation, en s’y révélant beaucoup plus mauvais que seul, y compris pour la collectivité concernée, et aucune expérience ne l'avait convaincu que d'autres y réussissaient mieux que lui. On ne l'y prendrait plus. Pour lui, la plupart de ceux qui s'agitent en groupe le font parce qu’ils en ont besoin pour eux-mêmes et, dès lors, aliènent à l'esprit de groupe leurs propres capacités. Il n'avait vécu aucun exemple du contraire, y compris avec ceux dont il avait partagé les plus nobles convictions, les plus vaillants combats ou les plus justes théories. L’engagement collectif de groupe n’est bon que pour les faibles d’esprit ou les aspirants au pouvoir ou à la célébrité. Le groupe, contrairement à ce qui est communément admis, n'atteint pas une qualité supérieure à la somme de ses membres, mais tend à empêcher chacun d'apporter ce qu'il possède de meilleur en tant que c'est pour chacun différent. Tout groupe commence pas assècher si bien ses propres membres, qu'il est fort mal placé pour construire hors de lui une communauté d'individus libérés : groupo sado, mas prolo pas maso, comme dit le proverbe bien connu.

Dépourvu d'ambitions, il n'avait pas davantage de désirs matériels, si ce n'est de livres introuvables, à moins qu'ils n'aient jamais été écrits. (En toute relativité, il faut préciser qu'il vivait dans un confort qui, bien qu'assez moyen, l'autorisait à ne pas trop se préoccuper pour lui et ses proches d'immédiateté matérielle).

Adolescent, son père lui reprochait déjà d'être sans ambitions. C'est vrai que dans son initiation à la vie, chaque fois qu'il aurait pu réussir dans une voie, il s'était empressé de la quitter ou de simuler son échec, avec un tel talent destructeur que ses proches y voyaient la peur d'assumer ses responsabilités d'adulte, ou le moindre engagement. Lui, tout simplement, suivait son absence d'ambitions comme la boussole la plus sûre vers la liberté de pensée et d'action. Il n'avait au fond aucune chaîne psychologique à perdre hormis celles qui nous attachent tous à un matérialisme qui ne doit rien à la philosophie.

Tournant le dos à toute éventuelle réussite, il sentait qu'il avait mieux à faire, sans savoir quoi ni s'en préoccuper, mais s'était accoutumé à en trouver la preuve tangible dans le fait que, jusque-là, il préférait ce qu'il avait fait à ce qu'il aurait pu faire de mieux aux yeux des autres. Tout ce qu'en ce monde d'autres nommaient "réussite", il l'aurait considéré pour lui-même comme le dernier des abandons, la dernière des lâchetés. Pour lui, en ce monde, réussir, c'était trahir. Quoi qu'il en soit, il se sentait destiné à bien mieux, c'est-à-dire à bien moins. Il revendiquait paradoxalement une élévation dans la banalité, sans voir qu'il lui tournait ainsi le dos.

La pratique de l'homme sans ambitions relevait par conséquent d'un art de la fuite, d'une forme de marronnage existentiel. Pour autant cette fuite ne se traduisait pas comme chez d’autres par des envies de voyages. Il n’aimait pas les voyages et n’aurait pu s’en offrir que du genre tourisme, sous une forme ou une autre. Il n’existe d’ailleurs rien d’autre que le tourisme, le sexe, le terrorisme, le banditisme, les affaires ou la guerre, pour justifier de se déplacer loin de son territoire d'attache, que le monde entier visite, si ce n'est pas une île déserte. Lui n'avait voyagé que pour l’amour d'une femme ou d'une autre, quand il s'était avéré qu'elles ne viendraient pas à lui. Constatant le regard sur le monde que portaient les voyageurs, il se disait qu’il était inutile de se déplacer pour apprendre si peu de la vie, sur les autres et sur soi. La plupart ne voient ici ou là que ce qu’ils veulent y voir. Il n'avait pas eu à bouger pour en faire le tour.

* Note du 7 mars, je trouve cette citation de Thomas BERNHARD : « [...] les voyages autour du monde, une fois qu'on les regarde de plus près, ne valent pas beaucoup plus qu'une promenage au Prater.» [Nota : À Vienne, le Prater est une sorte de parc d'attractions] (Les Mange-pas-cher, trad. Claude Porcell, p.99, Gallimard/nrf, 2005)

? Avril 2005

La grande normose universelle et les serviles publics : le monde réel comme camp de normolisation (esquisse)

Le monde "réel", la représentation que s'en fait l'Homme (= der Mensch = l'être humain), en se mondialisant, se révèle comme un immense champ clos, un camp de normolisation universel. A la différence d'un camp de concentration, on ne peut pas s'en évader : il n'a pas de dehors, il tient le monde en son entier, sans fuite possible. Pour en sortir, il faudra le détruire.

Tous, nous y sommes simultanément prisonniers et geôliers, bien entendu en proportions variables et avec de fortes nuances tenant aux rapports de classes et aux multiples dominations qui les accompagnent. Parmi celles-ci, la servitude volontaire, moteur de l'impuissance, avec son tigre : l'autoservitude, dans son mélange de conscience honteuse et d'inconscient refoulé, prompte à se sentir coupable, triste, quitte à repeindre le camp aux gaies couleurs de ses leurres. La servitude volontaire justifie la normolisation, elle fabrique en dernière analyse les normosés*. L'autoservitude, c'est sa part réflexive : de soi, comme maître, à soi en tant qu'esclave; et sa part projective : le modèle de l'esclave-maître projeté sur les autres en tant qu'esclaves-esclaves. De la même manière qu'une idée peut s'emparer des masses et devenir force matérielle (Marx), cette virtualité se concrétise en potentialité de nuisances physiques ou psychologiques. Chaque normosé est ainsi un normoseur**, réel ou en puissance : sauf à dire «non !».

* normosé : emprunt à Michel Steiner, La machine à jouir Lire Réponses de M.S.

** normoseur : on dit aussi normolisateur, ou normoliseur. Pour le féminin, on dispose du choix entre normoseuse, normoliseuse, ou normolisatrice. Le cas n'est pas prévu par le décret du 21 juin 1993 sur la féminisation des noms de métiers. Les sociologiste-e-s n'ont d'ailleurs pas encore déterminé si normoseur était un métier, une fonction, un titre... bien qu'on y distingue plusieurs grades et "manières de servir". Il ne s'agit pas non plus à proprement parlé de bénévolat, ni toujours d'une activité associative. La question de la rémunération est trop complexe pour être abordée dans cette note introductive.

Les normoseurs, les serviles publics, les normoux et normolles...

De cette servitude volontaire, et de sa part auto-servile, les individus sont plus ou moins enclins à se libérer, plus ou moins à même de le faire, certes dans les limites de la grande servitude des rapports de classes. Moins les individus sont désireux de cette libération, plus ils projettent sur les autres cette impossibilité, devenant les serviles publics, des maîtres-esclaves. Ceux-là sont à la fois les meilleurs prisonniers et les meilleurs geôliers, et, dans leur monde "réel", leur représentation du monde, les plus adaptés, les plus normaux dans la grande normose universelle, cette loi générale du camp de normolisation : c'est, à l'extrême, la race pure des normosés-normoseurs. Les serviles publics sont la police et le clergé des normosés. Le simple normosé, qui refuse de faire la police sans pour autant souhaiter la destruction du camp, est le normou, ou la normolle.

Les autoserviles publics se mêlent de tout. Selon le cas, les normoseurs enseigneront aux esclaves la morale et la politesse ou leur serviront des tisanes... tout cela «pour leur bien», pour les protéger en tant que «victimes», ou pour leur épargner l'"autodestruction", que les normoseurs voient dans la part de folie qu'en tant que purs esclaves ils se reconnaissent, la part de liberté qu'ils s'octroient afin de fomenter quelque projet de destruction du camp de normolisation universel. Il en découle que les serviles publics ne comprennent pas pourquoi, quand la coupe est pleine, les aspirants à la destruction du camp, sachant l'évasion impossible, voient en eux des mâtons, ou des kapos, et font tout pour les éviter ou s'en débarrasser, s'en protéger, car il devient dangereux de les associer à leurs projets de libérer le camp. Les normoseurs n'hésitent pas, selon leur grade, et si les esclaves ne font pas spontanément le nécessaire « pour leur bien », à envoyer ceux-ci en cure de désintoxication, en hôpital psychiatrique, à leur injecter une dose de sérum normolisateur, ou à leur mettre une balle dans la peau. Tout ce dont ils rêvent symboliquement, ils le font si possible physiquement, et la réalité dépassera la métaphore.

La liberté d'expression dans le camp de normolisation

L'idéal politique des serviles publics serait de faire des référundums sur tout, de sorte que tout soit décidé démocratiquement, à la majorité : autant de majorités que de questions. Leurs questions. Leurs réponses. La convergence du tout en quadrature du cercle. Une utopie de l'Etat, de la société civile, de l'économie, du capital, de la démocratie : le paradis dans le camp : l'alternative. Bien sûr, les aspirants à la destruction du camp étant aujourd'hui ultra-minoritaires, aucun référundum ne leur donnera jamais l'occasion de choisir ni de répondre à leurs questions, ni de voter démocratiquement la destruction du camp.

Il existe des serviles publics de droite comme de gauche. C'est une caractérisation de la subjectivité, qui ne tient qu'en partie à une appartenance de classe, celle-ci étant déterminée par un rapport réel, une situation, et non comme seule conscience. La servilité publique vient se greffer sur les rapports de classes, et c'est bien entendu du côté du prolétariat qu'elle provoque ses ravages, parce qu'elle sera toujours une justification de l'existant ou du possible en ses limites, en d'autres termes une posture contre-révolutionnaire.

Les serviles publics ne veulent pas connaître les questions qui sont anormosables (on dit aussi anormolisables). Quant à « un autre monde possible », les autoserviles publics unis en politique en préparent un : le même qui court en continu, ou en alternatif, à la catastrophe.

L'art et la normolisation

Les normoseurs, ces grands reproducteurs du monde "réel", refusent l'art, ce grand questionnement de toute « réalité », ou le considèrent comme un supplément d'âme, une soupape pour leur propre tranquillité, un facteur d'adaptation au camp des normosés, ce monde de l'ennui universel. L'art doit pour eux s'adapter à la loi générale du camp de normolisation, y être reconnu, devenant ainsi une affaire de police, une affaire culturelle, voire de politique, contre sa marchandisation : mais nulle part l'art en tant que tel n'est une marchandise, sauf pour les artistes qui le produisent comme tel, et pour ceux qui l'achètent. Comme l'Homme de l'humanisme théorique, l'Art n'aurait pas d'histoire, et, n'étant donc pas un rapport à historiser, il n'aurait pas de présent... l'Art serait un universel hors du temps et de l'espace. 

Mais voilà : l'art est anormal, anormé, anormalisable. L'art ne dit rien, ou ne devrait rien dire, qui puisse s'exprimer autrement. L'art n'est pas la traduction d'un sens dans la beauté d'une forme : il n'est pas en tant que tel, ce qu'il fait n'est pas, analysable. Cela naît, ou pas, dans une relation à chaque fois singulière et nouvelle. Ce que fait l'art, qu'il ne dit pas, nul n'est moins apte a priori qu'un autre à le sentir, le faire sien pour en jouir : point besoin pour cela de l'expertiser. Mais qu'à cela ne tienne, il faut encore aux normoliseurs et liseuses de l'art comprendre ce qui n'est pas de l'ordre de la raison raisonnante, et passer l'art à la moulinette d'une explication, d'un commentaire, d'une critique, qui prétend savoir ce qu'est la poésie et ce qu'elle n'est pas; à quels critères doit répondre le poème pour être poétique. D'une perception, on fait une norme, un facteur de normose. Les commentateurs de l'art sont des assassins de l'art. L'art n'appelle que le silence dans la relation immédiate.

Confronté aux contradictions de la vie humaine, ayant à traverser les miroirs, l'art est révolutionnaire ou n'est pas. Sa part qui ne l'est pas se détruit en tant qu'art. Où cela se sépare est une question pour chacun, non pour tous : une condition de l'art par tous, non par un (Lautréamont). [ajout 28 janvier 2012 : à condition que tous soient des uns]

30 juin 2006

VOULOIR DÉTRUIRE SA "CARRIÈRE"

De mon mépris souverain pour ces souteneurs de l'Etat et du Capital qui « aiment le peuple », c'est-à-dire le prolétariat en tant que prolétariat  : l'annonce d'une adversité irréconciliable (point de vue singulier sur la Fonction publique centrale d'Etat, et dérive en banlieue dans le « courant communisateur » en passant par la praxis poétique)

« Nous entrerons dans la carrière
Quand nos aînés n'y seront plus
»

La Marseillaise, 1792

« Il faut vouloir ne pas faire carrière »
Bram Van Velde, rencontre avec -, Charles Juliet, POL 1998

En trente-trois ans de travail salarié, ce qui m'aura sauvé c'est de ne pas vouloir faire carrière, et même d'en saboter les possibilités qui se présentaient : prendre tôt conscience qu'il n'y a aucune vie heureuse au bout d'une « réussite sociale » mais au contraire une dépendance accrue, à ceux d'au-dessus comme à ceux d'en-dessous. Il m'a suffit d'observer, autour de moi, de quelque niveau qu'ils partent, à quoi sont réduits ceux qui veulent monter, gagner plus d'argent en commandant aux autres (Bram Van Velde dit encore : “Ce qui m’a le plus frappé au long de mon existence, c’est l’immense lâcheté de l’homme face à la vie. Une lâcheté véritablement sans limite.”).

De l'amitié en milieu professionnel et autour

C'est ainsi qu'aujourd'hui je peux me féliciter d'avoir au travail mes meilleures relations parmi les « ratés sociaux » volontaires ou pas, ceux et celles qui n'ont pas fait carrière, pas voulu ou pas pu mais, en ayant pris acte et loin d'en souffrir sauf économiquement, ayant acquis une sorte de détachement pour ne pas dire une liberté d'esprit et de critique tout à fait précieuse aujourd'hui, ne serait-ce que pour survivre solidaires en milieu ennemi. Voilà entre autres mes ami-e-s de trente ans : des secrétaires, des « petites catégories » comme on dit dans l'administration, des « personnels d'exécution » [sic] ou des « agents d'exploitation » [resic], à vrai dire fort peu exploités mais in fine moins aliénés que la plupart, du moins par cette obligation tacite et largement consensuelle, de prendre "l'ascenseur social", de "faire carrière", sur laquelle repose le clientélisme syndical encourageant le zèle individualiste et la concurrence entre collègues de travail.

Voilà les fondements d'une confiance au long cours qui n'a pas besoin de se parer, comme dans l'extériorité militante plus ou moins bien intentionnée par sa propagande, de cette condescendance pour faire peuple, ou de faire profession d'antiracisme. Parmi les siens, les plus ghettoïsés pour diverses raisons au sein de la fonction publique, on va ensemble comme des poissons dans l'eau, même trouble, à condition de ne pas la boire. Il suffit à ceux à qui « il est odieux de suivre autant que de guider » (F.Nietzsche) de se reconnaître, dans les situations et relations quotidiennes où il s'agit de ne pas tricher.

« Le mépris du peuple »

Trente ans à cultiver le refus de faire carrière, voilà qui porte ses fruits, ceux du respect réciproque et de l'amitié sans affectation. Sans discours. D'apprendre que j'aurais « le mépris du peuple » amuserait beaucoup mes collègues de travail, comme mes amis des cités dont les enfants partagent l'école avec le mien, ou ceux des foyers africains d'à côté que je rencontre tous les jours dans l'autobus qui trimballe nos peines comme sur une scène de blues (avec les Africains, la parole est libérée par tradition).

Je constate d'ailleurs que les violences des derniers événements français (des émeutes de novembre aux manifestations anti-CPE) ont mis en évidence de façon comique si elle n'était tragique le fort succès qu'y ont rencontré les militants « qui aiment le peuple » au point d'assurer son service d'ordre en compagnie de la police d'Etat et des imams (le sabre et le goupillon, nouvelle manière). Je saisis cette occasion délicieuse d'adresser ici mon mépris souverain à ceux que ça arrange de l'entendre comme « anti-populaire », dans la défense contorsionnée de leur populisme de gauche, dont je discute  d'autant moins l'authenticité qu'il le revendiquent "bas" et fort. Ils n'en reviendront jamais d'être considérés, par certains dont ils convoitent les voix, comme des adversaires, plus que politiques, sociétaux. Car ils préfèreraient, par amour du peuple tel qu'il est et doit demeurer (prolo), les changer. La vie va devenir difficile, de ceux qui se prennent pour la quintessence du populaire et pour sa conscience altercapitaliste annoncée. Quant à ceux qui conseillaient aux « racailles » de « mieux choisir les voitures qu'ils brûlent » ils pourraient être servis au-delà de leurs espoirs (voir « La voiture du voisin » Roland Simon, http://meeting.communisation.net/archives/meeting-no-3/les-textes-publies-12/article/la-voiture-du-voisin).

Copains et coquins de la cogestion

De droite ou de gauche, par le chef ou par le représentant du personnel, il est très mal vu de ne pas vouloir faire carrière. Les critères du "bon agent" sont largement partagés par la hiérarchie et les représentants du personnel. La différence n'est que de clientèle et d'appréciation : « s'intéresse ou ne s'intéresse pas à son travail », « mérite ou ne mérite pas une promotion », « sa façon de servir justifie ou non d'augmenter ses primes ». Au demeurant, la plupart des élus du personnel ne connaissent ni les personnes ni leurs dossiers, mais il faut être soutenu par au moins deux syndicats sur trois ou quatre pour que sa promotion soit seulement discutée en Commission paritaire : syndiquez-vous, et au besoin, prenez deux cartes.

C'est, dans ce milieu particulier, une des raisons pour lesquelles beaucoup ne distinguent pas comportements syndicaux et hiérarchiques, puisqu'ils s'opposent aux deux et voient se congratuler les mêmes dans la factice opposition de la co-gestion de leurs carrières, par la grâce de fonctions honorifiques (le comble du fonctionnaire est le fonctionnaire du syndicat, celui du syndicalisme est le syndicalisme fonctionnaire).  Combien de ces représentants du personnel, véritables notabilités locales, sont permanents appointés et promus par l'Etat, qui leur a garanti une carrière plus que moyenne (cela relève d'accords contractualisés), et combien ne bossent plus dans les services depuis cinq, dix, trente ans et plus ? Nul ne doute qu'ils aient bénéficier, sans risques, de carrières intéressantes, avec Congrès aux bords de toutes mers du monde. Nous les retrouvons ensemble, contre nous : en face. Ce qui est réel est rationnel...

Choisir c'est renoncer

Il est tout à fait évident que s'afficher entre amis que j'ai dit, qui ne sont ni les plus zélés ni les moins portés à la plus efficace des grèves permanentes - y compris contre la baisse des effectifs -, cela vous classe assez vite comme infréquentable par ceux qui ont trop peur d'y compromettre leurs propres carrières. C'est un excellent moyen de tenir à distance ceux avec qui on ne fait qu'augmenter les heures d'ennuis, multiplier les conversations de travail pendant le déjeuner, et supporter leurs insipides témoignages de voyages, leurs bavardages constipés sur telle émission de télé (je n'ai pas la télé) ou tel navet du box-office.

La « classe de l'encadrement »

J'ai nommé l'horrible et large couche moyenne des cadres plus ou moins inférieurs ou supérieurs, les champions des faux-semblants de "l'intérêt général" et du "service public", toutes obédiences confondues : il n'y a plus de différence majeure entre un cadre de droite et un cadre de gauche, ce qui le fait fonctionner dans la structure n'étant pas de cet ordre-là, sauf par besoin de s'assurer une tranquillité ou mieux un réseau d'appuis, entre copains de magouilles corporatistes. Se classer politiquement n'est pas des moins efficaces, dans une chasse aux sorcières sournoise autant que vaine, vue l'absence de différence de fond. Qu'ils soient fidèles à leur camp, qu'ils affichent de n'en point avoir ("devoir de réserve" oblige), où qu'ils les traversent avec un sens aigu des opportunités (tel changement de gouvernement, de ministre ou de supérieur hiérarchique) n'y change pas grand chose, ils trouvent toujours, au bon moment, le bon silence à tenir, le bon ragot à distiller, les bonnes pompes à cirer pour monter la bonne marche.

À vrai dire il est pratiquement impossible de tenir une place d'encadrement sans se comporter, même à regret, comme un salaud. Mêmes les plus incapables ont leur place, comme ventres mous, répétiteurs de langage cuit, machiavels de moquette, flics de couloirs ou mouchards de cafétaria, dans cette subtile sociologie de l'administration organisée par les techniques du management participatif ("être acteur de...") et promise à la Gestion prévisionnelle des emplois, effectifs et compétences (GPEEC) à la recherche d'indicateurs [sic] de performance (LOLF = Nouvelle d'orientation de la loi de finances, radicalement modifiée du Premier empire) : « je te tiens, tu me tiens... » fonctionne en réciprocité comme dans les systèmes mafieux.

Dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, il suffit d'ailleurs d'un peu d'expérience de fonctionnaire en relation avec les élus locaux et les entrepreneurs pour savoir que les petites ou grosses corruptions sont parfaitement réparties sur l'ensemble de l'échiquier politique (très intéressantes considérations sur les croisements entre entrepreneurs ou hommes politiques mafieux et mafieux entrepreneurs ou hommes politiques dans « Le monde des mafias : Géopolitique du crime organisé » de Jean-François Gayraud : cela ne va jamais sans acheter ou intimider dans le circuit quelque fonctionnaire bien placé, pas nécessairement très haut, pour qu'a minima il ferme les oreilles, les yeux, et la bouche, comme les Trois singes de la sagesse, sculpture en bois de Hidari Jingoro, temple Nikko, Japon, 15ème siècle).

Ainsi vit et se vautre, dans la Fonction publique, ce qu'Alain BIHR appelle la classe de l'encadrement (voir Encadrement capitaliste et reproduction du capital, Vers un nouveau paradigme marxiste des rapports de classe). De gauche, elle prend ses désirs pour ceux des sans grades qu'elle rêve de manager en eaux plus propres que la droite, mais elle commence toujours par aller à la soupe étatique au nom de sa bonne cause. Constatons aussi qu'elle fournit l'essentiel de l'encadrement politique du démocratisme radical : Bonnes soeurs supérieures de la Fonction publique et Frères militants pour le peuple travailleur, unissez-vous : cocopulez !

L'intuition anti-carriériste

Qu'il ait d'abord été intuitif, pour partie inconscient voire pathologique n'y change rien, mon souci  de détruire ce qui aurait pu me réussir ne se sera pas limité à ma vie professionnelle, puisqu'il a toujours été hors de question que j'envisage une carrière d'artiste dans les moments où j'aurais pu la choisir. Cet horizon de réussite sociale ou asociale, même avec son parfum de bohème, ne m'a jamais semblé davantage porteur ou garant d'un échappement du système, et le peu que j'ai pu en fréquenter m'en aura à jamais vacciné.

De la praxis artistique

Cette pulsion de destruction sociale n'a pas tardé à marquer le type même de mes productions "artistiques". En peinture l'utilisation d'images de presses tout-venant, leur dégradation par transfert sur toile, prolongée du refus d'exposer en galerie ou d'écrire des livres pour l'édition, qui se traduit encore par mon utilisation exclusive d'internet. En poésie l'effacement, par la méthode du collage, de l'écriture personnelle (LIVREDEL, 1990 : « Le but était de dépasser, en l'assumant jusqu'à faire disparaître l'écriture individuelle, le statut d'écrivain, qui reconstruit le monde -son monde- dans son miroir, devenant alors une sorte de metteur en scène d'écrits qui semblent s'imposer à lui. Le titre, qui peut se lire LIVRE-DEL (delate) traduit cette contradiction jusqu'à l'auto-destruction. »). On peut l'interpréter comme la limite entre la production d'une oeuvre et l'auto-destruction de la posture artiste (la poésie doit être faite par tous...). Certes cela n'avait rien de nouveau à l'époque où je l'ai fait, mais c'était par nécessité intérieure, non par imitation ou par posture intellectuelle prétendant faire art de « la mort de l'art ». Moins encore sous influences situationnistes, que je n'ai rencontrées qu'après, et dont j'avais sans le savoir fait peu ou prou ma "prose", tant il est vrai que c'est l'époque qui produit ses idées, et que celles-ci en particulier, surtout dans ce qu'elles ont eu de plus acceptable et de moins révolutionnaire ou théorique, ne furent pas le produit exclusif de l'Internationale situationniste.

Plus que toute autre activité, je l'ai souvent souligné à partir du jazz, la pratique poiétique, la création artistique, relève d'un rapport vivant à l'œuvre en chantier, c'est-à-dire d'une praxis et non d'une pensée mise en actes, où la main serait guidée par la tête pour mettre en oeuvre une idée préconcue selon un projet, un plan, un programme de réalisation : l'improvisation en temps réel n'est pas le propre des arts contemporains de la scène, elle existe aussi dans la peinture, la sculpture, l'écriture et même paradoxalement la composition, comme procédé de fabrication. Quel artiste ne s'est pas affirmé comme ouvrier à l'écoute de son oeuvre ? (Bernard Lubat a ce beau néologisme d'œuvrier).

Nous sommes des abolitionnistes du prolétariat

Tout ceci peut (m')expliquer que je puisse sans contorsions philosophiques saisir comme pratique (au sens des Thèses sur Feuerbach)  le mouvement auto-destructeur d'une classe par elle-même dans le concept de communisation, de révolution accomplie par le prolétariat détruisant ce qui le définit comme prolétariat. Je le saisis parfaitement comme production interne à la contradiction qui est le mouvement du capital, et qui se suffit à elle-même sans besoin d'un antagonisme extérieur de nature humaine immanente ou transcendantale.

Nous n'entrerons dans aucune carrière. Nous les détruirons toutes.

17 novembre 2011

Éloge de mon placard

La mise au placard, quand elle est la raison d'un suicide*, est doublement triste. D'abord, c'est un suicide, ce qui se dispense de commentaire. Mais c'est aussi l'aveu que (seul) le travail tenait en vie.

* Il n'est guère de cas où cette raison est unique, mais beaucoup où c'est celle qui en déclenche d'autres, dans la vie privée.

Le (la...) placardé (placardisé ?) n'est plus véritablement exploité, puisqu'il ne produit rien. Littéralement, il est payé, serait-ce moins bien, à ne rien faire. Se suicide-t-on pour une baisse de salaire ? Relativement pas. Si l'on reste payé, c'est travailler qui manque, parce que c'est la seule activité par laquelle on se croit utile socialement, par laquelle généralement on est reconnu (à commencer sur le lieu de son travail, mais bien souvent par son entourage, la famille...) et qui, si elle ne donne pas toujours un sens à la vie, renvoie du moins l'idée flatteuse qu'on est capable de quelque chose, d'utilité sociale, voire quelque chose de mieux que d'autres, conférant donc un rang hiérarchique. Les cadres supérieurs mis au placard perdant toutes raisons de, et situations dans lesquelles, se sentir supérieurs, leur image sociale s'effondre (le vocabulaire salarial ne prévoit pas "cadre inférieur"). De ce point de vue, pas question de les plaindre.

En résumé, le suicide du placardé est l'ultime absurdité de l'aliénation par le travail comme donnant un sens à la vie.  C'est aussi un complément de l'aliénation citoyenne, à la démocratie et à la politique.

Si l'on conçoit le travail salarié strictement comme source d'un revenu pour vivre, et si l'on n'en a point besoin pour se prouver ses capacités ou les mesurer à d'autres, alors la mise au placard peut être vécue comme une libération. Une libération du travail, même très relative, un desserrement de ses contraintes hors celles de 'faire ses heures'. Naturellement, il faut avoir le cœur bien accroché et de fortes convictions pour supporter, des années durant, l'absence totale de rapports sociaux au travail : ni coups de téléphone, ni courriels, ni visites, rendez-vous, réunions ou conversations à titre professionnel, et bien vite à titre privé dans ce cadre, sauf inodores et sans saveur... Dure expérience, surtout quand on est naturellement porté aux échanges avec les autres, qu'on a été syndicaliste... Il n'est pas facile de tenir le coup - à ne rien faire, ou autre chose que travailler, par exemple écrire ce texte -, parmi des collègues souvent débordés, confrontés aux baisses d'effectifs, qui ne savent pas trop ce que vous faites, et avec qui il est quasi exclu de partager ses véritables (dé)motivations, puisque tôt ou tard, cela pourrait vous nuire.

Il importe néanmoins de ne pas passer pour un glandeur (à ses propres yeux l'on n'est pas un fainéant quand on croit juste de ne faire que ce qu'on a décidé soi-même, et que l'on a par ailleurs des activités où l'on ne compte ni sa peine, ni son temps). Il est bon que l'on puisse vous plaindre, ce qui est généralement le cas, comme victime de « harcèlement professionnel ou moral » (dont la mise au placard est qualifiable juridiquement, alors que la gestion managériale s'est renversée en morale du harcèlement, un management managérial, comme disent les psycho-sociologues, ou socio-psychologues), bon qu'on pense que vous préfèreriez être occupé à travailler. Il faut bien se garder d'en dissuader; au contraire, il faut abonder dans ce sens, laisser croire que vous aspirez à montrer vos compétences – autrefois reconnues -, que vous vous considérez comme victime, et non comme baignant dans le bonheur d'avoir atteint, en attendant la fin, votre idéal du travail en régime capitaliste : un salaire contre rien ! Si (et seulement si) la question se pose, il faut laisser entendre que rien ne vous plairait davantage que vous remettre au boulot, d'avoir cette excellente raison supplémentaire et gratuite de vous lever le matin et de prendre guillerettement le merveilleux RER vers la juste pointeuse.

Il ne faut surtout pas engager de démarche dénonçant ce harcèlement, pas plus auprès des syndicats que de la hiérarchie, parce que cela n'aboutit que rarement en faveur des harcelés, mais surtout parce que, syndicats et hiérarchie partageant la même idéologie du travail, les premiers aideront la seconde à vous redonner du boulot, fut-il bidon, pour éviter l'accusation de harcèlement. Il faut laisser pourrir cette situation de telle sorte qu'avec le temps, les preuves de votre mise à l'écart s'accumulant, on ne puisse même pas vous reprocher de ne rien faire, puisqu'on vous a privé de travail des années durant. Au premier supérieur qui vous cherche des ennuis, il faut laisser entendre que vous pourriez engager des poursuites, mais ne pas en avoir la moindre intention. Il faut également rendre difficile que l'on vous remette au boulot, en exigeant dans ce cas une augmentation, qu'ils ne vous accorderont jamais...

Bien entendu, il ne faut suivre qu'à bon escient les conseils d'ici ou là pour vous ré-insérer socialement au travail, puisque tous, qu'ils viennent de patrons, syndicats, socio-psychologues ou autres associations de défense des vertus du travail, tous sont fondés sur l'idéologie du travail comme nécessaire à la santé psychique par le lien social blablabla, au delà de sa simple nature de contrat salarial. Il faut être intimement convaincu que tout lien social, dans la société capitaliste, est une paire de menottes dont le capital garde les clés.

Si votre objectif est réellement d'être payé à ne rien faire, il faut en assumer les conséquences notamment psychologiques, parce que vous trouverez plus facilement des ennemis que des complices dans la place. Il faut en faire un combat personnel, d'abord intérieur, une sorte de jeu dont vous avez défini la règle, une raison secrète de venir au travail, une démonstration de l'absurdité du rapport salarial. Il faut naturellement se garder de toute provocation trahissant ce "combat" et votre fierté de l'avoir finalement gagné, et par ailleurs savoir que ce jeu est absolument dérisoire, d'aucun effet contre le système, étant singulier et sans valeur d'exemplarité. C'est un "merde au salariat !" strictement individualiste. Avant qu'advienne l'"individu immédiatement social" (sic), encore faut-il qu'apparaisse l'individu immédiatement asocial. J'en suis un.

Pour comprendre que je puisse parler de mise au placard libératrice, il est nécessaire de mettre, en face des inconvénients évoqués bien connus, les avantages incomparables d'une telle situation :

- n'avoir rien à faire pour un chef, un patron, c'est moins de fatigue inutile chaque jour;
- n'avoir rien à demander à personne, ni obéir à aucun ordre, c'est s'épargner la mascarade des catégories, niveaux, grades... Bref, c'est n'être dépendant ni d'en haut, ni d'en bas;
- n'avoir aucun contact ni réunion, donc aucun désaccord, conflit, ni stress en découlant; n'avoir jamais à tenir un rôle de façon schizophrène, etc. C'est s'épargner des dizaines de conversations stupides et creuses avec des imbéciles imbus de leurs fonctions et rang sociaux, ou pire, des conversations paraissant intéressantes avec des gens ayant l'air intelligent;
- n'avoir, une fois rentré chez soi, aucune angoisse professionnelle, aucun insomnie due à quelque mauvaise expérience ou relation, etc. Être entièrement disponible pour ses activités et pour les siens.
- n'avoir aucun dossier, donc n'être jamais en retard pour l'achever, n'être jamais contraint de rester plus qu'on ne souhaite le soir (dans la limite certes des horaires variables), jamais obligé de partir en mission perdre des heures de liberté, jamais prié de fixer ses congés en fonction d'échéances professionnelles;
- être totalement dés-impliqué professionnellement, tenir une place d'observation distanciée, et le cas échéant, s'amuser beaucoup de la façon dont certains, à tous niveaux, se prennent réellement au sérieux, n'imaginant aucune séparation entre leur être social et leur raison d'être; accessoirement, il est bon de s'illusionner un peu, en pensant que l'on est moins ridicule, moins fou (on dit aliéné), voire plus libre (d'esprit, ce n'est pas difficile);
- ne pas travailler, c'est être cohérent avec ce que l'on pense du travail, du rôle réel de l'État et de la Fonction publique – du moins dans le type de fonctions censées être les miennes.

Maintenant que toutes mes lectrices (et lecteurs) sont persuadées des bénéfices (pour moi) de cette situation, il leur faut savoir qu'elle a nécessité des circonstances favorables quasi indépendantes de ma mauvaise volonté, quelques atouts contre l'employeur, des années de construction obstinée, stratégique, tactique, l'abandon de scrupules quant aux aspects cyniques voire pervers envers quelques personnes malgré tout honnêtes qui voulaient "m'en sortir" (du placard), un certain doigté pour ne pas dire un certain talent. Parvenir à être payé à ne rien faire (au demeurant un idéal capitaliste) cela exige des compétences, comme tout travail... C'est mieux quand cela va dans le sens de la nécessaire abolition du salariat. Si je fais des envieux, qu'ils s'y essayent plutôt que d'enrager. Que vienne donc le jour où l'on ne sera plus conduit au suicide pour être mis au placard*, privé de travail, mais pas des moyens de vivre.

* Il va sans dire que la situation économique et la crise font et feront que la mise au placard est et sera de moins en moins une solution managériale, compte tenu de son coût, y compris dans la Fonction publique. En témoigne la Loi mobilité, sur laquelle, comble du sort, on voudrait me faire travailler ! Pour le coup, à la guerre comme à la guerre, me voilà de surcroît objecteur de conscience !

7 janvier 2012

L'ADMINISTRATION DE L'ALIÉNATION

L'administration - la Fonction publique - en tant qu'elle est l'instrument de gestion de l'État comme celui de la classe dominante - le capital - est l'institution par excellence de la collaboration de classe. Tout ce qui défend la Fonction publique, sous l'appellation vertueuse de service public relève, plus ou moins à son insu, de l'idéologie du capital et de l'État.

Cette collaboration de classe est davantage aliénation - des salariés de l'État, du syndicalisme  et de la gauche politique -, qu'exploitation au sens d'appropriation de plus-value, puisque l'action de l'État ne produit aucune valeur, et que les moyens d'actions, de fonctionnement et le salaire de ses agents (fonctionnaires ou pas), sont prélevés, via l'impôt, sur la valeur créée dans le secteur productif de marchandises.

Aux yeux de ceux qui la subissent et l'alimentent, cette aliénation est constamment aveuglée (dans la mesure où d'une aliénation/addiction on peut aussi être conscient sans pouvoir lui échapper, ici l'aliénation se redouble d'être insaisie), par la supposée vertu des missions de service public, dont il est particulièrement difficile de comprendre qu'elles participent de l'organisation, du fonctionnement et de la reproduction globale du système, les capitalistes ne pouvant assurer séparément toutes ces fonctions, y compris dans le plus ultra des libéralismes, comme en témoigne dans la crise le recours aux ressources d'État (via l'impôt) pour sauver les banques, par exemple (2012 nous en apportera une nouvelle et cruelle démonstration).

Plus difficile en tous cas de discerner ce rapport aliéné pour un fonctionnaire que pour un travailleur d'usine ou du commerce, dont la confrontation est directe via l'activité productrice avec la logique du profit, dans la création de valeur et sa transformation en capital additionnel. Il s'agit davantage pour le fonctionnariat d'assurer les conditions générales du retour de la force de travail au moment de l'extorsion de plus-value. L'Etat garantie la présupposition du rapport capitaliste. Cela se décline en fonctions concrètes, selon l'époque.

On peut certes distinguer des missions de service public plus ou moins éloignées de la "vertu" - plus encore les professions de santé que celles de l'enseignement -, et d'autant plus que le contact avec le "public", les "usagers" devenus "clients", est direct, et non activité gestionnaire de dossiers, à distance. Là où je travaille, administration centrale d'État, non seulement cet éloignement (du "terrain") est à son comble mais l'idéologie aussi : celle de l'écologisme d'État sous le vocable de développement durable. Très peu perçu comme service (actions d'ampleur nationale et idéologie) de l'État au capitalisme vert.

Dans ce milieu, les tâches internes de DRH sont elles aussi perçues comme vertueuses aux deux niveaux, de la finalité écologique dont la propagande interne est systématique, et de la préservation d'emplois assurant ses fonctions supports - l'organisation sociétale étatique du développement durable. D'où par exemple les fusions de corps séculaires des Ponts et Chaussées avec les Eaux et forêts, en Ponts et Forêts (sic), grandes écoles et concours liés. Naturellement, cela est caractéristique de la technocratie et de la bureaucratie de toute administration, au sens concret du terme, mais cette gestionnite s'exacerbe aujourd'hui dans un taylorisation informatisée et la division du travail entre tâches de pilotage et d'exécution, y compris au niveau administratif central (nombres de bureaux sont devenus des soutiers sans aucune réflexion associée, ces fonctions étant dissociées dans les organigrammes).

Il en résulte que la plupart des agents (les salariés d'État quels que soient leurs statuts et niveaux de grade), même conscients qu'ils viennent au boulot pour gagner leur vie, pensent que cet objectif n'est pas le seul à faire leur, et qu'en somme ils travaillent pour la vertu, du service public, du développement durable, comme ailleurs dans l'enseignement, la recherche, voire la police assurant la sécurité des citoyens... Leur travail, comme activités, tâches concrètes, leur apparait comme plus ou moins intéressant, et leur rapport au travail toujours déterminé subjectivement par cette illusion source de culpabilisation, au-delà même du fait que tels types de tâches contiennent plus ou moins, en elles-mêmes, toujours un peu d'intelligence, une valorisation source de reconnaissance ou d'auto-satisfaction de leurs "compétences" : savoirs, savoir-faire, savoir-être, dans le jargon managérial déterminant l'employabilité, la mobilité, la flexibilité, la polyvalence..., autrement dit le cumul de plusieurs métiers autrefois séparés - par exemple dans la réforme en cours actuellement les gestions d'actes administratifs et de paye <=> faire plus et 'mieux' avec moins, qui rencontre quelques limites visibles et potentiellement explosives, ou plutôt implosives d'un système menacé d'effondrement sur lui-même comme l'Union soviétique, puisqu'avec moins, l'expérience montre toujours qu'on fait plus mal.

Bref, le fonctionnaire est toujours assez persuadé que son travail est utile à d'autres, et davantage à la société qu'à l'État même, celui-ci de plus déconnecté du capital, hors la lucidité de hauts-fonctionnaires, bourgeois bien conscients d'appartenir à et servir la bourgeoisie classe du capital, position de classe plus que position politique, car ce "sens de l'État" est le même pour des hauts-fonctionnaires de droite et de gauche.

Autrement dit, il n'y a chez les fonctionnaires aucune désobjectivation du rapport social du travail, du salariat. L'idéologie du service aux citoyens fait écran, et même constatant sa remise en cause "ultralibérale", il convient de la défendre en résistant, cad pour ceux de gauche en travaillant bien (les chefs de gauche et les syndicalistes sont plus redoutables de ce point de vue que les droitiers). Du moins cette distanciation ne s'exprime-t-elle pas, car l'exprimer fait de vous une véritable racaille, un ennemi dans les murs, s'attirant inimitiés et ennuis, et vous coupe du consensus de relations tranquilles avec collègues et plus encore hiérarchie.  Relations tranquilles au vécu près, "le stress" provoqué par le manque de moyens, l'austérité nécessaire, concernant le fonctionnement comme les salaires. La relation de travail comme l'idéologie syndicale étant fondées là-dessus, elles ne peuvent remettre en cause le rapport salarial en essence. En résumé, c'est l'idéologie de l'État-patron, d'où la connivence de plus ou moins de dialogue social, et de l'accompagnement syndical du management le plus apte à éviter les retombées inévitables de ce qui est devenu, renversant le harcèlement moral ou professionnel de quelques-uns, une logique managériale, une morale du harcèlement de tous (cf suicides dans la Fonction publiques et mesures psycho-sociales prises pour pallier aux inconvénients les plus visibles... si vous avez des problèmes, les mêmes qui les ont provoqués prétendent vous aider à les résoudre, ce qui ne saurait encourager les réfractaires à leur faire confiance).

Au fil de ces dernières années, j'ai eu de plus en plus de mal à exprimer mes opinions (grosso-modo de plus en plus radicales et communisatrices, et donc entre autres abolitionnistes des rapports salariaux et hiérarchiques). Le faire m'isola de plus en plus, jusqu'à la placardisation (cf plus bas Éloge de mon placard), qui l'un dans l'autre, fut pour moi un moindre mal : à aucun moment je ne l'ai ressenti comme un déni, une non-reconnaissance de mes capacités professionnelles, comme la plupart de ceux mis dans cette situation. Faire des heures vides de toute activité professionnelle et de tous contacts n'est certes pas facile, et complique votre présence même au boulot, mais au bout du compte, j'échappais à tant de situations devenues insupportables que je vivais mieux que beaucoup les acceptant sans broncher, gérant leur stress sous camisole chimique en cachets divers - y compris le cachet de "la carrière" qui monte, ce charme discret de la petite bourgeoisie. Ma carrière a baissé, mon salaire et mes primes avec.

À la faveur d'une nième réorganisation, ma hiérarchie a réussi à me remettre au boulot, sans que je puisse user des ruses qui avaient si bien marché durant presque cinq ans, et qui faisaient mon seul tourment, ma seule cause d'angoisse : comment leur échapper ? J'aurai avec bonheur favorisé des circonstances favorables jusqu'au bout. C'est fini. On reconnait le bonheur au bruit qu'il fait en partant (Jouvet). Me voilà donc à nouveau confronté, à quelques mois de la retraite, à ce rapport quotidien infantilisant, humiliant, qui est la meilleure façon de me déresponsabiliser et de me faire travailler mal. Je travaille ou je ne travaille pas, mais j'ai du mal à travailler mal... Un chef ne pourra malgré lui que me faire mal travailler, sauf à me laisser tranquille. Il n'a pas fallu plus de deux semaines pour que j'explose, et dire à mon chef que tout chef n'est pour moi qu'un "flic du travail", ce qui ne fait pas plaisir, ce simple constat étant pris comme insulte blessante. Cela concerne autant le chef gentil que le méchant, le plus "humain" comme le plus pervers, cynique et sadique comme naturellement la fonction y est poussée, sur la pente des compressions d'effectifs. L'autoritarisme sera de moins en moins larvé, la mise au travail forcé de moins en moins compatible avec la gentillesse. Sans doute le rempart hypocrite de la bonne ambiance d'équipe dont le rebelle trouble le consensus tranquille finira bien par se fissurer un jour, mais là où je suis, l'heure n'en est manifestement pas venue, et trouver des complicités est quasi impossible. On ne peut faire semblant d'être servile sans l'être réellement. Il n'est pas rassurant de désobéir, alors mieux vaut anticiper les ordres et fermer sa  gueule... On se met aux ordres de façon naturelle, et tous les prétextes n'y changeront rien : ceux qui ne remettent pas en cause explicitement le rapport salarial et hiérarchique de l'intérieur ne font que l'entretenir et le justifier.

Au niveau de l'encadrement, je parle essentiellement de l'encadrement intermédiaire et de proximité - je n'ai plus accès à l'échelon supérieur des tireurs de ficelles et d'échelles -, la bonne conscience de ceux qui appliquent (voire inventent) scrupuleusement toutes sortes de mesures scélérates pour mettre en oeuvre la politique d'austérité, y compris à l'encontre des fonctionnaires (sauf à eux-mêmes, les primes dépendent de la façon de servir, collectivement et individuellement), cette bonne conscience est proprement incroyable, planquée derrière l'ordre donné, la règle à appliquer, l'interdit de ceci ou cela... C'est pétainiste à souhait. Pas besoin d'une Le Pen aux commandes; il va sans dire que les fonctionnaires ne lui poseraient pas de problèmes majeurs.

Tout au plus, à exprimer peu ou prou ce que les moins payés ressentent malgré tout comme leur lot quotidien, puis-je conserver un capital de sympathies de longue date acquise. Mais, dans ce contexte, les syndicats n'ont qu'un but, vous faire rentrer dans le rang du travail pour votre bien. Comment pourraient-ils défendre un "anti-travail", quand le rapport salarial est leur raison d'exister ? Toutes leurs critiques portent sur les moyens et salaires qui manquent à un "bon service public" et ils défendent d'autant mieux les "bons" éléments "injustement brimés", sur des critères où ils entrent en concurrence entre eux et avec l'administration. Leur discours ne peut donc, sauf pour la galerie, se démarquer des critères du management hiérarchique. Pas étonnant que l'ambiance générale, via l'accentuation de la crise, semble à la résignation généralisée.

Toujours est-il que dans ces conditions, et en l'absence de situations de luttes collectives, il m'est devenu impossible de continuer. Je vais devoir accélérer ma mise à la retraite, si je veux éviter d'en venir à quelque acte de légitime violence, qui m'attirerait inutilement les pires ennuis, sans plus personne pour me défendre, sauf comme cas pathologique. Mon rapport de force contre l'institution est devenu absolument défavorable, et plus aucune ruse ne fonctionne pour en sortir (les techniques psychologiques du management sont devenues redoutables, si bien qu'en face à face, aucun n'est dupe des objectifs de l'autre, et cela peut se dire de la façon la plus cynique, dans une violence psychologique et symbolique terrifiante, au demeurant de ma part renvoyée réciproquement avec le plus visible mépris).

Pour autant, dans ces quelques mois où il me faut encore tenir après 37 ans dans la boutique, il ne faut pas trop compter sur mon silence. Je n'ai pas eu toute ma vie la dignité de certains combats - y compris en me trompant - pour finir ma "carrière" couché. Vaincu, sans aucun doute, mais pas soumis. C'est dire qu'un certain nombre de personnes, qui s'y attendent le moins, vont avoir le déplaisir de me voir sortir encore de mes gonds et leur envoyer à la face tout le bien que je pense de leur lâcheté, de leur cynisme satisfait, et de leur parfaite adéquation à cette évolution accélérée qui fait d'eux, explicitement, les petites mains consentantes et zélées de la collaboration de classes, d'autant que beaucoup se pensent à gauche. À gauche de quoi ?

À titre personnel, en partant, à ces valets cadres moyens et supérieurs, j'offrirai un choix de mes poèmes concernant le travail et ce que j'en pense, dans l'espoir de provoquer quelques plaisirs ou déplaisirs, voire quelque réflexion rétrospective sur le fait que je me suis foutu de leurs gueules pendant des décennies à un degré qu'ils n'ont pas même envisagé possible de ma part, en quoi ils ne croyaient pas si bien faire en me mettant à l'écart (sic).

De façon moins égocentrique, supposons que la dégradation des salaires et conditions de travail et de vie, dans la crise, conduise progressivement, ou par bonds à la faveur des luttes, les fonctionnaires à se positionner comme les autres salariés ou précaires, dans le rapport salarial, il ne faut pas attendre de leur part des merveilles de désobjectivation de l'Etat et du capital. Ils ont formés les gros bataillons du démocratisme citoyenniste. Ils fourniront ceux qui, jusqu'au bout, défendront l'État, la démocratie, la politique, l'administration des choses d'en haut - à la Saint-Simon plus qu'à la Marx - comme instruments d'une toujours plus virtuelle résistance au capital, mais réellement contre la communisation. En attendant, ils ne sont même pas foutus de s'indigner !

"Anti-travail" et communisation, bibliographie sélective

(en construction, 28 janvier 2012)

Je m'intéresse aux théories et pratiques "anti-travail" dans la mesure où elles entretiennent avec le concept de communisation une relation à la fois intrinsèque et conflictuelle. Intrinsèque parce que le communisme est abolition du travail comme créateur de la valeur - d'usage comme d'échange -, conflictuelle parce que la communisation vise, au-delà d'abolir le travail salarié, l'abolition du capital(isme) comme mode de production fondé sur l'exploitation, l'appropriation du sur-travail des prolétaires dont la force de travail produit la plus-value. La lutte communiste contre le capital contient la lutte anti-travail, mais ne s'y limite pas. Elle s'entend aussi comme lutte pour abolir le salariat, l'économie, l'État, la démocratie, la politique, et d'une façon générale toutes les médiations sociétales définissant les rapports sociaux entre individus réduits à la citoyenneté. Toute la théorie en est initiée par Marx, dans son œuvre de jeunesse concernant la politique et la société civile, dans celle de maturité concernant le travail et le capital.

J'en exclus naturellement toute la critique, par les belles âmes socio-psychologiques, de la "souffrance au travail", dans la lignée de Christophe Dejours, qui ne visent qu'à rendre le travail acceptable. Une utopie capitaliste.

L'administration, le service public, sont le produit, particulièrement français, d'un rapport de forces historique et d'un compromis entre classes, adéquat à une époque donnée du rapport capitaliste, le keynésiannisme à l'apogée de l'État providence, du Welfare, et de la puissance du mouvement ouvrier visant le pouvoir de sa classe -dictature du prolétariat, autogestion, conseils ouvriers, autonomie, auto-organisation...- comme marche au communisme. Nostalgie socialiste. Idéologie programmatiste. Ce temps est révolu. Entretenir cette croyance très française (républicaine, démocratiste, saint-simonienne et proudhonniste), cette foi en la politique et la démocratie contraignant l'économie, relève de l'illusion et de la supercherie politique - le populisme du PCF avec Mélenchon. Idéologie démocratiste. Aucune gauche de la gauche ne peut rien contre la logique de l'exploitation capitaliste, elle ne peut qu'accentuer l'aliénation citoyenniste, particulièrement dans la fonction publique.

Naturellement, l'aggravation de la crise du capital conduira à la prolétarisation progressive des fonctionnaires comme des autres salariés/précaires/chômeurs de couches dites aujourd'hui moyennes. Ils seront alors confrontés au choix d'agir en se situant dans la lutte de classes. Chacun, chacune, se déterminera aussi comme individu visant son intérêt à plus ou moins court terme. Les femmes en auront marre d'être assignées telles. Elles feront mauvais genre des mâles prolétaires.

On trouve sur Internet un grand nombre de sites critiquant le travail, concrètement ou abstraitement. Je me borne ici à des références "anti-travail" dans la perspective communisatrice, en remerciant très personnellement Roland Simon et Nicolas Astarian, dont la fréquentation m'aura déniaisé.

Le travail et son dépassement, Bruno Astarian, Senonevero, http://senonevero.communisation.net/publications/article/le-travail-et-son-depassement-8

Aux origines de l’« anti-travail » Bruno Astarian http://www.hicsalta-communisation.com/bibliotheque/aux-origines-de-lanti-travail

Ouvriers contre le travail, Mickael Seidman, 2010 http://senonevero.communisation.net/publications/article/ouvriers-contre-le-travail

La valeur sans le travail, Jacques Guigou et Jacques Wajnsztejn, Temps critiques, 1999, Présentation et sommaire http://tempscritiques.free.fr/spip.php?page=ouvrage&id_ouvrage=2

Manifeste contre le travail, Groupe Krisis http://palim-psao.over-blog.fr/article-groupe-krisis-manifeste-contre-le-travail-en-integralite-sous-forme-de-brochure-imprimable-52224631.html

Textes contre le travail, Wertkritik, Critique radicale de la valeur, http://palim-psao.over-blog.fr/categorie-11533242.html

Prolétaires et travail : une histoire d'amour ? Gilles Dauvé & Karl Nesic, TropLoin, 2002-2009 http://www.troploin.fr/textes/42-proletaire-et-travail-une-histoire-damour-?start=22

Pour en finir avec la critique du travail, Théorie communiste, 2003, par Roland Simon http://www.anglemort.net/article.php3?id_article=63

Comment peut-on encore revendiquer quand aucune revendication ne peut être satisfaite ? SIC, revue internationale pour la communisation,  2010 http://communisation.net/Comment-on-peut-encore-revendiquer?PHPSESSID=1ee7d714b9929febbab87e55c23b6a74

(...)

Concernant plus particulièrement les antinomies de l'individu et de la société, je renvoie à l'ouvrage éponyme de Georges Palante, ainsi qu'à Combat pour l'individu, qui regroupent des textes tels que L'esprit de corps, l'esprit administratif, L'esprit de classe. L'esprit étatiste. L'esprit de ligue. L'esprit démocratique et l'esprit grégaire... Voir sa bibliographie http://selene.star.pagesperso-orange.fr/

Postface / Diagonale d'un fou et de ses échecs

(en cours, état 28 janvier 2012)

« Jamais je ne travaillerai » Arthur RIMBAUD

Premier livre de poèmes choisis (1). Chemin de traverse, diagonale du fou et de mes échecs - fou m'enfermer dans le travail, fou salarié, fou dans l'État, décennies durant y "gagner ma vie" – échec y perdre mon temps, échec y rester, échec n'en changer rien. Au bout, à bout, plus de tabou, mémoire. Trace. Poèmes. Quotidiens plus que d'autres sont pesants de politique, de théorie (2), de poétique, ou plus légers d'intention, amusement.(3)

Un dit du travail, des transports, d'environs. Bureau, métro, domicile (4). Du surréalisme et autres isthmes d'avant-gardes, vingt ans et plus à rejouer la poésie française, des grands rhétoriqueurs au rap... classique, lyrique, épique, fumiste (5)... Traversant des formes, déréglant des règles, taillant sur mesure, décousant le prêt-à-porter, déchirant mes livres de comptes (6), déridant mes rimes, déchantant mon chant... j'ai calibré mes vers, dévergondé mon vocabulaire en nouveau riche de sa pauvreté.

« Dis donc camarade Soleil
tu ne trouves pas
que c'est plutôt con
de donner une journée pareille
à un patron ?
»
Jacques PRÉVERT

Ces poèmes doivent quelque chose à ceux qui m'ont rendu la vie au travail plus facile ou plus fraternelle; à d'autres, qui d'angoisse, qui de menaces, l'ont allourdie. Tous alimentaient pour le meilleur le pire mon conflit du travail, porté que je fus à le provoquer, sans souci trop du comment, des commentaires, des conséquences, conflit de nécessité invisible, indisible, inaccessible, conflit dérisoire, sans complice et perdu d'avance. Provoquant des situations, ma vie professionnelle fut tout sauf un art de la prudence (7). Metteur en scène fou de mes raisons mêmes, gentil à plaisir, méchant sans loisir. C'est qu'à garder mes pensées rentrées, je serais mort couché dans ce lit de beaux draps sans un pli. Ces poèmes furent l'opium de mon impuissance face à l'aliénation par le fonctionnariat. Les gloses qui suivent donneront un aperçu prosaïque de cette relation au travail.

« Dès qu'il n'existe pas de contrainte physique ou autre, le travail est fui comme la peste. » Karl MARX

La réalité, j'aurai voulu la vivre selon sa structure contre ses apparences, au milieu desquelles se meuvent la plupart (8). Je le savais idéaliste. Tant pis. Quoi d'autre ? Mais à pari de rêve, difficiles réveils. Étrange poétique de la relation (9). Foin de concert station. Loin même de conserve. Décalé des rôles. Allergique aux codes. Intenable aux ordres. Ingérable. C'est qu'avant même de travailler, l'époque l'appelait, je tenais le travail pour lieu privilégié d'un affrontement, et pour nécessaire, plus que la résistance, l'initiative contre son idéologie du temps sous toutes figures, jusqu'aux moins suspectes, jusqu'à mettre un nez rouge aux miennes. L'idée que j'en avais changeait. Ma compréhension se théorisait. Décomptant le nôtre, l'ennemi fait son temps. Il se paye du nôtre, il en sera défait. Ne remettons pas à demain ce conflit d'aujourd'hui. Fuyons si nécessaire, stratagème bien compris d'une guerre sociale (10), fut-elle individuelle en vain. Vraie guerre plutôt que fausse paix, vraie défaite que fausse victoire. Tout cela chambardait mes poèmes, avec le temps.

« L’amour du travail bien fait et le goût de la promotion dans le travail sont aujourd’hui la marque indélébile de la veulerie et de la soumission la plus stupide. » Raoul VANEIGEM

Avec le temps, ceux que j'ai aimés, tant que méprisés d'autres, me sont ensemble devenus  insupportables par la réciprocité de leurs rôles dans ce rapport social du travail pour l'État, à prétexte de service public. Avec en partage un illétriste langage de ce temps. Par ordre, sic, alphabétique : autorisation, avancement, avertissement, blâme, bonification, carrière, catégories, chef de, collaborateurs, communication, compétence, convivial, corps, devoir, dialogue social, discipline, droit, durable (administration), dysfonctionnements, économies, évaluation, faute, galette des rois, gestion, grade, hiérarchique (supérieur ou voie -), horaires, je comprends votre amertume, management, manière de servir, mérite, mobilité, notation, obéissance, obligation (de réserve), parité, pointeuse, porte (ma - est toujours ouverte), promotion, primes, salaire, sanction, savoir-être, service, servitude, sous-chef de, sous couvert de, sympa, suicide, syndicalisme, transparence, urgent, ttu... Turlututu ! Qu'un dictionnaire propose, de cette liste, les contraires. Ce serait un vocabulaire de salubrité publique, un nouveau Que faire ? Une seule solution, le ménage ! Chapeau pointu, cette sourde lâcheté dès qu'il s'agit, pour simplifier, de choisir son camp. Car la plupart des "gens", des "agents" (sic), manquent moins qu'on en doute de "conscience de classe" - l'idéologie du service public est confortable, elle conforte la bonne conscience interclassiste d'habitudes que rien ne secoue. Secouons.

« L’esclavage humain a atteint son point culminant à notre époque sous forme de travail librement salarié. » George BERNARD SHAW

Le travail salarié est aliénation en essence et naissance de l'aliénation. Hors le salaire, les satisfactions qu’on en tire aveuglent sur sa nature acceptée comme normalité sociale, déshistorisée, atemporelle. Mieux que mes positions politiques, attardées, l'intuition, recoupée du quotidien, en nourrissait la conviction théorique (11). Elle habite ma production poétique, comme ce Blues du turbin, de 1983, qui ouvre la sélection, ou, dans les années 80, ma musique d'avant ces poèmes, avec des compositions nommées Saint-Germain l'angoisse, Paris-Auster'Blues... Sorties autorisées.

« Le travail est l’opium du peuple… Je ne veux pas mourir drogué. » Boris VIAN

En quittant ceux à qui j'ai ressemblé décennies durant, je leur offre ce livre pour, selon, leur faire violence à plaisir ou plaisir sans violence. Amours et haines ? Sans doute. Et nos peurs en partage. Car sans la mienne veulerie, j'aurais survécu autrement et ailleurs, plus mal ou mieux, mais loin d'eux. Autres lieux, autres poèmes. Du reste, n'aurais-je jamais travaillé que pour faire ces poèmes, et de ces poèmes, une geste ? (12)

« Ne travaillez jamais !» Guy DEBORD

*

(1) Depuis l'ouverture de mon site en 2004, mes poèmes y sont publiés aussitôt qu'écrits, voire en cours d'écriture. 
(2) Pour le contexte des poèmes, j'adhère à 20 ans en 1971 au PCF que je quitte en 1989, à la CGT en 1975 dont je sors en 1997 pour fonder un syndicat SUD, aussitôt interdit... J'embrasse les théories de la communisation début 2005, année des émeutes françaises en novembre, avant le printemps 2006 anti-CPE...
(3) J'évite ici de parler de "poèmes d'amour". Ils sont de Livredel la colonne vertébrale, comme de toute œuvre poétique... L'idéal surréaliste de marier l'art, l'amour et la révolution est immortel.
(4) La Défense ('Ailleurs'), RER A, Fontenay-sous-Bois ('Fosobo')
(5) Voir, fin 19ème siècle, les poètes fumistes, autour du Chat noir, Cros, Laforgue, Allais, Jarry... "Rimbaud, fumiste réussi"... Cf La fille d'un fumiste, dans Crise en vers
(6) Les 7 premiers Livres de Livredel sont entièrement construits sur 7 et 12.
(7) Baltasar Gracian, L'art de la prudence, ou l'Homme de cour, 1646
(8) Karl Marx, Le Capital III, Le procès d'ensemble de la production capitaliste, Chapitre XLVIII : La formule tripartite
(9) Édouard Glissant, Poétique de la relation, Gallimard 1990
(10) La fuite est le meilleur des 36 stratagèmes, dans l'Art de la guerre, de Sun Tzu, début du Vème siècle av. J.-C.
(11) On trouvera en fin de livre un choix de textes sur l'anti-travail, en tant qu'il participe de la lutte de classes, pour abolir le capital et l'État, et de la lutte de chaque individu pour l'émancipation de tous. C'est le stade auquel m'aura limité mon expérience professionnelle dans l'administration.
(12) La geste est "un cycle de poèmes épiques racontant ensemble des aventures d'un héros" et par extension "un récit à la gloire de quelqu’un, d’un ensemble de personnes, d’un peuple, etc." (Wikipédia). Je laisse donc apprécier dans quelle mesure la présente geste serait auto-glorification (Otto Rank, l'Art et l'artiste, 1929). J'entends encore geste comme oeuvre-sujet, dans le sens où Henri Meschonnic affirme « Il y a poème seulement si une forme de vie transforme une forme de langage et si réciproquement une forme de langage transforme une forme de vie. ». Debord n'a jamais travaillé, et mis la révolution au service de la poésie (Vincent Kaufmann, 2001). Vacciné de ce dernier romantisme, j'aurai toujours travaillé, à la poésie d'un service (public) contre-révolutionnaire.

Note sur la présentation des poèmes

Pour chaque poème, j'ai indiqué la date et l'origine dans Livredel, afin de le situer  parmi d'autres de la même période. J'ai supprimé les images, pour une simplicité d'édition. J'ai gardé certains commentaires, considérant qu'il n'y a pas à créer de mystère plus que n'en produit par lui-même le langage poétique. Les citations voire les titres tantôt éclairent la lecture, tantôt la troublent, en contrepoint.

Sur internet

Mon site, Chambard'oeuvrages, http://patlotch.free.fr/text/

Mes poèmes http://patlotch.free.fr/text/49d727d7-1.html

PLAN DU SITE INDEX