Jazz : Un art moderne et SON ETHIQUE
Le grand artiste dépasse le goût de son époque : il est en condition de se créer son propre public et de lui transmettre son goût original, aussi bien dans le cas où il interprète et découvre les exigences profondes de son époque que dans le cas où il annonce et commente une époque nouvelle et différente.
, Conversations sur l’esthétique, 1966, B6, p. 62Luigi PAREYSON
Ce chapitre se propose d’aborder le jazz comme art, d’un point de vue occidental, en relation avec la tradition et dans la modernité.
Le jazz est un « art », so what ?...
Le jazz est-il un art ou un folklore. Ni l’un ni l’autre, probablement (...) Non pas un art en soi, puisqu’il demeure tributaire d’une structure musicale uniforme, et que son existence est indissociable d’un moment daté de l’histoire de la communauté afro-américaine (...)
Michel-Claude JALARD, Le jazz est-il encore possible ? 1986, p.
Michel-Claude Jalard appartient à cette génération qui fut adolescente avec le jazz, grandissant avec lui, traversant avec lui ses crises de croissance, croyant que leurs maturités se rejoindraient. Elle a voulu qu’ils vieillissent ensemble, en confondant sa propre espérance de vie avec celle d’un mouvement musical inscrit dans le long terme, les bouleversements musicaux avec la vieillesse du jazz, celui qu’elle avait connu, reconnu et nommé. Son « jazz » se devait de mourir avec elle.
On lira à ce sujet les interventions d’Alexandre Pierrepont sur la situation actuelle du « champ jazzistique » (introduction V) et la question du nom, le mot « jazz » (chapitre 4-2).
Le jazz « tributaire d’une structure musicale uniforme », c’est une invention du discours sur le « jazz », pas celle de la musique, ni de ses musiciens. A partir du moment où l’on enferme le « jazz » dans un mot que l’on a soi-même défini, il s’en suit que la chose en sort dès qu’elle ne répond plus à sa définition. A l’époque où Jalard écrivait ces lignes, et pour ne prendre qu’un très connu, Steve Coleman était déjà en pleine activité, revendiquant la tradition tout en bousculant à qui mieux-mieux les structures... Sans parler des années soixante... Structures uniformes ? Bien plutôt l’uniforme que ces sectateurs voulaient tailler pour y enfiler la musique.
Le « moment daté de l’histoire de la communauté afro-américaine » ? Argument plus solide, et c’est précisément une des objets de mon livre de poser ces questions : de quoi est fait ce moment ? ce moment n’est-il pas « dat é » par la conception qu’on en a, d’un jazz né au début du siècle, voire avec ses traces enregistrées - jazz débarquant un jour « J », et pas comme continuité d’une gestation de trois siècles ? de quel mouvement plus long ce moment pourrait-il n’être que la phase naissante ?
En ce sens, je préfère considérer les « jazz » comme parvenus - non à la vieillesse selon Jalard, non même à la crise d’âge mûr avec Dave LIEBMAN - mais à l’adolescence, âge où l’on peut plus ou moins bien ou mal tourner (Marsalis en jeune vieux, non ?...)
J’ai posé, en introduction, l’hypothèse de l’unité plurielle du jazz historique. Un premier intérêt de ce constat, pour l’observateur, est la possibilité de prendre du champ.
Dans un chapitre intitulé Art ou folklore (B1 , Le jazz, une esthétique...p. 49), Gilles MOUËLLIC confirme la « légitimité » (p. 54) du jazz en tant qu’art, avec « sa capacité à évoluer sans cesse tout en gardant ses qualités spécifiques, qui font du jazz bien autre chose qu’un folklore. Disons un art. Un art afro-américain » (p. 55).
Puis il ouvre le chapitre suivant, « spécificités », par cette phrase : « Une fois ce postulat accepté (le jazz est un art), il faut bien convenir de sa singularité » (p. 57)
Certaines des spécificités que dégage Mouëllic sont reprises ici, d’autres dégagées, qui fondent la réflexion de ce chapitre.
La critique n’est pas aisée
L’affirmation « le jazz est un art » a de l’intérêt. Elle n’autorise pas seulement à le définir comme tel relativement à ce qu’il n’est pas : un folklore, un entertainment, un simple musique populaire etc... C’est bien sûr le mérite de ses créateurs et novateurs de l’avoir conquis, arraché en tant qu’art à leurs conditions et à celles de son émergence. C’est ensuite celui des pères fondateurs de la critique de jazz d’avoir mené à leurs côtés un combat pour qu’on lui reconnaisse la dite valeur esthétique.
Reste à savoir ce que les uns et les autres entendaient par « art », puisque l’ambiguité du mot et le poids de l’idéologie dans l’esthétique conduisent à des définitions diverses, voire contradictoires, dont témoignent les conflits entre historiens, critiques et artistes. Notre premier chapitre montre que la dimension afro-américaine du jazz invite à reprendre le concept d’art lui-même, à le sortir au moins de ses approches occidentales et, à coup sûr, de sa conception « bourgeoise ».
Il se trouve que le combat pour que le jazz soit reconnu comme art s’est mené le plus souvent contre ce que d’autres disaient ou voulaient faire du jazz - musique nègre ou de divertissement ou pire : « De la musique, ça ? non ! » (d’un quotidien provincial, en 1948, rapporté par Frank Ténot, JazzMag 483) - ceci dans le double contexte du racisme américain et du point de vue colonial ou impérialiste majoritaire alors dans la tradition occidentale, chez les compositeurs contemporains du jazz, dans les milieux musicaux, et plus généralement dans les milieux intellectuels français.
Le jazz devient « objet esthétique » : quels critères ? quelle critique ?
La critique de jazz s’est construite, de fait, en même temps que s’inventait son objet. Il est donc compréhensible que l’affirmation « le jazz est un art » n’ait pu être prise au sérieux qu’à travers cette difficulté, le combat pour sa légitimation, et qu’on ne se soit que tardivement préoccupé de considérer le jazz pour tout ce qui « lui donne le droit de devenir un objet esthétique » (Mouëllic, p.55) et comme cet objet lui-même.
Je reprends ici la réflexion engagée en introduction : quels critères esthétiques pour l’ « objet esthétique » nommé « jazz » ?
C’est ce qui permet à Gilles Mouëllic de développer sa réflexion en étant libéré de la tâche qu’ont dû assumer ses prédécesseurs. Il le fait en s’appuyant sur certains d’entre eux, mais aussi sur les travaux de Gérard GENETTE, un des seuls esthéticiens qui se soient intéressé au jazz dans ses recherches sur l’art en général. Au long de son ouvrage, Gilles Mouëllic discute les positions esthétiques les plus importantes inspirées par l’étude du jazz, en France essentiellement.
Les lecteurs de Jazz Magazine (en abrégé JMag pour la suite du texte) de juin 2001 ont pu retrouver Gérard Genette, interviewé par Gilles Mouëllic, un an après la parution du livre de celui-ci. Les réponses du premier au second sont venues à point nommé, au moment d’écrire ces lignes, pour renforcer une conviction acquise, une des motivations de cet ouvrage : la critique de jazz - voire le jazz lui-même - a souffert de n’être pas, à part entière et au sens noble, une critique d’art, comme des arts plus anciens ont pu en fonder une : la peinture, la littérature... Sans doute l’aura-t-elle été malgré tout, dans les marges, ou entre les lignes, mais la plupart du temps n’y croyant pas trop elle-même.
A-t-elle été à ce point complexée par « ceux d’en face », qui l’ont bien aidée en cela, qu’elle ne se serait pas assez prise au sérieux ? Pourtant, elle ne plaisantait guère.
S’est-elle trop enfermée dans ses guerres internes ? Mais c’est pourtant au nom de l’art du jazz que certains les menèrent, contre des ennemis de l’intérieur, modernes contre anciens, infidèles-fidèles contre fidèles figés, « révolutionnaires » contre « réacs », avant-gardistes contre revivalistes ....
Fut-elle narcissique, prisonnière en son microcosme, alors même qu’elle cherchait à faire sortir du ghetto son objet ?
N’a-t-elle fait, comme l’écrivent Carles et Comolli, que « constituer l’histoire du jazz sur le modèle idéaliste de l’histoire des arts en Occident : comme une histoire autonome, simple suite de faits et de noms, se réglant elle-même en marge de l’Histoire, à l’abri » ? (p. 71), en y ajoutant, peu innocemment, comme ils le soutiennent, un « arrière-plan » sociologique, un « supplément » expurgé de politique sur les conditions de vie des Noirs américains ?
Admettons que ce « retard » à se pencher sur l’étude du jazz avec les critères de l’esthétique académique nous aura préservé de biens des travers de la critique d’Art traditionnelle et établie. J’avoue que « les miens », amateurs écrivains, poètes, philosophes, historiens, sociologues me furent toujours, malgré les positions combattues par ailleurs, plus sympathiques, plus proches. Peut être par le seul fait d’écrire ou de parler de ce que j’aimais, de m’apporter sur cette chose des informations, des éclairages qui me conduisaient à l’aimer davantage et mieux.
Ils ont pris le Jazz au sérieux. Ils se sont trop souvent pris eux-mêmes au sérieux. Ceux que je préfère auront finalement fait mieux que de la bonne « critique » : ils auront élaboré, merveilleusement, une « poétique » du jazz.
Car seule une poétique, avec sa seconde paire d’oreilles, sa pensée décloisonnée et son intelligence subjective tenant à distance les scientismes, peut rendre compte au plus près de la chose.
andre hodeir, malgré lui...
Un des premiers compositeurs et musicologues sérieux (mais lui non sans humour) à prendre le parti du jazz, et qui lui écrira des lettres de noblesse, est André Hodeir. Bien qu’il soit « insoupçonnable de récupération » (Mouëllic p.57), il reste très pris dans ses ancrages. « Ecrire sur le jazz est apparu longtemps comme une tâche aussi impossible qu’écrire le jazz » (id p.57). Ce qui, dans ses écrits, sent la centralité occidentale se retrouvera plus tard dans la manière dont il voudra sortir le jazz de ses « impasses », après la mort de John Coltrane et le free jazz. Le jazz ne semble chez lui devoir répondre, pour être un art, qu’à des critères que définit la musicologie, même revisitée. En tant que compositeur, son amour de Duke Ellington et des boppers, sa maîtrise de l’écriture pour orchestre et son immense sensibilité le conduiront aux chefs-d’oeuvres qui prolongent en musique les textes de James JOYCE, par la composition/arrangement et « l’improvisation simulée », où les solos sont écrits pour des instrumentistes identifiés, connus du compositeur*.
* Jazz on Joyce : Anna Livia Plurabelle (Cantate pour 2 voix féminines et orchestre de jazz, en 1966) et Bitter Ending, avec les 8 voix des Swingle Singers et quintet de jazz, en 1972.
C’est une chose cependant de faire la théorie de sa propre démarche artistique. C’en est une autre que de vouloir la poser comme solution esthétique, issue de secours du jazz, pour tous....
Donnons lui acte d’avoir écrit en 1970, dans Les Mondes du jazz (Une conférence...) : « En fin de compte, l’évaluation du jazz sur le plan philosophique reste suspendue à ces questions que nous ne pouvons cadrer absolument, faute de recul. Nous les éluderons donc, un fois encore. » (B1 , p.168)
Esthéticiens : sans fard ?
Ce « plan philosophique » nous ramène à Gérard Genette. Il répond aux questions de Gilles Mouëllic :
Q : .... l’absence de références au jazz dans les théories ou histoire de l’art... ?
R : (...) Il y a peu de gens qui s’intéressent à l’art en général et qui tiennent compte du jazz sur un pied d’égalité avec n’importe quelle autre performance artistique, musicale ou autre. Je crois qu’il y a à cela deux raisons.
L’une tient au fait que les musiciens classiques n’ont généralement pas une grande connaissance de la musique de jazz. Ce n’est pas Pierre Boulez qui va aider le jazz à trouver ses lettres de noblesse. Les esthéticiens qui travaillent sur la base d’une considération de la musique sont peu nombreux et ils ne jouent pas le rôle de passeur entre le jazz et l’esthétique en général. Mais la plupart des esthéticiens ne travaillent que sur le terrain des arts visuels. La musique leur est souvent étrangère, elle se retrouve donc dans un ghetto par rapport à ce qui a le culot de s’appeler Art en général. Le jazz n’est présent que comme folklore ou comme prétexte à soirées joyeuses, ou encore comme position idéologique, à la manière de Sartre.
(...) La seconde raison de cette absence... on ne peut pas dire que les amateurs de jazz facilitent la chose. Le monde du jazz a eu une attitude assez agressive, voire méprisante, envers la musique dite classique. Sans vouloir tout mélanger, les amateurs de jazz n’ont pas fait d’effort pour trouver un langage commun avec le monde musical en général. Ce qui manque à beaucoup, c’est le relativisme, au sens positif et actif du terme, c’est-à-dire une capacité à changer de système de références et de valeurs selon le champ auquel on applique sa perception et sa réflexion. La peinture abstraite a appelé un autre système de références et de valeurs que la peinture impressionniste, etc... De même on ne devrait pas juger une improvisation d’Armstrong comme on juge celles de Coltrane : chacun est génial dans son ordre. La relativité des champs artistiques consiste en ce que chacun a son système de références et qu’il ne faut pas juger l’un selon les valeurs de l’autre.
Gérard GENETTE., JMag juin 2001
Ces « deux raisons », dans lesquelles j’en vois trois, faisant deux de la première (dédain du jazz de la part des compositeurs de « grande musique », limites du champ couvert par l’esthétique, mépris du « classique » par la vulgate jazzosphérique), ont leur pertinence, mais elles n’ont pas le même poids.
Quant à sa première raison, ferait-elle regretter à Genette que les esthéticiens ne se soient pas penchés sur le jazz, alors qu’ils auraient pu le faire par l’intermédiaire des musiciens classiques, si ceux-ci avaient mieux connu et reconnu le jazz ? Si oui, regret douteux, et retour de la tentation eurocentriste, puisque faisant dépendre l’analyse du jazz de critères qui ne sont pas les seuls à constituer son esthétique musicale.
Ensuite rien n’empêche les amateurs éclairants du jazz d’en être d’éclairés en peinture, littérature etc... Sans doute n’auront-ils pas été d’assez grands théoriciens... ce qu’affirme également Leroi JONES (Musique noire, B1, p. 19-20 : « La majorité des critiques de jazz étaient des Blancs d’intelligence moyenne... tout, sauf des intellectuels », mais ceci ne concerne plus la France après Panassié).
Enfin on ne voit pas pourquoi l’étude de l’expression artistique serait l’affaire des seuls esthéticiens (le dire, sans fard, au féminin, est assez cocasse). L’esthétique même est une discipline fondée et cloisonnée par la pensée occidentale de l’art. D’ailleurs, pour les autres arts, ce ne sont pas toujours les spécialistes qui voient le plus clair. Ou qui le disent avec une clarté produisant des effets réels. Le phénomène est assez récent de « critiques professionnels », bardés de diplômes en musicologie, en journalisme... à l’ambition de cadres supérieurs faisant « carrière » du jazz. Nos maîtres critiques, à l’instar des maîtres du jazz (titre d’un livre de Lucien Malson) - on peut les assassiner de reproches - mais ils n’ont pas appris leur jazz sur les bancs de la fac.
Je retiens assez volontiers la deuxième raison de Genette : le sectarisme des amateurs, quant au « relativisme », qui leur manquerait dans l’approche des différents arts. C’est une idée féconde, à condition qu’elle ne s’enferme pas dans un formalisme.
La question de la relativité des champs artistiques pourraient revenir dans mon sujet, puisqu’ici je rapproche le jazz d’autres pratiques artistiques.
Tout cela nous amène à reconnaître que pour acquérir une juste notion du caractère social de l’art et des rapports de l’oeuvre avec son public, il faut déblayer le terrain des manières fausses ou insuffisantes de concevoir la communication et l’expression, dont plusieurs esthéticiens aujourd’hui font l’essence de l’art. (p. 56)
Naturellement l’esthétique, du seul fait de rendre l’artiste ou le critique plus conscients de leurs travers, peut influer sur leur comportement, mais cette influence n’est toujours qu’un effet et ne peut devenir une proposition, parce que cela n’est pas du ressort de la réflexion esthétique : il s’agit d’une conséquence secondaire de la spéculation qui, essentiellement, n’a aucun caractère normatif. (p. 121)
Luigi PAREYSON (1918-1991), conversations sur l’esthétique, 1966
Le fait que Genette se réclame de la philosophie analytique, et particulièrement de Nelson Goodman, qui définit l’art comme un mode d’organisation symbolique du monde, ne peut que me rendre suspicieux quant à son approche du jazz. Nous voulons bien que le cas du jazz l’ait conduit à réfléchir à des systèmes de références différenciés selon les arts, mais ceux qu’il se donne me semblent, au vue des résultats, inappropriés. Par exemple, les problèmes que rencontre l’esthétique analytique pour «l’évaluation des oeuvres » me laissent perplexe quant à sa pertinence relativement à l’éthique artistique :
Une oeuvre se fait au moins pour moitié dans le regard (l’oreille) de celui qui la reçoit (Marcel DUCHAMP, ne serait-ce que sur ce point), et de ce point de vue, la relation à l’audience est pour le jazz inséparable de la musique (voir chapitre 1-5). Il ne saurait y avoir d’éthique artistique en dehors du rapport, par l’oeuvre, entre l’artiste et son public.
Après tout le public représente la moitié de la question. (...)
Chacun donne à son interprétation sa note particulière, qui n’est pas forcément fausse, ni vraie, qui est intéressante, mais seulement intéressante en considérant l’homme qui a écrit cette interprétation, comme toujours d’ailleurs.
Marcel DUCHAMP (1887-1968), Entretien avec Pierre Cabanne, juin 1966, Somogy
Je considère ces discours, prenant insuffisamment en compte et ensemble les origines du jazz, sa nature, son fonctionnement, ses intentions et ses effets, comme conduisant à une impasse.
Nous voilà confrontés aux ambiguités inévitables, quand il s’agit de parler de l’art. Car si considérer le jazz comme art devait conduire à déléguer aux prétendus spécialistes la réflexion et le discours à son sujet, il n’est pas sûr que celui-ci s’y reconnaîtrait.
Par exemple :
Quand l’expérience personnelle de Genette lui « confirme la pérennisation d’un certain style qui a commencé dans les années quarante avec le bop. C’est le jazz (qu’il) préfère, (il) ne s’en plaint pas » ; quand il juge « peu intéressante et souvent inutilement polémique » la question « qui est derrière tout celà : le jazz est-il encore vivant ? » ; quand il affirme que « même si le jazz ne semble pas évoluer dans son idiome, cela n’empêche pas l’essentiel : un musicien de jazz se renouvelle sans cesse » ... alors le jazz serait sauvé : « le coeur de la question, c’est l’improvisation. Etre vivant c’est improviser tous les jours. » : on a beau apprécier la formule, et l’écouter respectueusement, on reste circonspect. Et atterré par tant d’ignorance des voix nouvelles qui se font entendres ici ou là.
Car on connaît assez amateurs qui, tout en faisant les mêmes constats, quant au « bop revival », en ont une interprétation moins optimiste, ou qui portent suffisamment d’intérêt à la question du jazz vivant, pour y trouver à foison, sans même les chercher, des réponses positives : au concert, dans les enregistrements etc...
D’ailleurs, on peut se demander comment une question qui serait « derrière tout celà » pourrait être sans importance...
Bien sûr, il n’est pas question de mettre en cause la qualité des recherches d’un « Directeur d’études » à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales, qui a « bien voulu recevoir » un modeste enseignant à l’Université de Rennes, celui-ci en tant que collaborateur d’une revue de jazz longtemps estimée, et qui avoue au premier sa « reconnaissance de dette » dans un livre sur le jazz comme esthétique.... car les trois sont d’abord l’objet de notre respect comme éminents fournisseurs d’informations, de savoirs et de réflexions qui ne se trouvent pas ailleurs.
On voit bien cependant qu’au regard du présent, de l’actualité du jazz d’une part, et de l’autre, du sens de la vie, de l’humain, de l’éthique, le discours du spécialiste ne peut dans ce qu’il dit ici nous servir de boussole.