« Le jazz, c’est ma vie »
Louis ARMSTRONG (B .., p.10)
Il n’y a pas d’art, il n’y a que des hommes.
Alfred de MUSSET (1810-1857) (Eluard, B..., l’art c’est l’homme, p. 7)
Savoir pour pouvoir, telle fut ma pensée. Etre à même de traduire les moeurs, les idées, l’aspect de mon époque, selon mon appréciation, être non seulement un peintre, mais encore un homme, en un mot, faire de l’art vivant, tel est mon but.
Gustave COURBET (1819-1877) (Eluard, B..., p. 8)
Qui donc a dit que le dessin est l’écriture de la forme ?
La vérité est que l’art doit être l’écriture de la vie.
Edouard MANET (1832-1883) (Eluard, B..., p. 7)
L’art et rien que l’art. Il est le grand possibilisateur de la vie, le grand séducteur qui entraîne la vie, le grand stimulant pour vivre...
Friedrich NIETZSCHE (1844-1900), B , p.433
... Mais ce que l’on met en musique c’est toujours l’homme entier, l’homme qui sent, qui pense, qui respire et qui souffre.
Gustav MAHLER
En matière d’art, le créateur authentique n’est pas seulement un être doué, c’est un homme qui a su ordonner en vue de leur fin tout un faisceau d’activités, dont l’oeuvre d’art est le résultat. (...) C’est un premier pas vers la création, que de voir chaque chose dans sa vérité, et cela suppose un effort continu. (...)
Créer c’est exprimer ce que l’on a en soi. Tout effort authentique de création est intérieur. Encore faut-il nourrir son sentiment, ce qui se fait à l’aide d’éléments que l’on tire du monde extérieur. Ici intervient le travail, par lequel l’artiste s’incorpore, s’assimile par degrés le monde extérieur, jusqu’à ce que l’objet qu’il dessine soit devenu comme une part de lui-même, jusqu’à ce qu’il l’ait en lui et qu’il puisse le projeter sur la toile comme sa propre création. B.., p. 322, 1953, « Il faut regarder la vie avec des yeux d’enfants »
DERAIN me dit un jour : « Pour vous, faire un tableau, c’est comme si vous risquiez votre vie »... Je n’ai jamais commencé un tableau sans avoir le trac.
Henri MATISSE (1869-1954), B... cité par Florent Fels, 1929
La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquentpleinement vécue, c’est la littérature. Cette vie qui, en un sens, habite à chaque instant chez tous les hommes aussi bien que chez l’artiste. Mais ils ne la voient pas, parce qu’ils ne cherchent pas à l’éclaircir (...) Grâce à l’art, au lieu de voir un seul monde, l nôtre, nous le voyons se multiplier, et autant qu’il y a d’artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition, plus différents que ceux qui roulent dans l’infini et, bien des siècles après qu’est éteint le foyer dont il émanait, qu’il s’appelât Rembrandt ou Veer Meer, nous envoient encore leur rayon spécial.
Ce travail de l’artiste, de chercher à apercevoir sous de la matière, sous de l’expérience, sous des mots quelque chose de différent, c’est exactement le travail inverse de celui qui, à chaque minute, quand nous vivons détourné de nous-mêmes, l’amour-propre, la passion, l’intelligence et l’habitude aussi accomplissent en nous, quand elles amssent au-dessus de nos impressions vraies, pour nous les cacher entièrement, les nomenclatures, les buts pratiques que nous appelons faussement la vie. En somme, cet art si compliqué est justement le seul art vivant. Seul il exprime pour les autres et nous fait voir à nous-mêmes notre propre vie, cette vie qui ne peut pas s’ « observer », dont les apparences qu’on observe ont besoin d’être traduites et souvent lues à rebours et péniblement déchiffrées. Ce travail qu’avaient fait notre amour-propre, notre passion, notre esprit d’imitation, notre intelligence abstraite, nos habitudes, c’est ce travail que l’art défera, c’est la marche en sens contraire, le retour aux profondeurs où ce qui a existé réellement gît inconnu de nous, qu’il nous fera suivre.(...) Et comme l’art recompose exactement la vie, autour des vérités qu’on a atteintes en soi-même flottera toujours une atmosphère de poésie, la douceur d’un mystère qui n’est que le vestige de la pénombre que nous avons dû traverser, l’indication, marquée exactement comme par un altimètre, de la profondeur d’une oeuvre. (Car cette profondeur n’est pas inhérente à certains sujets, comme le croient des romanciers matérialistementspiritualistes puisqu’ils ne peuvent pas descendre au-delà du monde des apparences, et dont toutes les nobles intentions, pareilles à ces vertueuses tirades habituelles chez certaines personnes incapables du plus petit acte de bonté, ne doivent pas nous empêcher de remarquer qu’ils n’ont même pas eu la force d’esprit de se débarasser de toutes les banalités de forme acquises par l’imitation.)
Marcel PROUST (1871-1922), A la recherche du temps perdu, Le temps retrouvé
L’homme, l’artiste, l’oeuvre forment un tout. L’art du travail intérieur, de l’oeuvre qui ne se sépare pas de l’artiste comme une production extérieure, de cet ouvrage qu’il ne peut exécuter mais au contraire qu’il est toujours, surgit des profondeurs qui ne connaissent pas le jour.
(1884-1955), Le Zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc, 1953Eugen HERRIGEL
En vain fermera-t-on l'oreille au jazz. Il est vie. Il est art. Il est ivresse des sons et des bruits. Il est joie animale des mouvements souples. Il est mélancolie des passions. Il est nous d'aujourd'hui.
André COEUROY et André SCHAEFFNER (1895-1980) , Le Jazz. Aveline, Paris, 1926
La vie des jazzmen d’aujourd’hui mérite toute l’attention des chroniqueurs et des amateurs (...) Elle sera plus tard peut-être une explication fondamentale de leur art .(...) Nos petits fils seront peut-être stupéfaits d’apprendre que tel grand artiste, dont l’oeuvre aura puissamment déterminé le destin musical de notre époque, a travaillé en usine - dans les faubourgs des quartiers noirs d’une grande ville américaine - en attente d’un engagement.
Frank TÉNOT, préface à Jazzmen de notre temps, Raymond Horricks, 1960
A tout le moins il faut considérer que l’art musical négro-américain a apporté un véritable renversement des valeurs : à la musique européenne qui fait passer l’expressivité après la beauté - « fonction supérieure » de l’édifice esthétique - il s’oppose en proposant une hiérarchie contraire. Disons plus précisément qu’il tend à confondre expressivité et beauté : l’oeuvre la plus réussie est aussi celle qui renferme le contenu humain le plus significatif. Nous pouvons nous représenter clairement alors en vertu de quoi des critiques hostiles condamnent l’inesthétisme du jazz.
Alain GERBER, Le jazz et la pensée de notre temps, CdJ 12, 1965
Il s’agit là d’une expérience particulièrement révélatrice, qui éclaircit un point essentiel de la portée ontologique de l’activité humaine, c’est-à-dire le noeud dialectique de contingence et de nécessité, de liberté et de vérité, d’histoire et de pérennité, bref le rapport essentiel qui ouvre la personne à l’être.
Luigi PAREYSON, Conversation sur l’esthétique, 1966, p. 56
Je ne peux rien dire, rien expliquer. La toile ne vient pas de la tête, mais de la vie.
Bram VAN VELDE (1895-1981), peintre, avril 1967, Rencontre avec -, Charles Juliet
La conscience du présent s’harmonise à l’expérience vécue comme une sorte d’improvisation. Ce plaisir, pauvre parce qu’encore isolé, riche parce que déjà tendu vers le plaisir identique de l’autre, je ne puis m’empêcher de l’assimiler au plaisir du jazz. Le style d’improvisation de la vie quotidienne dans ses meilleurs moments rejoint ce que Dauer écrit du jazz : « La conception africaine du rythme diffère de la nôtre en ceci que nous le percevons auditivement tandis que les Africains le perçoivent à travers le mouvement corporel. Leur technique consiste essentiellement à introduire la discontinuité au sein de l’équilibre statique imposé par le rythme et le mètre à l’écoulement du temps. Cette discontinuité résultant de la présence de centres de gravité extatiques à contretemps, de l’accentuation propre au rythme et au mètre crée constamment des tensions entre les accents statiques et les accents extatiques qui leur sont imposés. »
Raoul VANEIGEM, Traité de savoir vivre..., Le renversement de perspective, 1967
La vie d’une oeuvre d’art peut être conçus comme mode d’existence d’une fraction de structure signifiante, qui d’une certaine façon est intégrée dans la structure signifiante totale, c’est-à-dire dans la réalité humaine et sociale.
Karel KOSIK, La dialectique du concret, Hongrie 1967, Paris 1988
Il n’en reste pas moin que la capacité créatrice - l’imagination - exige d’abord une rupture à la fois idéelle et réelle, idéologique et pratique, avec l’existant.
Henri LEFEBVRE, Critique de la vie quotidienne, 1981
L’oeuvre d’art témoigne non plus de l’art, mais de l’être humain qui, par l’appropriation artistique du monde, ne perd pas contact avec lui, mais au contraire s’en fait le témoin. Dans l’oeuvre d’art, l’homme révèle son historicité avec sa vision limitée du monde et de sa gamme limitée d’expression. En ce sens l’oeuvre est un document historique. (...) La forme artistique est une forme historique.
Hans BELTING, L’histoire de l’art est-elle finie, 1983
Non la poésie n’est pas dans le monde, dans les choses. Contrairement à ce que des poètes ont dit. Imprudence de langage. Elle ne peut être que dans le sujet qui est sujet au monde et sujet au langage comme sens de la vie. On avait confondu le sentiment des choses et les choses elles-mêmes. Cette confusion entraîne à nommer, à décrire. Naïveté vite punie. La preuve, s’il en fallait, que la poésie n’est pas dans le monde, c’est que les non-poètes y sont comme les poètes, et n’en font pas un poème. Un cheval fait le tour du monde et reste un cheval.
Henri MESCHONNIC, Manifeste pour un parti du rythme, août-novembre 1999
La mémoire des choses passées est importante pour un musicien de jazz. Des choses comme une vieille personne chantant au clair de lune dans le (backyard) d’une nuit chaude, ou les paroles de quelqu’un longtemps avant. Je me souviens avoir écrit une pièce de 64 mesures à partir d’un souvenir : étant petit enfant, dans mon lit, j’entendais un homme siffler dehors, dans la rue, et l’écho de ses pas. Des choses comme ça sont beaucoup plus importantes pour les musiciens que la technique.
Duke ELLINGTON (1899-1974), comp/arrg/cond, Metro Times NY, Kim Heron, TrA
Je m’intéresse au processus vital. C’est tout. (...) Je suis allé au musée Picasso à Paris . Vous pouvez y passer la journée ; vous savez alors quel genre d’énergie sauvage cet homme avait. Je ne sais pas ce que je fais, si ce n’est qu’il s’agit d’un processus vital qui ne donne pas trop de fruits. Les fruits sont le résultat naturel du processus. La vie continue, et vous la suivez. Les fruits lui sont, en un sens, contingents.
Gil EVANS (1912-1988), p/comp/arg, The Boston Globe, mai 1987, Fernando Gonzales, cité par Laurent Cugny, B2
La musique est comme un voyage. Il faut avoir une carte. Elle est comme un voyage, mais vous êtes sur la route et c’est à vous de faire le nécessaire pour changer les décors, changer les feelings. Vous devez vous attendre à des nids de poules sur la route...
Sun RA (1914-1993), p/comp/arg, DownBeat, février 1993, John Diliberto, TrA
Q : Quelle est, d’après vous, la véritable signification de la musique ?
R : Dans la vie, il vous faut absolument aimer quelque chose ; c’est le seul moyen que vous avez à votre disposition pour échapper à la routine de tous les jours. Or la musique, qu’elle soit s’appelle jazz, musique classique, ou que sais-je encore, est idéale pour cela. Nous avons tous besoin de la musique. C’est elle qui, sans aucun doute, balaie le plus efficacement la poussière de la vie quotidienne. Je suis d’ailleurs persuadé que tous les êtres humains aiment la musique car une personne qui n’aime pas la musique, vous savez ce que cela signifie ? Eh bien qu’elle est fin prête pour le cimetière.
Art BLAKEY (1919-1990), batteur/cond., JMag 95, juin 1963, Clouzet/ Delorme,
La musique est votre expérience propre, vos pensées, votre sagesse. Si vous ne la vivez pas, elle ne sortira pas de votre instrument.
Charlie PARKER (1920-1955), sax/comp, Down Beat sept. 1949, M.Levin/J.Wilson, TrA
Celui qui aspire à devenir un artiste novateur découvre souvent que le chemin le plus naturel pour s’exprimer vient davantage de lui-même qu’avec un matériau imposé. Cela le conduit d’une manière ou d’une autre à suivre plusieurs directions avec plus de spontanéité ; il y a une étroite relation entre la créativité et la spontanéité.
Jimmy GIUFFRE (1921), sax/clar, pochette de The Jimmy Giuffre 3, 1959, TrA
J’écris ou je joue ce que je suis, ma façon de sentir, avec le jazz ou n’importe quoi d’autre. La musique est, ou était, un langage des émotions. Si quelqu’un cherche à fuire la réalité, je n’attends pas de lui qu’il accroche à ma musique... Ma musique est vivante et porte sur la vie et la mort, sur dieu et le diable. Elle est colère, mais elle est vérité car elle sait qu’elle est colère.
Charles MINGUS (1922-1979), cbass/comp/cond, Pochette de The Clown, 1957, TrA
Enfant, j’écoutais Paul ROBESON. C’était comme si chaque chanson qu’il chantait était la réalité. Elle racontait un moment de vie. Je pensais : « C’est comme ça qu’on doit chanter une chanson. » J’ai toujours pensé que si un chanteur ne racontait pas des choses ayant un sens, c’était inutile.
Jimmy SCOTT (1925), chanteur, AllAboutJazz, janvier 2000, Don Williamson, TrA
La personnalité d’un homme est révélée par sa musique. Si la frustration a formé le caractère d’un homme, il jouera comme ça. Et sans suite - une façon un soir, autrement le lendemain. La façon dont vous jouez est une biographie sonore - vos pensées et sentiments.
Oscar PETERSON (1925), p/comp, DownBeat, janvier 1954, The Jazz scene today, TrA
Je pense que la musique, étant une expression de l’âme humaine, voire du comportement humain lui-même, doit exprimer au plus juste ce qui advient. Je sens qu’elle exprime la totalité - toute l’expérience humaine au moment précis où elle est jouée.
John COLTRANE (1926-1967), Frank Kofsky, JC and the Revolution of the 1960s, TrA
... je ne pense pas que la musique ait un style. La musique est une composante de la vie qui exprime des idées. Et on l’utilise pour créer styles, ambiances, états d’esprit; pour soigner, pour danser etc...
Ornette COLEMAN (1930), sax. compositeur, JMag mars 1995
Il n’y a rien de tel qu’une personne créative. Le mieux qu’elle puisse faire est de réfléchir sa créativité... Les artistes imitent quelque chose qui existe déjà. Ensuite il font simplement leurs propres choix.
Ahmad JAMAL (1930), pianiste, JazzArtsMountainWest, Martin Reuzhofer, 1998, TrA
La musique a toujours été une sorte de plate-forme, une manière de dire votre compréhension du monde.(...)
Tous ces gens dans les rues... J’ai écrit une chanson, People on the Street, à propos de tous ces gens qui sont en danger, menacés de tout perdre... Voilà pourquoi je continue d’écrire sur ce qui est, parce que l’artiste a ce pouvoir de vous dire de quoi la vie est faite. J’essaie de dire quelque chose aux gens, mais d’abord à moi-même...
Abbey LINCOLN (1930), chanteuse, JMag 467, février 1997, P. Carles et F. Goaty
L’improvisateur, ou le jazzman, se voit aujourd’hui, plutôt que comme un « musicien », comme un agent d’expression, qui exprime son identité à travers les sons, tout en sachant qu’ils se rapportent à autre chose qu’à la musique. Nous sommes tout autant déterminés par la philosophie, la religion, la poésie, les arts visuels... Nous nous nourrissons d’informations éparses, que nous transformons et traduisons en musique.
Leroy JENKINS (1932), violoniste, JMag 508, octobre 2000, Alexandre Pierrepont
Q : Que recherchez-vous-vous chez les musiciens qui participent au Zawinul Syndicate ?
R : ... Je cherche quelque chose de spécial, pas trop de trucs scolaires dans leur jeu. Quelqu’un qui ait étudié, mais qui n’oublie pas la vie quand il joue.
Joe ZAWINUL (1932), pian/comp/cond, AllAboutJazz, sept. 1999, Paula Edelstein, TrA
... le jazz est un univers où les choses ne sont pas seulement basées sur la musique, où l’art et la vie se mêlent, se confondent même.
Michel PORTAL (1935), sax. cl., JMag 491, avril 1999, Goaty/Ollivier
Q : A ce point de votre carrière, que pensez-vous exprimer ou transmettre par votre musique ?
R : Je pense que ce sont les mêmes choses que j’ai toujours exprimées. Je considère ma musique comme un univers en soi - quelque chose que vous pouvez vivre de l’intérieur et qui est une part de vous-mêmes. La musique nous montre l’existence humaine dans l’activité spécifique de produire des sons. Elle transporte différentes qualités des uns et des autres, des qualités qui peuvent être bénéfiques pour ceux qui y sont exposés. La musique est une activité humaine qui constitue un langage en soi et traduit musicalement une existence. Je crois qu’elle se tient d’elle-même, comme art, son et expression. En un sens, écouter la musique peut être une expérience de transcendance, en ceci qu’elle peut vous rapprocher de certaines énergies qui sont à la base de la vie, et au contact desquelles vous n’entrez pas nécessairement à travers d’autres activités.
John TCHICAI (1936), sax/cl/fl/comp, septembre 1996, Oppro, TrA
Nous crions pour la vie... L’artiste vrai sent les vibrations du milieu dans lequel il vit. Ceci s’est toujours vérifié dans le passé. ça va au-delà du « système ». Un homme qui crée n’a pas le temps de haïr.
Albert AYLER (1936-1970), sax., JMag 462 (Valerie Wilmer, 1966)
Ma rencontre avec Ellington m’a confirmé beaucoup de choses que je pensais, en particulier que musique, esthétique , histoire et événements sociaux sont étroitement liés. Et c’est ce qu’Ellington illustre . C’est probablement dans « My People » que c’est le plus flagrant. Il y dit beaucoup de ses convictions sociales. Le fait qu’il énonce ainsi des valeurs qui sont autres que musicales fait de lui un musicien africain-américain hors du commun (...) Je crois que Duke était conscient de la portée sociale de sa musique.
Archie SHEPP (1937), sax., JMag 492, mai 1999, Christian Gauffre
Si votre vie n’a qu’une dimension - « Oh, je ne fais que jouer de la musique tout le temps »- ça ne suffit pas. Vous devez avoir une vie, avoir des interactions avec les gens, faire des choses juste pour... le plaisir. Et je pense que c’est ce qui vous donne, me donne, à tout le monde, je crois, la passion et la foi pour exprimer les différents aspects humains. Qu’est-ce qui est très très important quand vous jouez, pensez-vous ? Je voudrais être capable de jouer quelque chose, et qu’une personne vienne me dire : « Vous savez, j’aime vraiment ça, je ressens quelque chose qui me rappelle quelque chose dans ma vie... ». En fait cela évoque quelque chose dans MA vie , et c’est cela qu’entend cette personne. Vous devez être capable de relier certaines choses, pas seulement pour vous, mais pour les autres.
McCoy TYNER (1938), pian/comp, AllAboutJazz, 1997, Chris Slawecki, TrA
Q : Dansez-vous quand vous composez ?
R : Il me faut sentir la danse, le mouvement, oui. C’est très important pour moi. J’écoute les différents instruments et je regarde le mouvement des choses, si je vois un oiseau (bruit de battements d’ailes), c’est le mouvement des ailes, ou si je regarde le vent (bruit du vent), cela devient une part de la chanson également.
Jeanne LEE (1939-2000), voc/comp, poète... Le jazz août 2000, Anne Legrand / P. Méziat
Q : Vous développez un concept d’improvisation que vous appelez « PO Music », basé sur les travaux du Docteur Edward de Bono. Pouvez-vous expliquer les idées principales du Dr Bono et le concept de PO Music ?
R : Le concept du Dr Bono vient de mots tels que positif, possible, poétique, hypothèse. Il implique une sorte de pensée latérale dans laquelle les choses sont vues dans un sens positif/possible plus que dans leur signification littérale. Les choses ne sont pas nécessairement telles qu’elles apparaissent.(...)
Gardez en tête votre objectif et tout se passera bien. C’est le concept que j’applique dans mon travail. PO n’est qu’un indicateur de langage pour montrer que le processus de provocation est en place. (...) depuis que j’ai commencé mes séries de PO Music en 1981, je suis allé de plus en plus vers l’improvisation totale. Je suis très intéressé par les formes, les structures, aussi bien que la théorie du chaos, les accidents...
Joe Mc PHEE (1939), sax/tp/tb/comp, Alliance for improvised Music, Walt Davis, TrA
Le jazz représente pour moi une longue chaîne de musique. Je ne fais que suivre ce que les maîtres ont fait. J’essaye seulement de faire du mieux que je peux pour honorer les maîtres de cette musique. Je voudrais dire qu’elle vient de la vie. C’est une musique de culture. Elle s’est toujours manifestée ainsi et le fera toujours.
Roscoe MITCHELL (1940), saxophoniste, AllAboutJazz, juillet 1999, Fred Jung, TrA
Etre un artiste n’est pas une question de perfection, mais de bonté. Je me place dans cette perspective. Je n’ai pas besoin de perfection. C’est toujours parfait. Comprenez-vous ? ce que nous faisons maintenant consiste à révolutionner plein de choses, essayer de comprendre le son et revenir à ce dont il devrait réellement procéder, à l’opposé de ce que veut l’industrie, ce qui la propulse, et qui n’est pas le top... Ils passent tout ce temps à découper la musique en morceaux, puis à remettre le tout ensemble, de façon à ce que ce soit supposé être comme au départ. Ils se sont tellement éloignés de la vraie vie, dans la technologie, c’est pitoyable.
(Hamiet) BLUIETT (1940), sax/cl/comp, Washington Post, sept. 1995, M.A. French, TrA
Ce sont les hommes qui comptent, pas les instruments.
Eddy LOUISS (1941), Duo avec Galliano, Dutilh/Bessières, JazzMan 74, novembre 2001
Je pense que tout artiste n’est qu’un visiteur de la vie.
Donald AYLER (1942), tp, JMag 462 (Valerie Wilmer, 1966)
La musique, c’est fait pour célébrer, annoncer, fêter, se recueillir. Ca devrait être toujours quelque chose de profond, et pas simplement : « Attention, c’est l’heure, on y va... »
André CECCARELLI (1946), batteur...........
Q : D’où vous vient l’inspiration ?
R : Je pense que l’inspiration vient de tout, et c’est merveilleux. Toutes les expériences de la vie, et naturellement, d’écouter de la musique, toutes sortes de musiques. La musique est peut-être la voie la plus directe pour l’inspiration, comme de jouer avec d’autres musiciens, l’interaction. Je peux aussi être inspiré par des expériences visuelles qui me mettent dans une certaine humeur, une certaine émotion et une perspective transposables en musique, et même une expérience sociale peut me faire penser ou me donner une ambiance à convertir en musique.
Tom HARRELL (1946), tp/comp, AllAboutJazz, mai 1999, Fred Jung
Mon intuition me dit que la musique qui littéralement guérit - qui ne fait pas qu’émouvoir - implique que le musicien soit au diapason de l’Univers. C’est pourquoi je suis attiré par la « groove music ». En terme d’accord avec le rythme naturel, le rythme africain est véritablement au centre. Tout dans l’Univers implique des rythme réguliers : mois, années, jours, nuits, marées, cycles des étoiles, rotation des planètes, votre souffle, vos battements de coeur. Même une note est un rythme : un « la » qui bat à 440 par seconde.
Steve TURRE (1948), tromboniste, AllAboutJazz, mai 2000, Don Williamson
Je conçois un album comme un document sur ce que je fais dans la vie. Je vais en studio en compagnie de gens avec qui j’ai déjà joué... Les disques sont l’aboutissement de ce que vous faites jour après jour. Quand j’entre dans un studio, c’est que j’ai quelque chose à dire, c’est pas pour aller à la pêche des morceaux...
Bobby WATSON (1953), sax/cl/fl/p/comp/arg, AllAboutJazz, o 1999, Craig Jolley, TrA
Q : Pourquoi votre musique est-elle liée à la notion, à l’impression de chaos ? New-York ?
R : Il n’y a pas de silence ici, pas d’espace. Le son vous entoure. Ou vous ne l’entendez plus, ou vous en faites de la musique. Les voitures, les gens, le métro, deviennent une musique. Quand vous vous levez, le simple fait d’être debout dans cette ville vous donne
une énergie à brûler... C’est un chaos plus ou moins organisé... Je ne veux pas intimider les gens. Parfois, ce que nous faisons n’est pas très bon. Ce que vous entendez reflète nos vies. Et celles-ci sont parfois chaotiques...
Tim BERNE (1954), saxophoniste, JHot 515, nov. 1994, Romain Grosman
La musique n’est que votre vie exprimée avec des sons. Et votre vie prend du temps pour se développer... Elle change tout le temps . Ce n’est pas quelque chose d’acquis une fois pour toutes. Vous apprenez en permanence et vous progressez en tant que personne... Vous vous cherchez toujours. Votre rapport au monde, ce que signifie être vivant, votre relation à l’univers... La musique n’est en vérité qu’une réflexion sur tout ça. Je dois toujours garder à l’esprit que beaucoup de gens ne voient pas la musique comme ça. Pour eux, la musique n’est qu’un divertissement, ou quelque chose comme ça... C’est très différent de ma conception de la musique.
Steve COLEMAN (1956), sax/comp/cond, AlAboutJazz, juillet 1999, Fred Jung, TrA
La conception de la musique et la façon dont on doit la jouer et se l’approprier sont directement liées à un certain positionnement par rapport à la société, aux gens, à la vie.
Jean-Pierre JULLIAN (1958), compositeur, JMag 501, février 2000, Xavier Matthyssens
... Berklee School of Music... Après deux années de cours et de clichés sur ce que le jazz devait être, l’ennui s’est substitué à l’embarras. Pour exister, le jazz doit se préoccuper d’être en relation avec le monde, et non de se figer dans sa relation à lui-même.
Rob BROWN (1962), saxophoniste, JMag 511, janvier 2001, Alexandre Pierrepont
(Cette) musique est la plus inclusive que je connaisse : il y a en elle une générosité qui la rend prête à accepter toutes les influences, toutes les présences, sociales ou artistiques. Parce que c’est une musique vivante, qui peut se jouer n’importe où, ici et maintenant, et aller au coeur de son environnement en le chargeant de son histoire, de son aspiration à un monde meilleur . L’art peut-il changer la vie ? Nous n’avons cessé de nous poser la question. La musique a bien changé ma vie, mes perceptions et mes représentations ! Et j’ai asssté à de ces choses... Avec Paul Lytton, j’ai fait une tournée dans les coins les plus paumés d’Amérique. Des gens qui n’étaient pas « préparés » à cette musique n’en finissaient pas de réclamer des bis !
Ken VANDERMARK (1964), sax/cl, JMag 513, mars 2001, A.Pierrepont / Gérard Rouy
La raison pour laquelle je joue, c’est l’envie d’apprendre à vivre.
Mark TURNER (1965), saxophoniste, JazzMan 62, octobre 2000, Thierry Lepin
Q : (Stéphane Ollivier, CD Prima Vista)... ça sonne comme de la musique... il y a trente ans. Comment un type de trente ans... ?
R : - Quand on écoute ces grands disque Blue Note, on ressent une continuité entre l’art et la vie... C’est une musique de joie, de tristesse parfois, mais où on sent de la convivialité, une sorte de jubilation... C’est cet esprit du jazz qui m’intéresse.
Stephano DI BATTISTA (1969), saxophoniste, JMag 486, novembre 1998
Pourquoi improviser ? Parce que c’est la vie... Tout s’y trouve : force, fragilité, inconscient, rire...
Sophie AGNEL (19..), pianiste, JMag 505, juin 2000, X. Mathyssens/ F. Médioni