- jazz; l’art et le sens, la spiritualité, la puissance

Le savant, comme l’artiste, se doit à la postérité. Le jour où l’amour de l’art et de la science devient une satisfaction égoïste, l’homme qui sacrifie l’avantage des autres hommes à son plaisir est puni dans son oeuvre même : elle reste enfouie, oubliée, inutile pendant des siècles. (...)

La mission de l’art est une mission de sentiment et d’amour 

Georges SAND (1804-1876), (Eluard, B .., p. 109)

 

La beauté ne sera plus que la promesse du bonheur, c’est Stendhal, je crois, qui a dit cela. La beauté sera la forme qui garantit le plus de bonté, de fidélité au serment, de loyauté dans l’exécution du contrat, de finesse dans l’intelligence des rapports. La laideur sera cruauté, avanie, sottise, mensonge.

Charles BAUDELAIRE (1821-1867), (Eluard, B .., p.60)

 

(Walter) :... « Tu n’es pas un créateur. Tu n’as jamais compris que, pour un artiste, s’exprimer, c’était d’abord comprendre ! L’expression que nous donnons aux choses nous apprend à les bien entendre. Je ne comprends ce que je veux, ou ce que veulent les autres, qu’en le réalisant ! Telle est notre expérience vivante, à l’opposé de la tienne, qui est morte ! Bien entendu, tu diras que c’est un paradoxe, une confusion de la cause et de l’effet, toi et ta causalité médicale ! »

Robert MUSIL (1880-1942), L’homme sans qualités II, 1933

 

Mais bien que l’art soit essentiellement communicatif, il n’en reste pas moins vrai que la communication n’épuise pas l’essence de l’art. Ce serait réduire l’oeuvre d’art à un simple instrument, à un produit consomptible, à un objet d’usage, destiné à disparaître après l’usage et la consommation.

Luigi PAREYSON (1918-1991), esthéticien, Conversation sur l’esthétique, 1966, p. 56

 

Barthes distingue deux voix : celle où chante le code, et celle où chante le corps (la première étant évidemment plus avide de « pureté », donc plus parfaitement occidentalisée...). La différence, Barthes la nomme le « grain » : « ... ce serait celà : la matérialité du corps parlant sa langue maternelle : peut-être la lettre ; presque sûrement la signifiance. » Par là, il assure en théorie le passage de ce qui vaut pour le chant à ce qui peut être dit de la musique instrumentale : qu’il y ait d’une part relation au corps et, de l’autre, accession à la signifiance, c’est-à-dire « descente » du signifiant dans le signifié, en l’absence de tout procèe de signification (...) et Barthes précise ailleurs que la signifiance, c’est « le sens en ce qu’il est produit sensuellement ».

Alain GERBER, le cas Coltrane, 1972, Réd. 1985 p. 128

 

L’homme a besoin pour s’exprimer de communiquer avec autrui et de communiquer par un langage. Ce n’est pas forcément le langage verbal : il peut y avoir d’autres voies, d’autres moyens de communication, soit parce qu’ils s’ajoutent au langage verbal, soit parce que le langage verbal n’est pas possible. C’est par exemple, le cas de certaines maladies psychiatriques qui sont extrêmement sévères et malheureusement trop connues comme la schizophrénie. Quelquefois, on sent que le malade a d’autres moyens de s’exprimer ; si on ne les développe pas, si on ne les comprend pas, si on ne comprend pas son appel, on risque de passer à côté d’une possibilité d’entrer en contact avec lui. Ces autres langages sont... eh bien, le geste, le dessin, le graphisme et aussi la musique.

Jacqueline VERDEAU-PAILLES, Psychiatre, musicothérapeute,

Cahier Recherche/Musique n°6, 1978

 

Le langage social est incapable de rendre compréhensible l’ineffable qui nous habite, nos sentiments les plus profonds. Il ne peut pas témoigner de ce fleuve en perpétuel mouvement, de ce courant qui se dilue dans le temps et qui fait, si l’on croit Bergson, la richesse de notre vie intérieure. C’est à l’art justement qu’incombe la mission d’exprimer cette part informulable de notre monde intérieur. Le créateur, seul et isolé, ressent d’abord au fond de lui-même une « intention », un vie qui tend à se manifester. (...)

L’art n’est pas le langage. Il ne relève pas, sur le plan neurologique, des mêmes dispositifs d’organisation. En fait il met en jeu, selon la forme qu’il revêt, l’activité d’autres structures du système nerveux. (...) la musique de son côté en appelle à un domaine sonore spécifique qui ne concerne ni celui des bruits ni celui de la parole. Par ailleurs, les systèmes de représentations auxquelles renvoient les réalités esthétiques et verbales ne sont pas les mêmes (...) Mais les points de similitude sont par ailleurs trop nombreux pour qu’il soit possible de dissocier totalement les deux processus. On est peut-être en droit de penser que l’un et l’autre relèvent d’un même type de capacité cognitive générale. (...)

Les hommes, quelles que soient leurs origines, les époques, communiquent entre eux par la parole. L’art, de même, produit son propre discours depuis le paléolithique supérieur jusqu’à nos jours, chez les Aborigènes d’Australie, les Esquimaux des grandes étendues glaciaires, les Européens ou les Américains actuels. Resterait bien entendu à définir ce noyau commun.(...)

Dès lors, si l’art n’est pas le langage, il est une forme de langage, au sens où il constitue un moyen de connaissance du « sens caché des choses » et un instrument d’action sur l’univers.

Roger VIGOUROUX, neuro-psychiatre, La fabrique du beau, 1992

 

La musique agit profondément sur le corps et en particulier sur le pouls, la respiration, la tension musculaire, la pression sanguine et la digestion. Des recherches cliniques ont démontré que certaines formes de musique développent de façon significative les capacités de guérison et de régénération de l’individu.

Töm KLÖWER, Percussions et rythmes du monde,

Le pouvoir thérapeuthique de la musique, 1996/ Fr. 2000

 

De même tous les mots ne passent pas dans la vie. La poésie passe dans la vie. Quelle ignorance de l’une et de l’autre il a fallu pour opposer la poésie à la vie, comme le rêve à la vie, comme le langage à la vie. Certains en retiennent un peu, un peu de poésie, ou beaucoup, selon les moments. Selon ce qu’ils ont pris à la vie. D’autres disent selon ce que la vie leur a donné. Qu’ils croient. Mais la vie ne donne rien. Elle passe seulement. Vous porte et vous laisse. Le sens est une des formes de la vie. Mais le sens n’est pas, chacun le sait, la poésie. Bien que la poésie soit du sens. Le sens ne sait que dire qu’il est le sens. La poésie fait du sens même quand il semble qu’elle n’en a pas. Ce qui peut se produire autant quand elle est très simple que quand elle est très élaborée. Bien sûr il ne suffit pas qu’il y ait peu ou pas de sens pour qu’elle soit là. Le rien à dire ne lui tient pas longtemps. Elle déborde ce que le sens peut comprendre. Avec ses moyens, ses traditions, ses limites (...)

Henri MESCHONNIC, Politique du rythme, politique du sujet, 1995, p. 600-601

 

(Sur Georges ADEAGBO, Installateur, « messager », Dahomey)

Cette conception de l’art fait la part belle à l’idée de l’artiste comme homme-médecine, à cette imprégnation par le vitalisme d’une pratique artistique qui est de l’ordre du chamanisme. L’art est doté d’une fonction cathartique, voire thérapeutique. Les oeuvres existent dans un rapport métaphorique avec une force vitale porteuse des grands principes énergétiques qui régissent la vie et la transformation de la matière. L’art communautaire est fréquemment investi d’une telle charge, que ce soit chez les Indiens d’Amérique du Nord, les fabricants de talismans en Ethiopie, les moines tibétains ou les Aborigènes d’Australie.

Joëlle BUSCA, Perspectives sur l’art contemporain africain, 2000

 

Je ne laisse jamais ma bouche dire quoi que ce soit que ma tête ne puisse soutenir. Ha, Ha... Vous pigez ?

Down Beat, septembre 1941

... et notre seul but dans la vie n’était pas de jouer le plus de notes possibles. J’ai été souvent critiqué d’ailleurs, parce que je ne fais pas assez de notes. C’est peut-être vrai, mais celles que je jouais, j’ai essayé en tout cas de leur faire exprimer quelque chose.

Louis ARMSTRONG (1900-1971), trompettiste, JMag 13, janvier 1956 (in B , p. 33)

 

(à propos de I Only Have Eyes for you, du Lester Bowie’s Brass Fantasy)

Ah oui, vous pouvez mentionner que j’aime ça. Cette fraîcheur. Je connais ce genre de vieux feeling de la Nouvelle-Orléans, mais pour moi, c’est nouveau, presque. C’était un bon, grand, honnête feeling. Je pense que la musique est plus importante si elle vous parle, si elle remue quelque chose en vous. Je ne me préoccupe pas du nombre de notes jouées. Comme cela sonne, on sent qu’ils étaient heureux et prenaient du plaisir.

Benny CARTER (1907), sax/comp/cond, Down Beat, déc. 1989, A Legend in Process, Mitchell Seidel, TrA

 

Je crois en Dieu, et je me tourne toujours vers Lui pour m’aider et me guider. Je dois tous mes succès à ce guide. Il est quelqu’un que je n’oublierai jamais.

Lionel HAMPTON (1909), vib/comp/cond, Down Beat, avril 1959, Gene Tuttle, TrA

 

J’estime que la musique est la chose la plus importante du monde. Elle est plus importante que la philosophie, la religion, plus que tout. Rien ne peut être comparé à la musique. La musique peut rassembler l’humanité. Vous ne parlez pas de sculpture, de peinture, de littérature ou de théâtre comme vous parlez de musique. Ce ne sont que des arts. La musique est plus qu’un art : s’il y a un pont entre la vie et Dieu, c’est la musique.

Stan KENTON (1912-1979), comp/arg/cond, JMag juillet-août 1968, cité par Georges Paczinsky, B1, p. 403

 

Le véritable but de la musique est de conduire l’esprit des gens vers la recherche intelligente d’un monde meilleur, et une approche intelligente de la vie future

Sun RA (1914-1993), chef d’orchestre, pochette de Pictures of infinity, 1968, TrA

 

Tout ce que je joue est différent. Différente mélodie, différente harmonie, différente structure. Chaque pièce est différente des autres. J’ai un standard, et quand la chanson racaonte une histoire, quand elle a un certain son, alors cela devient un tout, en profondeur.

Thelonious MONK (1917-1982), p/comp, Down Beat, oct. 1958, F. London Brown, TrA

 

Un musicien de jazz fait de la musique, mais il parle le langage du jazz. On peut le reconnaître comme on reconnaît la langue de chaque pays. S’il joue la musique qui lui est propre, il parle la langue qui lui est naturelle, et cela a un sens que vous pouvez saisir.

Jimmy GIUFFRE (1921), sax/cl/comp/arg, Jazzmen de notre temps, R. Horricks, 1960

 

Diz ne supporte pas la moindre faiblesse. Ce n’est peut-être pas extérieurement apparent, mais c’est sa conviction profonde. Il n’admet pas les défaillances, d’aucune sorte. J’en arrive parfois à penser qu’il adopterait n’importe quelle position pour survivre, sauf celle qui mettrait en jeu son intégrité. C’est ce que j’appelle son côté « renard ». Il n’acceptera pas de sacrifier son intégrité musicale, mais d’un autre côté, il est décidé à surnager au milieu de toute cette merde, à ignorer ce labyrinthe dans lequel les Noirs sont enfermés, plus particulièrement au niveau de la culture en raison de la puissance de cette arme.

Max ROACH (1925), batteur, in Dizzy GILLESPIE, To be or not to bop

 

J’essaye de concentrer mon jeu sur les formes authentiques du jazz. Je connais les aspects techniques de la musique, mais si vous jouez trop or du contexte du jazz, vous revenez à des trucs d’orchestre symphonique. Déjà que certaines musiques qu’ils appellent jazz sont si compliquées qu’elles n’ont plus de chaleur, plus de feeling personnel à transmettre au coeur...

Al GREY (1925), tb, 1960, The World of Count Basie, Stanley Dance, 1980

 

Je suis un amoureux passionné de l’homme. Je parle toujours d’amour, de guérison, et combien nous sommes pleins de beauté...

Joe MANERI (1927), sax/comp, PhiladelphiaCityPaper, août 2001, Nate Chinen

 

(A l’époque où les succès du mouvement des droits civiques commencaient à s’estomper...)

Je n’ai aucun objectif. La seule chose que je veuille, c’est des concerts (gigs). Je sais que je ne vendrai jamais un million de disques, que je ne serais jamais célèbre ou riche. Je veux simplement jouer du piano et soutenir ma famille, pour essayer de garder ma dignité, et plus tard écrire mes mémoires et déballer toute cette merde... Vous saisissez ?

Hampton HAWES (1928-1977), piano/comp, 1982, Notes and Tones, Art Taylor

 

Q : L'humour est-il un élément essentiel de l'univers Solalien ? Je pense à "A non".

R : Ce n'est pas uniquement musical, je ne conçois pas la vie sans dérision, sans humour. Les choses qui ont de l'humour me paraissent aussi importantes que les choses très sérieuses. Cela tient aussi lorsque je joue : la citation a un côté évidemment humoristique. A une certaine époque j'en abusais même. Maintenant cela m'intéresse moins qu'avant, mais je ne refuse pas une idée quand elle arrive; j'en joue trois notes et je dévie le plus vite possible de façon à ce que cela reste du domaine du clin d'œil. On ne peut pas vraiment se prendre au sérieux, mais on peut prendre évidemment son travail très au sérieux, parce que lorsqu'on travaille, on oublie toutes les contingences de la vie, on oublie le temps qui passe, la fatigue... Il ne faut pas avoir peur de se critiquer soi-même, de se tourner en dérision pour arriver à avoir une vue plus juste de la réalité, mais quand on travaille, quand on est en concert, on ne pense pas à toutes choses-là.

Martial SOLAL (1927), p/comp/arg/lead, Citizen Jazz, février 1998

 

... ce qui compte avant tout, ce n’est pas la musique, mais l’homme qui se dissimule derrière elle... Si je suis parvenu à donner un nouveau sens à ma musique, c’est parce que (mes) problèmes (personnels) ont trouvé leur solution. D’ailleurs, s’il n’en avait pas été ainsi, je ne me serais pas senti capable de reprendre mon ténor et de jouer. (...)

(pendant cette période de retraite volontaire, de trois ans), j’ai tenté avant tout, d’apprendre à connaître un peu mieux les gens, à savoir comment vivent les êtres humains de par le monde. J’ai suivi des cours d’anthropologie, je me suis intéressé à la physique... Vous savez, dans la vie, je m’intéresse à une foule de choses. Les problèmes philosophiques, scientifiques et religieux, entre autres, revêtent pour moi une importance capitale et j’espère que, d’ici un an, cela apparaîtra clairement dans ma manière de jouer »

Sonny ROLLINS (1930), JMag 92, mars 63 (B, p.138), J. Clouzet/ M. Delorme

 

Laissez-moi vous dire qu’il est très difficile de transcrire la musique avec des mots...

Je me souviens d’une déclaration de Picasso. Un jour un écrivain demande à Picasso : « Que signifie cette peinture ? », et Picasso a répondu : « Si je le savais, je serais écrivain ».

Dewey REDMAN (1931), saxophoniste, Felix Amouroux, 1999, Jazzine.com, TrA

 

Q : Alors pour vous la musique est une force puissante ?

R :C’est très important que les gens sachent ce qu’est réellement le but de la musique. Ils pensent souvent qu’elle n’est là que pour les divertir. Et c’est certainement un divertissement , mais elle a une fonction beaucoup plus sérieuse que ça. Sans musique et sans art nous aurions vraiment des problèmes sur cette planète. Telle qu’elle est, nous en avons déjà bien assez, mais ce n’est rien à côté de ce que ce serait, pensez-donc ! La musique est vraiment vraiment, une thérapie, très saine pour les gens.

Slide HAMPTON (1932), tp/comp/arg, Trombone Journal, 1994, Bob Bernotas, TrA

 

(...) Le sentiment d’improvisation qu’Ellington fait passer à travers ses oeuvres m’a toujours impressionné. Pour qu’un tel sentiment anime une partition, une seule condition : laisser le tête et le coeur travailler ensemble. Si la tête travaille seule, même avec la meilleure technique du monde, la musique est d’ordinaire artificielle. Mais si le coeur travaille en même temps, la musique est beaucoup plus vivante. Tous vos sentiments peuvent alors affluer librement. Toutes vos pensées également. En effet, vous dites la vérité sur vous-même, et la vérité n’a pas besoin de blesser. Au fond, le jazz a toujours été un homme qui dit la vérité sur lui-même.

Quincy JONES (1933), tp/comp/arg/cond/prod, Jazzmen de notre temps, Horricks, 1960

 

L’Art Ensemble est exactement ce qu’il dit : nous faisons de « l’art ensemble ». Nous essayons vraiment de développer une musique qui stimule la pensée. Nous pensons que la réponse aux problèmes de la société réside dans la capacité à élever le niveau de réflexion. C’est ce que la musique essaye de faire en priorité : donner un coup de fouet au processus créateur . La musique que nous jouons est difficile à expliquer. C’est une musique que nous ressentons véritablement. C’est comme si nous prenions toutes sortes d’éléments, toutes sortes de références, et nous avons la liberté de nous référer à tout ceci à tout moment. Et en même temps à être capable d’écouter et de créer instantanément une situation (...)

Selon nous tout est son. Un accord n’est que le nom d’un son. Ils disent que « do » est une « hauteur » ; c’est le nom d’un son. Un miaulement de chat est un son, un moteur... ainsi de toutes choses. Il y a quantité de sons. Nous essayons d’introduire tous les sons dans la musique. Les sons de la vie. Les sons de tous les jours... les introduire comme une part de la musique. C’est comme une recherche sans fin dans la musique, plus on cherche, plus on va profond en elle, et ainsi de suite...

Lester BOWIE (1941-2000), trompettiste, sept. 1998, Lazaro Vega, geocities.com, TrA

 

Cette longévité (du Workshop de Lyon) me semble due à une coïncidence assez pragmatique chez les musiciens entre le travail de la forme - technique de l’instrument, maîtrise d’un vocabulaire d’improvisation et du codage, pratique de l’écoute fine et de la réponse immédiate, élaboration de constructions éphémères - et la recherche pratique de réponses aux questions de fond. Quand la musique apparaît-elle ? Qu’est-ce qui a du sens dans la production sonore ? D’où vient l’évidence du subjectif ? Le public est-il notre semblable ? Esthétique ou social ?

Christian ROLLET (1948), batteur, fondateur de Free Jazz Workshop de Lyon, Vincent Cotro, janvier 1999 (B..,p. 201)

 

Fondamentalement, je pense que toutes les personnes créatives, tous les gens, ont besoin d’être conscients d’où viennent les choses. Il y a une source à toute chose, une source à la musique, une source à la vie. En d’autres termes, la spiritualité est parallèle à tout ce que fais. (...) C’est un thème sous-jacent à ma musique, chaque album a un thème de ce genre. (...) John Coltrane a cristallisé cette idée, ce concept, pour moi, d’utiliser la musique comme véhicule de transcendance. C’est ce que Coltrane a fait de fondamental selon moi.

David S. WARE (1949), sax, WNUR FM Chicago, mars 1996, Glenn Good, TrA

 

(A Didier Levallet)

D’abord ce sur quoi je suis d’accord, et c’est certainement l’essentiel : la vision globale du jazz comme une musique d’engagement. Il y va dans cette musique de choses importantes, impliquant le plus profond des âmes et des êtres, et il ne qurait être question de réduire le jazz à sa dimension de plaisir (même si heureusement il y en a, et beaucoup). D’où mon assentiement entier quand tu dénonces le risque d’une vision restrictivement hédoniste.

Laurent CUGNY (1955), p/comp/arg/lead... De l’idée de création, CdJ n°1, 2001

 

Q : La musique est-elle, pour vous, le moyen d’atteindre autre chose ?

R : Pour Coltrane, certes, mais aussi pour Parker, Duke Ellington ou Von Freeman : tous ont pensé la musique de cette manière. Qu’on l’appelle mystique, spirituelle ou d’un autre mot, c’est la vie, la façon dont vous regardez l’univers, votre propre cosmogénie. Ce pourrait être la religion, mais c’est encore plus vaste... Les plus grands musiciens sont ceux qui expriment cette façon de voir à travers leur musique.

Steve COLEMAN (1956), JMag 462, septembre 1996, François-René Simon

 

J’essaye d’aller au-delà des notes, du rythme et des accords, une musique peut être très vite stérile quelles que soient les connaissances qu’on croit avoir acquises, ce qu’il faut, c’est une histoire, ce qui permet à un auditeur ou à un musicien d’apprécier un autre artiste si son message est profond et sincère, quel que soit le degré de technique utilisé. C’est ce qui fait que j’ai autant de plaisir à écouter un bon vieux blues ou une sonate de Bach.

Mino CINELU (1957), percussionniste, 12 mars 2000 par S. Barthod (JazzCaen)

 

Un soir j’ai entendu, sur France Musique, le quartet de Coltrane. ça m’a stupéfait. Cette violence-là, différente de celle que j’exploitais en jouant du rock, coïncidait avec mon désir de révolte et mon besoin de l’exprimer. Je me fichais que ce soit du jazz - j’aurais été bien en peine d’analyser cette musique ! Que ce soit en littérature ou en musique, seule m’importe l’émotion que je ressens. Tout ce qui m’invite à me questionner m’intéresse.

Jean-Pierre JULLIAN (1958), comp., JMag 501, février 2000, X. Matthyssens

 

Q : Quand je vous ai connu lors votre " époque française ", il y avait dans votre jeu une espèce de turbulence colérique. À vous écouter aujourd’hui, on constate que vous avez su transformer cette forme de violence en énergie créatrice.

R : C'est vrai. La musique est toujours le reflet de ce qu'on est. A l'âge de trente ans, j'étais quelqu'un de très révolté. Je le suis encore, mais, à la quarantaine, je sais mieux apprivoiser et canaliser sur mon clavier cette force de rébellion. J'ai surtout appris à être beaucoup plus détendu, plus relax, beaucoup moins crispé et nerveux. Je sais aujourd'hui laisser la musique venir, émerger naturellement. Je sais lâcher prise et ne plus jouer ni improviser avec des intentions déjà toute faîtes.Quand on "désintentionne" la musique, c'est toujours son "moi" le plus profond qui fait surface. Cela permet de diminuer aujourd'hui la révolte qui brûle en moi et de l'apaiser en l'expulsant ailleurs. Avec l'âge, j'ai appris à ne plus gaspiller cette énergie en colères inutiles. Aujourd'hui elle s'échappe toujours au bon moment, jamais plus à tort et à travers.

Jean-Michel PILC (1960), p/com, VirginMegapress 52, décembre 2000, Pascal Anquetil

 

Q : Comment vous définissez-vous ?

R : Oh, wow. Je voudrais juste dire que je suis un expérimentateur de langage. Je suis quelqu’un d’obsédé par l’idée que la musique est un langage, et donc qu’à quelque niveau, m^me si elle n’est pas un langage constitué de mots, elle peut dire quelque chose. Je suis obsédé par l’idée qu’une part profonde de l’univers génère ce langage, que ce soit par la pensée ou par un quelque champ d’énergie. Où se fait la connection entre énergie et langage, explorer ce qu’il en est, c’est mon entrée, c’est ce qui m’obsède.

Matthew SHIPP (1960), pianiste AllAboutJazz, juin 1999, Fred Jung, TrA

 

Mary-Lou Williams n’était pas une pianiste tapageuse, à faire étalage de son savoir-faire :

comme Thelonious Monk (...), elle cherchait à donner du sens à chaque note, elle pouvait concevoir une oeuvre à partir de son expérience de vie. (...) Ce n’est pas pour rien que Duke Ellington a déclaré que sa musique était « de l’âme pour l’âme » : on en perçoit tout de suite la portée , et plus on l’écoute, plus on descend profondément dans la musique... On ne pourrait presque ne lui trouver aucune surface tant elle est que profondeur...

Dave DOUGLAS (1963), trompettiste, JMag 505, juin 2000, A. Pierrepont

 

... vous pouvez facilement transcrire tous les morceaux et tous les solos, l’essentiel est de sentir et de relever la substance, ce qui touche le coeur. (...) Vous pouvez apprendre certains thèmes et certaines lignes et ce genre de choses. Mais le plus important est d’être d’accord avec ce qui vous touche et de le connecter à la msique, avec ce que la musique peut exprimer.

John MEDESKI (1965), p/org/cl/comp, AllAboutJazz, avril 1999, Mike Brannon, TrA

IndexARMSTRONG Louis (trumpet, voc, lead) ; BAUDELAIRE Charles (écrivain) ; BOWIE Lester (trumpet, comp, lead) ; BUSCA Joëlle ; CARTER Benny (sax, trumpet, violon, com, lead) ; CINELU Mino (percussionniste, comp) ; COLEMAN Steve (saxophoniste, comp, arg, lead) ; CUGNY Laurent (pianist, comp, lead) ; DOUGLAS Dave (trumpet, comp, arg, lad) ; GERBER Alain (écrivain, critique jazz) ; GIUFFRE Jimmie (clar, sax, fl, comp, arg, lead) ; GREY Al (trombone) ; HAMPTON Lionel (vibra, p, drums, comp, lead) ; HAMPTON Slide (trombone, comp, arg) ; HAWES Hampton ; JONES Quincy (trumpet, comp, lead) ; JULLIAN Jean-Pierre ; KENTON Stan (leader, comp, arg, pianiste) ; KLÖWER Töm ; MANERI Joe ; MEDESKI John (pianiste, org, comp, lead) ; MESCHONNIC Henri (poète, théorie du langage) ; MONK Thelonious (pianiste, comp, lead) ; MUSIL Robert (écrivain) ; PAREYSON Luigi (philosophe, esthétique) ; PILC Jean-Michel (pianiste) ; RA Sun (leader, comp, arg, pianiste) ; REDMAN Dewey (saxophoniste, comp, lead) ; ROACH Max (drums, comp, lead) ; ROLLET Christian (drums) ; ROLLINS Sonny (saxophoniste, comp, lead) ; SAND George ; SHIPP Matthew (pianist, comp, lead) ; SOLAL Martial (pianiste, comp, arg, lead) ; VERDEAU-PAILLES Jacqueline ; VIGOUROUX Roger (neuro-psychiatre) ; WARE David S. (saxophoniste, comp, lead)
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